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sur 526 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans ce semblant de biographie, Virginia Woolf raconte l'histoire d'Orlando, figure androgyne, vivant en tant qu'homme au XVIe siècle et poète amateur. Il est emmené dans la cour de la Reine, tombe amoureux de Sasha, une noble russe qui l'abandonne, tombe dans un étrange sommeil d'une semaine suite auquel il devient ambassadeur à Constantinople. Après un autre sommeil de sept jours, Orlando devient femme et partage sa vie avec des nomades. Elle revient à Londres, dans une autre époque, car son histoire traverse les âges. Elle se consacre alors à l'écriture, rencontre l'amour auprès d'un aventurier et devient écrivaine à succès.

Ce récit porte à la fois sur les rôles sociaux de l'homme et de la femme, et Orlando glisse de l'un à l'autre avec une telle aisance que son changement de sexe au milieu du livre n'a absolument pas perturbé mon récit, et semblait aller de soi. Ces différentes visions du genre se mêle à l'observation de l'évolution technique de la société, puisque qu'Orlando évolue sur plus de quatre siècles.

J'ai beaucoup aimé la diversité des lieux et des époques. Tantôt, on est dans l'Angleterre du XVIe siècle, puis on part à Constantinople, on voyage avec des nomades pour revenir à Londres, à l'époque post-industrielle. le livre foisonne de détails, et pour peu qu'on soit dans une ambiance propice à la concentration, il est facile d'entrer dans l'histoire et de contempler les décors.

Bien que le style d'écriture semble, au premier abord, rebutant, il est néanmoins très riche, magnifique, et même teinté d'humour. Il correspond parfaitement au personnage complexe d'Orlando, et permet de suivre sa vie et son évolution au plus près.
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J'ai trouvé cette lecture marquante pour plusieurs raisons. D'abord, il y a plusieurs passages remarquables qui valent certainement une relecture, notamment les réflexions d'Orlando sur son nouveau statut de femme pendant la traversée qui la ramène à Londres et les dernières dizaines de pages où elle entend «les coups du temps», ce qui induit souvenirs et réflexions. D'ailleurs ce livre ne finit pas, il s'éteint doucement. . . Ensuite Woolf est souvent ironique, masquant d'un sourire les dénonciations qu'elle glisse ici et là, quand elle ne devient pas franchement drôle comme dans la présentation des fiancées d'Orlando, ou encore dans la façon de se débarrasser d'un encombrant archiduc.

Les éléments fantastiques participent grandement à l'enchantement; après la surprise du Grand Gel, l'étonnante longévité des personnages et les apparitions hallucinatoires sont tout aussi jubilatoires. Les apartés du biographe m'ont paru éminemment sympathiques en plus d'établir une belle complicité avec le lecteur; le ton est si juste lors de ces interventions qui ne sont jamais par ailleurs anodines. Les aspirations littéraires d'Orlando qui le suivent tout au long du récit ajoutent non seulement un fil conducteur, mais sont aussi l'occasion de captivantes réflexions sur l'art. Et quelle écriture! Toujours précise, fluide, imagée, changeant de ton sans coupure, vive, louvoyant entre les thèmes sans effort. En somme un livre à l'écriture élégante, d'une originalité renversante, qui sollicite à la fois l'intelligence du lecteur et son sens féérique; quoi demander de mieux?
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Quel chance nous avons, nous lecteurs babeliotes, d'avoir, dans ce monde de brutes, la compagnie des livres, et la possibilité de partager nos découvertes et nos analyses.

C'est encore d'un formidable roman de Virginia Woolf dont il faut que je vous parle aujourd'hui. Cette autrice est devenue, au fil du temps, un.e. de ces écrivain.e.s qui figurent mon Panthéon littéraire, c'est à dire ces auteur.e.s dont je rassemble les livres dans une partie de ma bibliothèque (on a le Panthéon qu'on peut).

Les mots me manquent pour dire toute la beauté de ce livre.

