Parle-moi comme la pluie et laisse-moi écouter

Et pour la première fois, je saurai que j’ai vécu dans ce petit hôtel, sous un nom d’emprunt, sans aucun ami, sans fréquenter personne, sans aucune sorte de relation pendant vingt-cinq ans. Cela me surprendra un peu, mais cela ne m’ennuiera pas du tout. Je serai contente que le temps se soit écoulé si facilement. Une fois, de temps en temps, peut-être irai-je au cinéma ! Je m’assiérai dans la dernière rangée, avec tout autour de moi l’obscurité — et les visages immobiles qui n’auront pas conscience de moi. Des gens imaginaires. Des gens comme on en voit dans les histoires. Je lirai des livres très longs et les Mémoires d’auteurs disparus. Je me sentirai plus près d’eux que je ne l’aurai jamais été des gens que je fréquentais avant. Elle sera douce et rafraîchissante, mon amitié avec les poètes disparus car je n’aurai pas à les voir ni à répondre à leurs questions. Ils me parleront et n’attendront pas de réponse. Et je sentirai le sommeil venir en écoutant leurs voix me dévoiler les mystères. Je m’endormirai avec leur livre entre les mains — et il pleuvra.