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Les heures sonnent. Big Ben donne son rythme à Londres. Une femme élégante sort de chez elle pour acheter des fleurs. C'est Clarissa Dalloway. le soir de ce beau jour de juin qui s'annonce, elle et son époux, Richard Dalloway, membre de la chambre des communes, donnent une réception où se pressera le tout Londres. Et, de retour chez elle, dans le très huppé quartier de Westminster, tandis que Clarissa reprise une robe verte, un homme sonne à sa porte. Elle reconnaît Peter Walsh, son ami et amour de jeunesse, revenu des Indes pour régler certaines affaires à Londres. le temps d'une journée, des préparatifs de la réception aux frustrations et agacements d'une vie mondaine, Mrs Dalloway donne à voir le portrait d'une femme de la haute société londonienne à travers le flot de ses états d'âme. Roman de l'intime et roman de la sociabilité, Mrs Dalloway est aussi, en filigrane, un roman de ce Londres impérial où se croisent une certaine idée de l'empire et sa réalité.

Il ne s'agira pas ici de proposer un résumé du roman. D'une part, parce que cela serait inutile, car rien de ce que l'on pourrait en dire d'intéressant n'est lié aux événements qui y sont décrits : ni la visite de Clarissa chez le fleuriste, ni les pérégrinations de cette dernière, de sa fille Elizabeth ou de Peter Walsh dans les rues de la capitale britannique ne sauraient constituer quelque élément significatif. D'autre part, et ce deuxième argument explique le premier, parce que Virginia Woolf ne considérait pas l'intrigue comme un élément important, structurant, d'un roman. En cela, Mrs Dalloway se rapproche probablement d'un Ulysse, publié par James Joyce sous sa forme entière en 1922, soit deux ans à peine avant le roman de Virginia Woolf. Cependant, les oeuvres de Woolf et de Joyce diffèrent. le Londres de l'une n'est pas le Dublin de l'autre. La grande capitale du plus vaste empire du monde apparaît, dans sa réalité géographique, en second plan dans le roman de Virginia Woolf. Bien-sûr, il y a Big Ben, dont les heures sonnées rythment le roman, et qui auraient pu donner un titre au roman (Les Heures). A maints égards, Big Ben est un symbole, de Londres d'abord, sur laquelle il veille, pour laquelle il définit le juste temps, celui à partir duquel le monde entier s'accorde, des plus proches églises londoniennes jusqu'aux plus lointains confins de l'empire ; du temps qui passe, ensuite, puisque la mélancolie du passé et l'incertitude de l'avenir nourrissent les réflexions de Clarissa Dalloway. Londres se résume rapidement au seul quartier de Westminster, entre l'abbatiale éponyme et St James' Park, au plus près des lieux de pouvoir, du palais royal à la demeure du Premier Ministre en passant par le Parlement. Hormis Bond street, où Clarissa va acheter les fleurs, et le Strand où Elizabeth, la fille de Clarissa, s'aventure en prenant le bus à impériale, Londres est une rumeur, un arrière-plan. La géographie de la haute société anglaise s'accommode seulement des demeures de campagne, comme à Bourton, dans les Cotswolds, en ce qui concerne la famille de Clarissa.
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L'originalité de Mrs Dalloway tient alors à la part tout à fait considérable, quasi totale, dédiée à l'intime, à ces flots de pensées, de souvenirs, de considérations propres à chacun des personnages, et à eux seuls. En ce sens, deux personnages, particulièrement, livrent au lecteur les secrets de leurs âmes. Il s'agit de Clarissa Dalloway, en premier lieu, et de Septimus Warren Smith, en second lieu, qui a servi sous les drapeaux britanniques lors de la Première guerre mondiale et qui en est revenu traumatisé. Ce personnage de Septimus apparaît d'abord en contrepoint avec celui de Clarissa, tant par son statut social que par son rapport au réel. Septimus se situe effectivement à la marge de la société, comme il l'est à la marge de la réalité qu'il ne perçoit qu'à travers ses illusions visuelles et auditives. Son ami, tué à la guerre, lui vient en visite tandis que son épouse, une Italienne rencontrée à Milan et nommée Lucrezia, désespère de le voir ainsi, ailleurs déjà, loin d'elle, guettant les moindres signes d'une amélioration de son état. Mais Septimus, plutôt que de parler à sa jeune épouse, converse plutôt avec les fantômes qui l'entourent. Son isolement - social et psychologique - étonne dans une ville aussi vaste et peuplée que Londres. de secours, Septimus n'en bénéficie pas, d'où qu'il vienne, y compris des plus éminents médecins qui nient son mal ou bien ne préconisent que du repos, et finalement ne le sauvent pas du suicide auquel le promettait son profond désespoir. C'est justement la nouvelle de cette mort qui, le soir venu, dans l'élégant quartier de Westminster, bouleverse Clarissa Dalloway, tissant finalement un lien intime entre Clarissa et Septimus. Clarissa ressent ainsi une intense sympathie à l'égard de Septimus, à l'opposé de l'aversion qu'elle éprouve à l'égard du docteur Bradshaw, sympathie par ce que Clarissa a elle-même pensé à sa propre mort. Cette évocation finale de la mort intervient alors même que la vie sociale de Clarissa connaît son acmé avec la réussite de la réception, à laquelle s'est même rendu le Premier Ministre. Pour la comprendre, il faut revenir sur la journée de Clarissa Dalloway.

