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Critiques de J.M.G. Le Clézio (1107)
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Tempête : Deux novellas

En attendant de lire le dernier roman 2018 de J.M.G. le Clézio, j'ai repris dans ma bibliothèque, "Tempête" que j'avais lu en 2014 et avais fort envie de relire car depuis, j'ai appris à mieux connaître l'écrivain par ses interviews et sa renommée.

"Tempête" est donc constitué de deux novellas ou courts romans.

Le titre du livre porte le nom de la première novella où le narrateur nous emmène sur l'île japonaise d'Udo où il vécut des souvenirs très intenses dont la mort de Mary, qu'il a aimée trente ans plus tôt et qui s'est noyée en mer.

Il aussi dû assister au viol d'une femme par un soldat.

Ce voyage est-il un aboutissement pour lui ?

Dans ce court roman, une deuxième narratrice prend la parole, June. Sa mère s'épuise à pêcher des ormeaux. La description en est spectaculaire.

June ne connaît pas son père, elle fréquente l'école et se lie d'amitié avec cet étranger échoué qu'elle appelle Monsieur Kyo.

Une histoire très intense avec des passages merveilleusement écrits dans une ambiance un peu floue.

La deuxième novella "Une femme sans identité" commence aussi au bord de la mer, dans le golfe de Guinée. Rachel, la narratrice, fait partie d'une famille aisée avec sa petite demi-soeur AbigaÏl. Là aussi, un problème d'origine mais pour la mère cette fois. Rachel n'est pas la fille de ces horribles personnes veules et vulgaires.

Après la ruine de la famille, les deux soeurs se retrouvent à Paris et Rachel va tenter de retrouver sa mère.

Les deux novellas sont bien en harmonie. On ne change pas de monde complètement d'une à l'autre. le style de narration à la première personne est le même. On retrouve des thèmes traités dans les deux histoires comme la recherche d'origine ou la vie assez dure. L'écriture est très belle, les faits sont racontés avec une certaine distance. Ce qui m'avait un peu étonné lors de ma première lecture et cette fois, pas du tout.

Mes amies babeliotes me conseillent de lire d'autres titres de l'auteur. Ce sera chose faite dans un prochain avenir.
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Avers

Avers, c'est pour moi l'occasion de renouer avec l'univers littéraire de J.M.G. le Clézio.

Dans ce recueil de huit nouvelles, c'est toute une galerie de personnages que l'écrivain désigne comme des indésirables, face à l'injustice qu'il leur arrive. le sort qui leur est réservé convoque des univers sombres où les règles du jeu établies par la loi des plus forts condamnent par avance les plus faibles.

J.M.G. le Clézio, le temps de quelques pages, donne voix à ces indésirables, fait naître en notre coeur un sentiment de compassion et de révolte. Ce sont souvent des enfants au quatre coins de monde, - raison de plus de sentir notre coeur étranglé par l'émotion, parfois ce sont des histoires anciennes...

La guerre, la misère, la fange nauséabonde de la rue, les trafics de drogue, les terres, les forêts dépouillées de ceux qui y vivaient depuis des siècles, des millénaires...

Avers, c'est un recueil de huit nouvelles, dont celle éponyme qui raconte l'histoire de la jeune Maureez Samson la petite Mauricienne dont je fais la connaissance au bord de cette baie de l'Océan Indien, dont le père a disparu en mer alors qu'il était parti à la pêche avec sa frêle barque. Alors, elle va connaître l'enfer des autres, mais le bonheur parfois aussi comme un rai de lumière traversant des volets mal fermés, battant dans le vent...

Ces nouvelles comme des fables de la vie, ce sont des textes vibrant d'humanité, irrigués par ces voix multiples qui nous appellent à mieux les regarder dans un instant fugace.

J'ai entendu leurs mots, leurs respirations, leurs battements de coeur comme des battements d'ailes, j'ai été cueilli par ce souffle inouï qui nous empêche de les oublier.

J.M.G. le Clézio nous invite à prendre le pas dans le parcours de personnages en marge, souvent « invisibles », de Paris à l'Île Maurice, en passant par l'Amérique latine ou le Moyen-Orient, c'est une traversée du monde sur des rivages à la fois beaux et hostiles.

Non, je n'oublierai pas les voix de Maureez, de Chuche et de Juanico, de Juan, de Mano, d'Aminata, deYoni et Népono, de Chepo. Ce sont des prénoms qui me sont devenus familiers à force de les côtoyer dans leurs existences abîmées.

Je n'oublierai ni leurs voix, ni leurs silhouettes fragiles éprises d'azur et de liberté, rasant l'asphalte des rues pour éviter les balles perdues, blottis dans des fossés, se cachant de la violence des hommes qu'ils soient policiers ou bandits, - là-bas c'est parfois à peu près la même chose -, oubliés, déshérités, affligés par les outrances et le désordre du monde, la part de bonheur qu'ils revendiquent paraît pourtant si infime...

Ils sont nés tout simplement du mauvais côté de la rue.

Dans cette douleur âpre de la réalité, il n'y a jamais aucun pathos et rien n'est forcément désespéré. Une joie mélancolique se tient en embuscade, le chant d'une berceuse, la magie d'une forêt ancestrale, le regard d'un vieillard bienveillant, un rire à gorge déployée, l'amour peut-être aussi... J.M.G. le Clézio sait nous débusquer ces instants fragiles épris de lumière dans la gangue des ténèbres. « Est-ce que ce qui est perdu est perdu à jamais ? »

J.M.G. le Clézio donne voix aussi aux peuples minoritaires, en voie d'extinction, rappelant que la mondialisation participe à blesser encore un peu plus cette humanité sacrifiée, mais la mondialisation n'est-ce pas aussi le fait des hommes, ceux des plus forts sur les plus faibles ?

