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Critiques de J.M.G. Le Clézio (1107)
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Celui qui n'avait jamais vu la mer

Recueil de deux nouvelles : “Celui qui n'avait jamais vu la mer” et “La montagne du dieu vivant”, ce livre où la nature et les éléments occupent la place d’honneur a mal supporté le passage des années.



Le point commun des deux nouvelles est le voyage initiatique de deux adolescents Daniel et Jon, l’un vers la mer, l’autre vers le mont volcanique Reydarbarmur. Ils entrent tous les deux dans une réelle communion avec les éléments et la nature, et, mer ou volcan, Daniel et Jon finissent par être complètement intégrés dans un paysage avec lequel ils ne font plus qu'un.



Ces récits prennent donc un tour un peu fantastique et sont prétexte à de magnifiques descriptions. On accompagne Daniel et Jon et le talent d’écriture de l’auteur fait que l’on se trouve complètement reliés à eux et qu'on ressent avec eux toute la magnificence et la force de la nature ainsi que la fascination qu’elle exerce sur eux.



Ce livre écrit en 1978 (et paru en collection folio junior) aura à mon humble avis du mal à trouver son public en 2020. Non que la lecture en soit difficile mais plutôt que cette communion quasi religieuse avec les éléments me semble en décalage avec la vie des adolescents d'aujourd’hui habitués aux progrès technologiques et finalement assez peu “connectés” avec la nature. Difficile, mais sans doutes pas impossible, d'être réellement emporté par cette ambiance mystique à laquelle je suis cependant restée hermétique.
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Le Chercheur d'or

Quelle écriture fascinante ! Elle vous plonge inexorablement dans le tableau dépeint par l’auteur au coeur de l’île Maurice. La nature omniprésente vous fait palpiter le coeur car vous courez vous aussi à travers les champs de cannes à sucre dont les feuilles sèches vous irritent la peau, vous courrez vers l’océan dont vous humez les embruns et dont vous entendez le ressac... La nature transpire en vous, tous vos sens sont incroyablement attirés par elle. Vous aspirez la nuit et son ciel étoilé. Vous respirez les odeurs des arbres, des fleurs et de leurs différentes essences. Vous écoutez et reconnaissez les bruits qu’elle produit... C’est fantastique, magique. Jamais une lecture ne m’avez emportée si loin dans les ressentis. Quel bonheur de lecture, quel plongeon, quelle ivresse !



Bien sûr il n’y a pas que la fascination de la nature, il y a aussi la quête d’Alexis pour répondre au voeu de son père défunt et ruiné, celle de retrouver l’or du corsaire enfoui à l’île Rodrigues. Des années de recherches dans la quasi-solitude, si ce n’est l’amour partagé avec Ouma, une « marron » vivant loin des hommes blancs et de leur cupidité.



Mais ce roman, c’est aussi un cri poussé contre la bêtise humaine, celle de la colonisation, de la guerre, du massacre des tortues...

Les ouragans et cataclysmes ne sont pas seulement ceux provoqués par la nature.

Il y est montré aussi le désintérêt face à l’argent, aux vêtements, aux possessions de toutes sortes.

Seule la communion avec la nature permet au héros de se retrouver face à lui-même et de découvrir le véritable sens de son existence. Mais un bémol demeure, cette quête est solitaire et ne lui permet pas de s’intégrer au monde qui l’entoure...



J’ai adoré cette lecture qui vous insuffle par tous les sens le bonheur de vivre en harmonie avec la nature.


Lien : http://mespetitesboites.net
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Tempête : Deux novellas

Du très bel ouvrage à l'écoute des autres, tout simplement !

Je suis sincèrement émerveillée par l'alliance d'un style sobre et poétique et d'une imagination si sensible aux problèmes profondément humains.

Pas de fioritures inutiles, les phrases peuvent être courtes, les mots choisis, voire inventés, les trouvailles poétiques originales.

Un petit goût de Désert me semble-t-il, qui m'a beaucoup plu.



Le dernier Le Clezio offre un livre en deux novellas, longues nouvelles d'une centaine de pages chacune, liées subtilement par la mer, ses bienfaits, ses dangers, et les vicissitudes des femmes pour survivre, se construire, prendre un nouveau départ, que ce soit sur l'île d'Udo au large du Japon ou en France - deux destins de jeunes filles tourmentées par l'ignorance de leurs origines, leur impuissance à maîtriser leurs vies, cherchant leur salut auprès de la mer pour l'une, dans le feu pour l'autre.



" La nuit tombe sur l'île. ", l'incipit épuré du premier texte Tempête. Le narrateur, monsieur Kyo, revient sur l'île trente ans après la disparition de Mary, sa compagne disparue volontairement en mer, sans explication. Il avait vingt-huit ans, elle en avait quarante, il sortait de cinq années de prison pour avoir assisté à un viol sans être intervenu. Il rencontre June, jeune adolescente sans père, qui survit grâce à la vente des ormeaux que sa mère pêche, souvent au péril de sa vie. Une belle amitié salvatrice naît au fil des rencontres entre le solitaire vieillissant et la jeune sauvageonne qui vont se permettre mutuellement de croire en la vie et à nouveau en eux-mêmes, tout simplement, pour poursuivre chacun leur chemin.

