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EAN : 9782207144084
336 pages
Denoël (23/05/2019)
3.59/5   56 notes
Résumé :
Applekirk est un village rural situé dans les Marches, la région centrale d'un monde où le temps ne s'écoule pas à la même vitesse selon que l'on se trouve à l'est - où la magie est très puissante et où vivent les dieux - ou à l'ouest - où la magie est totalement absente. C'est la fin de l'été, et la vie s'écoule paisiblement pour les villageois. Mais le manoir va être mis sens dessus dessous par le retour de Hanethe, qui fut autrefois la maîtresse des lieux. Partie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Une contrée plutôt bucolique dans laquelle l'espace temps a la particularité de varier d'Est en Ouest. Un paysage de champs, le récit des moissons, de la fête et des partages qui leur font suite, une vie presque "villageoise" pour ces lieux. Des lieux de vie groupés autour d'un bâtiment dédié au culte, un culte variable également en fonction de qui le représente, rien de très différent de ce que le lecteur imagine d'une vie en campagne, une vie au rythme des saisons, dépendante de la nature, où tout le monde se connaît et essaye de vivre ensemble et de partager les bons et les mauvais moments…

Sauf que...

Sauf que tout un chacun possède des dons un peu magiques - pouvoir de la "yeya" - qu'il fait ou non fructifier – dons assez basiques cependant, permettant, par exemple, d'ouvrir les portes par les pensées et de ramasser les oeufs au poulailler et de les ramener à la cuisine en les faisant voler derrière soi, pouvoir intéressant pour éviter les maladresses et les casses accidentelles ! - tout dépend de ses désirs…

Sauf que côtoyer des dieux est possible, ils ne se contentent pas d'êtres des entités idéalisées.

Sauf que les notions de famille et de couple sont particulièrement élargies à une structure de vie en communauté restreinte dans laquelle le lecteur finira par oublier qui est le compagnon de qui et qui est la mère de qui tant les liens sont labiles et éphémères.

Outre les moissons, de nombreuses pages ont pour lieu la cuisine ! Il est souvent question de repas à préparer, de petits pois à écosser, de gâteaux gonflés et moelleux à déguster  et de tisanes à boire !

Et puis…

Et bien…

Et puis peu de choses : une aïeule qui revient dans son manoir d'origine porteuse d'un secret et "persécutée" pour un acte commis en d'autres terres… le lecteur attend impatient des révélations qui ne viendront qu'au delà de la moitié du livre, et oui, espace temps et ralentissement du sablier obligent !
Et qui le laissent pour le moins pantois devant la minceur de leur contenu...encore doit-il virevolter dans les affres d'une histoire de jalousie car en même temps que la dite-aïeule est arrivé dans les lieux un jeune homme, savant, curieux, épris de savoirs et venu pour étudier d'autres coutumes qu'il ne connaît pas encore… Ce jeune homme, séduisant bien sûr, et très fleur-bleue tombe en pâmoison devant les belles, suscitant quelques moments de jalousie, sentiment dont le lecteur avait cru comprendre qu'il n'existait pas ici-bas….


Honnêtement, je me suis ennuyée pendant la lecture de ce roman, non pas que je remette ses qualités en cause, disons que j'ai pris conscience que les années passent – et, malheureusement, pas question pour moi de voyager dans une autre partie de pays pour ralentir la fuite des jours ! - que je suis trop vieille pour ce genre d'histoire, et qu'il me faut davantage que des histoires d'amour légères et des secrets convenus pour m'entraîner dans un roman.
J'ai sans doute perdu en même temps que ma jeunesse mon regard "romantique" sur les livres romanesques...


