Modigliani

Aller dire que la beauté de la femme obsédait Modigliani, c'est le truisme le plus absolu.

J'ai un bon souvenir d'une expo à Villeneuve-d'Ascq. Une peinture m'avait particulièrement marqué, évidemment un portrait de femme. Je suis resté la regarder comme l'idiot regarde l'avion passer jusqu'à temps qu'il ne le voit plus.

Ca défilait chez Modigliani autant que chez Klimt à Vienne. A ceci près que chez Klimt les belles bourgeoises de la ville s'y donnaient rendez-vous. Chez Modigliani, c'était quand même le fruit de ses dragues à l'extérieur, mais on verra pourquoi il avait du succès. Parmi les modèles qui firent le détour par chez lui pour assurément s'immortaliser le portrait, on remarqua une muse , fait pas trop connu à vrai dire, à mon étonnement, c'est Anna Akhmatova la grande poétesse russe. Il est vrai qu'il ne reste pratiquement plus rien comme dessins d'Anna qui illustrèrent leur relation. On peut même se demander si à son retour, plus tard, Staline n'en prit pas ombrage et ne s'en servit pas contre elle. Je veux bien croire que la poésie d'Anna n'est pas dépourvue d'érotisme sous-jacent, mais de là à la censurer pour ça, ou était-ce un prétexte pour la raviser sur son peu d'engouement pour le bolchevisme, ou il devait bien avoir chez Staline ou autre Jdanov une arrière-pensée de ce genre.

Dans sa vie d'artiste, Anna aurait-elle donc laissé un peintre maudit pour tomber sous la censure d'un dictateur maudit. ? Ben oui, ce fut à la fois le charme et le triste lot de la grande poétesse !

Alors qu'est-ce-qui attirait chez ce Amédéo Modigliani qui plaisait tant aux femmes. Il tenait à sa mise, il était tout le temps propre sur lui. S'il fallait se laver le cul dans une bassine d'eau glaciale, il le faisait ; il était toujours fraichement rasé, sans oublier que c'était un fort bel homme dont les origines n'étaient pas celles d'un gueux. L'italien était l'anti-portrait d'un Paul Léautaud rempli de poils de chat et couvert de petites laines qui laissaient à désirer ..

C'est quand même inoui cette rencontre à Paris entre la plus grande poétesse russe et le peintre maudit italien dans les années avant-guerre au coeur de la grande aventure montmartroise baignée de tant de talents à la fois littéraires et picturaux, dans le foisonnement de la nuit. Cette cohorte d'artistes exceptionnels va tout donner d'elle-même, à la merci des marchands. Que n'ont-ils enduré pour nous apporter la plus belle expression d'eux-mêmes ! La guerre va emporter tout ce beau monde comme un raz-de-marée venant fouetter le rivage ; les choses se reconsidéreront après dans un tumulte et un éparpillement invraisemblables.

Une vraie amitié était née entre la russe et l'italien, ils se sont plu, se sont promenés dans le beau Paris ; l'histoire ne dit pas trop jusqu'où est allée leur relation. . Peut-être avaient-ils consumé là déjà les plus beaux instants de leur vie, nul doute que le profil incomparable de la poétesse avait tapé dans l'oeil de notre séducteur doué pour le dessin et la peinture hors du commun.. Même si la vie ne fut pas facile tous les jours pour ces artistes, on est enthousiastes à l'évocation de tels noms.. Montmartre fut le phare vers lequel tous les grands artistes du monde entier convergeaient..