Mariée à Richard Dalloway, Clarissa connut, dans sa jeunesse, une passion amoureuse avec Peter Walsh. Cette jeunesse se résume aux vacances d'été passées dans les Cotswolds, au sein d'une famille stricte à côté de laquelle détonnait son amie, Sally Seton. Pour elle, nous fait comprendre Virginia Woolf, Clarissa a ressenti une attirance, probablement purement physique. de ces deux éléments pour le moins originaux - l'attirance homosexuelle, la passion amoureuse pour un jeune homme en décalage avec les ambitions attendues d'un membre de la bonne société britannique -, Clarissa a choisi de se détacher, et d'épouser Richard Dalloway. Bien lui en a pris, pourrait-on penser : Richard a grimpé les échelons du cursus honorum britannique, et est désormais l'un des membres de cette démocratie monarchiste qu'est le Royaume-Uni. Pendant presque trente ans, Peter Walsh et Sally Seton ont disparu de sa vie. le retour inattendu de Peter ouvre donc les portes du passé, celles des regrets, ou plutôt de cette incertitude que laisse planer la question : et si elle l'avait épousé ? Peter, d'ailleurs, n'a pas changé. Il est toujours extrêmement sensible - il pleure lorsqu'ils se retrouvent ; mais les larmes sont-elles dignes d'un homme respectable ? -, et il a gardé cette manie de triturer son couteau de poche. Qu'espère-t-il ? On ne sait exactement, on se doute bien cependant, que la visite a pour lui quelque chose d'obligatoire, dictée par son coeur, son jeune coeur trahi trente ans auparavant, et qui vient constater l'horrible défaite amoureuse et espère imprudemment que l'amour, enfin, va triompher. Naturellement, il n'en est rien. Clarissa n'est plus, du moins en public, car dans l'intime, elle doute ; mais il y a la réception, ces invités dont on redoute qu'ils ne viennent pas, ces invités dont on déplore la visite improviste. Il y a aussi les silences, ceux de toute une vie, qui ont déjà tout dit, ont déjà choisi, ont parlé brutalement à Peter Walsh pour lui signifier que, non, Clarissa ne porterait pas son nom. Sous Mrs Dalloway, Clarissa revient à la surface. On l'apprécie, on la respecte, dans le monde feutré des salons londoniens. Mais sa fille, Elizabeth, est tombée sous l'influence de sa préceptrice allemande. Mais son mari, Richard, est seul invité chez Lady Bruton pour parler de l'émigration des jeunes filles au Canada. Mais entre ceux qu'elle envie et ceux qu'elle domine, et parfois qu'elle méprise (Mrs Kilman, Mrs Henderson), Clarissa peine à trouver un sens à sa vie, celle de Mrs Dalloway.