Dans une écriture qui semble toujours simple en apparence, J.M.G. le Clézio ne se contente pas d'écrire des histoires, il les porte en son coeur, il nous les délivre dans une colère mutique qui invite à une révolte non négociable en nous.

Les gamins de la rue, les enfants esclaves, les enfants de la guerre, ceux qui grandiront trop vite, porteront des armes presque aussi lourdes qu'eux...

Ce sont parfois des silhouettes fantomatiques qui traversent les pages, bercées par les chants du monde, celles des paysans chassés de leurs terres, de leurs forêts ancestrales, par les narcotrafiquants...

Brusquement ces histoires prennent une portée universelle et je ne peux que me laisser emporter alors dans cet écho ineffable qui a continué de se prolonger longtemps après ma lecture...
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Étoile errante

Douloureux et lancinant, ce livre m'a beaucoup marquée. Le style pur, incandescent de l'auteur m'a, une fois de plus, séduite.



Les destins d'Esther, la juive, la petite étoile en fuite, et celui de Nejma,la palestinienne sans maison s'entrecroisent. Sans vraiment pouvoir se rejoindre.



On aimerait pourtant que ces deux adolescentes, qui se sont, par un regard intense sur le chemin du hasard, reconnues un jour, puissent plus tard se retrouver...Il restera de cette rencontre le cahier noir offert par Nejma à Esther.



L'une arrivant en Israël, comme sur une terre de salut, une terre promise.L'autre quittant avec chagrin et incompréhension ce qui était autrefois son pays.Deux figures féminines de l'exil, de la souffrance, du manque.



C'est surtout le parcours d'Esther que l'on suit. Un parcours difficile, avec l'espoir fou comme force intérieure.



Les images du soleil implacable, du désert inhospitalier, de la fatigue du corps cherchant un abri me poursuivent. Tout comme le regard étoilé d'Esther, un regard d'enfant perdue...
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Le Procès-verbal

« Il y avait une petite fois, pendant la canicule, un type qui était assis devant une fenêtre ouverte. »



C’est ainsi que commence "Le procès-verbal". Comme l’auteur l’a bien souligné dans la préface, le sujet du livre est singulièrement (et volontairement) abstrait : « l’histoire d’un homme qui ne savait trop s’il sortait de l’armée ou de l’asile psychiatrique. »



En effet, dans ce premier roman, le réalisme a trouvé fort peu de crédit auprès de l’auteur. Cet homme assis devant une fenêtre s’appelle Adam Pollo. Marginal et solitaire absolu, Adam Pollo a fui la ville, cet univers mécanique et imperméable à toute signification... Il s’est retiré dans la périphérie de l’absurde bouillonnement citadin, dans une villa désertée, sur la colline. Adam tente d’échapper à la face technique et culturelle du monde. Il veut tenter une expérience extrême...



Isolé, reclus, Adam a enfin adopté l’existence dont il avait toujours rêvé : il vit de manière quasi primitive, dans une sorte de rapport fusionnel avec la nature, entretenant avec elle un rapport très animal et matériel. Il évolue au sein de l’intensité solaire, dans la splendeur diurne de l’été, dans un univers brutal et jaune, qu’il a en quelque sorte réinvesti physiquement.



Adam Pollo se perd dans l’ivresse des sensations premières, il devient littéralement tout ce qu’il observe et ce qu’il accomplit. Obnubilé par l’idée de « citation », de « trace », d’ « inscription », Adam Pollo remplit des cahiers entiers, dans lesquels il ressasse ses obsessions philosophiques et métaphysiques. C’est cette prose jubilatoire et anti-conformiste contenue dans les cahiers d’Adam, qui constitue la matière essentielle du récit.



Par son esprit subversif, Adam endosse le rôle de prophète. Il écrit lui-même le rapport, le « procès-verbal » qui relate son aventure, son itinéraire, au terme duquel les Hommes vont être amenés à l’arrêter et le « juger ». Après avoir erré pendant tout l’été, et transgressé les interdits fondamentaux, ce « Robinson Crusoé urbain », considéré comme aliéné, est interné dans un asile psychiatrique. Ainsi, il passe du voluptueux espace d’égarement méditerranéen au confinement froid et aseptisé de l’espace médical. Adam a suivi un parcours qui l’a mené d’un domaine aveuglant et illimité, à la fraîcheur raide et géométrique de l’asile.



Une incroyable histoire d'errance et de soleil à découvrir d'urgence !

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Désert

Une écriture limpide qui s'étire et flamboie comme une lente litanie, celle de la marche, dans le désert des années 1909-1910, de Nour (arrière petit neveu de l'Homme Bleu appelé de Dieu, faiseur de miracles qui enseignait "la Voie") et des siens. Une marche des tribus dans "la vallée de la Saguet" de puits en puits fermés par les Chrétiens qui leur font la guerre.Une marche vers le nord sous le sceau de l'amertume, l'épuisement,la faim au ventre,la soif sur les lèvres et la rage au coeur. Mais l'espoir malgré l'exil, la certitude que le Cheikh Ma el Aïnine viendra à bout d'enjeux qui les dépassent (ceux des affairistes qui convoitent les émeraudes et les nitrates du Sahara). Une marche vers la mort.

Un récit du passé alternant avec le présent (entre enfance et jeunesse) de Lalla, orpheline recueillie dans un bidonville aux abords du désert, dont la mère appartenait à la tribu de Ma el Aïnine et était "chérifa" (de la lignée de l' Homme Bleu").

