Génial !!!!
L'histoire : une nuit de tempête, le vol New York – Tel Aviv est obligé de se poser en urgence dans un tout petit aéroport, où les passagers sont éparpillés à droite à gauche chez les habitants pour y trouver refuge.
Il y en a 5 qui vont se retrouver chez un homme bizarre : le Juge, et son compagnon, le Bossu. Ils se retrouvent prisonniers, et obligés de jouer à ce qu'on leur présente tout d'bord comme un jeu, mais qui devra réellement se produire : à la fin de cette nuit, l'un d'eux devra mourir, il s'agit donc pour chacun de replonger dans sa vie pour savoir et exposer les raisons pour lesquelles il tient à sa vie (et que c'est un autre qui doit mourir à sa place). C'est un huis clos fascinant, parce que même si le lecteur sait du départ que le Juge est complètement fêlé (et inconsciemment, les « otages » le savent aussi), et puis qu'on devine comment ça va finir (on s'attend à ce que ce soit le Juge qui meurt à la fin, et c'est ce qui se produit, par la main du Bossu), l'intérêt du roman réside non pas dans le déroulement de
la nuit, ni dans la pression et la terreur grandissante que les otages doivent gérer (entre eux), ni leurs rapports qui finalement, ne sont pas si creusés que ça, mais dans le chemin que chacun doit parcourir en lui-même, à la recherche de sa propre vérité. C'est exactement le genre d'introspection que j'aime, aucun passage n'est gratuit, tout est clé, miroir, fragments d'une histoire qui mène à voir d'autres clés, miroirs, fragments… Les personnages ne sont pas forcément d'un intérêt peu commun, Yoav et Razziel si, mais Claudia, George ou Bruce sont des gens comme vous et moi, ce qui ne rend pas leur « vie » du moins la conception qu'ils en ont moins intéressante. Les dialogues sont incroyables, du pur bonheur, il y a toujours un sens caché derrière les mots (j'adoooore !!!). A la fin, le Bossu finira par changer de camp, poussé par une force qu'il n'avait encore jamais connue : l'amour. Dans ce livre il en est beaucoup question (de l'amour, sous diverses formes : l'amour pour une femme ou un homme, l'amour-compassion pour ses semblables, l'amour-foi, …) il est aussi beaucoup question de Dieu, et des liens entre un prophète, un artiste et un fou par rapport à Dieu et à l'immortalité (mais là j'avoue, je suis un peu passée à côté).
«
Les juges », c'est d'abord l'histoire d'un juge (le fou qui détient les passagers et qui se croit investi d'un pouvoir suprême…ça finira mal pour lui), ensuite des passagers qui deviennent
les juges de leur propre existence, et au final, des passagers qui devaient devenir
les juges les uns des autres (pour choisir celui qui devait mourir) : or l'histoire s'arrête, trouve son achèvement avant qu'ils ne puissent exécuter ce dernier volet. Doit-on le prendre comme une morale ? Que chacun peut être le juge de sa propre vie mais jamais, en aucun cas, de la vie des autres ?
Petit récapitulatif des personnages :
Claudia, qui vient de découvrir l'amour en la personne de David et qui partait le rejoindre. Elle est dans le théâtre. Elle a passé 10 ans avec un autre homme qu'elle croyait aimer, et quand elle a rencontré David elle a subitement compris ce qu'était l'amour.
Razziel (personnage plus ou moins central du roman) qui est à la recherche de son passé et d'un homme qui pourrait le lui éclaircir, Paritus. A passé des années en prison (là où il a rencontré Paritus), ne se souvient pas de ce qu'il y avait avant (ni de ses parents, ni de son enfance…) Paritus devient son guide, son maître spirituel. Il a aussi une femme qu'il aime d'un amour entier, intemporel. Paritus est un personnage pour le moins très mystérieux.
Yoav : officier juif, se sait atteint d'une maladie incurable et retourne finir ses jours en Israël auprès de sa femme Carmela (là aussi, amour incomparable).
George : vie de famille déplorable, vie professionnelle pas mieux, il est archiviste, jusqu'au jour où il tombe sur un manuscrit qu'il croit devoir remettre entre les mains d'un de ses collègues en Israël (il met en cause une personnalité politique sur l'extermination des juifs pendant la guerre) et pour la première fois, sa vie prend un sens, a un but (mais à la fin du roman, il se demande si finalement, c'est bien important).
Bruce : séducteur de femmes et briseur de couples, il n'est pas très intéressant jusqu'au moment où il comprend qu'il doit se racheter, avouer tout à sa dernière conquête et l'épouser.
Elie Wiesel doit être un de ces auteurs où l'on comprend chaque oeuvre à la lumière des autres ; je suis à peu près sûre que nombre de thèmes développés ici le sont dans d'autres ouvrages, traités à chaque fois sous un nouveau regard (en tout cas complémentaire)… Je sais ce qu'il me reste à faire…