Daniel Vaxelaire s'est inspiré du vrai naufrage d'un vapeur nommé la Cigale pour écrire ce roman jeunesse. Alors que la nuit de cet accident tragique semble bien être celle d'un 2 au 3 décembre, bizarrement l'année exacte est plus incertaine puisque la quatrième de couverture donne 1929, la fin de l'ouvrage faisant référence au vrai naufrage le situe en 1926 et pour Maurice Info, trouvé sur internet, il a eu lieu en 1924…
Pour captiver le jeune lecteur, l'auteur a choisi comme narrateur Pierre, un garçon de presque quatorze ans qui embarque avec ses deux frères cadets. La Cigale fait la traversée entre l'île Maurice et la Réunion distantes de 250 km. le choléra fait de plus en plus de victimes sur l'île Maurice et, par sécurité, les parents ont décidé d'envoyer leurs trois garçons chez leurs grands-parents. La mère est inquiète mais le capitaine la rassure, la Cigale a de très nombreuses traversée à son compteur et puis, c'est l'été, le temps est clair, la mer est calme. le vapeur a plutôt une allure de rafiot et heureusement qu'une seule nuit sera passée à bord.
Excité par cette aventure, Pierre n'a qu'une hâte, voir disparaître sa mère et, d'un geste théâtral, jeter par-dessus bord les casques coloniaux achetés par les parents afin de prévenir tous risques d'insolation. Un petit goût de liberté s'empare des trois frères. Ils enlèvent leurs chaussures pour tâter de leurs doigts de pieds en éventail le pont crasseux de ce vieux rafiot tout rouillé. Ils font vite le tour de cette piètre embarcation qui va pourtant acheminer plus d'une trentaine de passagers, des caisses de morue et… mille cinq cents bidons en fer-blanc tassés dans la cale ou arrimés sur le pont arrière. de l'essence.
Même sur un vieux rafiot comme la Cigale, les passagers reflètent les différentes classes sociales existantes et Pierre voit rapidement les privilèges octroyés aux gens chics et riches puis, de l'autre bord, les Chinois relégués vers l'arrière, avec les bidons d'essence.
L'auteur n'a rien oublié, amitié, mépris, amour, lâcheté, héroïsme, égoïsme, sacrifice… tout ce qui fait l'être humain est là, sur ce vapeur, et se dévoile nettement dès le premier incendie. Lorsque le premier canot sera à l'eau, Pierre remarque « Pas d'Indien parmi eux, pas de Seychellois : qu'elle est intéressante à observer, cette arche minuscule qui sélectionne ses passagers ! »
Le tout début de nuit, où l'on voit les trois garçons bien emmitouflés dans de grosses couvertures à même le pont laisse subitement place à une tension ascendante. Les montagnes de la Réunion sont encore loin d'être en vue et le feu est sournois, bien décidé à gagner toute la cargaison d'essence.
Dans ce contexte extrême, Pierre découvre en quelques heures les qualités ou la couardise des hommes et l'on tremble pour le destin de cette fratrie si attachante. du fait que l'histoire découle d'un vrai naufrage, avec certaines scènes relatées qui ont réellement eu lieu, ce roman, très agréable à lire, n'en a que plus de poids et ne peut que marquer le jeune lecteur.