Écrit à la première personne, renforçant ainsi la proximité avec le lecteur, le récit donne tour à tour la parole à Kyo et June, mêlant avec finesse leurs sentiments, leurs réflexions, leur détresse aussi.



" J'ai tressailli devant la mer. " À nouveau la simplicité pour aborder le deuxième texte La femme sans identité. De l'Afrique à la région parisienne, Rachel, née d'un viol, n'a jamais connu sa mère, et est élevée par la famille de son père au Ghana, jusqu'au départ pour la France. Privée d'amour maternel, elle s'est construite bancale, mais avec le soutien et la tendresse de sa demi-sœur Bibi. À Paris, commence alors une vie d'errances, d'incertitudes et de révolte, livrée ici aussi à la première personne. " Il fallait d'abord exister " avant de pouvoir accepter, et renaître, peut-être.



Plus violent, empreint de noirceur, le deuxième récit est le côté pile du livre, une autre facette de la quête de rédemption qui anime selon moi ces deux novellas, ni tout à fait romans, ni tout à fait nouvelles, mais animés d'une force digne d'une tempête pour aller de l'avant. Car, comme l'affirme monsieur Kyo :

" C'est pour cela que je reviens. Non pas pour retrouver le passé, non pas pour flairer une piste comme un chien. Mais pour être sûr que je ne reconnaîtrai rien. Pour que la tempête efface tout, définitivement, puisque la mer est la seule vérité. "

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Ritournelle de la faim



Bon, comment exprimer ma déception, moi petit lecteur anonyme ? Comment dire que le grand Jean-Marie Gustave Le Clézio, prix Nobel de Littérature, qui s’ajoute à une longue et virtuose liste de lauréats, comment donc ce « Ritournelle de la faim » n’a jamais susciter la moindre émotion, la moindre empathie ?

C’est surement bien écrit, c’est surement émouvant, touchant, nostalgique, que sais-je encore ?

Mais pour moi c’est l’ennui qui m’a constamment tenu compagnie.

Surement pas le meilleur moyen de donner l’envie de découvrir son œuvre. Mais bon, je fais mon ronchon, y a des jours comme ça.





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Avers

Le Clezio parle de son livre en disant qu'il a voulu rendre visibles les invisibles, ces enfants qui errent sur les routes ou dans les villes du monde entier.

A Madagascar, au Mexique ou en Irak, mais cela peut être en Amérique du sud, en Afrique et malheureusement même en France.

Seuls ou en fratrie, mis à la rue à cause de la guerre, de la famine ou de violences familiales, les enfants vont tenter de survivre.

Leurs rêves d'enfant vont souvent se muer en cauchemars.



Le Clezio trouve les mots pour que l'on n'oublie pas Maureez, Chuche, Marwan ou Chepo.

Avec le style délicat et poétique qu'on lui connaît, il dénonce cette indifférence générale à la souffrance.

La tristesse et la mélancolie de ces nouvelles nous resteront longtemps en mémoire.
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Identité nomade

« Identité nomade » laissera sans doute perplexes les lecteurs habituels de le Clezio, en effet les épisodes de sa vie qu'il nous décrit ici, nous les connaissons déjà à travers ses nombreux livres...

Sa naissance à Nice, son enfance là-bas pendant la guerre avec sa grand-mère et sa mère, le voyage en bateau pour rejoindre son père en Afrique, ses racines à l'île Maurice, ses voyages au Mexique et dans de nombreux autres pays,...

Cette synthèse rapide est pour l'auteur l'opportunité de rappeler que son inspiration a été modelée par son ouverture au monde et surtout aux différents peuples et c'est cette découverte de l'autre qui a fait de lui un défenseur des peuples aborigènes et un chantre de la nature.

Quant au terme « identité nomade », il convient particulièrement à Le Clezio qui a la double nationalité française et mauricienne et qui a vécu dans de nombreux pays sur les cinq continents.



Le style, sans fioriture, simple et presque simpliste, sans le lyrisme habituel de l'auteur, m'a déroutée et il m'a fallu la seconde partie, où il parle de ses goûts littéraires, pour trouver un réel intérêt à ce livre.

En effet Le Clezio est, on le sait peu, un vrai connaisseur des littératures du monde, il est passionné de littérature anglo-saxonne, mais connaît aussi très bien les écrivains d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine.

Il cite de nombreux auteurs, plus ou moins connus en France.

Et il s'interroge sur l'utilité de la littérature qui n'a su « ni arrêter les crimes de la colonisation, ni empêcher les guerres... et la dégradation de la nature ».

Un livre en forme de bilan donc, sur son œuvre mais aussi sur le sens de la littérature, que j'aurais aimé plus approfondi... (une centaine de pages en gros caractères et très aéré...)

