Avec ce livre,
Christine Kerdellant nous fait découvrir le côté sombre de Google, que nous connaissons tous comme moteur de recherche, mais qui a des projets bien plus ambitieux que de devenir l'outil indispensable sur Internet.
La première partie nous explique comment Google rassemble un maximum d'informations sur nous en traquant notre activité sur le web. Entre nos recherches, la géolocalisation de notre téléphone, Picasa qui stocke nos photos, Google Maps et Gmail qui scanne tous les messages, Google sait où sont les personnes, où elles vont, avec qui elles parlent, ce qu'elles lisent et ce qu'elles consomment. Quand la reconnaissance faciale aura fait des progrès, les noms des personnes apparaitront sur les photos, le vôtre sera sur le cliché pris par un touriste au pied de la tour Eiffel, et il n'y aura plus de secret.
« Nous savons où vous êtes. Nous savons où vous étiez. Nous savons plus ou moins ce que vous pensez. »
Eric Schmidt, lors d'un colloque à Berlin, octobre 2010. Et ils ont beaucoup évolué depuis 2010.
Au début j'ai voulu installer Chrome sur mon ordi, j'ai commencé à lire la déclaration de confidentialité (le truc que personne ne lit avant d'accepter), Google se réservait le droit de stocker et d'utiliser absolument tout ce qui passait par Chrome : recherches, photos, messages ... J'ai vite renoncé. Aujourd'hui il ne pose même plus la question !
Les naïfs peuvent rétorquer qu'il suffit d'acheter un iPhone et un Mac, mais Apple ne respecte pas plus la vie privée. Exemple : les photos prises par un iPhone sont automatiquement envoyées vers un serveur Apple, et ne sont pas effacées lorsque vous les supprimez sur votre téléphone.
En conclusion, commencez par oublier Google lorsque vous surfez sur le web. N'utilisez jamais Chrome, préférez lui Firefox, et faites vos recherches avec Qwant au lieu de Google, il ne conserve pas les traces de vos requêtes. Il faut avouer que Google est le plus performant, mais n'importe quel moteur peut répondre à 99% de vos recherches. Pareil sur un téléphone, on peut installer Firefox et Qwant au lieu de se faire fliquer par Google.
La 2ème partie traite du transhumanisme, ou de l'obsession de Google à "améliorer l'humain". Ils ont investi énormément dans des entreprises qui travaillent sur le génome humain, et ce pour plusieurs raisons. D'abord pour lutter contre certaines pathologies et contre le vieillissement. Mais aussi pour se constituer la plus grande base de données de génomes, récoltés lors de tests ADN. Ils veulent faire une approche prédictive de la médecine, savoir qui est le plus susceptible de développer telle ou telle maladie. Vient ensuite le remplacement des pièces défectueuses, qu'elles soient biologiques ou génétiques. Et naturellement seuls les plus riches auront accès à ces technologies, on parle alors "d'homme augmenté".
L'auteure nous fait aussi remarquer qu'avoir sans arrêt des outils à notre disposition nous rend paresseux. Pourquoi apprendre à faire une addition si on a une calculatrice ? Savoir utiliser une carte si on a un GPS ? (
Patrice Franceschi, lui, propose de ne donner un GPS qu'à ceux qui savent lire une carte). Retenir des infos qu'on peut retrouver sur Internet ? Elle en conclut que l'homme augmenté de Google est d'abord un homme diminué.
Ajoutez à cela les montres connectées et tous les gadgets du même genre, et Google aura des informations sur la santé de tous. A quoi vont servir ces infos ? L'auteure nous apprend qu'aux États-Unis, certains assureurs offrent déjà un bracelet connecté à leurs nouveaux adhérents, avec des remises financières pour ceux qui mènent une vie saine. Google va pouvoir monnayer toutes les données collectées, et les pauvres ou les malades n'auront plus la possibilité de souscrire une assurance vie. Ce seront les "chimpanzés du futur", par opposition aux hommes augmentés.
Éliminer certaines maladies est un objectif louable, mais en anticipant à peine, on imagine que ceux qui ont les moyens puissent s'offrir le bébé de leur choix. Une petite manipulation génétique, et hop, voici un beau bébé garanti sans maladie, avec les yeux de votre choix, 1,80 m minimum, et un QI de 140. Hitler en aurait rêvé (sauf le QI, il n'avait pas besoin de gens trop intelligents).
Tous ces appareils connectés augmentent la quantité d'informations que Google possède sur nous, et l'auteure nous explique les conséquences sur notre vie de tous les jours. Aller au bar et boire quelques verres entre amis ? Se régaler avec de la bonne bouffe pleine de cholestérol ? L'assurance va augmenter ses primes, et l'employeur va sévir, car ils auront les moyens de le savoir.
Christine Kerdellant définit Google comme une entreprise totalitaire car elle tue ses concurrents et étrangle des secteurs entiers de l'économie. Ils encaissent plus de la moitié des revenus publicitaires en ligne du monde entier, ce qui leur donne une force financière inégalable, et du coup ils font ce qu'ils veulent. "Google fait arriver en tête ceux qu'il veut, et tue les autres" nous dit l'auteur. Les résultats de recherche sur Internet sont biaisés, Google a racheté environ 200 entreprises dans beaucoup de domaines, et ce sont eux qui arrivent systématiquement en tête des recherches. S'ils n'ont pas de filiale, alors ils placent celui qui a payé le plus, le temps des sites les plus populaires en premier a vécu :-((
Ils vont même plus loin dans la malhonnêteté. Chrome a remplacé l'annuaire des noms de domaine officiel, par une copie qu'il contrôle. Ça veut dire que Google peut rendre certains sites inaccessibles à ceux qui utilisent Chrome. le site d'un concurrent d'une filiale de Google qui ne veut pas acheter de pub par exemple, apparaitra comme non-existant.
En ce qui concerne les méthodes de l'entreprise, on apprend que Google est le 1er contributeur des campagnes électorales américaines, distribuant 1,4 milliard de dollars, réparti entre républicains et démocrates. Voilà qui assure le support du gouvernement, quel qu'il soit.
Google veut être le premier dans chacun des domaines où il intervient. Et à chaque fois il laisse d'autres entreprises se charger de la réalisation (construire les voitures sans chauffeur, produire la presse sous Internet, gérer les innovations médicales), ils se contentent d'empocher les énormes budgets publicitaires lorsque lesdites entreprises veulent se faire connaitre. Quand on connait les procédures judiciaires américaines, on voit qu'ils laissent les procès pour les autres tout en encaissant un maximum d'argent.
Le dernier chapitre s'intitule "Le coup d'état des robots, et si l'intelligence artificielle décrète un jour que l'homme est inutile ?". La question est bonne, même si on en est encore loin, mais le reste est déjà présent, ou si proche.