Je ne sais pas si je dois remercier Babélio et les éditions Folio de m'avoir fait prendre conscience du poids des ans qui désormais m'accable et de ma jeunesse perdue que je croyais éternelle… !
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Voilà maintenant cinq ans que les éditions Denoël ont entrepris de populariser en France les oeuvres de l'auteur anglaise Jo Walton dont le premier roman traduit, « Morwena », avait d'ailleurs suscité un fort engouement de la part du public. Ont suivi depuis les trois tomes de « La trilogie du subtil changement » ainsi que deux excellents one-shot : « Les griffes et les crocs » et « Mes vrais enfants », auxquels il faut à présent ajouter « Pierre-de-vie », dont la parution originale date de 2009. Récompensé en 2010 par le Prix Mythopoeic, le roman met en scène la communauté villageoise d'Applekirk, petite enclave en pleine campagne où la vie suit depuis des années son cours sans guère de bouleversements : les paysans s'occupent des terres alentours au rythme des saisons, aidés en cela par leur seigneur et sa famille qui résident dans un manoir en bordure du village. La tranquillité d'Applekirk et ses habitants va toutefois être soudainement rompue par l'arrivée de trois visiteurs inattendus. le premier est un savant itinérant en quête d'informations sur une ancienne civilisation dont quelques restes archéologiques parsèment la région et dont le charme ne tarde pas à faire vaciller le coeur des femmes du manoir. La seconde, Hanethe, est l'ancienne maîtresse des lieux, partie s'installer il y a des années à l'Est et que tout le monde présumait morte depuis longtemps. Quant à la troisième, il s'agit d'une prêtresse d'Agdisdis, la déesse du mariage, qui a apparemment une dent contre Hanethe qu'elle accuse de sacrilège et qu'elle entend bien ramener en Orient contre son gré. Voilà les habitants d'Applekirk forcés de choisir entre livrer aux mains de la déesse cette vieille femme hautaine et antipathique, ou la protéger et subir le courroux de la divinité. Si vous cherchez de la fantasy pleine d'action, d'enjeux incroyablement élevés et d'intrigues complexes, je vous conseille de passer votre chemin. A l'image de la plupart de ses précédentes oeuvres, ce nouveau roman de Jo Walton évolue en effet selon un rythme très posé (sans jamais être pour autant ennuyeux) et met avant tout l'accent sur l'introspection, les sentiments des personnages et leur rapport au monde qui les entoure.

L'action se passe dans un monde de fantasy dont on n'explorera jamais plus que le village insignifiant d'Applekirk, mais à propos duquel l'auteur nous apprend malgré tout quantité de choses. Parmi les singularités de cet univers, on peut d'abord mentionner la différence étonnante entre les territoires situés à l'Ouest et ceux de l'Est, notamment en matière de temporalité. En effet, plus on se déplace vers l'Est, plus le temps s'écoule lentement et inversement (ce qui explique pourquoi le retour d'Hanethe surprend tout le monde au manoir : de leur point de vue, cela fait plusieurs générations qu'elle est partie s'établir en Orient). le temps, et surtout la manière de l'appréhender, constitue ainsi un des thèmes principaux du roman : « Le temps, elle le sait, est une illusion. Les choses semblent se succéder, mais en y repensant, tout s'est passé en même temps et ce qui semblait à l'époque faire partie d'une histoire en faisait partie d'une autre. ». Ce questionnement, l'auteur va jusqu'à l'appliquer à la narration elle-même puisque l'histoire nous est contée de manière régulièrement non chronologique, comme si toutes les époques se mélangeaient. le pari est osé, mais l'auteur s'en sort avec brio puisque, contrairement à ce que l'on pourrait craindre, cette construction narrative ne suscite absolument aucune confusion chez le lecteur, mais lui permet au contraire de comprendre sur la durée les liens qui unissent les personnages. Cette manière qu'a le temps de défiler différemment en fonction de la position géographique des habitants n'est pas le seul élément qui rattache le roman à la fantasy puisque la magie y est également présente de manière plus ou moins ténue. L'auteur fait à nouveau une distinction entre l'Ouest, où très peu de personnes sont capables d'accéder à la yeya (une sorte de source magique dans laquelle il est possible de puiser), et l'Est où il s'agit au contraire de quelque chose de tout à fait banal pour la plupart des gens. Les différents membres de la famille bénéficient ainsi de « pouvoirs » plus ou moins puissants qui peuvent aller jusqu'à soulever des objets par la pensée ou fabriquer des sorts de protection contre les éléments. Les plus intéressants restent cela dit ceux qui sont là encore liés au temps. Ainsi, Taveth voit constamment évoluer autour des gens qu'elle croise les ombres de ce qu'ils ont été et de ce qu'ils deviendront, tandis que la petite Melly a la capacité de voir les potentielles morts qui attendent ceux qu'elle rencontre.