Il est remarquable que quelques heures à peine de la vie d'une femme dise tant. Tant de son époque, tant de son milieu géographique et social, tant de sa condition en tant que femme. de la condition de Clarissa Dalloway, il est donc loisible de construire un raisonnement plus large, relatif à la sociabilité londonienne, et à la place de la femme dans celle-ci. Peter Walsh l'observe : Clarissa est deux fois plus intelligente que son mari, Richard. Pourtant, continue Peter, Clarissa n'a d'autre choix que de voir le monde selon le regard de son mari. Subordination de l'épouse à son époux ; il n'est que les femmes seules, célibataires ou veuves, telle Lady Bruton, pour faire selon leurs souhaits. Encore Lady Bruton place-t-elle l'homme au-dessus de la femme. de par son genre, Clarissa n'a pas de métier dont elle toucherait quelque émolument. Sa fonction est pourtant publique : maîtresse des réceptions, elle est celle chez qui le tout-Londres doit se rendre le soir venu, le port d'attache pour ces dizaines de calèches qui emmènent leurs passagers, tels de menues barques sur les flots. Pour satisfaire à sa fonction, Clarissa fait montre du sens des conventions ; tout doit être réglé, et elle règne sur ses domestiques comme une reine sur son royaume. Les drames les plus douloureux sont les absences d'invitation, ces effacements du monde qui la condamneraient à l'isolement. Clarissa Dalloway est une fonction, elle est aussi un corps : un corps au port altier, élégant, dont tout le monde loue l'étonnante fraîcheur physique. Là aussi, le corps physique est un corps public : le corps intime n'est jamais évoqué, renfermé à jamais avec l'amour adolescent que représentaient Peter Walsh et Sally Seton. La visite impromptue de Peter Walsh fait cruellement ressentir à Clarissa la dichotomie extraordinaire qui existe entre son moi intérieur et sa personnalité extérieure. Mrs Dalloway, comme toutes les dames de son rang, de sa classe, cherche la collectivité, les rassemblements des plus hauts personnages de la société. Il y a, dans cet attrait de l'entre-soi, du prestige aussi que peut représenter la venue d'un Premier Ministre ou d'un membre de la famille royal, quelque chose qui traverse toute la société anglaise. La scène finale, où chacun se retourne discrètement, mais avec excitation, sur le passage du Premier Ministre, rappelle tout à fait l'une des scènes initiales, quand un carrosse peut-être royal provoque parmi la foule - le peuple - une liesse quasi identique. Si la visite du Premier Ministre donne lieu à quelques manifestations, certes discrètes, d'échauffement publics, la bonne tenue des convives ne cache pas les rancoeurs secrètes, ses drames, ses moqueries de bon aloi. Il en est ainsi de Hugh Whitbread, ami des Dalloway, qui tire son prestige de son travail à la Cour, mais dont on moque, dans des sourires cachés, la véritable fonction, qui est celle, véritablement, de domestique royal. Cette haute société a le sens des convenances, mais n'oublie pas les parcours de chacun, et sait mettre à nu les vulgaires et les parvenus.

