AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782355221057
144 pages
Zones (07/04/2016)
4.24/5   25 notes
Résumé :
Au début des années 1990, de jeunes féministes nord-américaines lançaient du fond de leurs tripes un cri de colère et de ralliement dans le milieu punk underground : " Revolution, Grrrl Style, Now ! " La culture riot grrrl – littéralement, les " émeutières " – était en train de naître. Des groupes comme Bikini Kill ou Bratmobile partaient à l'assaut de la production musicale, décidés à rendre " le punk plus féministe et le féminisme plus punk ".
Leur offensiv... >Voir plus
Que lire après Riot GrrrlsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Riot Grrrls est un livre un peu particulier. En effet, son autrice, Manon Labry, en fait un mélange entre l'essai et l'historique sous forme d'une sorte de long fanzine. Ca donne un texte cash, facile à lire, dans lequel on ne s'ennuie pas une seule seconde. Toutefois, ce n'est pas un bouquin que je mettrais entre les mains de tout le monde.
J'ai découvert le punk féministe il y a une bonne dizaine d'années avec notamment Bikini Kill et L7 (rien à voir avec les L5, croyez-moi). Pour autant, je ne m'étais jamais vraiment tournée vers l'étude de ce mouvement ; le fait que ce soit féministe et politique me suffisait, comme de savoir que, pendant les concerts, les femmes étaient invitées à occuper le devant de la scène. Il y a quelques années, Riot Grrrls a rejoint ma pile à lire et l'occasion était donc enfin là : j'allais pouvoir en apprendre d'avantage sur le mouvement riot grrrl. Bon, cela m'aura encore pris quelques années de plus mais c'est enfin chose faite (évidemment, sinon je ne vous en parlerais pas ici). Je ne vais pas vous faire un récapitulatif complet du mouvement riot grrrl. Ce n'est pas mon job et Labry le fait très bien. A la place, je vais plutôt vous dire comment elle en parle et essayer de vous instiller l'essence de cette révolution punk féministe.
Le ton du livre m'a surprise. J'ai l'habitude de lire des textes de cette collection – « Zones » des éditions La Découverte – et le ton est parfois très académique (Se défendre – Une philosophie de la violence d'Elsa Dorlin) ou, plus généralement dans ce que j'ai lu, très accessible (Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet). Or, dans Riot Grrrls – Chronique d'une révolution punk féministe, nous sommes bel et bien dans un texte qui est une thèse (on pense donc à un certain académisme), mais il présenté sous une forme très personnelle, avec sincérité et panache, avec gouaille. Et ce n'est pas sans rappeler les fanzines. Je ne sais pas si vous en avez déjà lu. Ce sont des « zines », des magazines faits maison, dans l'esprit DIY : on les crée, on les photocopie et on se les refile, on en échange…, on les lit puis on les diffuse à nouveau… Bien sûr, à l'époque d'un internet généralisé, ça tient désormais du reliquat, toujours est-il que j'ai eu la chance d'en lire il y a quelques années et j'ai beaucoup aimé le concept. Dans les zines, on y trouve des textes personnels, de la fiction, de la poésie, des textes engagés voire de petits essais, on y trouve des photos, des illustrations, des collages… Et toujours, ou presque, ça nous fait réfléchir. Les typographies utilisées sont diverses, parfois c'est même manuscrit ; les textes sont regroupés et c'est un sacré melting-pot ; il y a clairement une âme qui se dégage des fanzines. Notons également qu'ils sont généralement en noir et blanc (la copie est moins chère).
Un fanzine. C'est un peu ce que fait Riot Grrrls de Manon Labry, bien qu'il s'agisse là d'une thèse qui a été publiée par une maison d'édition. On est loin des moyens DIY mais on reste tout de même dans un marché de niche au vu du sujet. le ton de l'autrice ne manque pas de verve, le texte est plein de réflexions et il s'appuie sur pas mal de recherches ; on y retrouve des reproduction de photographies, de flyers, de pochettes d'albums ou d'EP (elles aussi faites maison), des extraits de zines, des paroles de chansons, etc. En lisant Riot Grrrls, j'ai eu l'impression de plonger dans une époque révolue et qui m'a pourtant semblé si proche, si vivante (bon, OK, j'ai un peu traîné mes guêtres dans des événements queers et féministes qui auraient pu être les descendants de ceux organisés par les riot grrrls). Surtout, j'ai découvert plein de groupes que je ne connaissais pas (il y a toujours tant à découvrir!) (et je suis loin d'avoir tout écouté pour l'instant) et j'ai (re)découvert le fil rouge du mouvement.
Le mouvement riot grrrl, c'est du punk féministe. Donc c'est politique. C'est pas juste dire au femmes de venir près de la scène : ça, c'est pour que les spectatrices ne viennent plus aux concerts pour tenir la veste de leur conjoint pendant que celui-ci pogote mais qu'elles puissent y assister pleinement ; c'est aussi pour les protéger et pour protéger les groupes (composés essentiellement de femmes) qui se produisent sur scène. Ce sont également les textes qui sont politiques, revendiquant non seulement l'égalité entre les femmes et les hommes, revendiquant la liberté, mais dénonçant aussi le capitalisme, la guerre, etc. Ce mouvement très engagé est également l'opportunité pour les femmes de s'approprier les instruments, d'apprendre à s'en servir alors qu'on les en a maintenu éloignées. Tout ça, ça en fait un mouvement incisif, qui tranche dans le lard avec les moyens du bord, qui dérange avec force et bruit. Malgré toute cette puissance et tout ce qu'il y a à dire de positif sur le punk féministe, Manon Labry n'en oublie pas les quelques écueils.
Comme d'autres mouvements, le riot grrrl prône l'égalité et l'inclusivité. Seulement, on ne peut que remarquer le manque de représentations et c'est ainsi que des personnes racisées se sont levées et ont pointé tout cela du doigt. C'est le cas par exemple de la chanteuse et musicienne Ramdasha Bikceem qui dénonce une homogénéité blanche : le mouvement en appelle au changement mais, au final, ce sont toujours les mêmes personnes que l'on voit, qui sont mises en avant. Dur de se sentir intégrer et apprécier à sa juste valeur quand ce sont des individus qui ne te ressemblent pas que l'on voit partout ; et c'est comme ça que les personnes racisées (et l'on pourrait élargir le champ des représentations tant celles-ci, sans forcément être grossophobes et validistes, sont dans une norme de minceur, de blancheur et de validisme – de moins en moins, mais on est encore loin du compte) ne se retrouvent pas dans un mouvement qui semblait pourtant leur être ouvert. Bien sûr, ce n'est pas là une volonté des groupes du riot grrrl, il n'empêche que c'est un fait.

