Varsovie est le second tome de la trilogie écrite par
Schalom Asch, qui retrace les années charnière autour de la Révolution russe. Si le premier tome,
Pétersbourg, déjà très réussi, mettait en scène les interrogations de Zakhari Mirkin dans son milieu familial, on retrouve le jeune homme dans la ville de
Varsovie, alors qu'il vient de rompre avec sa famille, pour aller au contact des « masses juives ». Une suite passionnante !
Il suffit de quelques pages pour se retrouver plongé à nouveau avec un grand plaisir dans l'univers de
Schalom Asch. Son écriture fluide et ses personnages attachants sont autant d'incitations à la lecture.
Alors qu'il était encore à St
Pétersbourg, Zakhari Mirkin avait rencontré une certaine Mme Hurwitz, résidant à
Varsovie, qui l'avait incité à se rendre chez elle. On fait ainsi connaissance de la famille Hurwitz : le père, Schlomo Hurwitz, qui « ne connaissait qu'une tâche dans la vie : étudier », son épouse Rachel-Léa, au caractère fort, qui se consacre à sa famille et aide les gens qui viennent quémander un logement, un travail. Il y a aussi le monde des artisans juifs de
Varsovie dont la description contraste si fort avec le milieu aristocratique dépeint dans le premier tome.
Dans ce contexte, le jeune Mirkin arrive dans la famille Hurwitz, y raconte avec enthousiasme le parcours qui fut le sien depuis son départ : son apprentissage du judaïsme, du yiddish. Il prône désormais le sionisme. On voit d'ailleurs se heurter plusieurs visions du monde : la libération des masses grâce à l'éducation d'un côté (la vision du professeur Hurwitz) contre la lutte des masses ouvrières. Même s'il n'adhère à aucun parti, c'est cette dernière voie qui commence à s'imposer à Zakhari.
Ce roman d'apprentissage montre à merveille les tiraillements que vit Zakhari Mirkin. D'une approche centrée sur lui-même au début, il s'ouvre au monde et comprend qu'il faut lutter parmi les gens pour imposer ses idées. Il jette son argent, ne supportant pas d'en avoir quand tant de gens autour de lui peinent à manger, il fait la queue avec les miséreux pour une soupe puis décide de partir pour la ville ouvrière de Lodz pour y être davantage en contact avec le monde ouvrier. Même si aucun repère historique n'est présent pour jalonner le récit, le livre se termine par l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand. C'est une période très tendue où les conditions qui conduiront à la Révolution russe sont déjà là : la misère, le caractère répressif du régime tsarisme, et la montée des mouvements ouvriers, durement réprimés à la fin de ce second tome.
Avant de terminer cette chronique, permettez-moi de vous offrir un extrait qui m'a beaucoup plu, résultant des interrogations de Zakhari, et qui peut s'appliquer à beaucoup d'entre nous :
"Qui pouvait prétendre qu'il existait de grandes et de petites tâches ? Il n'y avait rien de « grand » ni de « petit » dans notre action. Il n'y avait que des travaux et leur exécution. Chacun devait se tenir à sa place et exécuter ce qui lui était prescrit. Les effets convergeaient vers un seul résultat, la progression de tous, étape par étape, vers les plus hauts sommets. (…) Mirkin se disait : « Je ne suis pas un héros et je n'aspire pas à en devenir un. Je veux être un simple bâtisseur, un porteur de briques, un manoeuvre, un dévideur de fil. L'essentiel est de tisser, d'être fidèle derrière le métier. Car, en somme, nous tissons tous le même vêtement."
En conclusion, vivement le 3ème tome,
Moscou, qui se déroule durant la Révolution russe ! D'ici là, n'hésitez pas à l'acheter chez votre libraire.
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