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L'Africain

En fait, lire une oeuvre de J.M.G Le Clezio, c'est ne pas prendre de risques, car c'est une valeur sûre. Je ne dis pas cela parce qu'il a reçu le prix Nobel de littérature en 2008, mais simplement, parce que ses livres sont merveilleusement bien écrits, qu'ils soient romans ou récits peu importe. On retrouve toujours la même qualité, la même poésie, la même quête d'authenticité. Ici, l'auteur nous entraîne en Afrique de l'Ouest, tout particulièrement au Cameroun où son père fût médecin. Il n'y a pas d'exotisme, pas de regard entaché d'une quelconque supériorité ou de condescendance. C'est la réalité brute, la vie en Afrique, loin des villes et des colons... La vie avec les autochtones. Une vie en communion avec la nature, les éléments, sans fioritures, dans toute sa simplicité et sa réalité.

Un texte assez bref, ponctué ça et là de photographies appartenant à l'auteur.

Un livre magnifique!
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L'Africain



Ecrit 10 ans après Onitsha, dans lequel J M G Le Clézio parlait de sa mère et des amies de sa mère, et de la difficulté qu’il a eu à faire connaissance avec un homme qui selon lui, ne pouvait être son père, dans l ’Africain il fait non seulement connaissance avec ce père, il essaie de comprendre son passé, son amour pour sa mère, et son attachement si fort à l’Afrique.



Pas l’Afrique des cocktails et de l’hypocrisie des colons.

Pas l’Afrique des palmiers et des bougainvilliers,

Ni une Afrique idéale et rêvée.



Plutôt l’Afrique sauvage, libre, puissante, presque dangereuse, violente et très humaine. Il court avec son frère dans la plaine d’herbes folles, comme une mer immense, ils sont libres, ces enfants. Libres aussi de massacrer les termitières, comme prise de possession par cet acte sadique devant l’immensité de la nature, la forêt équatoriale, la violence des orages.

Oui, les enfants, seuls blancs parmi tous leurs amis, se croient africains, d’abord parce que dans cette région ce qui compte ce n’est pas la naissance mais la conception, pour définir l’appartenance d’un être. Eux, ils ont été conçus au Nigeria.



Leur mère aussi, à sa façon , se fait africaine. Elle est gaie, sûre de faire le bon choix en suivant son mari au Cameroun, et répondant à ses amies parisiennes qui lui disaient : « Quoi, chez les sauvages ? » « ils ne sont pas plus sauvages que les gens à Paris ».



Quant au père, entre ses rêves de médecin itinérant, sa volonté de pas entrer dans le moule colonial qu’il haïssait, son intégrité, sa vraie connaissance des personnes qu’il soigne, lui, c’est le vrai africain. Les enfants le découvrent sûrement trop tard, et Le Clézio essaie de lui rendre justice, alors qu’étant enfant, il le prenait pour un ennemi, à qui il faisait une guerre sournoise. Mais.



Très longtemps, le père a parcouru ( à cheval, avec sa femme)les campagnes camerounaises, aimé surtout la marque et les traces de ces collines, de ces forêts et de ces herbages, et des gens qu’il a connus, qu’il a soignés, et puis la terre rouge, l’eau bleuie par le permanganate. Le bonheur.



Le charme africain prend fin pour lui, lorsqu’il il connaît la solitude, la désespérance des jours. Epuisé par son travail incessant, alors que sa femme repartie accoucher à Nice est bloquée par la guerre, coupé du monde, sans nouvelles de sa famille, ne pouvant rejoindre femme et enfants, c’est vieilli prématurément par le climat équatorial qu’il les retrouve.



Il découvre, en quittant le Cameroun pour le Nigeria, où il se retrouve d’abord seul, que son rôle de médecin s’approche du rôle des autres colons, les policiers ( qui essaient d’interdire les meurtres rituels et les exactions entre villages), les juges et les soldats. Tous, ils exercent un pouvoir, surveillent et interdisent, entre autres la sorcellerie, les envoutements, les poisons, les amulettes cachées destinées à porter malheur, les amputations sauvages y compris certaines formes de cannibalisme.



Et puis, comme si la lèpre et l’éléphantiasis, les enfants agonisants, la gangrène, toute cette humanité souffrante ne suffisait pas, comme si l’indépendance des pays devaient leur apporter la renaissance, aurait dû leur apporter le renouveau, mais ne l’avait pas apportée, la guerre du Biafra, provoquée par les puissances occidentales à la recherche du pétrole, un des plus grands génocides du siècle, le néo colonialisme commerçant ( la vente d’armes, de chars d’assauts, mines antipersonnel, ceci dans les deux camps) sème l’horreur.



(Dans mon édition, des photos prises par le père ponctuent le livre, malheureusement pas toutes, que l’auteur décrit et que l’on aurait bien voulu voir. ) Heureusement pas celle des enfants martyrs que nous avons tous vu.





Le père , cet Africain ne rêve plus, pourtant Le Clézio conclut : « Peut être qu’en fin de compte mon rêve ancien ne me trompait pas. Si mon père était devenu l’Africain, par la force de sa destinée, moi, je puis penser à ma mère africaine, celle qui m’a embrassé et nourri à l’instant où j’ai été conçu, à l’instant où je suis né. »



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Le Chercheur d'or

Venant juste de terminer la lecture du "Voyage à Rodrigues", je n'ai pu résister à reprendre celle du "Chercheur d'or", en mode rapide, car, l'ayant lu il y a une vingtaine d'années, et même si j'en conservais le souvenir éblouissant d'un roman extraordinaire, avec la mer omniprésente et la quête d'un trésor imaginaire, il me manquait bien des détails en mémoire et j'ai donc été à nouveau conquis par cette oeuvre -- d'ailleurs comment ne pas l'être en parcourant une écriture tellement riche et puissante qu'elle surclasse la plupart des émotions que peut procurer la lecture?



