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3,73

sur 1298 notes
J'avoue ne pas avoir perçu, quand j'ai découvert ce livre adolescent, l'immense talent de plume de son auteur.
Dire que le bouquin constitue une autobiographie partielle est un doux euphémisme. C'est bien davantage.
Il est des choses qu'on ne peut inventer. Je ne sais pas si des psys se sont penchés sur la question, mais il est probable qu'avec les deux parents, fussent-ils pris séparément ou ensemble, on a affaire à deux sujets d'anthologie.
Aujourd'hui, on va étudier le pervers narcissique. Madame Vingtras, s'il vous plaît, on vous demande ! C'est la deuxième porte à gauche, le, divan vert.
Contrairement à notre ami babelionaute olivberne, dont j'ai adoré d'ailleurs la critique, je ne trouve pas le livre long et difficile à lire, bien au contraire. On peut se laisser emporter par ce flot terrible, certes, de méchanceté, de mesquinerie indicible, mais il y a derrière cette écriture aux phrases courtes des pointes d'humour noir, une façon d'observer son prochain avec une saisissante lucidité, et aussi, ce sera encore plus flagrant dans les deux volumes qui suivent, une incroyable et naturelle bonté du narrateur qui sourd, malgré tout ce qu'il ramasse sur la tronche.
Une autre babelionaute, madameduberry, parle de « l'éprouvante description d'une enfance et de sa misère affective »
Je crois qu'on ne peut mieux résumer le sujet, tant dans l'élégance de la forme que dans la justesse du fond et j'espère que madameduberry et olivberne me pardonneront de les citer, au lieu de bâtir ma critique tout seul comme un grand.
Vallès alterne les horreurs parentales avec des bontés parallèles : son oncle, la vieille demoiselle voisine, des enfants rencontrés en dehors, avec qui Jacques noue des liens très amicaux et purs. Ça nous fait respirer un peu.
Ce qui m'a le plus fait priser la narration réside dans la modernité du jugement. Globalement, on ne frappe plus les enfants dans les établissements scolaires, ce qui constitue une belle victoire de l'humanité sur la brutalité tolérée d'une longue époque, mais la vision de l'institution elle-même, qui se développera encore davantage dans le second volume, demeure criante de vérité et a, hélas, bien peu changé. L'ambition à la petite semaine de certains fonctionnaires, le pouvoir d'emmerder de moult chefaillons, la morgue prétentieuse d'autres, ou leur servilité suivant le moment, tout cela est drôlement bien vu, mon vieux Jules.
De même, des familles entières ont élevé, bien que ce ne soit pas du tout le terme adéquat, leurs enfants dans une violence larvée ou ouverte, et c'est bien triste, légitimée. Par la société, l'entourage, la famille. On ne contrariait pas la brute avinée qui levait la main, ou pire, sur sa famille. On agissait en cachette, sans se faire voir, pour tenter de faire un peu de bien aux victimes. Même s'il reste beaucoup à faire, on a avancé de ce côté-là, au moins.
La narration du révolutionnaire diffuse un rythme enlevé à l'ensemble. Les phrases, comme les chapitres, donnent dans le bref. C'est incisif, suffisant. Les références aux auteurs latins et grecs, qu'on distinguera aussi dans les volumes suivants, s'avèrent pertinentes autant que remarquables. Il est clair qu'elles peuvent dérouter de jeunes lecteurs. Vallès était né en 1832, ça fait quand même presque deux siècles. S'il n'avait connu ses deux horreurs de parents, qui lui ont parfaitement pourri la vie, on aurait pu considérer sa chance d'avoir eu accès à une belle instruction, vu l'époque. L'enseignement classique dans toute son ampleur. Ce qu'on appelait à l'époque, faire ses humanités. On considérait (à mon humble avis à très juste titre), que l'exploration du latin et du grec permettait de mieux appréhender la langue française. Cela dépassait de loin la simple étude du français ; n'oublions pas que la philosophie, au début, consistait essentiellement à approfondir les grands mythes de l'humanité, ce qui n'est pas rien.
On n'imagine pas à l'époque, la difficulté d'un enseignant à s'établir une place dans le métier.
La fin du livre laisse augurer une suite. On se doute bien que ce grand adolescent va continuer sa route et on espère qu'il va laisser ces souffrances derrière lui.
Sa région est aussi essentielle. Vallès est né dans le Velay, une région âpre, rude, mais dont il adore la nature et ceux qui la travaillent. En fait, il va lutter pour ne pas devenir un intellectuel. Il aimerait devenir ouvrier, ou paysan. Travailler avec les autres, dans les rires, le dialogue, les plaisanteries. Sa destinée sera autre, mais il revendique les racines de cette terre.
En tout cas, ce volume, un grand classique, n'a pas pris une ride.
Ce n'est que mon avis !
Merci Jules !