Pourtant, aux premières pages, le lecteur de Mrs Dalloway-Les vagues- Les Années- La promenade au Phare que je suis, s'est trouvé déconcerté par cette narration si différente, exubérante et fantaisiste, voire parodique, choisie délibérément par Virginia Woolf, qui disait d'ailleurs, qu'après avoir écrit La Promenade au Phare, ce livre était pour elle une sorte de « récréation d'écrivain ».
Mais, très vite, on se laisse emporter par l'histoire d'Orlando, présentée avec humour comme une biographie, qui va se dérouler depuis le 16ème siècle, où le jeune Orlando devient le courtisan favori de la Reine Elizabeth 1er, puis ambassadeur à Constantinople, se réveille en femme après une semaine de sommeil, vit dans une communauté de Tziganes, se retrouve au 18ème siècle où elle fuit la vanité et la futilité des salons pour le commerce des écrivains et poètes. Puis la voilà au 19ème siècle à l'époque victorienne dont elle critique notamment les moeurs rigides, la nature défigurée par l'industrialisation, mais qui lui fait rencontrer un aventurier des mers, Lord Marmaduke Bonthrop Shelmetdine (sic), qu'elle prénomme affectueusement Shel, avec lequel elle se marie et a un enfant. Et enfin, nous la retrouvons en 1928, année de la rédaction d'Orlando.

Une fois n'est pas coutume, je m'aperçois que je viens de vous « spoiler » ce roman, mais ce n'est pas cette histoire improbable qui est le plus important, c'est ce qu'elle sous-tend.
Je vais essayer de vous livrer les points qui m'ont marqué:

Avant tout, Orlando est, pour moi, un livre d'une folle liberté, une apologie, une défense de la liberté : la liberté revendiquée de la narration romanesque, avec une narratrice prétendument « biographe », qui intervient pour commenter les actions et parfois l'absence d'action, de son personnage, souvent avec un humour, une ironie qui m'ont fait sourire et parfois bien rire (ce dont je ne la croyais pas capable, marqué que je suis par l'image d'une Virginia dépressive et suicidaire). Cette manière de commenter les actions de son personnage me rappelle Sterne, Diderot, ou plus près de nous, Kundera. Et puis, il y a, surtout, cette façon de revendiquer pour chacune et chacun la liberté de choisir sa vie. Poussé à l'extrême ici, on peut être homme ou femme, vivre à une époque ou à une autre, peu importe, ce qui compte c'est la qualité d'être humain qui compte. Certains parlent de ce roman comme un roman féministe. Oui c'est vrai, et d'ailleurs ce livre est dédié à l'autrice féministe Vita Sackville-West avec laquelle Virginia Woolf a eu une liaison passionnée. Mais, plus que cela je trouve que c'est un roman humaniste, et qui plus est, qui prône l'harmonie de l'être humain avec la Nature, et cela nous parle en ces moments où nous sommes confrontés aux dégâts terribles que l'exploitation insensée de notre planète, notre démographie galopante, ont fait à la Nature.


L'autre aspect remarquable, qui traverse tout le livre, c'est la littérature ou plutôt la création littéraire. Orlando est d'abord un grand lecteur (ou une grande lectrice, selon l'époque), puis va s'essayer à l'écriture de différents genres littéraires. Son ambition littéraire est d'abord moquée au 16ème siècle dans un pamphlet de l'auteur Nicolas Greene, qu'Orlando avait reçu chez lui (à ce moment il était un homme). Au 18ème siècle, elle essaie d'avoir les conseils des célèbres Swift et Pope, et du moins célèbre Addison, mais tous préfèrent parler d'autres sujets, et Orlando constate d'ailleurs que leur vie, leurs pôles d'intérêt ne permettent pas de deviner le génie dont ils témoignent dans leurs oeuvres. Et puis le 19ème siècle voit Orlando reprendre l'écriture, et reprendre notamment la rédaction de son grand poème le Chêne, débutée en 1592! Nous la retrouvons enfin, écrivaine reconnue et couronnée par un Prix prestigieux lorsque la rédaction du livre se termine, en 1928. Toutes proportions gardées, cette préoccupation d'écrire une oeuvre fait penser à son contemporain Marcel Proust. En effet, dans La recherche du temps perdu, le narrateur se pose cette question récurrente de l'écriture d'un livre, et ce sont les dernières pages du dernier tome qui en exposent le thème. Il y a aussi chez Proust cette idée forte, exprimée dans le Contre Sainte-Beuve, que la vie publique d'un auteur n'explique en rien le moi profond qui s'exprime dans son oeuvre, idée exprimée aussi au détour de la vie d'Orlando

