Lydia Lee est morte. Un beau jour du mois de mai 1977, son corps a été retrouvé, noyé dans le lac , juste derrière la maison familiale. Elle n'avait que 16 ans. Meurtre, accident, suicide ? Pour ses parents, cela ne fait aucun doute : quelqu'un a fait du mal à Lydia, leur fille tendrement aimée, la plus jolie, la plus douée, la meilleure de leurs trois enfants. Pourtant, derrière la lycéenne brillante, appelée à être docteur, la fille populaire entourée d'amies que décrivent ses parents, se cache la vraie Lydia, timide, solitaire, écrasée par la pression parentale. Alors que Nath, l'aîné, et Hannah, la petite dernière, sont totalement délaissés par Marylin et James, Lydia est la somme de toutes leurs espérances. Elle sera médecin, comme sa mère rêvait de l'être, elle sera une parfaite américaine, comme son père, d'origine chinoise, rêvait de l'être. Oui mais, malgré ses yeux bleus et ses cheveux clairs, pour la société américaine frileuse des années 70, Lydia est une chinoise. Sa différence se voit dans ses yeux bridés et dans ce père qui, même s'il enseigne la littérature américaine à l'université, ne sera jamais un grand blanc, bleu, blond made in US. Pour cette famille dévastée, la vie ne sera plus jamais la même sans Lydia mais pourront-ils surmonter les petits secrets, les non-dits, les trahisons, le manque de communication ? Sauront-ils se rendre compte de leurs erreurs ?
Malgré leurs manquements ou leur trop plein d'investissement selon les cas, le couple Lee est attachant et émouvant. Elle, pur produit de l'Amérique des années 50, élevée par une mère professeure d'arts ménagers, éduquée pour être la plus parfaite des épouses, et qui choisit, envers et contre tous, d'être médecin. le destin en décidera autrement. Elle tombe amoureuse d'un jeune professeur,
James Lee. le mariage, les grossesses et son rêve s'effondre au profit de la famille. Lui est d'origine chinoise. Il est né en Californie, n'a jamais mis les pieds en Chine mais pour tout le monde, il est chinois. Après une enfance solitaire, rejeté, humilié, insulté, il garde la trace de cette intégration rendue impossible par les préjugés et le racisme ordinaire. Leur rencontre est un miracle, un bol d'air pur dans un monde qui a du mal à les accepter. Ils ont jeté le voile de l'amour sur leurs blessures, leurs fêlures, leurs déceptions, leurs rêves avortés. Chacun à sa façon a une revanche à prendre sur la vie, le poids des espoirs déçus que devra porter Lydia, la gentille, la docile, la belle Lydia. Négligés, les deux autres enfants du couple sont livrés à eux-mêmes, privés d'amour et d'attention. Quelle énorme pression pour cette enfant fragile qui doit briller dans ses études, s'entourer d'amis et ne pas se faire détester par son frère et sa soeur.
L'histoire de cette famille fait bien sûr froid dans le dos mais elle donne aussi à réfléchir sur le rôle de parents, le passif que l'on transmet malgré soi à ses enfants, les erreurs que l'on commet là où l'on croit bien faire.
Céleste Ng, dont c'est le premier roman, fait preuve d'une parfaite maîtrise de l'intrigue et de l'écriture et d'une belle sensibilité qu'on sent à fleur de peau. Elle a su nous plonger dans cette famille dysfonctionnelle sans nous faire détester ses membres les plus faillibles. Au contraire, elle a su nous les rendre proches, nous faire ressentir la même tendresse qu'elle a pour eux. Et puis, elle fait là une fine analyse critique de la famille, ce microcosme complexe où s'agitent différentes personnalités liées par des drames, des joies, des expériences vécus en commun mais ressentis différemment. Ce livre est une claque, un bijou, une pépite ! Un coup de coeur absolu !