La pratique fervente de Foucauld est appliquée avec une ténacité farouche, presque terrifiante. Puisqu'il s'agit d'imiter Jésus dans sa vie rêvée, il ne renonce à rien, construit, s'habitue à ne se fixer que sur les actions et la pensée du Christ. Les lettres qu'il écrit à Marie n'effarouchent pas l'aussi fervente cousine. Au contraire, elle y voit là, dans son veuvage, la preuve que jamais Foucauld ne la quittera, et qu'elle le retrouvera dans cet amour inouï, irrationnel. Leur histoire d'amour, si tant est qu'il y en ait eu une dans l'avoué des mots, prend ici un tour tragique et romanesque. Elle, recluse dans son château, lui, oublié dans sa cabane, des milliers de kilomètres entre eux, et pourtant, tels les héros de Claudel, s'aimant par-delà Dieu et en Dieu, confusément mêlés, dans l'obscure nuit mystique.
Le visage de Foucauld dans ces années-là change de traits. Il s'effile encore, ne possède plus cet air à peine poupin et jovial qu'un cliché de 1900 révèle, un collier de barbe, la moustache dévorent son visage, où n'habitent plus que ses yeux, brillants, vifs et mobiles, insoutenables à ceux qui mentent et trichent. C'est un visage qui absorbe, appelle et interroge. Un regard qui, sans qu'on ne lui demande rien, renvoie à sa propre interrogation, un regard qui confesse.
Depuis quatre années bientôt qu'il les a quittés, son apparence physique aussi a changé. Il n'est plus le jeune lieutenant un peu pataud, mal à l'aise dans son uniforme, adipeux et replet, avec cette mollesse généralisée qui laisse apparaître une sensualité hautaine. À présent, très amaigri, atteint d'une fièvre qui allume ses yeux enfoncés dans leurs orbites, le visage émacié est tanné par le soleil, on pourrait l'imaginer en père blanc, venant d'une communauté de la Mitidja, où en ascète. Ses yeux gardent cette lumière et cette acuité qui le feraient reconnaître entre mille, et son rire fort et sans retenue rappelle seul le Foucauld d'autrefois.
De ce Paris de la débauche, de la « vie parisienne » que les boulevards exaltent, Foucauld ne veut plus rien connaître. Elle est loin, cette existence qu'il menait à dilapider ses biens et son âme ! L'Afrique a joué en lui un rôle révélateur : l'aridité de ses sols et la dureté de ses climats lui ont enseigné d'autres voies de passage, des compréhensions nouvelles. Lentement se dessine ce rêve halluciné et sûrement désespéré de vivre hors du monde et de l'Histoire, le fantasme originel du christianisme.
C'est une vie brûlée par Dieu qui se raconte ici. Les circonstances qui ont amené Foucauld au flamboiement mystique qu'aucune béatification n'a encore récompensé sont profondément existentielles : la déraison du père, la quête de la mère morte, les abandons successifs, la tentation érotique, l'appel de l'héroïsme, l'abjection de soi et le désir d'expier l'ont conduit au grand silence du désert.
C'est une histoire ou le deuil apparent n'en annonce pas moins l'émerveillement de la naissance.
Alain Vircondelet vous présente son ouvrage "Et nos pleurs seront des chants" aux éditions Fayard.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2987365/alain-vircondelet-et-nos-pleurs-seront-des-chants
Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/
Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux :
Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/
Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts
Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat
Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/
Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat
Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/
Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite