Une jolie histoire, émouvante et romantique. Il y a du Lagardère dans le personnage de Daniel, qui veille tel un père sur une enfant qu'on lui a confiée, qu'une morte ici lui a confiée, avant qu'il pense l'aimer comme un frère puis comme un amant. Il y a du Cyrano avant l'heure aussi dans Daniel qui écrit des lettres d'amour, lui qui pense ne pouvoir être aimé pour sa gaucherie, sa laideur et sa timidité, et qui est heureux de voir celle qu'il aime aimer son ami.
En creux, il a aussi le portrait des femmes de la bourgeoisie, malheureuses malgré leurs richesses car mal mariées et mal traitées.
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– Raimbault,…est-ce que vous épouseriez une femme qui n’aurait pas le sou ?
– Je ne sais pas,… je n’ai jamais songé à cela. J’épouserais, je crois, la femme que j’aimerais.
– Vous auriez peut-être raison,… Pour moi, je considérerais cela comme une folie...
…
– Bah ! …enfin, on fait des folies tous les jours.
Il joua d'abord avec sa femme comme il aurait joué avec une maîtresse. Elle était charmante, elle avait un parfum de grâce et d'honnêteté qu'il respirait pour la première fois. Puis, sa femme l'ennuya. Il trouva dans cette frêle créature une volonté si forte, une noblesse si sereine, qu'il finit par en avoir presque peur. Tout au fond de lui, sa lâcheté se mit à haïr ce jeune courage invincible. Pour éviter de se trouver faible devant Blanche, il s'éloigna d'elle peu à peu ; il s'établissait dans sa conscience de fâcheuses comparaisons, lorsqu'il était en présence de cette belle et bonne nature, et il ne redoutait rien tant, pour sa gaieté, que la voix désagréable des remords. Il reprit ses habitudes, joua, courut les amours faciles, oubliant le plus possible qu'il avait une famille.
M. Tellier était loin d'être un méchant homme, et il avait fait preuve parfois d'une intelligence suffisante. Trois ou quatre idées solennelles, lorsqu'on poussait certains ressorts, se promenaient dans son cerveau, pareilles à ces petites poupées qui tournent dans les orgues de Barbarie.
Quand ces trois ou quatre idées dormaient, il était d'un vide à faire peur.
Il n'avait qu'un seul vice, celui de se croire un profond politique. Il clabaudait gravement, il gouvernait les Etats comme les portières gouvernent leurs loges, répétant les mêmes phrases, délayant ses rares pensées dans un déluge de mots. Il était d'ailleurs de la meilleure foi du monde, et vivait en paix dans sa sottise.
Une affection suffit pour emplir une existence, et la chère petite fut pour elle cette affection nécessaire et consolante.