Malgré sa "cabane de tôle et de zinc", Lalla est heureuse car elle a la liberté, la vie dans les dunes, la nature, l'amitié de Naman le pêcheur conteur et l'amour du berger noir sourd muet Le Hartani. Un amour lumineux, mais une douce folie trop difficile à suivre.

Départ vers Marseille où les rêves décrits par Nanan se teintent de désespoir dans les rues où les gitans mendient et l'hôtel sordide où elle est exploitée.

Le talent de Le Clézio (écrivain reconnu couronné par le prix Nobel de littérature en 2008 et dont Désert a reçu le grand prix Paul Morand de l'Académie française en 1980) est de nous conter de manière poétique et pourtant percutante (car sa litanie aux nombreuses répétitions semble une prière et ses tournures imagées sont étincelantes) l'histoire d'un génocide, celui des Nomades chassés de leurs terres, fusillés par les soldats sénégalais, l'histoire de ses conséquences désastreuses, mais également l'histoire (à travers la quête des origines) de la fierté des tribus, de la transmission de leurs croyances qui les illuminent malgré TOUT.

Lalla au "beau visage couleur de cuivre" porte en elle cette lumière qui "l'unit à la beauté du désert", qui l'irradie et qu'elle partage en tant que femme de ménage analphabète, simple femme donnant son pain à un gitan exploité ou cover girl lumineuse peu intéressée par l'argent.

Un livre émouvant qui parle de la folie des hommes corrompus par "la religion de l'argent".

Un chef d'oeuvre de finesse et de sensibilité!
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Voyage au pays des arbres

Le petit garçon aimerait tant voyager. Il n’a ni ailes ni nageoires. Mais il ne manque pas d’imagination et d’intuition. Il entre dans la forêt.

Et alors, la magie opère…



Les arbres sont un peu farouches et timides, c’est pourquoi, si on ne prend pas le temps de les observer, on ne s’aperçoit pas qu’ils parlent, qu’ils bougent, qu’ils voient.



Le petit garçon marche doucement et il sifflote. C’est ainsi que parlent les arbres ; ils sifflent, ils baillent, ils émettent des craquements. Certains sont même bavards !



Le chêne est un arbre très sérieux, il parle peu. Le bouleau ne pense qu’à s’amuser. Les sapins sont taciturnes, ce sont les gardiens de la forêt. Certains sont tristes, certains ont mauvais caractère et se mettent en colère.



Voilà, le petit garçon a trouvé une autre façon de voyager ; au pays des arbres. Ce n’est pas un rêve, ce n’est pas de la magie, si vous prenez le temps d’apprivoiser les arbres, ils vous le rendront bien.



Un soupçon d’imagination,

de la patience et de l’observation

et vous voilà parti pour le pays des rêves…

Bon voyage !



Douceur et poésie des mots, illustrations magiques, au fil des pages, on s’évade…et on apprend à connaître les arbres, à les respecter et surtout, à les aimer.

Il ne faut pas se fier aux apparences…certains semblent muets, sourds ou aveugles. Approchez-vous d’eux tout doucement, pour ne pas les effrayer, ouvrez vos oreilles, prenez votre temps, et peut-être vous étonneront-ils, avec leur musique douce et leurs gestes simples...





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Celui qui n'avait jamais vu la mer

Bonjour,

Le livre raconte l'histoire d'un jeune garçon, Daniel, qui une nuit de novembre s'enfuit du pensionnat pour aller découvrir la mer.

J'ai bien aimé le moment où Daniel, émerveillé, découvre la mer : il court dans le sable vers la mer en sautant.

Moi je n'aime pas lire mais ce livre m'a plus, je vous le conseille. Au revoir et bonne lecture.

DASHER81
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Bitna, sous le ciel de Séoul

Venue de sa campagne pour étudier à Séoul, Bitna vit sous la coupe d'une tante et d'une cousine imbuvables. Pour fuir leur mépris et leurs insultes, elle parcourt les rues de la capitale coréenne et trouve refuge dans les librairies. Là, elle rencontre le beau Frédérick qui lui procure un emploi. Il s'agit de raconter le monde à Salomé, cloîtrée chez elle par une maladie dégénérative. Pleine d'imagination, Bitna invente des histoires pour la divertir, l'amuser, lui faire peur aussi. Très vite, Salomé devient dépendante de sa conteuse qui joue sur le fil ténu entre imagination et réalité et savoure son emprise sur la malade.



Quand un Nobel français s'essaie au roman coréen, cela donne un hymne à Séoul, à la littérature, aux mots, à l'amitié.

Inspiré par les légendes, les mythes, les traditions de la Corée du sud, Le Clézio raconte la ville tentaculaire, la moderne solitude, la séparation avec le nord et, bien sûr, la magie universelle des mots. Les histoires, contes, créés ou réels, de Bitna sont un pont entre Salomé, enfermée entre ses quatre murs, et le vaste monde extérieur. Les mots de Bitna apaisent ses maux et lui donnent une raison de continuer à lutter contre sa mort inéluctable. Shéhérazade moderne, mâtinée de Cendrillon, Bitna joue avec la réalité mais aussi avec son unique auditrice. Les mots lui donnent le pouvoir...presque de vie ou de mort sur une Salomé complètement à sa merci malgré son aisance matérielle, quand elle est sans le sou, pauvresse dans une ville riche.