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Interessant témoignage de l'enfance de Jules Vallès ;père professeur mais peu considéré ,mère d'origine simple mais ambitieuse ,qui considèrent que la meilleure éducation consiste en châtiments corporels sans aucune manifestation sentimentale .Enfance malheureuse mais résignée ,style alerte ,vif ,plein d'humour.
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Quelle lecture! Je découvre ici le premier pan de la vie de cet auteur. Quelle enfance malheureuse! A travers le récit de ses malheurs, il présente une réflexion évolutive sur l'éducation par la famille. Grandir sous l'autorité d'un père enseignant semble lui avoir donné une vision négative de ce métier au point de vouloir devenir l'inverse... Cela donne à réfléchir!
L'auteur a eu la finesse d'intégrer beaucoup d'ironie afin d'alléger ce récit.
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Deux étoiles, une pour l'auteur, une pour l'enfant, par compassion posthume parce que quatre cent pages de souffrance, d'humiliation, de maltraitance, de tristesse même dans la joie, c'est dur ! Souvenirs et anecdotes s'enchainent sans jamais que l'on puisse trouver de répit car même lorsque l'enfant ne subit pas, il culpabilise et s'autoflagelle ! Seules les toutes dernières pages laissent entrevoir une trêve qui permettra peut-être la lecture du Bachelier. Il s'agit là d'une lecture couteuse et frustrante, chagrine où seule l'ironie austère, preuve du recul de l'auteur devenu adulte, permet de tenir la distance.

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Reprise-réécriture de son roman autobiographique Testament d'un blagueur paru en feuilletons en 69-70, Jules Vallès prend encore plus de distance avec lui-même en temps que sujet (il utilisait déjà un procédé littéraire pour attribuer les propos et la vie racontée à un autre), se raconte désormais par le biais de l'auto-fiction (sans toutefois cacher qu'il s'agit d'une autobiographie). Jacques est un alter-égo qui a une vie semblable, les mêmes initiales, mais nullement superposable. À la manière de ce que feront Proust et Céline, Vallès prend ses libertés avec l'exactitude des souvenirs et de la chronologie… L'important est de rendre la charge émotionnelle, d'un passé déformé tel que le voit l'adulte, d'en faire ressentir la pesanteur par le lecteur. Il ne s'agit pas de réinterpréter le passé en lui donnant un sens prémonitoire expliquant le présent (comme Sartre dans Les Mots qui se voit écrivain dans son berceau), mais de donner une forme à ce passé, vrai ou non, une forme et une puissance à la hauteur de ce qu'il représente pour la personne qui l'a vécu, ou subit…Pour ce faire, c'est dans l'écriture même, dans le style, plus que dans les faits racontés, que se situe l'émotion. L'écriture, plutôt réaliste en apparence et intégrant un parler-peuple à la manière de Zola (L'Assommoir obtient un grand succès deux ans plus tôt), tient plutôt du symbolisme car ce parler-peuple contamine la voix et la narration, et la voix néglige la structure académique de la langue pour suivre une sorte de folie personnelle, l'emportement de la pensée, procédé typique du symbolisme décrit notamment par Rémy de Gourmont dans L'Idéalisme en 1893. C'est dans la gradation hyperbolique (énumération de plus en plus incroyable) que cet aspect est le plus flagrant. Vallès trouve et procure un réel plaisir de la succession rapides de mots évocateurs et exagérés qui rappelle inévitablement le style de Céline à partir de Mort à crédit. La proximité entre les deux est d'ailleurs évidente. Dans le style entremêlant finement tournures classiques de l'écrit et parler-peuple pour donner cet effet de langue orale. Si Céline prendra le contre-pied politique de Vallès, son Ferdinand enfant toujours maltraité qu'on trimbale à droite à gauche, avec sa merde qui lui colle aux fesses, est une évidente reprise de Jacques Vingtras, tout comme ce narrateur mi-naïf mi-malin qui entremêle voix de l'enfant vivant les choses et celle cachée de l'adulte qui les commente. Comme si l'adulte racontant jouait à l'enfant (à la manière de Gosciny dans le Petit Nicolas par exemple), imitait sa voix, sa bêtise, sa naïveté, la parodiait, pour mieux faire ressortir les incohérences du monde des adultes, les injustices. En cela, l'écriture de Vallès agit un peu à la manière de l'ironie socratique (analysée dans L'Ironie, de Jankélévitch), qui fait mine d'adopter un discours, une position, le pousse jusqu'à sa radicalité pour en voir éclater les contradictions. Car le discours de l'enfant est traversé des discours des adultes, parents et professeurs. Les jouer à outrance, c'est les montrer dans ce qu'ils ont de pervers.