S'il y a bien un autre thème central dans le roman, c'est sans aucun doute celui de la famille et des liens que les membres d'un même entourage entretiennent les uns avec les autres. A ce titre, l'ouvrage m'a beaucoup fait penser à un autre texte de l'auteur qui m'avait énormément émue : « Mes vrais enfants ». Bien que les deux soient radicalement différents sur quantité d'aspects, on y retrouve malgré tout la même sensibilité et surtout la même intensité du lien forgé entre le lecteur et les différents membres d'une même famille. On retrouve également dans ces deux oeuvres une même volonté de s'interroger sur le modèle familial « traditionnel » et de le remettre en question. Dans « Mes vrais enfants », c'est aux côtés de Béatrice et non de l'homme qu'elle a épousé dans une autre vie que Patricia trouve le bonheur et l'épanouissement dont elle avait besoin. Ici, l'auteur met en scène une famille dont les membres, bien qu'unis pour certains par les liens du mariage, pratiquent librement le polyamour : le chef de famille et son épouse ont tous deux des concubins respectifs (eux aussi mariés entre eux), et les enfants nés des unions entre les deux couples sont élevés de manière indifférente, quelque soit leur origine biologique. A la différence de Patricia et Béatrice qui subissent violemment le jugement et le rejet de leur société dans « Mes vrais enfants », ce mode de vie semble ici tout à fait normal et ne choque ni n'interpelle personne, qu'il s'agisse des villageois ou des étrangers. C'est donc tout naturellement que le lecteur accepte cet état de fait et apprend à connaître les membres de la famille ainsi que les liens qui les unissent les uns aux autres, qu'ils soient biologiques ou affectifs. de la même manière que pour sa vision non linéaire du temps, le roman se démarque là encore par cet aspect qui lui permet de questionner subtilement, sans porter de jugement et en s'éloignant des clichés, une notion aussi vaste et complexe que l'amour, qu'il s'agisse de celui que l'on porte à un/une époux/épouse, un enfant, un parent ou un simple amant de passage.

Or, quoi de mieux pour comprendre l'histoire d'une famille et les liens qui unissent ses membres que de les observer dans leur quotidien ? C'est le parti pris qu'adopte ici l'auteur, et c'est la raison pour laquelle l'action en tant que telle occupe aussi peu de place dans ce roman. L'essentiel de l'histoire nous est rapporté par Taveth, la compagne du seigneur d'Applekirk, qui s'occupent depuis son arrivée de la gestion du manoir et de ses habitants : il s'agit là de sa « pierre-de-vie », le fameux concept qui donne son titre au roman. Il est délicat de donner une définition claire à cette notion originale tant elle se révèle au final assez complexe, mais on pourrait malgré tout la résumer comme étant ce qui donne du sens à la vie d'une personne. Certains trouvent leur pierre-de-vie dès l'enfance, d'autres la cherchent pendant longtemps et finissent par la découvrir par le biais d'une rencontre, lors de leurs études ou à l'occasion d'un voyage vers l'Ouest ou l'Est. Cet aspect, qui se situe lui aussi au coeur du roman, témoigne une fois encore de la sensibilité de l'auteur et de son talent incomparable pour parler directement au coeur du lecteur. Là aussi, la narration se trouve directement impactée par ce concept puisque, la pierre-de-vie de Taveth consistant à s'occuper de la maison et de ses habitants, une grande partie du roman est justement consacré à dépeindre le quotidien du manoir et du village. Si les scènes de batailles ou bien de confrontations se font rares (mais existent malgré tout), celles consacrées à la cuisine, la moisson, le jardinage ou encore la confection d'objets ou d'habits du quotidien sont ainsi légions (un conseil d'ailleurs, prévoyez de quoi vous sustenter pendant la durée de cette lecture tant les passages consacrés aux bons petits plats préparés par Taveth sont nombreux et mettent l'eau à la bouche !). J'ai bien conscience que, présenté ainsi, le roman pourrait paraître profondément ennuyeux ou inintéressant, or il n'en est rien, et c'est là encore un vrai tour de force de la part de l'auteur : on se passionne pour la gestion de ce domaine, on s'inquiète avec les personnages des problèmes d'intendance, et surtout on se prend d'affection pour tous les protagonistes qui gravitent autour de ce manoir et apportent, chacun à leur manière, leur pierre à cet édifice.

