Cela faisait longtemps que j'étais tombée par hasard sur un thriller aussi palpitant, qui défrise, mettant le lecteur en contexte d'entrée de jeu lors de la présentation de ses personnages, abolissant tout détail superflu. Pour un premier roman,
Gabriel Bergmoser met la gomme. C'est vrai que celui-ci est assez court, même trop peut-être, mais terriblement efficace de par son rythme effréné, ne nous laissant aucun répit, même pas pour respirer. de fait, je l'ai lu en une journée.
L'auteur lâche la bride de ce cheval fou. Nous ne tardons pas à rencontrer Frank, homme taciturne de nature solitaire, routinier, qui n'aspire qu'à faire marcher sa station-service du bout du monde, un jour à la fois.
"À moins d'avoir une sacrément bonne raison, personne ne venait par ici."
Or, son quotidien tranquille est perturbé lorsque sa petite-fille Allie, qu'il n'a encore jamais rencontrée, lui est envoyée un peu malgré lui pour une durée de plus ou moins deux semaines le temps que le fils de Frank et la mère de la petite règlent quelques problèmes familiaux.
"Son esprit tournait à plein régime, passait en revue tous les prétextes possibles pour décliner. Qu'est-ce qu'il allait pouvoir foutre d'une préado qui tirerait la tronche sans arrêt ? Déjà qu'il avait du mal à s'occuper de lui-même, il allait être mal barré pour réussir à lui parler, sans compter que sa maison... Soudain, la cuisine lui apparut bien plus que sommaire. La moisissure qui gagnait du terrain derrière l'évier, les toiles d'araignées dans les coins, le frigo légèrement de travers : des choses qui paraissaient aussi criantes qu'insurmontables, la partie émergée de l'iceberg de trucs qui clochaient dans sa vie et qu'il n'avait pas du tout envie que son fils apprenne."
L'arrivée impromptue de l'adolescente dans sa modeste bicoque a déjà de quoi tout chambouler lorsqu'en plus, une jeune femme couverte de sang déboule en voiture à la station et s'effondre sur le stationnement. Pris au dépourvu, sous l'effet du choc, Frank sort peu à peu de sa torpeur et fait ce qu'il peut pour aider Maggie. Il est loin de se douter dans quel guêpier il vient de mettre les pieds...
Le chronomètre vient de s'enclencher.
Ce petit roman fort bien rédigé en plus est étonnamment parsemé de personnages solides, bien campés, faciles à visualiser. Guerre entre bandits et justes, j'ai eu l'impression de lire un western moderne. Nous sommes cantonnés au même endroit au moins la moitié du livre et pourtant, le rythme reste bon, les dialogues intéressants, les liens se développent, se renforcent; l'histoire ne devient jamais fade quoique parfois crue. Parce que oui, c'est dur.
Les chapitres sont dressés de façon habile, à tour de rôle, commençant par le présent de Frank, puis le passé de Maggie, et ainsi de suite jusqu'à ce que le destin des deux se rencontre. D'une façon, "
La chasse" est épouvantable parce que ce type de scénario reste plausible dans la vraie vie...raison pour laquelle on ne peut s'empêcher de frissonner. Hautement explosif, les extrêmes s'entrechoquent car nous sommes aussi assaillis de silences assourdissants.
Roman sauvage dans tous les sens du terme, il est impossible de s'ennuyer sur ce coup ! Ce huis-clos trépidant dans la cambrousse australienne est à lire à tout prix si vous avez envie non seulement d'action et d'émotions fortes - attention âmes sensibles - mais aussi d'être touchés par ce qui peut se cacher de bon dans le coeur de l'humanité à travers toute sa folie.