De ce Mrs Dalloway, il demeure l'emprunte d'un style. Les monologues suivent les monologues, démontrant l'isolement de chacun, ses peurs et ses sentiments les plus intimes, ceux que personne n'oserait révéler en public, bien entendu. Page après page, Virginia Woolf s'applique à suivre les pensées des personnages, bondissant de subjectivités en subjectivités, d'âmes en âmes, pour en saisir la perception de la réalité. Accordant peu de pause au lecteur, et laissant peu de places aux dialogues, Virginia Woolf a livré là un récit très dense, aux phrases parfois très longues, peuplé d'impressions subjectives, et pourtant savamment rythmé, afin que toujours le mouvement demeure. de cette volonté que démontre Virginia Woolf à saisir toute la densité de chacun des moments de la journée, on pourrait dire qu'il s'agit là d'un des thèmes principaux du livre. Moments de jeunesse, moments de consécration sociale, moments de doutes intérieurs, chacun marqués par un événement précis - la rupture amoureuse avec Peter Walsh, l'arrivée du Premier Ministre, la révélation de la mort de Septimus Warren Smith -, ils surgissent un à un dans la journée de Clarissa Dalloway, banale en apparence et décisive en réalité.
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Une journée de juin 1923 à Londres. Les états d'âme de personnages centraux :
- Clarissa Dalloway, femme du monde, snob mais intelligente, sensible mais froide. Elle a épousé Richard, propriétaire terrien solide qui fait une carrière politique honnête même s'il n'a pas le niveau pour devenir ministre
- Peter Walsh qui a été amoureux de Clarissa dans sa jeunesse et le reste
D'autres personnages entrent dans le portrait de Londres, soit parce qu'ils assistent au passage d'un officiel (la reine, le Premier ministre) dans un véhicule à Westminster, soit parce qu'ils croisent un personnage principal. Ainsi, Septimus Smith, ancien soldat de 14-18 revoit en hallucinations son ami mort au front ; il se suicide en s'empalant sur une grille.
La description de la réception donnée par Clarissa à la fin d'une livre a une approche chorale très avant-gardiste.
Londres. Grand livre, proche de Proust.
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Second livre que je lis de Virginia Woolf après le Paradis est une lecture continue, Mrs Dalloway m'a enchantée ! Je m'attendais à un texte difficile d'accès, mais j'ai pris un réel plaisir à me laisser porter par la plume de l'autrice.

Nous sommes à Londres, cinq ans après la fin de la Première Guerre mondiale et nous suivons la journée de Clarissa Dalloway, qui a décidé de donner une soirée le soir même, ainsi que celle des personnes qu'elle croise. le roman se déploie, au gré des pensées des personnages et de leur promenade dans Londres, une galerie de portraits. Nous faisons ainsi la connaissance de Peter Walsh, ancien prétendant de Clarissa tout juste revenu d'Inde, et de Lucrezia italienne mariée à Septimus qui souffre de stress post-traumatique depuis la fin de la guerre. J'ai été particulièrement touchée par la détresse et la solitude de Lucrezia, dont les pensées retournent souvent à ses soeurs, restées en Italie.

J'ai été totalement immergée dans les rues londoniennes et j'avais l'impression que c'était mon propre regard qui se posait sur les yeux des passants. L'écriture de Virginia Woolf convoque les sens du lecteur et ajoute à cette impression : j'entendais Big Ben sonner et je sentais l'odeur des fleurs. le texte, comme les personnages, est en mouvement et se tisse avec une grande fluidité, touche par touche, impression par impression. Car, comme l'écrit Virginia Woolf, les choses sont liées par « un fil d'araignée », lien invisible, mais bien présent qui tient ensemble toutes choses.

Virginia Woolf dépeint une société mondaine très fermée, dans laquelle apparence, mépris et snobisme sont rois. Clarissa évolue dans un cercle où l'on se connait et se reconnait. Sa soirée en est d'ailleurs l'apothéose, chaque invité est annoncé et Mrs Dalloway, car elle n'est plus Clarissa à ce moment-là, elle revêt son costume social, navigue entre eux.

J'ai été agréablement surprise de trouver certains sujets que je ne m'attendais pas à trouver dans le roman. Il y est question de santé mentale et d'homosexualité. Les personnages ferment les yeux sur ces sujets, mais malgré cela, Virginia Woolf nous les donne à lire et ne les cache pas. Elle évoque également la place des femmes et j'ai eu beaucoup de sympathie pour Lady Bruton qui ne peut pas être une dirigeante comme les hommes de sa lignée et pour Clarissa qui, à 52 ans, est vue comme une vieille femme.