Comme je vous le disais en introduction, ce n'est pas un livre pour tout le monde. Allez d'abord écouter quelques morceaux de divers groupes, voyez si ça vous plaît et si vous avez envie d'en apprendre plus. En tout cas, en ce qui me concerne, si j'étais parfois un peu perdue entre tous les noms de groupes et d'individus qui ont fait le mouvement (parce qu'il y en a beaucoup, mine de rien), j'ai toutefois trouvé Riot Grrrls – Chronique d'une révolution punk féministe intéressant, référencé et illustré comme il se devait. C'est une véritable lettre d'amour à ce mouvement et je suis bien contente de l'avoir lu !
Lien : https://malecturotheque.word..
Commenter  J’apprécie          20
Au départ, la prose de Manon Labry m'a agacée. Parce que c'est un mélange de langage familier je-m'en-foutiste et de termes plus choisis et châtiés. Ca me semblait être une posture "intello-punk" pas très crédible. Et puis, lecture faisante, j'y ai pris goût et j'ai trouvé qu'elle n'était pas si mal, cette prose, et même plutôt agréable à lire. Et puis n'est-ce pas la marque de fabrique de ce mouvement : cultivé et vindicatif ? La question est posée (cf. les citations).

J'ai aussi un peu pesté sur le côté très musical de l'essai : des dates de concerts, des noms de musiciennes, des titres, des albums, des rencontres, des labels... Je m'attendais à une analyse plus sociologique du mouvement riot grrrls. Mais finalement, là aussi, on se heurte à la réalité de terrain : un mouvement sans réelle leadeuse, semblant naître à Olympia (U.S.A.) et à D.C. mais apparaissant aussi ailleurs, au même moment, sans connexion au départ. Des femmes qui prennent des instruments et des scènes plutôt que des armes pour faire entendre leurs voix. Pour affirmer l'égalité des sexes, des âges, des "races", sans se revendiquer d'aucun autre courant que le mouvement riot grrrls (et encore, au départ, cette appellation n'apparaît pas).

En refermant le livre, on a envie de se dresser, d'aller écouter ces groupes que sont Bikini Kill, Bratmobile, Heavens to Betsy, etc, de revendiquer, d'affirmer notre féminité, de prendre nos soeurs par la main (pas évident en cette période...), de faire de la musique (même si on a jamais tenu un instrument de notre vie), de créer des zines, bref, de se bouger et de continuer la révolution qui est loin d'être gagnée !
Commenter  J’apprécie          10
Une seule bonne résolution : 2024 sera révoltée.
"Parce que nous haïssons le capitalisme sous toutes ses formes et que notre but principal c'est de partager des informations et de rester en vie, au lieu de tirer du profit du fait d'être cool selon les standards traditionnels." Lire cette langue en DIY retracer le mouvement Riot avec passion, c'est tout ce qu'il me fallait pour passer l'année, pour enfourcher 2024 avec assez de gros bouillon à l'intérieur. Cet essai est indescriptible, on y entend crier les guitares, créer les punkasses ; il grince avec grâce, fait du grand avec du rien. "Souvenons-nous quotidiennement des potentialités radicales du plaisir et de la créativité." Y'a de l'espoir en pack de 16 là-dedans !
Une seule bonne révolution : 2024 sera punk.
Commenter  J’apprécie          00
"Riot grrrls", essai commis par Manon Labry (avec qui on a partagé qqs soirées avec de la bonne musique, des chips et de la bière)(avant que je passe au chaï et gâteau sans gluten 😉
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
PARCE QUE faire/lire/voir/entendre des choses cool qui nous incluent ou qui nous remuent peut nous aider à gagner la force et l’esprit de communauté dont nous avons besoin pour comprendre comment des conneries comme le racisme, la validisme, l’âgisme, le spécisme, le classisme, le sexisme, l’antisémitisme et l’hétérosexisme affectent nos propres vies.