Avec Bitna, Le Clézio nous invite à une bien belle promenade sous le ciel de Séoul, guidés par les mots portés par le vent. Un beau roman, riche et dépaysant.
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Ourania

Espoir et désillusion dans ce roman étrange, où s’entrecroisent les vies de personnes en quête d’une communauté idéale, une Ourania utopique imaginée par le héros dans son enfance pendant la guerre.



Devenu géographe, un Français se retrouve au Mexique où il doit se joindre à « l’Emporio », un centre de collaboration de scientifiques de divers domaines, créé par un visionnaire.



Dans l’autobus pour s’y rendre, il fait la connaissance d’un jeune homme qui lui racontera comment il a été recueilli au « Campos », une communauté de vie sans école, ni contraintes, avec à sa tête un vieux sage amoureux des étoiles.



Il rencontre aussi des révolutionnaires avec leurs idéaux politiques, une femme qui rêve de travailler auprès des enfants victimes du sida, une fille qui rêve d’Amérique. Lui-même a du mal avec ses propres rêves, son obsession pour une prostituée disparue…



Les utopies peuvent s’effondrer : les jalousies mesquines ou l’avidité d’un riche propriétaire démolissent les communautés, les rebelles deviennent chauffeurs de taxi et les enfants travaillent dans les champs…



Que restera-t-il de nos rêves ? Qui continuera à contempler les étoiles et à imaginer des avenirs meilleurs ?

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Le flot de la poésie continuera de couler

Square des Poètes- Dimanche 13 août 2023, en allant déposer moi-même des livres au kiosque des Livres - Voyageurs, dont " Mont- Afrique" de Jean- Claude Pirotte...



Petite merveille absolue pour sa lecture très riche en découvertes et pour le plaisir des yeux !



Je laisse d'emblée la parole à J.M.G le Clézio qui ne peut que présenter mieux que personne ce magnifique ouvrage réalisé à quatre mains...



"Ce livre est aussi un livre d'amitié. Il doit beaucoup à ma rencontre avec un homme étonnant, le professeur Don Qiang, poète, érudit et calligraphe. Au long des années, au fil de nos rencontres, est né le projet de recueillir les poèmes de la dynastie Tang, de proposer une nouvelle traduction en langue française, illustrée par les calligraphies de Don Qiang.Ensemble nous avons choisi les poèmes, comme les moments les plus représentatifs de cette dynastie exceptionnelle. Grâce à cette nouvelle lecture, nous avons découvert le profond humanisme de la poésie Tang, née au milieu de la tourmente des guerres et des famines, dans l'incertitude du lendemain.Malgré l'abîme du temps écoulé, en lisant ces poèmes nous avons ressenti une proximité avec les artistes de cette époque, nous avons compris à quel point elle ressemble à la nôtre. C'est cette émotion que nous souhaitons partager."



Tout en découvrant totalement cette période particulière de la poésie chinoise, j'apprends la passion de l'écrivain pour la poésie et la civilisation chinoises, et surtout ses talents de traducteur !

Complètement époustouflée et remplie d'admiration ...devant cet impressionnant travail !



L' ouvrage est d'autant plus précieux que le choix de la présentation et de la narration nous fait croiser à la fois L'Histoire de la Chine, ses arts ( choix des illustrations anciennes accompagnant le texte), la civilisation chinoise avec ses codes

( largement expliquée par Le Clézio à travers ses commentaires analysant les extraits de poésies et les engagements personnels de chaque poète)....



L'ouvrage s'articule alternativement entre différentes thématiques : La Nature, La Compassion, les Femmes, la Guerre, l'Art, la Beauté , la Vie...et la mise en avant des

Poètes : Li Bai l'aventurier, La rébellion d'An Lushan, l'amitié entre Du Fu et Li Bai, Bai Juyi, Wang Wei, Li Shangyin....



Pour nous aider dans notre compréhension de l'ensemble, on peut retrouver in- fine: un petit lexique, la liste des poèmes cités, ainsi que la liste des illustrations.



Ce bel ouvrage réussit à la fois à être un livre d'érudition mais aussi une publication à feuilleter pour le grand plaisir des yeux !



Très enthousiaste de cette " trouvaille " au gré de mes pérégrinations...



Même si je serai assez tentée de le conserver pour moi toute seule...je vais laisser ce petit trésor poursuivre son voyage. Je vais donc l'expédier à un ami jurassien, passionné par la poésie et par le bouddhisme...et poète lui-même à ses heures " non- perdues " !



Ce qui devrait faire un heureux lecteur de plus...



Bravo et MERCI à Messieurs le Clézio et Don Quiang ( poète, calligraphe et traducteur, professeur de civilisations comparées à l' Univers de Pékin) pour cette fabuleuse réalisation !



En plus du culte et de l 'amour de la Nature cultivés par ces poètes, ces derniers sont aussi , parfois des rebelles, et emploient leur poésie pour dire leur fait et leur colère aux

" puissants"...

Je vais conclure ce billet par par l'un d'eux:

"Bai Juyi



La longue série des guerres et des crimes de la dynastie Tang, et sutout la cruelle injustice des affaires publiques, le peuple accablé de taxes et de conscriptions tandis que la cour impériale vit une ère de plaisir et d'intrigues de sérail, inspirent la révolte des poètes de la fin de ce règne, dont Bai Juyi est le héraut.Ainsi ,cette fable critique dans laquelle il met en scène le peuple sous l'aspect d'un boeuf attelé à une lourde charette, obligé de travailler jour et nuit (...)