Les premiers héros de cette belle histoire sont la mer, la nuit, le ciel, les étoiles, les oiseaux, surtout la mer bien sûr que JMG décrit avec autant de variations dans son style qu'elle-même peut en offrir à toutes les heures, toutes les saisons et par tous les temps. Le Clézio livre une sanctification totale des éléments maritimes, avec cette confusion admirable du ciel et de la mer, puis ces constellations qu'il connaît par coeur, particulièrement dans l'hémisphère sud où se situe la plus grande partie de ce roman.



Le lecteur est d'ailleurs saisi par la mer dès la première phrase du livre : "Du plus loin que je me souvienne, j'ai entendu la mer" et ainsi tout au long de cette aventure humaine, jusqu'à la dernière phrase : "Il fait nuit à présent, j'entends jusqu'au fond de moi le bruit vivant de la mer qui arrive".



Ce bruit vivant accompagnera la lecture d'abord dans l'enfance et l'adolescence du héros, marquée par le départ douloureux et contraint de la maison familiale, avec peu après la séparation de ses proches, particulièrement sa mère et sa soeur, Laure.



Puis, c'est le long voyage vers Rodrigues, avec encore le mélange des sentiments sur le bateau, le bruit des voiles, des tempêtes, la houle ou le calme, et toujours ces ciels magiques, visibles uniquement en mer ou en montagne, la Voie lactée et les myriades d'étoiles qui installent les rêves à savourer les yeux ouverts.





Enfin, l'île et la quête du trésor du corsaire, avec des détails techniques sur l'orientation qui ont pu lasser des lecteurs, et que je n'ai ressentis que comme des respirations permettant de reprendre souffle avant d'être à nouveau emporté par la poésie de le Clézio, face à tout ce qu'il voit au-delà des vacoas, des falaises, de la barrière de corail, et dans son imaginaire.



La rencontre avec la jeune fille, Ouma, apporte des moments de plénitude à partager avec le chercheur d'or, Ali, tout en enviant leur idylle, aussi belle que tout l'environnement qui la fait naître.



La guerre, hélas, n'est pas en reste, puisque Ali va revenir pour combattre à Ypres ou dans la bataille de la Somme. Le Clézio en profite pour insister sur l'absence de sens de "la plus stérile des réunions d'hommes".



Enfin, un dernier retour à Rodrigues, pour se convaincre de la vanité de la recherche de l'or et faire partager au lecteur toute la mélancolie du temps, la perte des êtres chers, la perte d'un amour devenu impossible, et admirer encore les ciels étoilés, la nuit, la lumière du soleil et sentir jusqu'à la dernière minute de lecture, la dernière page de bonheur perdu.
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Bitna, sous le ciel de Séoul

J’ai découvert Le Clézio, il y a bien longtemps avec « Désert » qui reste pour moi, son chef d’œuvre.

Au fil des années, j’ai aimé retrouver sa plume toujours originale et poétique, très justement récompensé par le Nobel de littérature en 2008.



Dans son dernier opus, l’auteur nous emmène en Corée.

Pour échapper à la monotonie de sa vie, oublier la méchanceté de sa cousine dont elle est contrainte de partager l’appartement, Bitna à court d’argent accepte un emploi auprès d’une jeune fille handicapée.



En charge pour elle de distraire Salomé, en lui racontant des histoires, qui l’espace de quelques heures, lui feront oublier ce mal implacable dont elle souffre sans espoir de guérison.

Bitna fait preuve d’imagination, elle est porteuses d’espoir pour la jeune infirme qui attend quotidiennement son moment d’évasion.



Dans ce récit l’auteur évoque le pouvoir de l’amitié et du partage pour faire oublier la souffrance à défaut de la supprimer, l’importance des mots contre la tristesse, l'isolement, la maladie.



J.M.G. Le Clezio est un auteur que j’apprécie de plus en plus, après « Désert », « L’Africain » ou « Onitsha », je dois reconnaître qu’à chaque fois j’ai le sentiment d’être prise par la main et d’être embarquée peu à peu.

C’est son écriture que j’aime, cette simplicité, cette beauté, ce calme.

J’ai le sentiment que l’auteur m’emporte doucement et délicatement.

Merci à NetGalley et aux Editions Stock pour ce beau moment de lecture.
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Ritournelle de la faim

JMG. Le Clézio nous fait partager le portrait de sa mère, Ethel, sur une période précise (de la petite fille à la jeune femme).

Que de sensibilité et finesse dans l'écriture ! Chaque mot à sa place sur du velours ! Les phrases se déroulent comme à l'infini et hélas se terminent à la 207ème page ...



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Ritournelle de la faim

Le Clézio porte en lui, une nostalgie, une langueur des îles qui lui sied à merveille. C'est avec cette douce mélancolie qu'il nous conte l'histoire de Ritournelle de la faim, une approche autobiographique pour nous parler de sa mère, de sa jeunesse dans les rues du quinzième arrondissement de Paris.

