Quatrième volet de la saga Rabbit. Enfin. Après avoir lu ses aventures en milieu de vingtaine, trentaine et quarantaine, on retrouve le protagoniste dans sa cinquantaine bien avancée. Voir l'évolution d'un personnage à autant d'intervalles est toujours intéressant comme expérience. Je pense entre autres au film Boyhood. Ceci dit, je me sentais moins d'affinités ici avec Harry Angstrom. Dans
Rabbit en paix, ses affaires (sa concession de voitures) vont plutôt bien. Pas d'ennuis financiers bien que, comme tout homme n'ayant pas vécu dans l'opulence, l'argent reste une préoccupation. Toutefois, c'est la santé qui se détériore, bien qu'il ne soit pas attentif aux signes. Après tout, un homme au faîte de sa vie se croit indestructible. Néanmoins, il sait qu'il n'est pas éternel et l'avenir l'inquiète (ne serait-ce qu'inconsciemment). L'idée de laisser derrière lui quelque chose de pas très solide le tracasse. Incidemment, il ne sent pas que son fils est à la hauteur. Ce dernier a deux enfants et un travail de vendeur de voitures dans la boite. Rabbit trouve cela insuffisant. C'est ironique parce que lui-même n'était pas en meilleure posture à cet âge. On se rappelle qu'il avait abandonné sa femme enceinte de leur deuxième enfant (bien qu'il soit rentré au bercail éventuellement, après bien des péripéties), couchant à droite et à gauche, sans boulot stable. Tout ce qu'il est devenu, il le doit à l'argent de son beau-père.
Ces éléments étaient déjà présents dans le tome précédent, j'avais un peu l'impression de tourner en rond. D'autant plus que le roman est un peu long (presque 500 pages dans l'édition anglaise) et la plume de
John Updike, ordinaire, sans plus. Il faut dire que cette histoire réaliste se veut le reflet de la vie d'un Américain ordinaire, le besoin pour les fioritures est moins présent. Encore une fois, ce qui rend les aventures de Rabbit intéressantes (à mon avis), à part la thématique d'un homme qui connait le succès et qui s'inquiète du legs qu'il laisse, c'est la reconstitution de l'époque. Nous sommes en fin de règne du président
Ronald Reagan (1989), les campagnes de sensibilisations au SIDA vont bon train, l'arrivée de plus en plus importante de marchandises importées sur le marché américain soulève des inquiétudes. Bref, une période de bouleversements politiques, sociaux, économiques, culturels… Les nostalgiques de l'époque vont sourire à la mention de la sortie de films comme Karate Kid III et Ghostbuster II ou bien d'émissions de télévision comme The Jeffersons ou Family Ties (pour ne nommer que ceux-là). L'attention portée tous à ces petits détails font en sorte que ce roman est une photo d'une époque révolue où tout était encore possible, incluant le rêve américain, quoiqu'on commençait à se rendre compte de ses limites.