« À tous ceux qui crevèrent d'ennui au collège ou qu'on fit pleurer dans la famille, qui, pendant leur enfance, furent tyrannisés par leurs maîtres ou rossés par leurs parents, je dédie ce livre ». Ainsi le préambule de
L'Enfant de
Jules Vallès, qui est une sorte de mode d'emploi de l'enfance de Jacques Vingtras. Fils d'un professeur de basse extraction et sans appui au sein de l'enseignement, ce que les proviseurs et les collègues de son père mieux nés ne cessent de lui rappeler, et d'une mère fille de paysan, qui a grand soucis de sa condition de "femme de professeur" sans en avoir cependant les codes, Jacques peut compter sur les coups de ses parents à la moindre occasion.
Accédant au collège grâce au statut de son père Antoine, Jacques n'a cependant que faire des cours de latin et de grec. Au gré des nominations de son père et des déménagements de sa famille, du Puy à Saint-Etienne, puis à Nantes, c'est la même bêtise de ses professeurs qu'il rencontre, le même souci de la place sociale, qui est pauvre, qui ne l'est. C'est lors de son envoi en pension à Paris, et alors que sa mère est venue le chercher après qu'elle et son mari ont roulé le logeur de Jacques, qu'il découvre grâce à son ami Matoussaint le monde de l'imprimerie et du journalisme, par lesquels circulent des idées révolutionnaires. Jacques, qui s'était toujours senti « déplacé » dans le monde des professeurs, se trouve au contact des vrais gens, qui ressemblent aux paysans de son pays et de sa famille, à son oncle compagnon : « Jai été mêlé à la foule, j'ai entendu rire en mauvais français, mais de bon coeur. J'ai entendu parler du peuple et des citoyens, on disait Liberté et non pas Libertas. »
Au-delà de l'histoire de Jacques Vingtras, c'est bien de l'histoire mouvementée du XIXème siècle dont il est question.
Jules Vallès, qui décrit le carcan de la société provinciale, puis la Commune de 1871 en germe dans l'épisode parisien, a été l'un de ses acteurs. Les droits de l'homme, et souligne Jacques dans un drôle d'écho à notre époque, les droits de
l'enfant, les ouvriers et paysans face à l'homme instruit, l'injustice, l'inégalité, la violence dans les rapports familiaux, de classes, la religion et les Anciens comme seuls modèles valables, autant de sujets abordés et qui font découvrir un temps pas si lointain dont le nôtre est directement issu. Vivement le Bachelier et L'Insurgé !