Les souvenirs tiennent une grande place dans Mrs Dalloway, les pensées des personnages y revenant immanquablement. Les personnages songent à leurs amours anciennes, qu'est-ce qui aurait pu être autrement ? et la nostalgie occupe leur coeur. La guerre est passée par là, des mariages ont été célébrés, le monde a changé, pourtant, certains personnages restent ancrés dans le passé. Dans cet univers, quelle part de ce que l'on a été reste dans ce que l'on est aujourd'hui ?

Mrs Dalloway met un avant un thème que j'aime trouver dans la littérature : celui de l'identité. Les personnages ne s'appartiennent pas à eux-mêmes, ils sont sans cesse soumis au regard des autres, et c'est celui-ci qui les définit. Cependant, la multiplicité des points de vue ne garantit en rien un portrait véritable. le temps et les événements façonnent également les personnages : la jeune et impétueuse Sally du passé est une tout autre personne que Lady Rosseter, celle du présent, mariée et mère de cinq garçons. À cela s'ajoute nos émotions que l'on calque invariablement sur les autres. Il est ainsi difficile, voire impossible, de saisir les personnages. On croit en faire une esquisse puis ils se meuvent dans une autre direction.

Je n'ai pas encore dit de mot concernant l'édition illustrée que j'ai lue (Editions Tibert 2018). le livre objet est très beau et c'est un plaisir de parcourir le texte de Virginia Woolf ; celui-ci n'est pas découpé en chapitres mais la mise en page, très aérée, ne le rend pas lourd du tout. Nathalie Novi développe dans ses illustrations un univers onirique et coloré, dans lequel les fleurs s'épanouissent en majesté. Je m'attendais cependant à ce qu'elles soient plus nombreuses.

J'ai lu Mrs Dalloway comme une succession d'impressions. C'est un roman du sensible qui parle de ce qui fait l'intimité de l'être avec une telle acuité qu'il nous parle encore aujourd'hui.
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Mrs Dalloway, roman fiction de Virginia Woolf est publié en 1925. Woolf décrit une journée dans la vie de Clarissa Dalloway, Anglaise aristocrate de l'après-Première Guerre mondiale.
On suit plusieurs personnages, dans le Londres de 1923. Woolf amène les pensées, les histoires, les passés des personnages dans l'espace et le temps avec un incomparable brio.
Mrs Dalloway est une femme du monde dont la seule activité est de donner des parties, pour « faire plaisir aux autres ». Genre de grande bourgeoise qui ne fait rien, elle est juste là. Elle a aimé son amie Sally, dans sa jeunesse, sans s'avouer une homosexualité, de même que Septimus avec son capitaine Evans.
Sally la tornade, la délurée, se rangera et deviendra comme Clarissa, juste une épouse.
Septimus, le héros de guerre traumatisé est totalement incompris par les médecins. Woolf, bipolaire mal traité par les docteurs de son temps, critique la médecine. Non pas à cause de leur manque de savoir, mais à cause de leur prétention à tout savoir et de leur arrogance de « scientifiques ».
Magnifique et intéressante analyse de cette haute société anglaise, j'ai eu pourtant du mal à m'attacher à ce récit à cause des personnages, Mrs Dalloway en tête, suivie de près par Peter Walsh : ils ne luttent pas, leurs vies sont creuses, au final. Seul Septimus sort du lot, mais tragiquement.

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Roman fort et subtil à la fois, plein de sensibilité mais aussi de détermination, à la recherche d'un équilibre entre la lumière et l'ombre, le présent et le passé, centré sur des individus dont on cerne la conscience intime, tout en s'attachant à ce qui leur est extérieur.

La Première Guerre est finie, on est à Londres dont les rues, les sites sont largement évoqués, Mrs Dalloway appartient à la haute bourgeoisie anglaise et le roman se déroule sur une journée. Il mêle des trajectoires d'individus et des éléments historico-sociaux de l'époque.