Dans la droite lignée des précédentes oeuvres de l'auteur (« Mes vrais enfants » en tête), Pierre-de-vie s'inscrit dans une fantasy plus introspective et plus sensible que ce à quoi le genre nous avait jusque là habitué. Avec beaucoup de sensibilité et d'intelligence, Jo Walton s'attaque à des thématiques intemporelles qu'elle questionne de manière originale, qu'il s'agisse du temps, de l'amour ou encore de la famille. Une très belle découverte que je vous conseille chaleureusement.
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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Jo Walton est une autrice que je suis beaucoup ! Encore un peu méconnue dans nos contrées, l'accueil fabuleux dont a bénéficié "Morwenna" a mis en lumière cette autrice au style reconnaissable entre mille. Alors autant vous dire que quand Pierre-de-vie est apparu les tables de ma librairie préférée, je l'ai ajouté à ma PAL infinie !

Pierre-de-vie s'inscrit dans la noble lignée de la plupart des autres romans de l'autrice. Ici, point de grand héroïsme tapageur, de quête incroyable et de créatures violentes. Non, nous sommes face à une fantasy champêtre qui brille par sa douceur et sa luminosité dans sa façon de décrire le quotidien à la fois banal et magique d'une famille presque normale. L'ambiance est très bien bâtie, entre bonheurs simples et tracas de tous les jours. Mais attention ! le roman n'épargne pas les moments de violence et de morts, j'ai versé quelques larmes.

Les personnages qui existent dans le roman sont nombreux. Même s'il est parfois difficile dans un premier temps de comprendre qui joue quel rôle, d'autant qu les relations qu'ils entretiennent peuvent s'avérer complexes, l'autrice parvient leur donner assez de points saillants dans leurs personnalités pour qu'ils parviennent à prendre de la place sans disparaître. Les personnages de Jo Walton sont rarement immédiatement sympathiques, et Pierre-de-Vie ne fait pas exception. Ils ont très humains, ce qui implique qu'ils aient souvent des défauts agaçants. Hanethe est une femme orgueilleuse et distante, Taveth est discrète et peu dans la confrontation, le jeune Kevan est souvent maussade...

La galerie de personnages permet également d'aborder des problématiques variées, liées à tous les âges. Celui de trouver sa place dans une famille nombreuse par exemple, celui de faire le choix entre renoncer au devoir familial pour suivre sa propre voir, ceux de la filiation et de l'héritage, la question du deuil... En un sens, ces thèmes abordés sont vraiment nombreux, allant jusqu'à questionner le zèle religieux.

Des questions d'autant plus importantes que la conception du temps que l'autrice a mise en place est très intéressante. Dans ce monde où le temps ne s'écoule pas de la même manière selon quel'on soit à l'est ou à l'ouest, le retour d'Hanethe parmi les siens après des générations d'absence pose la question de sa place dans la famille. D'autant plus qu'elle avait abandonné son rôle de Seigneur (acquis à contre-coeur suite au décès de sa famille) pour poursuivre sa pierre-de-vie. Ah oui, la pierre-de-vie est un concept du roman : c'est l'ambition en quelque sorte : enseigner, s'occuper de la terre, devenir érudit.... Hanethe permet de poser la question suivante : appartenir à une famille, est-ce que c'est dans son sang ou est-ce à travers ses actes ?

En parlant de la Pierre-de-vie, Jo Walton place de nombreux éléments qui construisent subtilement un monde à part. Il y a un vocabulaire spécifique avec certains concepts qui n'existent pas dans notre langue. Elle construit une organisation religieuse et sociale faite de codes et de règles plus ou moins explicites... Des fêtes sacrées, des dieux qui sont d'ailleurs bien existants. Bref, la construction du monde est plutôt fouillée et participe pleinement à l'immersion dans cet univers unique, à la fois terriblement familier et très éloigné.

On pourra sûrement lui reprocher une sorte de fausse lenteur, de langueur dans l'ensemble du récit. Jo Walton prend on temps pour poser ses personnages et son décors, et on ne sait pas toujours très bien où l'on va aller. C'est un point qui déplaira sans soute à certains lecteurs mais il faut parfois savoir se laisser ensorceler.

Une très chouette lecture de la part de Jo Walton ! L'univers doux et champêtre fonctionne à merveille dans cette lecture délicate, parfaite pour la fin d'été et le début de l'automne. le monde est bien construit avec des bases solides et convaincantes, le tout avec des personnages nombreux et aux caractères bien marqués. Mais le livre brille surtout par ses thèmes abordés, qui résonnent facilement par leur aspect universel.