Ethel est une fillette, à qui la vie semble sourire, aimée de ce grand -oncle qui l'emmène à l'exposition universelle et se paie la folie d'acheter la Maison Mauve. La construction de cette maison est le rêve de son enfance partagée avec son amie russe désargentée: Xenia.

Chez elle, dans l'appartement de ses parents, l'ambiance est différente, ses parents se déchirent au milieu des volutes de fumée et des rendez-vous dominicaux auxquelles toute la famille et les amis participent. Son adolescence se déroule sous fond de bruit de bottes qui se mettent en route en Allemagne, en Europe.

La guerre et l'occupation l'obligent à fuir avec ses parents à Nice. Là, elle connaîtra les affres de la faim,le doute, la haine et la fureur des hommes.

Son avenir semble incertain jusqu'à son mariage qui l'emmènera au Canada.

Le Clézio nous parle dans la dernière page de son roman de la découverte fabuleuse que fut pour sa mère le boléro de Ravel. Cette pièce musicale raconte l'histoire d'une colère, d'une faim.

Peut-on l'associer à la jeunesse, à la vie d'Ethel?



Certainement, la musique est d'ailleurs une clé importante pour la jeune Ethel dès son plus jeune âge.

J'aime l'écriture de Le Clézio, son évocation de mondes perdus, son écriture remplie de poésie. C'est avec plaisir que je continuerai à le découvrir.
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Étoile errante

Une terrible histoire ! La guerre et l’errance des enfants qui la subissent.



Le récit commence avec une jeune Française pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle apprend alors qu’elle est juive puisque ces parents n’avaient jamais pratiqué cette religion. La famille a dû fuir sa maison et se réfugier en montagne, dans un village occupé par les Italiens. On suit la vie intérieure de la jeune fille, son incompréhension de ce qui se passe, ses rêves de liberté dans la nature, la musique, l’espoir que le temps s’arrête, mais aussi la rébellion contre les contraintes, les émois de l’adolescence puis la peur, celle peut-être d’avoir embrassé son père pour la dernière fois. Avec la capitulation italienne, les Allemands viennent et c’est la fuite à travers les montagnes, puis un autre village en attendant la fin de la guerre, puis Paris, puis la côte et l’attente du bateau qui les mènera vers un pays rêvé, Israël.



En chemin vers cette destination finale, elle rencontre une jeune Palestinienne et c’est l’histoire de celle-ci qu’on découvre ensuite. Une jeune fille qui ne comprend pas ce qui se passe, qui rêve de liberté, mais qui vit la sombre réalité du camp de réfugiés, l’impuissance et la mort lente.

Un roman difficile à cause des émotions traduites avec justesse par Le Clézio. Difficile aussi parce que le récit suit souvent le fil des pensées des jeunes filles, des réflexions qui ne sont pas linéaires, elles vont et viennent avec d’inévitables répétitions.



Un roman qui ne présente pas une position politique, mais qui prend plutôt parti pour les victimes, quelle que soit leur origine.

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Alma

J’ai aimé ce voyage à l’île Maurice, empreint de la nostalgie du passé colonial de l’île de France et de celle d’une saga familiale d’émigrés français dont le dernier survivant porte le nom d’un animal endémique, le Dodo, que la présence de l’homme a fait disparaître. Il demeure aujourd’hui une curiosité au muséum d’histoire naturelle et l’emblème d’une marque de bière réunionnaise qui s’affiche sur les étiquettes des bouteilles. Cet Alma de J.M.G Le Clézio mêle des destins que j’ai eu du mal à suivre par moment, mais j’ai retrouvé la belle écriture de l’auteur. Un très bon moment de lecture
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Hasard, suivi de

S’il fallait définir la nouvelle chez Le Clézio, on pourrait dire qu’elle est comme un trait au scalpel. Elle offre une immersion saisissante dans la vie des personnages au moment où celle-ci semble basculer.



La narration est énigmatique, touffue et exploite toujours la part de mystère, des personnages, en remontant le fil du temps et en laissant quelques questions sans réponses.

Il y a toujours les thématiques du voyage, de prendre le large et des tragédies



Ces deux histoires sont bien lestées pour mieux suivre les volutes émotionnelles, invisibles de l’intérieur, mais qui labourent pourtant les personnages.



De son écriture directe, incroyablement libre, Le Clézio restitue l’énergie vitale de la jeunesse et les craintes de la vieillesse. Il les regarde se brûler, s’épanouir, et transforme le chagrin en idées, sondant les peurs les plus profondes avec intelligence et subtilité.



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La Quarantaine

J'aime Le Clézio : la beauté et l'universalité de ses mots me touchent, m'enchantent, me ravissent. M ‘émeuvent et m'emportent le plus souvent. J'aime aussi l'homme, forcément. Un humaniste, un humble et un sage qui se fait discret pour mieux nous parler du monde qui nous entoure et nous en décrire toute la beauté. Toute la violence aussi. L'actualité littéraire du moment nous reparle de cet écrivain si rare dans ses apparitions. « Alma », son dernier roman encensé par la critique, nous permet d'entrevoir cet homme au détour d'une émission ou d'entendre sa voix chaude et grave sur les ondes. Et là, en l ‘écoutant, j'ai réalisé que trop de temps était passé depuis ma dernière lecture de le Clézio. le manque était là. A défaut de me procurer « Alma » tout de suite, je me suis donc rabattue – si j'ose dire – sur son roman « La Quarantaine » publié en 1995. J'ai ouvert ce roman… et je suis partie dans l'espace et dans le temps. Très loin.



