Alerte coup de coeur !
Dès l'incipit, ce qui est formidable dans ce roman, c'est l'art de construire une intrigue fluide, cohérente et tendue ( l'enquête sur la mort atroce d'un prêtre qui précède d'autres assassinats visant des Chrétiens ) dans un contexte historique complexe sans que jamais cela n'alourdisse la trame policière.
Au contraire, l'auteur maitrise tellement cette période de l'histoire espagnole que l'enquête n'en devient que plus passionnante. L'érudition rencontre le brio !
Qui plus est lorsque cette Espagne de Philippe II de la fin du XVIème siècle résonne d'une réflexion profonde sur les travers de notre époque contemporaine :
- une Espagne où le roi peine à tenir la province d'
Aragon, largement autonome, avec des grands seigneurs jouissant de privilèges importants et n'entendant pas se faire dicter des ordres centralisateurs.
- une Espagne où la religion a une emprise totalitaire sur une société complètement fermée, où l'Inquisition sévit à sa guise à la moindre suspicion et torture allègrement dans un tourbillon paranoïaque.
- une Espagne où les guerres de religion ne sont pas éteintes depuis la Reconquista catholique, où l'intolérance des « Vieux-Chrétiens ne voit que dans les Morisques ( anciens Musulmans convertis forcés au christianisme ) des suspects potenti
els à rejeter voire pire.
Le terreau idéal pour voir prospérer les complots, les manipulations, les luttes entre communautés monothéistes. Cela vous rappelle quelque chose ? C'est là tout le talent de l'auteur que de nous proposer un polar ancré dans le XVIème siècle mais avec une modernité folle.
Et que dire des personnages, tous captivants car aux personnalités riches, complexes, jamais manichéennes : un juge enquêteur issu d'une famille marrane ( juif converti au christianisme ) a connu la déchéance de son oncle englué dans de fausses accusations antisémites, sceptique donc quand à l'emprise de la religion sur la société. Il est aidé de son cousin, bras armé filou, mauvais garçon, ainsi que d'un scribe, un jeune sauvé à Grenade lors des massacres perpétrés par l'armée espagnole pour mater la rébellion morisque, quasi un fils adoptif. le duo entre le maître et l'élève m'a fait fortement pensé à la relation initiatique et forte entre Guillaume de Baskerville et Adso dans le Nom de la Rose.
Captivant jusqu'à la résolution de l'enquête !!!