Lien : https://lageekosophe.com/
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Je dois avouer que c'est d'abord la superbe couverture du roman qui a attitré mon attention. Un travail d'illustration à la hauteur d'un roman simple et complexe à la fois. Simple par la facilité avec laquelle l'autrice nous immerge dans la vie d'une famille dont on va apprendre à apprécier les membres, et complexe en raison d'un univers dont il faut prendre le temps d'appréhender les spécificités. La notion de temps est ainsi bien différente de la nôtre puisqu'en fonction de l'endroit où l'on se situe, il s'écoule différemment : lentement à l'est où la magie est bien ancrée, et plus rapidement à l'ouest où la magie est inexistante. Cette double temporalité au sein d'un même monde est très bien exploitée par l'autrice qui a réussi à l'intégrer au récit sans jamais se perdre dans des détails superflus.

En se focalisant sur les conséquences d'un tel décalage temporel, notamment à travers un personnage, plutôt que sur les causes, Jo Walton permet aux lecteurs de s'immerger rapidement dans la vie de la famille du seigneur du village d'Applekirk dont on ne quitte jamais, du moins physiquement, les frontières. Alors que la vie dans ce village s'écoulait paisiblement au rythme des saisons, l'arrivée de deux voyageurs, un savant à la curiosité insatiable, et l'ancienne maîtresse d'Applekirk, va entraîner de profonds changements, et mettre en péril l'équilibre de la famille, voire du village entier. C'est que le premier est un bourreau des coeurs à la désinvolture fâcheuse quand la seconde, Hanethe, s'est attiré les foudres d'une divinité bien décidée à se venger…

Au fil des pages, nous découvrons les différents membres de la famille et les liens qui les unissent, les pouvoirs magiques de chacun, certains étant bien plus faciles que d'autres à gérer, mais aussi les différentes formes de dangers que cette famille unie va devoir affronter, la déesse bafouée ayant bien plus d'un tour dans son sac pour obtenir sa vengeance. Si tous les personnages apportent quelque chose à l'intrigue, j'ai trouvé qu'Hanethe se distinguait par sa complexité et la touche de suspense qu'elle apporte indéniablement à l'histoire. Il faudra ainsi attendre un long moment avant de découvrir le crime qu'elle a commis pour susciter le courroux de la déesse du mariage… Une découverte qui ajoutera à l'aura de mystère qui plane autour de cette femme égoïste mais prête à tout sacrifier pour ses idéaux et le bien commun, une femme froide et hautaine envers les « ploucs », mais capable d'un dévouement le plus total et sincère pour une enfant qu'elle connaît à peine… Que l'on apprécie ou non ses choix, Hanethe fascine donc par sa force de caractère et sa faculté à se battre pour obtenir ce qu'elle souhaite, et ne pas se laisser enfermer dans une vie qui ne lui sied guère.

Cette force de caractère est un trait commun à toutes les femmes du livre, l'autrice nous offrant une galerie de protagonistes féminins forts et déterminés. Les femmes du roman consentent à faire certains sacrifices pour le bien de la famille, mais elles n'en demeurent pas moins des personnes à part entière avec leurs propres besoins et aspirations qui se concrétisent dans cette pierre-de-vie, plus ou moins facile à trouver. Il se dégage ainsi du roman un bel hommage aux femmes qui sont ici complètes : ni juste mères, ni juste épouses, elles sont avant tout elles-mêmes !

J'ai également apprécié que l'autrice valorise un métier courant mais bien trop souvent déconsidéré, celui de maîtresse de maison. Gérer la vie du foyer est la pierre-de-vie de Taveth qui s'acquitte avec beaucoup de patience, de bienveillance et d'abnégation de toutes ces tâches du quotidien indispensables au bon fonctionnement de la vie d'une famille. Si certains événements vont la pousser à se sentir parfois peu reconnue dans sa fonction, le lecteur ne pourra que s'apercevoir du rôle central qu'elle tient dans le roman et dans la vie de chacun. C'est par la force et la constance de son travail que chaque membre pourra se consacrer à sa propre destinée…

Le traitement respectueux des personnages féminins est pour moi le point fort de ce roman qui a également le mérite de questionner notre modèle familial traditionnel. Dans ce monde atypique, la monogamie est chose rare, et le polyamour, la normalité. Cette vision de la famille qui n'est pas courante dans notre société est amenée avec délicatesse et justesse. Pas de jugement, mais la découverte d'une famille organisée selon un schéma familial dans lequel l'exclusivité des relations amoureuses et de l'autorité parentale n'existe pas. Cela peut rendre les liens entre les différents personnages un peu confus en début de lecture, mais on s'y fait rapidement d'autant qu'on se rend compte que finalement, peu importe les liens de sang, ceux du coeur pouvant se révéler tout aussi puissants.