L'héroïne (Clarissa) est mariée (à Richard, député conservateur) et a une fille (Élisabeth), une adolescente ambitieuse de 17 ans. Sally Seton, sa meilleure amie, ancienne complice, personnage affranchi, souverain, finit par se marier à un industriel, gère ses terres et ses cinq enfants, finalement rangée au mieux. Peter Walsh, de retour des Indes après cinq ans d'absence, en recherche d'un revenu, vient retrouver Clarissa Dalloway, dont il a été passionnément amoureux dans sa jeunesse. Ce déclassé, resté adolescent, ce raté de la vie, irrésolu et instable, se complait dans le passé, dans les moments d'extase qu'il a pu connaître... autrefois.

Lady Bruton, issue d'un milieu militaire, incarne à la perfection les valeurs nationalistes, voire impérialistes d'un Royaume Uni rigidifié, et l'ambiance belliqueuse du milieu expansionniste.
La “folie“ de Septimus est en lien avec la guerre à laquelle il a participé il y a quelques années et qu'il paye d'avoir reçu des éclats d'obus, mais surtout d'avoir perdu son ami, Evans. Appelé en dernière extrémité, le “grand“ médecin Bradshaw révèle sa fatuité et son appétit de puissance et de domination. Il n'empêchera pas Septimus d'opter pour la fin qu'il aura choisie. le parallèle avec le vécu et la destinée autodestructrice de Virginia Woolf est à souligner.

Difficile de cerner dans la galerie de portraits présentés quelle est la vraie personnalité de Clarissa Dalloway, occupée à des tâches domestiques ou de représentation, préoccupée par son image qu'elle n'empêche pas de paraître froide, rigide, impénétrable. Elle a perdu la spontanéité rebelle, la complicité, les émois qu'elle avait vécus avec Sally Seton longtemps auparavant. Tout en préservant son indépendance, elle sait aussi être cordiale, faire des cadeaux, organiser des réceptions pour asseoir la carrière politique de son mari, mais aussi pour que les uns rencontrent les autres. Celle qu'elle organise ce soir-là, point d'orgue du texte, est d'ailleurs plutôt réussie.

Virginia Woolf voit-elle en Clarissa un double d'elle-même ? Serait-elle à la fois Mrs Dalloway et Septimus, la première étant un masque, et le second une protection contre ce qui la menace.

Récit dépourvu d'intrigue et même d'histoire, peut-être un équivalent en littérature de l'impressionnisme en peinture. Une écriture sensuelle, à vif, exacerbant encore la difficulté, voire l'impossibilité d'être soi-même, noyé dans une multiplicité de sensations, pétillantes et hermétiques à la fois, oniriques et sans espoir, entre instinct (de vie, nostalgie amoureuse) et tentation morbide (obsession de la mort, suicide de Septimus).
Bref, une oeuvre majeure pour une auteure au talent étincelant.
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Un classique de la littérature anglaise qui m'impressionnait mais que j'ai finalement lu assez facilement, bien qu'il faille tout de même se consacrer pleinement à sa lecture pour en comprendre le sens.
Je ne connaissais de ce roman que ce que j'en avais entendu : un long monologue intérieur de Clarissa Dolloway, que l'on suit tout au long d'une journée. Effectivement, Mrs Dolloway est bien le personnage central de ce texte : on suit son cheminement de pensée, ses impressions sur les gens qui l'entourent, la nature, alors qu'elle prépare une réception qu'elle donnera le soir même chez elle. Mais cela va au-delà : nous suivons bien d'autres personnages, tous plus ou moins liés à Clarissa, passant des uns aux autres, partageant leurs pensées, ce qui permet d'aborder de nombreux thèmes, l'intrigue se situant quelques années après la Première Guerre mondiale.
Une lecture très riche donc, finalement plutôt éloignée de l'idée que j'en avais, qui m'a accrochée jusqu'à la dernière page et à laquelle on continue de penser une fois le livre refermé, pour tous les non-dits et silences cachés dans le texte.
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« Et justement, elle était là. »
Il était là, le roman de Virginia Woolf. Un classique, qui reste encore sur la « Pile à Lire », on le prend, puis on le replace. Il est encore là…