Poète du voyage, conteur de l'exil, JMG le Clézio nous raconte l'ailleurs. Cet ailleurs, la plupart du temps, est peuplé des lieux qui ont un lien avec son enfance, sa jeunesse, ses rencontres, ses racines : une ville, un pays, un quartier, un désert ou une île…. Maurice, l'île où ses ancêtres bretons ont émigré au XVIIIe siècle pour fuir la famine et la pauvreté. Ce sont ces derniers justement qui sont mis à l'honneur dans « La Quarantaine », bien avant que l'auteur ne songe à l'écriture d' « Alma ». L'auteur s'inspire directement alors d'un épisode bien réel du roman familial.



Le narrateur, double de l'auteur, qui débute le récit nous parle de ses grands-parents, Jacques Archambau (double fictif d'Alexis, le propre grand-père de Le Clézio) et sa femme Suzanne, accompagné de Léon, le jeune frère du premier. Nous sommes en 1891 et les deux frères s'en vont reconquérir un domaine familial (déjà Alma) et une maison, Anna, dont ils ont été chassés avec leurs parents vingt ans auparavant par le patriarche, Alexandre, leur oncle. Bébé lorsqu'il a quitté l'île, Léon ne connaît rien de Maurice si ce n'est à travers les souvenirs de Jacques, 12 ans à l ‘époque. Maurice, la promise… Sa verdure et ses rondeurs, les champs de canne à sucre, l'odeur des sucreries, son sable noir et ses coraux, l'eau transparente et fraîche des cascades. Mais sur le bateau qui fait route vers leur paradis, la variole se déclare. Passagers de première classe et immigrants indiens sont obligés de débarquer sur Plate, une île située à quelques milles de Maurice. Sur cette île formée de rochers de basalte et envahie par les oiseaux, tous vont devoir cohabiter durant la quarantaine obligatoire. C'est la découverte d'un nouveau monde et le début d'un huis-clos angoissant.



On s'extirpe difficilement de cette lecture, étourdi par la beauté des mots et la richesse de cette histoire où l'on retrouve les thèmes chers à Le Clézio.

C'est tout d'abord un fait, quand on lit Le Clézio, on part avec ses personnages. le trio formé par Jacques, Suzanne et Léon est terriblement attachant et émouvant. Suzanne, femme-mère-soeur, est le bloc qui cimente leur union. Unis par un même rêve, les jeunes gens voient en Maurice la promesse d'une vie meilleure et d'une revanche sur la vie. Entre leur histoire et celle du narrateur surgit en filigrane le thème essentiel de la mémoire des siens. Retour aux origines et quête identitaire, chercher et trouver les traces de ceux qui nous ont précédés. Cette histoire originelle, c'est aussi celle de Suryavati, l'immigrante, la paria, et de sa mère Ananta. Ananta ou le destin exceptionnel d'une jeune anglaise/indienne perdue dans la guerre, l'exil et les camps avant de trouver refuge sur Plate.



Plate justement. Sous la plume de le Clézio, l'île prend vie et devient le personnage principal du roman. Au côté de Léon, nous parcourons l'île de nuit comme de jour, des maisons de la Quarantaine au village des coolies dans la baie de Palissade. Rochers noirs et coupants de basalte, sable éclatant, le sel partout sur le corps, fleurs de batatrans, barrière de corail et eau tiède du lagon… Plate offre à ses occupants le monde de la mer. Tantôt paradis et tantôt purgatoire quand la maladie se propage, que la folie guette et que la mort arrive. Alors vient le temps de Gabriel, dernier lieu de retranchement, l'îlot situé à l'extrémité de la terre, là où commence le monde des oiseaux avec le cri rauque des pailles-en-queue.



Les mots de le Clézio sont magiques au sens où ils nous enivrent avec des descriptions magnifiques tout en nous révélant la réalité de ceux qui peuplent ces lieux. Et ceux dont Le Clézio aime le plus parler, ce sont les exclus.



Comme toujours chez l'écrivain, nous retrouvons la défense des opprimés et une dénonciation des abus et violences faits sur les plus faibles. Lorsque son narrateur reprend le cours du récit, c'est avant tout pour livrer un vibrant hommage à ces hommes, femmes et enfants capturés sur les côtes du Mozambique, à Zanzibar, à Madagascar, et enchaînés à fond de cale sur les négriers. C'est pour nous parler des coolies indiens, attirés sur les bateaux à Calcutta et à Madras, enfermés dans des camps avant d'aller trimer comme des esclaves pour les compagnies sucrières. Et ceux-là, ces immigrants partis de Calcutta en 1856 pour fuir la famine et la guerre, et abandonnés pendant cinq mois sur les rochers nus de Plate et Gabriel, ne laissant derrière eux que des os et les cendres des corps que l'on brûlait.

