Incontestablement intéressant et bien écrit.
La thèse centrale veut que les génocides, les massacres ne sont pas avant tout des actes racistes mais des actes guidés par le désir de vengeance. Dans ce cadre, les refusants sont ceux pour qui la vengeance, pour des raisons personnelles et diverses, n'opére pas: ils n'y adhérent pas.
La thèse que les génocides et autres massacres ne peuvent voir le jour que dans des sociétés vindicatives est assez bien amenée mais je regrette qu'elle ne le soit qu'en s'appuyant sur deux exemples (Allemagne et Rwanda). Des sociétés vindicatives, il y en a beaucoup plus et des plus vindicatives que ces deux-là (pensons aux vendettas, crimes d'honneur, etc.)... Or elles ne sont pas évoquées...
Certes, ce n'était pas a priori l'objet du livre mais cela le devient en quelque sorte et on sent que si l'auteur amène des éléments de compréhension tout-à-fait valides, cela relève plus de l'intuition appuyée sur quelques faits que de la démonstration. L'objet d'un autre livre peut-être...
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Les exécuteurs se divisent en trois groupes. Le premier, assez minoritaire, est constitué par des personnes violentes, sortes de psychopathes prennent du plaisir à tuer et qui sont de surcroît souvent obsessionnellement racistes. Si elles sont parfois utilisées sur le terrain, car leurs « compétences» et leur acharnement peuvent être utiles, on préfère la plupart du temps les en écarter car leur brutalité crée du désordre, y compris dans l'exécution des tâches meurtrières.
Le deuxième groupe, assez majoritaire, est constitué d'hommes apparemment « ordinaires», même si les normes de brutalité sont élevées dans leur groupe et la société dans laquelle ils vivent. Leur comportement est marqué par un phénomène de « division psychique» qui peut se révéler assez dévastateur pour eux. D'un côté, ils ont une claire conscience du fait qu'ils commettent des horreurs; de l'autre, ils sont poussés par une forme de nécessité et semblent convaincus de devoir le faire. L'acte de tuer est pris dans un conflit intérieur où ils tranchent en faveur de cette nécessité, qui leur apparaît souvent comme vitale. C'est la nature de cette « nécessité» qu'il nous faut maintenant chercher à mieux comprendre.
Le troisième groupe, lui aussi minoritaire, dans une proportion qui varie avec le degré de coercition que l'on exerce sur lui est composé de ceux qui refusent de tuer, sans rompre avec la communauté dont ils font partie. Eux aussi éprouvent un conflit intérieur, mais ils ont tranché dans un autre sens que celui des exécuteurs.
Présentation de l'ouvrage "Le silence et la parole, contre les excès de la communication", Editions Eres 2017, auteurs : Philippe Breton et David le Breton