" le boeuf tire à grand peine le lourd chariot, il suerait du sang

Mais l'assistant du Chancelier a comme seul souci de gouverner

Son affaire c'est de bien mettre en harmonie le Yin et le Yang

Le coup du boeuf se casserait en deux qu'il resterait indifférent ! "







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Mondo et autres histoires

Quatre nouvelles, quatre enfants, quatre solitude, et la mer. Une mer lumineuse, chaude, bleue ou blonde comme les dunes, c'est selon.

Ce sont les deux premières nouvelles qui m'ont particulièrement marquées car une atmosphère particulière s'en dégage, un sentiment de finitude contrastant avec cette impression que le temps s'est presque arrêté dans ces deux villes de bord de mer. Ce qu'il m'en reste, plus que deux récits, ce sont les lignes dorées que le soleil pose sur les contours, le parfum suave de l'été caressant le sable, les arbres, la peau, et cette immense solitude de deux enfants courageux qui s'écartent du monde.

Ces nouvelles sont presque des poèmes, elles se comprennent moins qu'elles ne se ressentent ou se rêvent.

Il faut un peu de patience pour les lire, je trouve, trouver le rythme, se laisser bercer, ne pas se précipiter, difficile dans un monde où tout va vite et se téléscope.

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L'Africain

Dans ce court récit, JMG le Clezio revient sur la vie de son père, né à l'Ile Maurice, de nationalité britannique, devenu médecin après des études en Angleterre et qui a exercé toute sa carrière aux Colonies (Guyanne puis Cameroun et Nigéria) et est revenu ensuite passer sa retraite en France, à Nice. La guerre aura séparé la famille : la mère restée en France, y élève ses deux enfants, tandis que le père est resté en Afrique. JMG ne rencontrera son père qu'à l'âge de 7 ans quand, en 1948, il se rendra avec sa mère et son frère en Afrique où ils resteront quelques années. Le Clézio avait déjà raconté cet "épisode" africain de sa vie dans son roman Onitsha, que j'avais adoré. J'ai retrouvé avec délices ces paysages africains dont il a l'art de nous décrire toute la beauté, à la fois étrange et familière à l'enfant qu'il était. Et dans l'évocation des noms de villages ou de pays, on entend battre le coeur de l'Afrique : Benso, Bamenda, Ijama, Nyonnya, Bawop, Bakalung, Obudu, ... et le fameux sanctuaire de Aro Chuku, dont il avait amplement parlé dans Onitsha.



Dans ce récit qu'il veut davantage autobiographique que le précédent, Le Clézio tente de décrire cette rencontre entre l'enfant espiègle qu'il était, élevé par sa mère et sa grand-mère dans une grand liberté, avec cet homme austère, maniaque et brutal qu'était devenu son père, après des années de solitude affective et d'acharnement au travail dans cette ville d'Ogoja au Nigéria, si différente du pays enchanteur de Benso, au Cameroun, où il avait vécu avec sa femme avant la guerre. Quelques souvenirs, relatés avec beaucoup de pudeur, nous monteront à quel point cette rencontre fut difficile pour l'enfant.



D'un point de vue formel, ce livre est un vrai régal et Le Clezio s'y montre une nouvelle fois un merveilleux conteur. Sur le fond, je suis tout de même un peu frustré qu'il nous parle si peu de sa mère et de son frère, pourtant tous les deux présents lors de ces années africaines de l'auteur. De même, est escamoté ce qui s'est passé à l'île Maurice, ce "drame de Moka", qui a poussé le père à quitter cette île dont il gardera le souvenir comme d'un paradis perdu. Ces ellipses font bien-sûr partie du "style" de l'auteur qui raconte tout en retenant sa plume : les non-dits sont une partie de l'histoire. En témoigne aussi l'absence insolite de tout prénom dans ce récit, comme s'il s'agissait là d'un tabou. Comme le signe que le réel jamais ne peut se dévoiler tout-à-fait.
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Mondo et autres histoires

J'ai toujours un peu de mal à comprendre pourquoi on fait étudier aux enfants des histoires où les personnages principaux sont des enfants alors que le texte appartient à une littérature plus affinée, plus sérieuse et surtout moins rébarbative. J'aime Le Clézio, j'ai un peu aimé Mondo mais je me suis juré de ne jamais le faire étudier à des collègiens. Ces nouvelles sont une petite musique, une certaine idée de la liberté, du rêve et de l'espace, mais elles sont remplies d'une poésie difficilement accessible pour nos chers élèves. Mondo est un hymne à la marginalité, celle qui rend libre et beau, mais cette liberté n'est pas toujours compréhensible, même pour les adultes. Les autres hisoires sont du même accabit: le texte de Le Clézio se mérite, il faut faire un effort particulier pour le lire.
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Désert

C'est très simple, pour moi Désert est un des grands romans du 20e siècle. Ceux qui me suivent savent que je ne suis pas porté sur les superlatifs mais cette fois-ci c'est différent.

Je vais essayer d'expliquer pourquoi.

Mais d'abord, une précision. Certains ont dit que ce roman est en rupture avec les précédents romans de Le Clézio, qu'à l'écriture expérimentale a succédé un roman plus narratif. Il se fait que j'ai lu quelques-uns de ces romans précédents: Le livre des fuites, La guerre, Les géants, Voyage de l'autre côté, et les nouvelles de Mondo. C'est vrai qu'il y a là moins de narration que dans Désert, mais la façon de dire les choses et les humains est celle qui se retrouvera dans Désert. Il y a une continuité évidente dans sa façon de s'immerger dans les choses de la nature, dans les objets techniques, et aussi dans le comportement des humains, comme si Le Clézio puisait dans la manière qu'il avait acquise.