Voilà, Le Clézio n'a nul autre pareil pour décrire la beauté d'un pays et l'envers du décor, sa violence. Dans cet hommage à la mémoire des siens, l'auteur ravive aussi celle de ces inconnus, de ces exclus dont les fantômes peuplent Maurice.



Cette critique ne rendra sûrement pas honneur à cette lecture absolument envoûtante qui m'a menée hors du temps et hors du monde. Un roman tout simplement magnifique.
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Le Chercheur d'or

« Le chercheur d’or ».

Un superbe roman initiatique… on traverse les mers et le temps. Ainsi passe-t-on de l’île Maurice à Rodrigues, en faisant un détour par Ypres pendant la guerre de 14.

Ainsi aura été la vie d’Alexis, né à Maurice, vivant miséreux mais heureux au lieu-dit « l'Enfoncement du Boucan », épris de mer et de liberté…

Alexis sera également chercheur d’or : suivant de vieux papier découverts à la mort de son père, il partira quatre ans à Rodrigues à la recherche du « trésor du Corsaire », caché dans l'anse aux Anglais…



Et puis il y a les cyclones comme autant de virages décisifs dans la vie d’Alexis…



Au risque de dévoiler un secret de Polichinelle – à moins que tous ne l’aient déjà compris –, Alexis ne trouvera pas le trésor… se trouvera-t-il lui même ? …



On connaît l’attachement de Le Clézio pour l’île Maurice, lui qui n’hésite pas à se définir comme « un écrivain mauricien de langue française ». Un attachement qui transparaît à toutes les pages de cet étonnant roman initiatique que pour ma part j’élève au même niveau que le fameux et désormais classique « Vendredi ou les limbes du Pacifique » de Michel Tournier.

Un roman maritime(une île) et tellurique (les tranchées de la Somme), éolien également (les cyclones)… Quand Tournier situe son « Vendredi… » sur une île (Defoe oblige…) ; quand il fait se réfugier Robinson dans un boyau souterrain en position fœtale et quand l’Andoar fait jouer le vent dans ses cornes…



Deux chefs-d’œuvre. Deux classiques…



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Révolutions

Une fois refermé, ce livre m'évoque les livres "pop-up". Vous savez, ces architectures de papier qui s'ouvrent et se déplient pour vous laisser admiratif.

C'est dire s'il m'a laissé bien des étoiles dans les yeux et les pensées...

Là, à l'image de ces découpages de papier ciselés, ce sont les phrases, les mots qui se déplient, s'étalent, se déroulent pour narrer l'histoire d'une famille, les Marro et faire en ombre, le récit de l'Histoire avec un grand H, comme un horizon, un paysage pour y laisser s'animer ces vies.



A travers la rencontre de Jean Marro dans les années soixante, les souvenirs de la famille évoqués font se rembobiner le temps et font revivre ces destinées qui ont traversé les mers et les océans, pour s'établir à l'île Maurice ou en Malaisie et pour en être chassées par la ruine.



De la Révolution française, de Valmy, des sols détrempés des forêts d'Argonne aux rives de l'Isle de France - ainsi qu'on appelait l'Ile Maurice jusqu'en 1814, de la Bretagne tout en misère des temps du soulèvement révolutionnaire et se remémorant la perte de l'indépendance de cette région au milieu qu XVIième siècle, des années soixante en métropole à la guerre d'Algérie et ses questionnements humains, de la contestation de Mai 68 à la Révolution en reflet de la même année au Mexique, des rêves de Liberté à la condition des esclaves, de leur affranchissement aux pas en arrière de ceux qui gouvernent qui les font redevenir des être entravés, dans une écriture riche et enveloppante dont on se détache difficilement, dans une course effrénée derrière le temps qui s'enfuit et les existences qui s'écrivent dans le trop éphémère, J.M.G. le Clézio convie à rencontrer tous ces êtres bousculés par L Histoire, se croyant libres, pour être de nouveau enfermés ou asservis, rêvant de domaines et plus encore de vies en accord avec les principes d'équité quand ils sont spoliés par plus roués et moins intègres qu'eux. Autant de voix qui s'élèvent pour raconter ces enfilades d'époques, pour raviver telle ou telle existence.







Venez, approchez-vous, et écoutez la grand-tante, Catherine, faisant revivre ses souvenirs pour Jean, qui invite à pénétrer les allées de Rozilis, la propriété tant aimée et perdue, dans ces paysages luxuriants et sonores des bruits d'oiseaux, dans le chatoiement arc-en-ciel des plumages, pour rencontrer cette famille.



C'est encore elle, Catherine, digne et intimidante, vulnérable et fragile, dont les propos jalonnent le récit et qui, ainsi, guide à travers les terres, à travers les eaux, à travers L Histoire, dépliant un récit envoûtant autant qu'enrichissant pour redonner vie à une famille et aux époques traversées. Venez écouter le murmure des îles et humer la senteur vanillée du thé...







