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EAN : 9782358722049
152 pages
La Fabrique éditions (22/10/2020)
4.29/5   31 notes
Résumé :
De nos jours, dans notre Occident moderne et progressiste, il est difficile d'imaginer de politique publique qui ne fasse mention des droits des femmes. Selon un retournement particulièrement cruel, les gouvernements n'en retiennent que l'aspect le plus franchement répressif, à savoir la lutte contre les violences faites aux femmes. Dans ce livre, et après avoir signé un pamphlet pour un féminisme décolonial, Françoise Vergès propose de prendre à bras-le-corps ce po... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Françoise Vergès questionne dans cet essai le traitement des violences sociales, économiques, physiques et sexuelles faites aux femmes pauvres et racisé·es, qui ne sont pas uniquement le résultat de la domination masculine, mais aussi celle d'une violence généralisée produite par les politiques néolibérales d'un État capitaliste, impérialiste et patriarcal, qui se sont aggravées avec la pandémie de COVID19. L'État français se préoccupe seulement des violences que subissent les femmes blanches des classes moyennes et supérieures, et développe – avec le soutien du féminisme carcéral – une politique de protection sécuritaire et punitive qui fragilise les pauvres et les personnes racisé·es.

Cette différence dans la gestion de la protection par l'État provient, nous explique l'autrice, des impacts de l'esclavage et de la colonisation sur la société. Cet héritage impensé crée pour les personnes non-blanches vivant aujourd'hui dans les anciennes puissances coloniales ce que l'historienne britannique Catherine Hall appelle un « environnement hostile ».

Ainsi en France, tout un discours sécuritaire et raciste, qui tire ses origines de lois raciales de la fin du 18ème – début du 19ème siècle visant à limiter la présence et les déplacements de personnes Noir·es en métropole, va se développer à partir des années 1970, pour stigmatiser, surveiller, contrôler, les pauvres, jeunes, immigré·es, étranger·ères vivant dans les quartiers populaires, et présenté·es comme les figures de l'insécurité et de la violence.

Ce discours sécuritaire va impacter également les corps des femmes, en se focalisant sur le port du voile des musulmanes, ou en criminalisant les activités des travailleuses du sexe, souvent pauvres et/ou issues des pays du Sud, et ce au nom de la défense de toute les femmes. Dès lors, il est impossible pour les femmes pauvres, racisées, de se tourner vers l'État et son système pénal (police, justice, prison) pour exiger une protection car il reproduit et accentue les inégalités sociales, de genre et de race.

Dans ce contexte, F.Vergès défend le recours à un féminisme décolonial et antiraciste qui rejette le recours au système pénal et s'oppose au féminisme d'État civilisateur qui « joue le rôle d'idéologie pacificatrice qui vise à briser l'élan de colère des femmes ».

Sur un temps court, il s'agit également d'améliorer la vie des personnes dominé·es, de lutter contre les politiques d'ajustements structurels dans les pays du Sud et la pollution environnementale (exemple du chlordécone dans les Antilles), de défendre les conditions de travail dans les pays du Nord des travailleuses racisées employées dans l'industrie de service (exemple de la grève dans la sous-traitance hôtelière) et de soin qui connaissent des taux de harcèlement racial et sexuel élevé. Mais, nous dit l'autrice, il ne faut pas s'empêcher d'imaginer un avenir au-delà des luttes quotidiennes, et il est urgent d'imaginer le « monde d'après », de penser un « futur post-esclavagiste, raciste, capitaliste, impérialiste, patriarcal » et de créer des utopies de libération, comme peut le faire l'écrivaine africaine-américaine de science-fiction Octavia Butler.

Enfin, face à ce déchaînement de violence de la société néolibérale, F.Vergès défend le droit à une vie paisible, « une politique et une pratique de la solidarité, de l'amour et de l'autodéfense », « une forme de vie qui n'empêche pas le sentiment de colère contre les injustices et le racisme, mais qui développe l'amour de nous-mêmes et l'amour révolutionnaire ».
Lien : https://blogs.mediapart.fr/g..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Pour le néolibéralisme, le corps performant est celui d'un homme blanc, en plein possession d'une force physique normée comme masculine, qui se lève tôt, fait son jogging, mange bio et travaille, sans compter ses heures, à sa réussite économique. Ce que cache cette représentation du corps valide, c'est que sa performance est rendue possible par le travail de corps racisés - les femmes de ménage qui ont nettoyé sa salle de gym, ses bureaux, (...) la maison où il retrouve sa famille - toutes ces femmes qui sont rendues invisibles et dont le corps s'épuise pour que le sien s'épanouisse. Les hommes racisés sont les vigiles de son monde ; les peuples du Sud global fournissent à lui et à sa famille les objets de leur confort. Le corps valide est protégé par toute une série de mesures de police, elles aussi invisibles car naturalisées, qui assurent sa protection - résidences surveillées, caméras de surveillance, présence accrue de la police... (...) Enfermés dans leurs enclaves, les corps valides excluent les corps perçus comme menaçants - qui n'entrent dans leur monde qu'autorisés, sous peine d'être interpellés sans raison et en toute impunité.
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Je propose une critique du recours à la police et à la judiciarisation des problèmes sociaux, c'est-à-dire du recours spontané au système pénal pour protéger les populations dites vulnérables. Mon analyse n'apporte pas de solutions pour mettre fin aux violences sexuées et sexuelles (...), mais souhaite contribuer à la réflexion sur la violence comme élément structurant du patriarcat et du capitalisme, et non comme une spécificité masculine.
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La "loi pour la sécurité intérieure" de mars 2003, qui punit, au nom de la protection des femmes, de prison et d'amendes la sollicitation passive pour le travail du sexe, vise à exclure de la rue la présence de corps féminins racisés qui, par leur tenue, salissent l'espace public, et à exclure du sol français les corps de femmes du Sud global - dont le métier insulte les droits des femmes. La rue doit être nettoyée de ces corps pour que les femmes blanches - que cette présence incommode et offense (sexualisation des corps, visibilité du travail du sexe) - se sentent protégées et libres.
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En France, au cours des années 1970, (...) la prison devient un des lieux de lutte contre l'État et son système pénal. La distinction entre prisonniers politiques et prisonniers de droit commun est questionnée, car toutes et tous sont des prisonniers de l'État : entre des militant.es accusé.es d'atteinte à la sûreté de l'État et des délinquant.es, la différence ne porte que sur les intentions déclarées - les deux groupes sont les victimes d'un même système de répression et de paupérisation.
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Nous n'avons pas un "ailleurs" entièrement protégé de la violence systémique mais nous avons une cartographie des failles, des interstices, des espaces faiblement gardés, opaques, où déployer des pratiques qui ne sont pas fondées sur le calcul et la valeur marchande.
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Videos de Françoise Vergès (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Françoise Vergès
Dans cet épisode d'Effractions : le podcast, la politologue militante feministe « décoloniale », Françoise Vergès évoque les thématiques abordées dans Portrait huaco, de Gabriela Wiener. Dans ce récit, la narratrice se découvre un ancêtre huaquero, c'est-à-dire pilleur d'objets péruviens. Elle enquête sur ses origines. Lecture : Caroline Girard Réalisation : Michel Bourzeix et Fabienne Charraire Musique : Thomas Boulard Extrait lu : Portrait huaco, Gabriela Wiener, Métailié (2023) Ce podcast a été enregistré dans les studios du Centre Pompidou.
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