Enfin, le voyage d'Orlando au fil des siècles nous dépeint les évolutions de la ville de Londres, du paysage urbain, et des campagnes de l'Angleterre, avec notamment la laideur liée à l'industrialisation au 19ème siècle. . Et surtout Virginia Woolf décrit de façon très critique, mais avec finesse, humour et ironie, les évolutions de moeurs depuis le 16ème siècle. Sans entrer dans les détails, je citerais la violence et l'insouciance de l'époque élisabéthaine, la vanité des salons littéraires du 18ème siècle, la pruderie et le rigorisme de l'époque victorienne. Là, c'est la féministe qui parle, et qui critique la condition faite à la femme en ce temps-là: le corps enfermé sous plusieurs couches de vêtements de façon à ne laisser rien paraître de ses formes, la fonction unique de la femme étant la reproduction avec un objectif de faire dix à quinze enfants, etc… Et qui se réjouit que la condition des femmes se soit un peu améliorée au début du 20ème siècle. Je n'ai pu pourtant m'empêcher de penser que 100 ans après, cette liberté soit bâillonnée dans tant de parties du monde, Afghanistan, Iran, Arabie saoudite, et tant de pays musulmans où la femme est contrainte de cacher son corps ses cheveux et même son visage. Et que penser de certaines communautés de notre propre pays.

Il y aurait sans nul doute bien d'autres choses à dire. Par exemple, le caractère toujours positif, optimiste et tolérant d'Orlando, sa curiosité de tout.

Voilà, j'espère vous avoir convaincus, chères lectrices et chers lecteurs de Babelio, de lire ce livre étonnant, flamboyant, grisant de fantaisie sans être futile, et où passe le souffle de la liberté.



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Lecture passionnante et pleine d'esprit, malgré une dernière partie (Époque victorienne), qui tirait un peu en longueur.

Sous la plume féminine et féministe de Woolf, Orlando est un livre d'une fine poésie, touchant à l'universel, et questionnant l'identité. Orlando, c'est un je multiple. Une allégorie de l'artiste, de l'amant.e, de l'éternité. Un être ayant vécu assez longtemps pour avoir aiguisé sa perception du monde, en voyageant et en expérimentant la pluralité sensible et émotionnelle du monde, à travers plusieurs vies.

J'ai été fascinée par la forme du récit — une sorte de biographie dans laquelle le narrateur (le biographe) s'inclut avec humour, s'adressant directement au lecteur.

Le roman entreprend de dépeindre une trajectoire individuelle, se chevauchant sur plusieurs ères. Ces dernières se succèdent dans une atmosphère de fin des temps. On constate un début de roman à une époque d'insouciance juvénile, avant de s'enfoncer progressivement dans une forme de crépuscule claustrophobique, inhérente à l'évolution de la société britannique, et à la lucidité qu'acquiert le personnage au fil de sa (longue) vie. Car avançant en âge, Orlando se fait plus sensible au présent, mais semble également se retrouver progressivement captif.ve de ce dernier.

