Parfois, on ne sort de l’eau que pour mieux boire la tasse.
Mais peut-être faut-il risquer de se noyer avant de savoir nager. Et parfois, on se rend compte qu’on est tellement brisé qu’on est incapable de nager.
Mais on le fait tout de même.
Quand on se noie dans le désert, il suffit de se laisser porter.
Je ne suis pas une femmelette. Je suis une montagnarde un peu vieux jeu élevée à la dure. J’ai fait des vêlages, j’ai castré des chevaux, j’ai recousu les plaies de plus d’un cow-boy ivre. J’ai réconforté des enfants battus, j’ai enfoncé le canon de carabines dans l’entrejambe de leurs pères indignes, j’ai même écouté Neal Carey essayer de chanter, tout ça, sans jamais chialer. Je n’ai pas la larme facile.
Le désert n’est jamais ennuyeux contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire. Et, comme tous les détectives privés, l’ennui, je connais. L’ennui, c’est notre spécialité, vu que nous passons le plus clair de notre temps à attendre que d’autres fassent des choses intéressantes (ennuyeux), ou à éplucher des documents (ennuyeux), ou à rédiger des rapports d’enquête (très ennuyeux). Mais, globalement, j’aime l’ennui, car, dans notre métier, quand on ne s’ennuie pas, on a peur. Alors, l’ennui, c’est génial.
Parce que les gens ont commencé à affluer vers Las Vegas.
Pour y faire quoi ?
Pour y perdre du fric.
C’est devenu le grand passe-temps des Américains. Faire des économies toute l’année pour avoir le loisir de tout perdre en vacances. Les gens se sont mis à considérer ça comme un plaisir merveilleusement culpabilisant.
Lorsque quelqu’un vous enfonce le canon d’un revolver dans le bide, on fait deux ou trois choses comme : trembler, s’accorder un instant de pensées religieuses et suer à grosses gouttes. Je suppose que toute ma vie aurait pu défiler devant mes yeux, mais j’étais déjà assez déprimé comme ça.
Don Winslow - Trilogie La cité en flammes