Pourtant je n'ai pas trouvé le roman difficile. C'est même une écriture plutôt moderne sans trop d'archaïsmes dans ce Londres du début du XXe siècle. Dans la version numérique que j'ai lue, la chose qui distingue ce texte des romans récents c'est l'absence de chapitres et de divisions, on passe parfois d'un interlocuteur à l'autre sans mention graphique explicite.

Un roman d'introspection, cependant, surtout celle de Mrs Dalloway qui réfléchit sur sa condition de femme, sur les choix de vie qu'elle a faits ou qui lui ont été imposés. Mais il y a aussi les pensées de son ami Peter Walsh qui arrive des Indes et celles de Reiza, une Italienne qui a épousé un homme qui entend des voix…

Et si ce n'est pas un roman d'action, on ne peut pas dire qu'il ne s'y passe rien : on assiste même à une défenestration.

« Et justement, elle était là. », c'est la dernière phrase du livre.

Elle était là, Virginia Woolf, et elle est encore là pour poser la question : « Qu'est-ce? Où suis-je? Et pourquoi, après tout, fait-on ce qu'on fait? » (p.98)
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Nous voici à Londres, la fin de la guerre, la volonté d'oublier, de passer à autre chose. Mrs Clarissa Dalloway est mariée à Richard qui la laisse libre de ses mouvements, ce qui n'est pas si fréquent à l'époque. Et nous allons suivre les déambulations de cette femme d'une cinquantaine d'année, bourgeoise qui reçoit le soir même chez elle, une réception comme elle les aime, elle qui fait tout pour plaire, très dépendante du « qu'en dira t-on ».
Pas de chapitre ici, un flot continue qui correspond au vagabondage de cette journée où l'on passe sans différence d'un personnage à l'autre, de Peter, l'amoureux transi qui revient des Indes, en passant par la fille de Clarissa, Elizabeth, ou Septimus, soldat revenu de l'enfer de 14-18 mais qui ne s'en remet pas.
C'est une lecture exigeante parce que j'avoue qu'au début, enfiler les personnages et les situations, à la suite, sans un souffle, m'a déconcerté, fatiguée. Et puis Clarissa est tout sauf sympathique en étant aussi superficielle.
Mais il y a l'écriture et la finesse des observations, alors au fur et à mesure, j'ai été prise, happée et j'ai continué avec plaisir de flâner dans ce Londres, des parcs ou des salons d'hôtels privés.
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Les flux de conscience sont tellement justes que ce livre permet probablement de se représenter les troubles psychotiques, dont celui qui affectait l'auteure et son personnage. Lecture difficile où chaque découverte psychologique est méritée. le cadre historique est également beaucoup plus qu'un décors, il fait partie de l'intrigue.
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Magnifique petit ouvrage où Virginia Woolf rentre dans l'esprit de plusieurs personnages de la haute société anglaise. J'ai trouvé particulièrement touchants les passages sur le vétéran anglais traumatisé par la Grande Guerre, et j'ai beaucoup apprécié la relation entre Mrs Clarissa Dalloway et Peter Walsh, l'amant du coeur mais écarté par la raison, car trop instable, trop excentrique, mais si charmant... La relation entre Mrs Clarissa Dalloway et son époux, Mr Richard Dalloway est également très bien rendue, ce mari émotif, amoureux, mais silencieux et cette épouse respectueuse, mais sans réel goût pour son mari. le style de Virginia Woolf tel que j'ai pu l'appréhender dans ma version traduite est composé de phrases simples, courtes, mais pourtant bien plus percutantes que celles des romans que l'on peut lire aujourd'hui. Sans doute cela tient-il à la profondeur de son propos ?
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