Un gros coup de coeur, captivant, documenté au plus près, vivant de par l'abondance des dialogues entre
Gustave Eiffel , et ses collaborateurs, sa famille, son épouse, Marguerite, sa fille aînée, Claire, etc…Documentation au plus près puisque l'auteure a construit, entre autres , les dialogues à partir de sa correspondance avec ses parents, ainsi qu'à partir de sa « biographie scientifique et industrielle » (les 4 volumes qu'il a lui-même rédigés peu de temps avant sa mort )
Cette lecture nous fait connaître un
Gustave Eiffel, dans sa vie intime, comme dans ses obligations d'ingénieur et de chef d'entreprise. Travailleur et inventeur acharnés, toujours en mouvement et en recherche…Homme talentueux, brillant, entreprenant…où les personnalités féminines auront la part belle et lumineuse dans son existence: sa mère, femme de tête, chef d'entreprise, sa soeur, Marie, première confidente et alliée, Marguerite, son épouse adorée, trop tôt disparue… puis sa complice la plus constante et admirative : sa fille aînée, Claire, et le premier grand amour malheureux :Adrienne… Autre fil accompagnateur de toute une vie.
Nous débutons le récit par l'épisode le plus humiliant et le plus injuste de la carrière d'Eiffel : son emprisonnement pour le scandale du Panama provoqué par les imprudences et les dettes de Ferdinand Lesseps, ruinant des milliers de petits épargnants…Il ne prit pas en compte les idées et recommandations d'Eiffel…le rappela alors que la situation s'aggravait…
Gustave Eiffel se retrouva mêlé dans un complexe scandale politico-financier, qui lui fit vivre , après la gloire et le Succès de sa Tour , à L'Exposition Universelle de 1889, une descente aux Enfers…
« Il était au faîte de sa gloire lorsqu'il a reçu le shah d'Iran, Nasser-ed-Din. (...) Il avait ensuite proposé à l'ingénieur un pont d'or pour qu'il vienne construire une tour Eiffel dans son pays . quel symbole ce serait ! Gustave s'est récrié : il n'était pas un mercenaire ! Il lui construirait des ponts, des gares, des mosquées même, tout ce qu'il voudrait, mais la Tour resterait unique...et française.
Gustave sourit en repensant aussi à
Sarah Bernhardt. C'est sans doute la visite de la Divine qui l'a le plus ému. Même s'il préfère l'opéra au théâtre, cette femme possède un vrai talent qui rayonne dans le monde entier. D'ailleurs ne dit-on pas aujourd'hui que les étrangers viennent voir deux choses à Paris: la tour Eiffel et
Sarah Bernhardt ? “(p. 17)
Une lecture aussi distrayante qu'instructive… nous faisant découvrir l'incroyable parcours de cet ingénieur et inventeur de génie, bien au-delà de la réalisation de « sa » Tour de 300 mètres….bien que cela soit toujours la première chose venant à l'esprit lorsqu'on prononce le nom de cet ingénieur unique…
Je connaissais partiellement ses travaux hors de l'hexagone : entre le pont à Porto [Portugal] enjambant le Douro, le viaduc en Corse, près de Vivario, que j'ai pu admirer « en vrai »…et le très bel élévateur à Lisbonne…mais la liste de ses créations est infiniment plus longue.
Il y a de quoi être éperdu de reconnaissance envers ce bâtisseur qui a très heureusement et grandement participé au prestige de la France…Quant on réalise et relit l'abondance des mésaventures, hostilités, difficultés qu'il a rencontrées lors de la construction de « sa Tour » , les nombreux détracteurs réclamant sa destruction !!! Il se battit jusqu'au bout pour rendre pérenne sa Tour, celle-ci devenant un centre incontournable de recherches technologiques et scientifiques …Et aujourd'hui, tout un chacun ne pourrait imaginer Paris sans « sa » « Dame de Fer » !!
Un travailleur acharné, un chercheur inventif, toujours en mouvement, un homme de conviction, un entrepreneur exceptionnel….qui ne peut laisser que pétri d'admiration , sans oublier une vie riche très d'amitié avec ses pairs, scientifiques ,ingénieurs, et inventeurs :
Camille Flammarion,
Thomas Edison, et tant d'autres... !
« Extrait d'un droit de réponse donné à Eiffel face à une pétition de célébrités... contre la réalisation de la Tour [Eiffel ]
(...)
Parce que nous sommes des ingénieurs, croit-on que la beauté ne nous préoccupe pas dans nos constructions et qu'en même temps que nous faisons solide et durable nous ne nous efforçons pas de faire élégant ?
(...)il y a du reste dans le colossal une attraction, un charme propre auxquels les théories d'art ordinaires ne sont guère applicables. Soutiendra-t-on que c'est par leur valeur artistique que les pyramides ont si fortement frappé l'imagination des hommes ? qu'est-ce autre chose, après tout, que des monticules artificiels ? Et pourtant quel est le visiteur qui reste en froid en leur présence ? qui n'en est pas revenu rempli d'une irrésistible admiration ? Et où est la source de cette admiration, sinon dans l'immensité de l'effort et dans la grandeur du résultat ? Ma tour sera le plus haut édifice qu'aient jamais élevé les hommes. Ne sera-t-elle donc pas grandiose aussi à sa façon ? Et pourquoi ce qui admirable en Egypte deviendrait-il hideux et ridicule à Paris ? je cherche et j'avoue que je ne trouve pas. » (p. 280)
Une vie et un parcours hors du commun…Un inventeur de génie auquel on s'attache aussi par ses qualités de “meneur d'hommes” , de patron soucieux de ses salariés, de ses convictions sociales, de ses idées, de ses projets les plus éclectiques qu'il défend , « becs et ongles » !...
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Viollet-le-Duc déployait une telle énergie ! s'exclame Hugo, levant sa canne comme pour joindre le geste à la parole. Il s'affairait aux côtés des artisans. Il surveillait lui-même la préparation des mortiers et des enduits...
-Eiffel est de la même trempe ! le rassure Bartholdi. C'est un travailleur infatigable. Et comme Viollet, c'est un patron humain, qui forme ses salariés...et qui fait en sorte qu'ils continuent d'être payés s'ils font une mauvaise chute. « (p. 227)
Une lecture captivante et brillante. Un grand MERCI au talent de
Christine Kerdellant, pour cette « Rencontre époustouflante » ,d'un beau dynamisme, dans un style fluide , limpide et vivant... !!