L'originalité du style est déjà quelque chose de fondamental. Mais par son point de vue sur le monde ce livre est encore plus essentiel. C’est à la fois le livre d’une disparition et celui d’une survivance. Dans l’histoire de Nour, une civilisation et une résistance disparaissent, elle se perdent dans les sables, dans une sorte de marche de la mort. La brutalité de la colonisation ne laisse plus de place à ceux qui voulaient vivre selon leur voie. Mais que cette résistance ait existé, qu’elle ait été portée par une spiritualité, par un rapport singulier au monde, et que le souvenir de tout cela soit ravivé, témoigne d’une permanence.

Il y a aussi les conséquences de la colonisation et de la modernité. C’est la ville de planches et de papier goudronné où vit Lalla. Heureusement elle s’en échappe pour fréquenter l’homme du désert, le Hartani, ou passer du temps avec Naman, le vieux pécheur, sur la plage. C’est le contraste entre la pauvreté et la promiscuité du bidonville et les immensités de la mer et du désert.

Et puis il y a la violence des rapports sociaux, du mariage, et l’émigration à Marseille. La misère sur les deux rives de la Méditerranée. Encore le contraste entre l’entassement et l’ouverture, l’oppression et la liberté, et la mort qui arrive à ceux qui veulent échapper à la hiérarchie établie.

Mais tout cela n’est pas du tout démonstratif. Cela se déduit des descriptions et des faits, de cette prose si singulière, que l’on pourrait même juger maladroite au premier abord, mais qui est si évocatrice quand on se laisse entrainer par elle. Le Clézio nous plonge dans toutes les réalités du monde, naturel, technique, social. Il nous fait voir les choses de l’intérieur, nous permet de nous identifier à elles.

Ce roman aura bientôt 45 ans et il n’a jamais été aussi actuel. Il est ce dont nous avons besoin aujourd’hui.

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Identité nomade

JMG le clézio. Des ancêtres bretons partis pour les Indes mais réfugiés sur l'île Maurice après avoir essuyé une tempête d'anthologie au large du cap de Bonne-Espérance ; une enfance dans le Nice de l'après-guerre ; le Nigéria, Rodrigues…



Une « identité nomade »… Elle le serait à moins.



Dans ce petit opus, JMG le Clézio revient sur son enfance. Cette enfance de voyages africains aux frontières des nationalités britanniques et françaises : un père anglais, une mère française ; et cette nécessité d'écrire, qui débute à dix ans par la narration du voyage d'un enfant européen qui migre vers l'Afrique.



On parle de Dakar, de Marrakech en particulier et du Maroc en général. Enfin, du désert … Les thèmes chers à Le Clézio, le voyage, la mer, le métissage culturel, l'Afrique, la littérature, sont présents comme éléments constitutifs de son identité nomade. « Je suis un homme qui a connu un autre monde, et j'essaie d'en rendre compte, non pas par nostalgie, mais parce que je suis attaché à tout ce qui m'a créé, tout ce qui m'a formé ».



On parle également de colonisation, de traite d'esclaves, de guerres…



On parle aussi de littérature, de sa finalité, de sa nécessité. Une question : « Dans ce monde troublé où nous vivons, je me demande souvent à quoi sert la littérature » ; et la tentative de réponse : « Elle est un témoignage, la mesure d'une époque, parfois sa critique ».



Une lecture très enrichissante après un long moment… Une lecture qui en appelle d'autres.

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Chanson bretonne - L'enfant et la guerre : ..

Sur les tendres chemins de la mémoire, sur les crémeux sentiers des souvenirs de l'enfance, nous sommes conviés à mêler nos pas dans ceux de J.M.G. Le Clézio pour une belle et chaleureuse escapade en terres bretonnes.

Une enivrante promenade aux doux parfums iodés.

Une rencontre, aussi, avec l'Histoire de la Seconde Guerre à hauteur d'enfant. Sensible. Touchante.

« Je suis souvent revenu à la Torche. [...] Chaque fois que je suis en Bretagne, je visite la pointe, pour retrouver le souvenir de ce que c'était, cinq ans après la fin de la guerre. Le monde change vite, les enfants d'aujourd'hui viennent aussi à la Torche, mais ils voient autre chose. Ils glissent comme des oiseaux sur les longues vagues, à cheval sur leurs planches de surf, il y a même des cerfs-volants géants qui les baladent au-dessus des remous qu'on disait jadis mortels. C'est bien, il convient d'oublier les champs de bataille, d'ignorer les restes des forteresses bâties par les esclaves russes et polonais. Moi, je ne le pourrai pas. Dans l'éclat de la mer, la neige aveuglante des nappes d'écume, je vois la violence de l'Histoire, la violence et la fourberie, et sur les ruines solennelles du monument de l'âge du bronze, j'aperçois toujours les dents noires fossiles du grand requin de guerre. »

Sainte-Marine, ce village d'été que l'auteur fréquentait chaque année.