Malgré un rythme assez posé, le récit n'étant pas truffé de scènes d'action ni de retournements de situation époustouflants, Pierre-de-vie est un roman immersif et prenant que j'ai lu très rapidement, séduite par la fluidité de la plume de l'autrice, et la manière dont elle arrive à retranscrire avec force et beauté aussi bien les petites choses du quotidien que les grands changements. Tout est intense et calme à la fois dans ce livre, un paradoxe souligné par une narration audacieuse et épurée qui alterne entre ce présent paisible où la vie de tous les jours a repris ses droits, et cette période mouvementée du passé qui a redéfini l'équilibre d'une famille et de ses membres.

En conclusion, roman de fantasy mais aussi roman de vie, Jo Walton nous propose ici une jolie fresque familiale dans laquelle la magie du coeur a tout autant d'importance, si ce n'est plus, que celle des Dieux. Entre les bouleversements liés à deux personnages qui font le pont entre présent et passé, le quotidien d'une famille ordinaire aux liens extraordinaires, et un monde original qui remet en question notre conception du temps, de l'amour et de la famille, ce roman vous promet un très beau et intense moment de lecture.
Lien : https://lightandsmell.wordpr..
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Les personnes qui me suivent depuis quelques temps savent que ce n'est pas la première fois que je lis un roman de Jo Walton. En effet, j'ai déjà lu Morwenna et Mes vrais enfants et, à chaque fois, l'autrice a réussi avec succès à m'embarquer dans ses univers, à me faire aimer ses personnages… C'est donc avec enthousiasme que je me suis lancée dans Pierre-de-vie, craignant toutefois d'être déçue : deux super lectures, est-ce que la troisième serait tout aussi bien ?
Je ne vais pas vous mentir, il ne m'a pas autant plus que les deux autres. Pour autant, ce n'est pas que je ne l'ai pas aimé, au contraire, je l'ai trouvé super chouette ! C'est vous dire la qualité des textes de Walton !
Le moins que l'on puisse dire, c'est que Pierre-de-vie est un roman très déstabilisant. En effet, chose importante à savoir lorsque l'on commence ce roman, c'est que toute la narration se fait au présent. Malgré tout, le présent et le passé ne cessent de se mêler, sans que ce soit clairement indiqué. Il m'a fallu une petite trentaine de pages pour trouver mes repères et, après ça, c'était parti, j'étais à fond dans l'histoire. D'ailleurs, je comprends désormais mieux le texte qui se trouve en toute première page du livre, avant même la page de titre :

"Mais qui parmi nous pourrait écrire un livre ? Moi, je n'arriverais même pas à raconter ce qui s'est passé dans le bon ordre. Et par quoi commencé ?"