PARCE QUE nous considérons comme partie intégrante de ce processus le fait de favoriser et d'encourager les scènes de filles et les artistes filles de toutes sortes.
PARCE QUE nous haïssons le capitalisme sous toutes ses formes et que notre but principal c'est de partager es informations et de rester en vie, au lieu de tirer profit du fait d'être cool selon les standards traditionnels.

PARCE QU'on est en colère contre une société qui nous dit Fille = Stupide, Fille = Mauvaise, Fille = Faible.

PARCE QU'on refuse de laisser notre colère réelle et légitime se faire diluer ou se retourner contre nous via l'internationalisation du sexisme tel qu'on peut le voir dans les jalousies entre filles et les comportements typiques d'autosabotage.

PARCE QUE les comportements autodestructeurs (comme baiser des mecs sans capote, boire à l'excès, ignorer des amies de cœur aux belles âmes, se déprécier et déprécier d'autres filles) ne seraient pas si faciles si on vivait dans des communautés où on se sentait aimées, voulues, valorisées.
PARCE QUE je crois de tout mon cœurespritcorps que les filles constituent une force spirituelle révolutionnaire qui peut et qui va changer le monde pour de vrai.
Commenter  J’apprécie          20
Le mouvement riot grrrl, c'est une chasse au trésor à l'époque, et ça va le rester un petit moment encore. Si tu as la chance de trouver un premier indice au moment opportun, fût-ce un mauvais article de journal, il n'y a AUCUN risque que tu abandonnes la quête : tu en avais trop vu l'issue en rêve pendant des années pour lâcher le premier fil de soie que tu tiens dans la main. No fucking way.
Commenter  J’apprécie          40
Des horizons créatifs neufs s'ouvrent et, comme à chaque fois que c'est le cas, en l'absence temporaire de codes trop rigides, c'est l'occasion pour des catégories de la population minoritaires ou minorisées de se tailler une (toute petite) part du gâteau. En ce qui concerne les femmes, cela s'était déjà vérifié pour le punk, au milieu des années 1970 : la non-nécessité d'expertise technique et la valorisation de l'amateurisme, notamment, avaient été une panacée pour elles, que l'on avait rarement encouragées à prendre des leçons de batterie, de basse ou de guitare électrique dès leur plus jeune âge, contrairement à leurs congénères masculins. Si même les plus nuls pouvaient le faire, et puisqu'elles avaient bien intégré, à force de siècles, qu'elles étaient bien nulles, elle pouvaient donc le faire.
Commenter  J’apprécie          00
Ludiquons la "réalité" qui mérite quand même bien ça, parce qu'elle est elle-même vachement inventive, avec le sourire aux lèvres, les étincelles dans les mollets et les poitrines, et la colère joyeuse qui se répand sur les manches de nos guitares. Souvenons-nous quotidiennement des potentialités radicales du plaisir et de la créativité.
Commenter  J’apprécie          10
C'est le genre de musique que quand tu descends dans la rue après l'avoir écoutée, tu fais 10 centimètres de plus parce que tu te tiens droite devant l'adversité du bus qui vient de te passer devant la gueule ; tu sais que tu as touché les mystères de Dieu de près, et c'est encore mieux parce qu'a priori ton voisin du septième, lui, ne sait rien ; tu sais que ta gouinitude est une bénédiction ; tu sais que ton petit bermuda te va comme un gant de boxe et t'as pas peur de la tache de règles. Ca dure pas longtemps mais c'est déjà ça de pris, #2.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : féminismeVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (108) Voir plus



Quiz Voir plus

Les emmerdeuses de la littérature

Les femmes écrivains ont souvent rencontré l'hostilité de leurs confrères. Mais il y a une exception parmi eux, un homme qui les a défendues, lequel?

Houellebecq
Flaubert
Edmond de Goncourt
Maupassant
Eric Zemmour

10 questions
563 lecteurs ont répondu
Thèmes : écriture , féminisme , luttes politiquesCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..