« Je vois la cale du port, les vieilles maisons, l'abri du marin, la chapelle mignonne. Tout est à la même place, mais quelque chose a changé. Bien sûr le temps est passé, sur moi et sur les maisons, le temps a usé et repeint, a modifié l'échelle, a modernisé le paysage. La route est goudronnée, et surtout bariolée de peinture blanche, ces signalisations qui tracent les places de stationnement, créent des chicanes, des pointillés, des stops. On a construit des ronds-points pour contrôler le flux des voitures, des portiques en bois pour interdire le passage des camping-cars, des panneaux pour réglementer le stationnement, des bornes et des arceaux pour l'interdire. Les cafés sont apparus, les crêperies avec terrasses et parasols, les magasins de cartes postales et de souvenirs. Tout cela brille d'un vernis de modernité provinciale, une sorte d'imperméabilisant pour rendre le village étanche au temps, pour le protéger des atteintes contre le passé, un vernis au tampon sur un meuble d'antiquaire. [...] »

Au bout de l'enfance, il y a l'Afrique, entraperçue dans cet ouvrage et plus longuement découverte dans d'autres oeuvres de l'auteur. « C'est l'Afrique qui va nous civiliser. C'est en Afrique, le continent considéré aujourd'hui comme oublié, que nous allons connaître pour la première fois la liberté, le plaisir des sens, l'abondance de la nature. »



Il est des voyages nécessaires pour un auteur.

Il est des voyages, deux contes ici précisément qu'il aurait été dommage de ne pas partager.



Merci Monsieur Le Clézio.



« Sur des photos en noir et blanc, prises par un amateur, après le bombardement de Berlin, des enfants errent en haillons, sur fond de ruines fumantes. Dans cette imagerie de la guerre, il n'y a pas de bons ni de méchants. Il n'y a pas d'ennemis. Il y a d'un côté des enfants, de l'autre la machine aveugle et féroce, aux mains d'adultes que leurs uniformes et leurs armes mettent à l'abri de toute identification. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Poisson d'or

Laïla, petite fille sans famille, volée et vendue, va nous emmener sur les routes de l'exil. Une quête d'identité, d'amour, d'appartenance à un groupe, une tribu, d'une famille. C'est une bien triste histoire mais à la fois porteuse d'espoir, pousser les portes, s'enfuir pour ne plus subir, voilà ce que je dirais de ce récit. Je n'ai pas vraiment ressenti "le conte" annoncé en 4ème de couverture, mais bien un roman.

Toujours une plume agréable, des personnages attachants et touchants, une histoire qui nous bouscule et nous dévoile l'envers du décor.

Un roman qui se dévore.

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Alma

Une première lecture de cet écrivain mais pas un inconnu pour moi.... A chaque fois qu'il apparaît dans une émission il y a un "je ne sais quoi" qui m'attire chez lui, peut-être cette douceur, cette nonchalance, ce débit de paroles (on pense que chaque mot est pesé, choisi, réfléchi) et moi cela me plaît. Je n'apprécie pas beaucoup les gens qui parlent beaucoup et le plus souvent pour ne rien dire.



Par contre le lire je n'avais jamais franchi le pas, toujours ce complexe d'inaccessibilité, vous pensez ! Un prix Nobel de littérature alors qu'à y réfléchir c'est justement un encouragement à le lire et depuis plusieurs mois je me mets moins de barrière et découvre de magnifiques auteurs, très accessibles, de beaux écrivains avec chacun un univers particulier.



Alors me voilà partie pour l'île Maurice, sur la trace des dodos,



cet oiseau disparu mais symbole de l'île et des causes de sa disparition. Deux récits croisés : celui de Dodo ? (Dominic) de la mauvaise branche de la famille Felsen, qui vit encore sur l'île, le visage et le corps ravagé par la maladie (la lèpre), et Jérémie de la branche noble de cette même famille mais qui s'est expatriée, qui prend prétexte de la rédaction d'un mémoire sur l'animal disparu pour revenir sur les traces de ses racines, de sa famille qui a complètement disparu également de l'île, ou le croit-il, comme l'oiseau perdu.



Mais à travers les souvenirs, les quêtes de chacun, il est question de cette île dont l'homme a détruit à des fins commerciales, industrielles une grande partie de sa nature mais aussi culturelle. La canne à sucre a été une des principales richesses de cette île mais aussi le facteur principal de sa destruction. Mais il y est question aussi de la prostitution surtout touristique, de spiritisme et croyances et surtout l'esclavagisme avec des souvenirs forts de ses tortures :



Et en haut du mur, le ciel, non pas bleu -ou s'il était bleu c'était horrible, le ciel sans couleur, pareil au carré ouvert dans le toit de la prison de Port-Louis que regardait le condamné avant que la trappe bascule sous ses pieds et que le noeud de la corde lui brise le cou.(p242)



car la famille Felsen, elle aussi a plus ou moins profiter de l'esclavage, d'une position de force, de manipuler et abuser de cette situation. Jérémie vient comprendre d'où il vient, revoir Alma, la propriété de ses ancêtres, trouver les réponses aux questions qui restent sans réponse depuis la disparition des derniers acteurs.



Dodo, lui, à force de brimades, de violence sur sa personne, lui l'être faible, sorte de vagabond vivant en marge de la société, quitte l'île et se retrouve  SDF en France où la vie sera encore plus dure mais il ne veut plus retourner sur son île, lui l'exclu, la bête humaine immonde, sorte de bête de foire. Il ne vit qu'au présent et ne parle qu'au présent (ce qui parfois déroute) mais il est dans l'instant. Il est simple dans le sens où il analyse les choses telles qu'elles sont, pas d'arrière-pensée. Il n'a plus de pays, plus de famille et comme l'oiseau Dodo il disparaîtra un jour, dans l'indifférence, comme Béchir, fils de harki, son compagnon de nuits sur les trottoirs.



Là-bas à Paris, le soleil ce n'est pas le soleil, c'est un cachet d'aspirine pour guérir les gens de leur mal de tête.(p183)



Comment ne pas penser que JMG Le Clezio ne se transpose pas au travers de Jérémie, faisant le constat d'une société de consommation, inhumaine, avide d'avoir au prix de la destruction, se coupant même de branche familiale déshonorante (Dodo), comme on n'hésite pas à détruire la faune et la flore pour des aspirations mercantiles ou futiles.