Un livre captivant, tout à la fois terriblement sonore et olfactif qui donne envie de suivre Jean Marro et de retourner sur les traces de ses ancêtres, découvrir les lieux et toucher L Histoire qui palpite dans toutes ces vies croisées. Et de retourner très vite vers la très belle écriture de J.M.G. le Clézio…





« Sur les photos ces gens paraissaient invincibles, indéracinables, par la force qui les unissait les uns aux autres ; pourtant, si on regardait bien, on percevait un petit frisson, un tremblement léger, parce que c'est l'éternité qui est fragile, pas la vie. »
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Printemps et autres saisons

Bien que cela semble incroyable, vu les torrents d’eau qui s’abattent sur moi, c’est aujourd’hui sans plus attendre que l’on doit lire Printemps et autres saisons de J M G Le Clézio .

Ce serait plutôt le printemps de sa vie que Saba évoque : elle a été confiée au Colonel et à sa femme Amie qui l’a aimée, nourrie et a transformé son enfance en un petit paradis près des dunes sans fin, des champs de blé et de sorgho, avec la mer dont elle comprendra la symbolique plus tard.

« le soleil brûlait le visage et les mains, il me semblait que je n’avais senti ainsi la brûlure du soleil. »

Nous sommes au Maroc.

Saba n’a pas connu son père, et a du mal à comprendre pourquoi sa mère l’a confiée à Amie. Amie, devenue, plus qu’une amie, sa mère.

Car Zayane a reçu de l’argent, et la petite se croit esclave de ses parents adoptifs.

Son printemps commence mal, très mal.

Puis elle dépasse peu à peu sa révolte, sa haine pour sa mère biologique, sa volonté de retourner vivre avec Amie, sa manière de se vanter d’avoir fait l’amour, de séduire un homme marié , pour , enfin, comprendre sa mère qui avait le même âge qu’elle lorsqu’elle …

Lorsque, étant enceinte dans un village au Maroc, elle n’avait aucun espoir, sauf la force des traditions millénaires.



Avec une écriture faite de tendresse pour les quatre protagonistes, avec, tard dans la nouvelle, le récit, au fur et à mesure de la prise de conscience par Saba de l’histoire de sa mère, de la raison leur fuite à Marseille, explique son enfance.

Le printemps est là.

Je ne voudrais pas vous mettre la pression, mais il vous reste peu de temps pour lire cette nouvelle printanière, la prise de conscience d’une jeune fille en fleur.



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Bitna, sous le ciel de Séoul

Le vieux, tout en sueur, flic à la retraite consciencieux à la Memory of Murders, grimpe les vingt étages à pieds, portant sur son dos des cages en bois, des pigeons voyageurs enfermés. De là-haut, il voit Séoul se lever, l'immensité se dresser à lui comme ces barrières montagneuse au loin. De l'autre côté, le Nord, sa vie d'avant, sa famille est-elle encore en vie. Un jour, il enverra ses pigeons avec peut-être des messages accrochés à leurs pattes, je suis en vie, je pense à vous, paix, harmonie, amour toujours, évidence... Le soleil se couche dans la rivière Han, M. Cho redescend alors, toujours par les escaliers, c'est pas tout ça, mais maintenant il est concierge de cette immeuble, les promoteurs l'ont appelé le Good Luck !



D'un poil soyeux, elle descend au salon de coiffure, se faire admirer, se faire caresser, la petite chatte. Kitty, un peu rebelle, un peu solitaire. D'où vient-elle, qui est-elle, à se parer de la lumière du soir, à se cacher à mon regard, à venir se coller à moi, le poil mouillé. Une messagère, de l'amour, de la vie, une chatte qui feule de plaisir entre les étages du Good Luck ! Je ferme les yeux, et je continue de sentir cette jolie chatte aux poils noirs venir se frôler à moi... Doux rêves. Caresse.



Sur scène, la jeune fille aux jolies jambes. Une voix, digne des plus grandes églises, foi religieuse ou pas, je l'écoute me chanter du Dalida, je l'imagine me réciter l’Albatros, ou mes roucouler des mots doux comme les pigeons de M. Cho. Mes mains qui remontent sur ses jambes. Doux rêves. Caresse. Jusqu'à son triangle aussi soyeux que les poils de Kitty. Mon esprit s'égare, encore, toujours... Faiblesse de l'imagination. Son manager lui a loué un appartement dix-septième étage du Good Luck. Tout est lié dans cette vie-là. Je te pose ici des histoires sans queue ni tête, comme quand on pose un verre sur un comptoir, une mousse blanche qui s'y dépose, une lumière qui se vide. Toutes les histoires ont une fin, même pour les contes urbains. Lève les yeux, Bitna l'étoile de Séoul y brille. C'est elle qui raconte toutes ces légendes inventées - ou avec un soupçon de réalité, comme une pointe de piment dans le kimchi - moyennant une enveloppe contenant 50 000 wons. Salomé se nourrit de ces histoires, immobilisée dans son fauteuil par une maladie incurable. La fin s'approche, mais en attendant, Bitna lui apporte quelques rêves qui volent et s'envolent comme des pigeons voyageurs à travers la vie de Salomé, une vie qui n'existe plus que dans les pensées imaginaires d'une lectrice et d'une auditrice, qui propose un voyage littéraire onirique pour oublier le temps d'une histoire la solitude des êtres dans cette vie bouillonnante à Séoul ou ailleurs. Un ange au milieu du silence.
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