Dictionnaire de la Mer : ce titre est trop réducteur. Bien sûr, on peut s'arrêter au côté utilitaire de la chose, se dire qu'à la prochaine balade en mer, quand le skipper vous demandera de « frapper un bout sur un cabillaud », vous saurez instantanément qu'il vous faut attacher une corde à un morceau de bois et non participer à une partouze sadomasochiste incluant des poissons.
Mais ce livre, au-delà du dictionnaire dont il prend la forme, est à la fois une encyclopédie du monde maritime, et le dépositoire de vingt siècles de civilisation tournée vers la mer. Et en cela, son intérêt dépasse de très loin le petit monde des gens de mer. (Pas si petit que ça, d'ailleurs, cela fera peut-être sourire les Alsaciens et les Savoyards, mais nous sommes un peuple de marins. N'oublions pas que le littoral français s'étend sur 20 000 km, dont 14 500 km de linéaire en outre-mer.)
Non, ce livre est un monument, qui devrait faire partie de toutes les bibliothèques, car il ressort du patrimoine national. Et quelle poésie dans cette langue. Quelques exemples pris au hasard :
Moustaches : Lames de proue, produites par l'avancement du bateau ; elles écument sur l'avant, et se prolongent de chaque bord en un grand V, qui produit avec les lames de vent des interférences, les faisant écumer, ce qui, par mauvais temps, peut incommoder un bateau de conserve ; on peut suivre très loin leur route, elles ne s'amortissent que lentement.
Honneur (à l') : « Ranger à l'honneur » (un bateau, une roche, un danger), longer de très près, parer de justesse (cf « s'en tirer avec honneur »)