La déformation du passé permet aussi de l'essentialiser, de lui donner une portée symbolique et idéologique. Alors qu'il n'y a pas ou peu d'argumentation. C'est le discours de l'émotion, du ressenti qui prime et qui agit dans l'imaginaire et dans la représentation du lecteur. le corps maltraité de Jacques Vingtras, la fantaisie empêchée, les envies toujours frustrées, l'injustice… c'est cela qui reste dans l'esprit du lecteur là où une dissertation aurait immédiatement fait face à la résistance idéologique. Pour cela, le pathos de l'enfant malheureux est traité avec beaucoup de dérision. Et la voix de l'adulte – le Jules Vallès, justement – est dissimulée tant que possible, fondue dans ce personnage imaginaire de la mémoire, cette voix de l'enfant reconstruite, ce Jacques Vingtras. le lecteur n'a pas besoin d'argumentation, il tire lui-même les conséquences de ce qui arrive au personnage. Ce procédé de rhétorique, de proposer au regard du lecteur un personnage pathétique, victime, pleine d'autodérision, et sa voix conviviale, populaire, proche, sera bien-sûr le ressort le plus flagrant des romans de Céline et de leur charge idéologique – souvent indirecte.

Le roman propose évidemment une critique radicale de l'éducation « à la dure », par la punition, par la privation, par la rigidité, par l'imitation des adultes… Un type d'éducation (déjà démonté par Locke dans ses Pensées sur l'éducation) qui ne cesse de revenir encore et encore jusqu'au XXIe siècle à la bouche et à l'idée des maîtres, parents, dirigeants, comme solution ultime, malgré les recherches et les témoignages, malgré les avancées des pédagogies progressistes et alternatives : l'importance absolue de la discipline dans l'éducation outrepasse et rend caduques les questions de motivation, d'adaptation des contenus, de relation humaine de confiance et d'émulation, de construction collective… Ce principe éducatif, totalement illustré par le roman, est non seulement violent pour le corps, mais aussi abrutissant pour l'esprit. L'enfant doit se taire, obéir et se conformer à un modèle préconçu. C'est un mode d'éducation qui rend impossible toute découverte et expérimentation personnelle du monde ; éducation plutôt fascisante puisqu'il s'agit de diriger la conscience. L'enfant doit adopter les jugements sur les choses, tels qu'ils sont prononcés par les adultes. Ainsi, les opinions négatives des parents – celles d'une société bourgeoise hiérarchisée – sur les paysans, artisans et ouvriers, oeuvrant de leurs mains, leur langage, leurs manières d'être, leur rire et leurs fêtes, leurs danses et leurs valeurs collectives, leur peau bronzée… ces jugements idéologiques sont transmis par l'éducation (Jacques doit ainsi reprendre les critères esthétiques de ses maîtres et de la tradition académique dans ses thèmes). le caractère fondamentalement idéologique de l'éducation est encore au coeur de l'Éducation nationale du XXIe siècle et révèle toujours ce manque total de confiance en la jeunesse, en sa faculté de déterminer ce qui est bon, cette peur de les voir aller à l'encontre des principes des parents, de choisir un nouveau modèle de société. le rejet de la carrière de professeur, la volonté de retourner au peuple, marque la rupture entre Jacques et son père, et le rejet de l'idéologie bourgeoise. Et cette idéologie, et le mode de vie correspondant, rend également malheureux les parents qui ont gagné en fierté, mais qui en réalité vivent dans un inconfort certain, n'obtenant pas le respect social, ni la richesse aristocratique, forcés de se conformer, d'obéir à un directeur dictateur, de porter un costume emprisonnant les mouvements du corps, de se couper des voisins… C'est cette illusion bourgeoise de l'ascension sociale par l'éducation que dénonce finalement tout le roman, ascenseur social qui n'a jamais amené ses passagers qu'à des étages illusoires mais qu'on fantasme encore de nos jours. C'est ce caractère idéologique de l'éducation qui va à l'encontre d'une pédagogie libertaire, anarchiste et alternative, et rend impossible l'avènement d'une société basée sur des principes d'entraide, d'égalité, de travail collectif… Ce roman est bien la première pierre d'une rééducation idéologique, d'une renaissance de la révolte étouffée de la Commune.