Taveth, Hodge et Kevan sont en train de pêcher et se remémorent des événements qui ont eu lieu à Applerkirk, tâchant de se rappeler comment tout cela a débuté. Tout cela semble dater un peu et l'on ne sait pas encore ce dont il est question, mais nous apprenons que cela doit avoir commencé avec l'arrivée de Jankin, ou peut-être même avec l'arrivée de Hanethe. Et nous voilà soudainement plongé·es dans le passé, sans crier gare. Déstabilisant, je vous dis ! Mais si cette narration m'a tout d'abord perturbée, je l'ai très vite appréciée ; une fois que l'on a cerné les protagonistes, on arrive à jongler sans problème, à savoir où l'on se situe dans la ligne de temps. Et mine de rien, la narration fait parfaitement écho à l'univers créé par Jo Walton puisque, s'il peut s'être passés quatre siècles à Applekirk, à l'est, il ne se sera déroulé qu'une petite centaine d'années. C'est un peu ça, la magie de ce texte : la narration consolide l'univers, à moins que ce ne soit l'inverse, et son autrice joue à merveille avec le temps, quel qu'il soit.
L'histoire m'a énormément plu, quoique le gros événement, le plus important du récit, m'a quelque peu laissée mi-figue mi-raisin. Que les choses soient claires : j'ai apprécié. Mais avec ce que le reste du roman me racontait, j'aurais aimé que la conclusion de l'intrigue soit différente, plus impactante pour moi. Mais, vraiment, je le redis, c'est une super histoire. S'il y a au final très peu d'action, il faut bien admettre que les relations tissées au fil des pages, les réflexions des personnages et le mystère qui entoure certains d'entre eux est très chouette. C'est de la fantasy, oui, mais n'y cherchez pas un héros ou une héroïne qui se révèle être l'élu·e qui sauvera le monde. S'il y a bien un quelque chose à sauver, au final, ce roman est avant tout une histoire de famille et, bon sang, que j'ai aimé !
Je n'ai pas tout à fait retenu les liens entre les personnages, qui est le mari de, l'enfant de…, mais en gros nous avons droit à des relations polyamoureuses sereines, basées sur la communication et la confiance ; nous avons des enfants qui ont grandi en sachant qui sont leurs parents biologiques mais en aimant tout autant les autres, qui les élèvent et les aiment de même. En fait, c'est une bouffée d'amour et ça fait tellement du bien !
J'ai également apprécié tout ce qui tourne autour des dieux et des déesses – j'étais super intriguée et je n'ai pas été déçue ! Enfin, je ne vais pas en dire trop à leur sujet pour vous laisser le plaisir de la découverte mais, ce que je peux dire, c'est qu'iels sont tel·les les dieux et déesses polythéistes antiques que nous connaissons : chacun·e a son domaine de prédilection et les gens vont donc plutôt prier tel dieu pour ceci, telle déesse pour cela, etc. Mais surtout, iels interviennent parfois dans les affaires des simples humain·es, influençant alors, à l'occasion, les humeurs des gens. Alors, si plein de facteurs sont à prendre en compte, j'avoue que les influences divines apportent vraiment quelque chose dans l'évolution des personnages et de leurs relations et l'ensemble donne quelque chose de vraiment fort. Ainsi, j'ai beaucoup aimé les histoires d'amour (et pourtant, vous me connaissez, c'est pas mon trop mon truc), de passions, ça m'a plu de découvrir les failles des personnages, leurs incertitudes… Comme toujours, les héroïnes de Jo Walton sont incroyablement humaines, incroyablement vraies. Ça, de même que les univers qu'elle crée, que les histoires qu'elle nous raconte, c'est ce qui fait la force de ses romans.

Alors voilà, même si Pierre-de-vie n'est pas mon roman préféré de l'autrice, force est de constater que chacun de ses récits me plaît ; parce que ses personnages sont authentiques, parce que ses histoires sont riches, parce qu'elle maîtrise la narration…
J'aime les textes de Jo Walton et je crois que je l'aime elle aussi parce qu'elle nous offre toujours de superbes romans.
Bref, lisez Pierre-de-vie, lisez Morwenna, lisez Mes vrais enfants… Lisez Jo Walton.
Lien : https://malecturotheque.word..
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critiques presse (2)
Syfantasy
13 mars 2022
Ce roman s'adresse à toute personne désireuse de découvrir une Fantasy étonnante, calme à son commencement, à la plume subtile et bien plus complexe - loin des clichés habituels.
Lire la critique sur le site : Syfantasy
Elbakin.net
20 juin 2019
Pierre-de-Vie est de ces romans difficiles à décrire, maîtrisé et étrange tout à la fois [...] Un rythme lent qui n’est pas lent, à l’image du temps dans ce livre, un livre étrange justement qui n’est pas un voyage, mais un retour à la maison.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
« C’est ton moyen de survie, ton gagne-pain, et plus encore, le moteur de ton âme. Et j’ajouterais : le cœur de ta vie, le filon que tu vas creuser et la direction qu’indique ton existence. Mais c’est aussi un fardeau que tu vas devoir porter jusqu’à ta mort. Le genre de question qu’on ne règle pas d’un claquement de doigts.
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Le temps est une illusion. Les événements semblent se succéder, mais quand on regarde en arrière, on se rend compte qu’ils se sont tous produits en même temps, et que ce qui semblait faire partie d’une histoire appartient en fait à une autre...
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Tout l'intéresse et il veut tout comprendre ; c'est une malédiction, mais aussi un bonheur.
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Vidéo de Jo Walton
Interview de Jo Walton à l'occasion de la sortie de Ou ce que vous voudrez (Or What You Will ) aux éditions Denoël. Traducteur : Thomas Bauduret
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