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Un merveilleux récit impossible à résumer. Même si le sujet: un homme qui traverse les siècles et se transforme en femme, peut paraitre rocambolesque, déjanté, ce n'est pas là le plus important. le plus important, c'est l'art et la manière : à savoir comment le récit se déroule sous le regard amusé de Virginia face à la société de son temps, et le ton, tour à tour ironique, mordant, lyrique et poétique. Elle reste toujours empathique, laissant parfois deviner la part autobiographique de son récit tout en restant à distance. Même l'acte d'écrire et le romancier sont mis dans le creuset et elle joue avec son lecteur. À aucun moment on ne s'ennuie et je sais déjà que je prendrais un plaisir rare à le relire, ce qui caractérise les chefs-d'oeuvre.
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Mon premier Virginia Woolf et un pur bonheur à lire !
J'ai particulièrement apprécié les "dialogues" entre le biographe d'Orlando et le lecteur. Humour anglais !
Un livre sur le temps qui passe (trois siècles quand même !), le sens de la vie, l'évolution spirituelle d'Orlando et les rapports homme/femme.
Je m'en vais continuer l'exploration des oeuvres de cette auteure !
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Orlando fascinant androgyne qu'il est bien difficile de suivre dans ses exaltations fantasques si bien que l'auteure doit intervenir à maintes reprises et rameuter ses lecteurs perdus dans ce trou noir littéraire.
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Je ne sais pas pourquoi, j'avais une dent contre Virginia Woolf alors que je n'avais rien lu d'elle!!!! une sombre histoire de critique de l'Ulysse de Joyce que j'avais entendu quelque part ( Blasphème!!) et un toute petite pointe d'un petit fond de jalousie à chaque fois qu'il est question d'écrivaine ( ben quoi?). Jusqu'à Tild Swinton. Cette bonne femme ne se trompe pas dans ces choix, un vrai guide de la beauté et du génie à découvrir. je prends donc et je rougis de honte devant ma bassesse. Si toutes les oeuvres de Virgniia Woolf ressemblent à Orlando, alors je suis (ou étais...ça suffit l'autoflagellation) une sombre idiote. Orlando est l'histoire....ou plutôt ce sont les histoires...d'Orlando, jeune aristocrate rêveur et poète de l'ère Élisabéthaine, qui ne pense qu'à l'art et à l'écriture qui, pris sous l'aile de la reine, devient Lord comblé d'honneur, tombe fou amoureux, subit une déception amoureuse, s'éxile volontairement à Constantinople où il est ambassadeur nourrissant tous les fantasmes, avant de fuir subitement après être devenu une femme....vit dans une tribu de bohémiens, jusqu'à ce que son amour des mots le (ou la ...pardon) ramène dans son Angleterre natale. Elle reprend en main son domaine, s'essaie à l'écriture, devient mécène, rencontre l'homme de sa vie qui doit s'en aller tout de suite ( mais c'est pas grave, lui aussi est libre et rêveur), et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on arrive aux années 1920....et Orlando a toujours 30 ans, rêve toujours de nature et d'écriture, trimbale toujours avec elle/lui son manuscrit. C'est plein d'humour, plein de joie, c'est pétillant, frétillant, foisonnant, riche, on en perd son souffle et il est impossible de lâcher le livre. Et savoir que Tilda Swinton incarne Orlando? Bonheur suprême.
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« Orlando » de Virginia Woolf raconte l'incroyable épopée d'un jeune homme, né au XVIème siècle en Angleterre, éternellement trentenaire, mais devenu -par on ne sait quel sortilège- femme en cours de route, et, dont on suit les aventures, traversant les époques gaillardement, jusqu'en 1928…date de parution du roman.
Le destin d'Orlando était d'avoir mille vies en une : grand séducteur, il tombe fou amoureux de Sacha, qui le quitte. Après un sommeil d'une semaine, il part pour la Turquie, où il est comblé d'honneurs. Mais l'histoire se répète : après une nouvelle semaine à dormir, il se réveille transformé en femme. Il fuit et séjourne chez des tziganes, puis rejoint son Angleterre natale. Féru de poésie, Orlando apprécie la compagnie des écrivains. Il, devenu elle, finit par se marier avec un aventurier nommé Marmaduke Bonthrop Shelmerdine…
« Orlando » est un conte fantastique tout à fait singulier: à chaque page, le lecteur est frappé par l'inventivité sans limite de Virginia Woolf, son style foisonnant, son humour pétillant, souvent caustique, puisqu'en se dévoilant en tant que ‘biographe', elle n'hésite pas à porter sur son personnage un regard sans concession !
« Orlando » a souvent été résumé, à tort, en une histoire de changement de sexe. Mais la confusion des genres est en fait beaucoup plus subtile, et amène toute une réflexion critique sur la place de la femme dans la société, en écho au mouvement féministe déjà bien établi en Grande-Bretagne, au moment où l'auteure écrivit ce roman (1928). La correspondance entre Virginia et son amante Vita Sackville-West laisse d'ailleurs penser que le personnage d'Orlando était en fait inspiré de Vita. Mais Orlando a aussi cette propension à se jeter dans des réceptions mondaines avant de s'en extraire, comme à bout de souffle, pour jouir du calme et de la solitude – et là, on retrouve plutôt le caractère introverti et même farouche, de Virginia. Enfin, la passion d'Orlando pour la lecture et l'écriture, la naissance et la maturation de sa vocation d'homme-femme de lettres font évidemment écho au parcours de la romancière; et son évocation des balbutiements d'une vocation qui décidément tarde à s'épanouir chez Orlando est infiniment touchante. Pour la suite, cliquez sur le lien !
Lien : https://bit.ly/2OY1TOY
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Une lecture marquante que j'ai adoré et que je relirai sans aucun doute. J'ai adoré l'audace de l'autrice qui nous propose un personnage qui change de sexe au fil des siècles dans un récit plein d'aventure et de romanesque. La plume est divine.
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