En Malaisie on appelle Amok celui qui, pris de folie, court un kriss à la main prêt à tuer.
Zweig est allé sur conseil de Rathenau en Asie en 1908. Puis en 1922 il publie ce texte qui met en scène un voyageur revenant par bateau en Europe et qui, à la faveur de la nuit reçoit les confidences d'un autre européen, médecin. Ce médecin qui fuit les autres passagers est visiblement hanté par ce qui lui arrivé en Malaisie. Là-bas il s'est épris soudainement d'une femme belle et hautaine, venue le consulter une fois. Cette visite et cette passion vont l'enchainer au destin de cette femme.
Cette histoire me paraitrait peu crédible en Europe, peut être faut il la chaleur, l'éloignement, l'environnement étranger autour de cet homme qui fréquente peu les autres européens pour que son âme déjà éprouvée s'enflamme de cette façon, passant du désir à l'abnégation.
Le talent de Zweig est toujours là, mais il m'a moins attachée à sa plume que dans d'autres textes.
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Publié pour la première fois en 1922 dans un grand quotidien viennois, ce texte a peut-être été inspiré en partie par un voyage en Asie (Inde, Ceylan, Birmanie) effectué par Zweig en 1908, sur les conseils de Walter Rathenau. le roman a connu plusieurs adaptations cinématographiques.
Un premier narrateur, dont nous ne saurons pour ainsi dire rien, nous livre le récit d'un voyage qu'il fit sur un paquebot pour rentrer en Europe. Mais très vite, il laisse la parole à un autre personnage, un voyageur qu'il croise de nuit sur un pont du navire, et qui lui fait dans l'obscurité le récit d'événements récents qui l'ont obligé à revenir d'urgence en Europe. Il est médecin ; il a été obligé de partir en Malaisie suite à des détournements d'argent. Nommé dans un coin isolé, il reçoit un jour la visite d'une Européenne de la haute société qui voudrait qu'il pratique un avortement. Agacé par cette femme hautaine et méprisante, il exige d'être son amant avant de pratiquer l'intervention. Elle part, dépitée. Il la suit, regrettant ce qu'il a fait, et prêt à accéder à sa demande. Mais elle fait appel à une avorteuse locale et succombe. Entre temps, le médecin est entré dans un état de quasi obsession, totalement fasciné par cette femme, et voulant à n'importe quel prix se mettre à son service. Après sa mort, il est obligé de quitter la Malaisie, son comportement ayant créer un véritable scandale. Mais il reste toujours obsédé par la morte, dont le cercueil se trouve sur le même bateau.
Un récit extraordinairement habile, dans un climat halluciné, où il devient difficile de distinguer le réel de la folie. le second narrateur, est juste une voix, une ombre, qui apparaît de temps en temps, lorsqu'une cigarette s'allume. Pour expliquer son comportement, il évoque l'amok, cet état de possession qui amène aux comportements de violence et d'agression, incontrôlables. Sa rencontre avec la femme venue lui demander de pratiquer l'avortement, l'a dépossédé de lui-même. Mais nous n'avons que sa parole, délivrée la nuit, sous l'emprise de l'alcool, dans un état qui paraît second. Que s'est-il vraiment passé ? Il manque la parole de quelqu'un d'autre, qui ne serait pas sous l'emprise d'une intense émotion. Et le premier narrateur, qui erre la nuit sur le bateau, qui fuit ses compagnons de voyage ordinaires, qui est-il ? A-t-il vraiment croisé cet homme qui lui a raconté son histoire ? A-t-il rêvé ? Imaginé ? Où est-il lui-même un être pris de folie subite ? A chaque lecteur de répondre à ces questions, selon son humeur, ou sa vision du monde.
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Une nouvelle dans laquelle on retrouve le style de Zweig : une narration à la première personne dans un contexte plutôt sombre. Pour autant, Amok m'a beaucoup moins séduite que d'autres de ses nouvelles. L'histoire en elle-même est intéressante : un médecin des Indes néerlandaises raconte à bord d'un navire sa transformation en amok, une sorte de folie meurtrière. Pour autant, je trouvais que l'ambiance du livre n'allait pas avec les faits. Peut-être aurais-je dû le lire la nuit? :)
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Un voyageur embarqué à Calcutta, à la faveur d'une nuit, fait une étrange rencontre avec un homme, visiblement agité et pris d'alcool, qui se met à lui narrer une histoire troublante.
Mais revenons au titre de la nouvelle, Amok, terme malais désignant une rage incontrôlée, une forme de folie criminelle, entraînant finalement la personne qui en est victime à une mort violente. le personnage que rencontre le voyageur, semble lui aussi pris d'une forme de frénésie. Il conte sa vie de médecin, isolé de tout, sans relation sociale pendant de nombreuses années, que l'arrivée, inopinée en pleine jungle, d'une femme blanche résolue, froide et impérieuse, plonge dans un chaos psychologique. La demande qu'elle lui soumet sans réplique, comme un défi, d'un avortement, illégal à l'époque; son refus, suivit immédiatement par un repentir humiliant; créent une forme de décompensation, se manifestant par une fuite en avant, monomaniaque, tel un Amok, du patricien vers la perte conjuguée des deux protagonistes.
L'analyse clinique d'une monomanie, issue d'une pulsion sexuelle frustrée; la touffeur d'une atmosphère tropicale, propice à tous les dérèglements; le dénouement inéluctablement tragique mais qui reste néanmoins habilement conduit; sont les éléments-clés de l'engrenage diaboliquement monté par un auteur passé maître en vivisection du psychisme humain.
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