Toute personne ayant déjà manipulé un fusil le sait, il faut toujours "casser" l'arme lorsque l'on se déplace ou que l'on ne doit plus s'en servir.
Voire la décharger en sus… On n'est jamais trop prudent lorsque l'on manie des armes à feu, un accident est trop vite arrivé bêtement.
Si Ward Fall avait suivi ces consignes de sécurités élémentaires, le coup ne serait pas parti tout seul et n'aurait pas atterri dans la tête de Gwen, sa copine, sous les yeux horrifiés de son frangin, Eric.
C'est le genre de décharge dont on ne se remet jamais et qui vous envoie direct au terminus. Gwen est décédée, son frère Eric a été dévasté et Ward aussi.
Trois vies fracassées si pas plus, puisqu'il faut ajouter les parent de la jeune fille. Mais le roman ne s'attardera que brièvement sur le destin des parents de Gwen et Eric, s'attachant plus à suivre les destinées de Ward et d'Eric qui a brûlé la chandelle par les deux bouts.
Roman dédié à la vengeance que l'on rumine durant 25 ans et qui vous plombe votre vie, roman sur une rédemption, un pardon que l'on sait ne pas mériter, roman sur l'abandon de soi, sur l'enfoncement dans l'alcool, la cigarette, le m'en-foutisme.
Eric n'a jamais pardonné à Ward et ce dernier n'a jamais su trouver les mots après l'accident, qui est plus un "crime" car tout chasseur est responsable de son arme. Leurs vies ont été erratiques, même si Ward donne l'impression de s'en être mieux sorti niveau mariage et vie de famille.
Alternant les moments en compagnie d'Eric, musicien de talent qui a gaspillé les moments précieux et ceux avec Ward, rancher éleveur de vaches en proie à moult tourments, ce roman se lit d'une traite tant le portrait brossés des différents personnages est une oeuvre d'art.
Pas besoin d'en faire plus, d'en dire plus, on les a cerné, on les a compris, on a de l'empathie pour eux et on aimerait que l'un trouve le chemin du pardon et l'autre celui de la rédemption.
L'un doit pardonne à l'autre et l'autre doit se pardonner à lui-même. Et entre nous, inviter Eric à une partie de chasse ressemble plus à une chronique d'un assassinat programmé qu'à celui d'une réconciliation. L'ambiance va être oppressante, à tailler à la hache. Mains moites garanties.
Ce pardon qui ne vient pas, cette haine qui pulse, ce dégoût de sois-même, toutes ces émotions ne sont pas toujours faciles à transcrire sur papier mais l'auteur a su trouver les mots qu'il fallait pour mettre tout cela en scène sans jamais tomber dans le pathos, l'écriture soporifique ou forcée.
C'est sombre, c'est beau, c'est violent, c'est doux aussi… C'est court, c'est intense, c'est profond. Putain, ça t'arracherait même la larme à l'oeil.
Ici, même les silences entre les deux hommes, et bien c'est quand même du dialogue tant leurs pensées sont prégnantes, tant leurs gestes sont pesés, réfléchis.
Un beau roman, une belle histoire (♫) que celle de ceux deux hommes qui étaient potes lorsqu'ils étaient à l'unif et qu'une maladresse tragique a séparé, dévastant leur vie comme un ouragan qu'on ne peut plus arrêter (si vous avez envie de chanter, c'est normal, c'est subliminal).
Un roman qui prend aux tripes nous faisant voyager de la moiteur cacophonique de Los Angeles aux rudes plaines froides du Wyoming.
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