Le constat est là, implacable et nous détruirons-nous un jour comme nous avons détruit cet animal, pourtant à la chair incomestible, qui n'offrait ni intérêt ni danger pour l'homme et cela a peut-être été son plus gros défaut....



Quant à l'écriture elle-même qui suis-je pour critiquer un prix Nobel de Littérature (2008) ? mais je vous donne mon humble sentiment personnel par rapport à ce récit et à mon ressenti. C'est une très belle écriture mais dans la narration, le récit foisonne de personnages, magnifique et en particulier celui d'Aditi, femme qui attend un enfant conçu lors d'un viol, proche de la nature et qui donne un peu d'espoir, mais j'ai eu parfois un peu de mal à me retrouver au milieu de tous ces acteurs. La langue, créole, l'univers mauricien qui m'est totalement étranger, les aller-retours entre présent et passé étaient parfois déroutants. Mais j'en garderai un agréable moment, bercée dans la moiteur de ce pays et avec un amer goût de destruction d'un paradis perdu.



Ce livre n'est pas un cri mais une douleur, sourde, profonde sur la perte d'un monde, d'une nature sublime, mais guère optimiste. Le constat est là et comme le Dodo, quand petit à petit un monde disparaît, que nous restera-t-il ?
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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L'Africain

CHALLENGE NOBEL 2013/2014 (6/15)



Encore une belle rencontre apportée par ce challenge. Encore un livre que, sans cette modeste compétition, je n'aurais jamais lu. L'Afrique, je ne la connais qu'à travers mes voyages littéraires, je n'ai donc pas refusé celui que me proposait Le Clézio à travers "L'Africain" quand je me suis penchée sur la liste des Prix Nobel.



Pour vivre sereinement, il faut savoir accepter son histoire, et même si cela arrive tardivement, je pense que ce livre a été utile à l'écrivain. Il fallait sans doute qu'il mette des mots pour expliquer les raisons de la relation difficile qu'il entretenait avec son père : j'ai vécu cette lecture comme sa psychanalyse, indispensable pour justifier ce qu'il est à présent.

J.M.G. Le Clézio nous parle ici de deux rencontres essentielles de sa vie, sa rencontre avec l'Afrique, à l'âge de huit ans, simultanément avec celle de ce père qu'il n'a pour ainsi dire jamais vu, étant élevé par sa mère, et que ce dernier y est médecin de brousse. Une première partie du livre magnifique, je dirais flamboyante, puisqu'il nous décrit sa découverte : la puissance charnelle, la violence réelle de ce pays qu'il va opposer à la violence cachée vécue jusqu'à présent en France sous l'Occupation. Livré à lui-même, épris de liberté, l'auteur va alors comprendre ce qu'est le monde des adultes. Bien sûr, cela ne se passera pas sans heurts puisque ce père inconnu est féru d'une discipline toute militaire.

La suite est justement consacrée à cet homme et à sa vie qu'il a consacrée à soigner les autres, à sa haine du colonialisme, à ses difficultés d'exercer son métier loin de sa famille qui expliqueraient son caractère plutôt irascible.

Enfin, dans la dernière partie, l'auteur nous explique que tous ces souvenirs (peut-être embellis par son imagination d'enfant, il le reconnait lui-même) ont fait de lui ce qu'il est à présent et aussi de la perception actuelle de l'Afrique par les autres pays.

Mon âme de voyageuse a préféré bien sûr la première partie mais le tout reste agréable à lire et les quelques photos sépias disséminées au long des pages apportent à l'histoire un témoignage visuel qui nous fait remonter le temps.

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Tempête : Deux novellas

Dans la première nouvelle un homme rencontre une jeune fille et chacun se raconte en regards, en mots brefs, son désespoir. Une île dans la mer du Japon pour décor, à la fois lieu magique où le monde semble plus beau, et gouffre immense qui avale les détresses et ne rend rien. « L'océan c'est l'oubli. » Mais parfois un miracle se produit, la vie devient généreuse, et elle offre une nouvelle chance. La jeune fille trouve une épaule paternelle et l'homme une béquille qui le libère d'un poids et le rend libre.



Dans la deuxième nouvelle, la jeune fille sans identité erre comme un fantôme dans les rues de Paris, comme « un tourbillon, du néant avec du bruit et du mouvement. Ç'aurait pu durer toujours. La place, les rues, le métro, c'est n'importe où, c'était quelque part. » Une jeune fille née en Afrique, pas loin de la plage. Un début de vie douloureux. Comment se construire quand il n'y a que du vide ?



L'auteur réussit à nous faire sentir l'odeur de la mer, nous faire entendre le crissement des pas sur le sable, sentir la pluie qui dégouline, le vent qui pousse les nuages et agite les vagues. Les couleurs s'allient aux émotions. Les descriptions des personnages sont minutieuses, leurs regards nous pénètrent. Je ne peux traduire en mots ce qui émane de cette lecture, qu'en citant un passage :



« Il a une expression vraiment triste quand il regarde la mer. C'est comme si la couleur de la mer entrait dans ses yeux. […] Il a une ombre sur le visage. Quand je lui parle, tout d'un coup une sorte de nuage passe devant ses yeux, sur son front. […] La tache sombre s'efface de ses yeux, ils redeviennent clairs et rieurs. Ils reflètent l'éclat du soleil de la mer. »



Une vision sombre du monde, de ses trahisons, de sa violence, de ses abandons. Un monde Tempête.



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