Dans l'écriture, Vallès apparaît en précurseur du symbolisme, mais plus proche des Lettres du voyant de Rimbaud (écrites pendant la Commune) que de l'écriture artiste de Huysmans. Les formules rimbaldiennes de « Je est un autre », « j'assiste à l'éclosion de ma pensée », « La première étude de l'homme qui veut se faire poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l'inspecte, il la tente, il l'apprend. Dès qu'il la sait, il doit la cultiver. » ont une étrange résonance à la lecture de L'Enfant qui semble un début d'application de cet art poétique. Si Vallès n'avait évidemment pas connaissance de cette lettre publiée bien plus tard, on sait aussi que le gamin poétique tenta de contacter Vallès à l'époque la Commune, qui empêche qu'il lui tint à peu près ce langage ?… de plus, le gamin fugueur, giflé par sa mère, révolté admirant la Commune, les travailleurs, et rejetant l'académisme, la bien-pensance, l'éducation rigide et conformante, fuyant la littérature pour aller vers la vie concrète, a tout d'un cousin du petit Jacques Vingtras.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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j'avais attendu longtemps après avoir acheté ce livre pour le lire.
mais quand j'ai commencé à le lire!...
oh! je reconnais que j'ai usé d'un subterfuge pour ne pas être complètement anéantie par la douleur de L'enfant : j'ai lu en même temps, par intermittence, d'autres ouvrages plus légers.
mais aussi, l'humour grinçant? noir? de Jules Vallès m'a aidée. pas pleurnichard du tout, cet homme, croyez-moi.
et de tout petits paragraphes qui donnent au récit un style alerte, comme de petits épisodes (si j'ai bien compris les notes en fin de livre, l'ouvrage a paru dans un journal, au moins au début).
il y a la famille Vingtras, il y a l'enseignement, le logement, la campagne, la ville et ses quartiers pauvres... le XIX ème siècle dans toute sa "splendeur".
l'édition est accompagnée de "clés" pour comprendre l'oeuvre, connaître l'auteur...
dans quelques temps, je lis la suite.
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J'ai beaucoup aimé ce livre car il y a plein de faits réels, et personnellement j'aime beaucoup ça.
Par contre, il y a quelques passages que je n'ai pas aimés, certains sont trop longs et même que parfois ils n'ont rien à voir avec l'histoire de cet enfant battu. Je trouve quand même que dans l'ensemble, le livre est bien.

m.t.
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Les phrases de Vallès claquent les mots en de cinglants "allers-retours" qui n'en coûtent pas une !
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J'aime beaucoup les récits d'enfant et d'enfance. Ici, c'est brillant, on sent qu'il y a plus de recul que chez Hervé Bazin par exemple. On sent encore les plaies qui ont creusé les travées de la vie de l'auteur mais avec calme et humour. Cet humour et ce style parfait vous guideront tout le long du livre et vous donneront certainement envie de poursuivre la trilogie... (à raison ou à tort, c'est à voir!)
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ules Valles se raconte dans cette trilogie sur l'enfance et après (L'enfant, le Bachelier et l'Insurgé). La langue est belle, le style impeccable et l'humour omniprésent en dépit de passages terribles. Ce roman raconte l'enfance d'un petit garçon plein d'esprit mais mal aimé entre un père professeur de collège méprisé et une mère d'origine paysanne qui le malmène. Ce classique écrit en 1875 sonne de façon étonnament moderne.
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