Citations de Yôko Ogawa (1406)
Il y avait un essaim.
Quand je le découvris, je ne compris pas tout de suite ce que c’était. Parce qu’il était couché sur une surface plane, qu’il avait atteint une taille phénoménale, et que je n’avais jamais eu l’occasion d’en voir de près auparavant. On aurait dit le fruit monstrueux d’une production désordonnée.
Plus on est à l'étroit, plus on entend nettement sa propre voix, et l'on doit certainement avoir l'impression de se révéler dans la vérité de son cœur. C'est ce qu'il y a d'agréable dans le monologue.
Je pensais que le monde n'avait aucun mystère. Je pensais qu'il les résoudrait tous tant qu'il serait à mes côtés. Nulle part il n'y avait de signe annonçant sa mort. (p. 108)
- Comme les nombres sont infinis, ils doivent donner naissance à autant de nombres premiers qu'on veut...
- C'est vrai... Mais avec les grands nombres... Il arrive qu'on se perde dans une zone désertique... On a beau avancer, on n'aperçoit pas l'ombre d'un nombre premier. C'est une mer de sable à perte de vue...
On croit apercevoir un nombre premier, on se précipite mais ce n'était qu'un mirage...
Jusqu'à ce qu'on aperçoive, au delà de l'horizon, remplie d'eau pure, l'oasis des nombres premiers.
Pages 89-90
On n'est conscient que d'une infime partie de ses propres capacités. Tout au fond se cache en réalité une capacité démultipliée, vous savez. Alors il faut être courageux et se dresser devant le champ de l'inconscient.
-Quand on travaille avec lui, il y a des choses qu'on ressent naturellement. Surtout quand on est enfermés dans l'atelier. On est sensibles aux vibrations de l'air. Aux résonances des cordes du clavecin. Alors on peut également ressentir les vibrations du coeur de l'autre. (p. 65)
- Je me demande pourquoi on met le parfum derrière les oreilles ? questionna Hiro à la cantonade.
- Eh bien...
- N'est-ce pas parce que c'est l'endroit le plus secret de tout le corps ? répondis-je. Ce genre d'endroit secret convient parfaitement au parfum. Si on a une tâche ou une cicatrice de brûlure derrière l'oreille, personne ne s'en rend compte, n'est-ce pas ? Je crois même que personne ne sait exactement comment c'est derrière ses propres oreilles. Et le parfum a beaucoup plus de charme s'il émane d'un endroit abstrait que l'on ne peut pas déterminer avec précision. Ce serait assez inquiétant si du parfum débordait des yeux à chaque battement de paupières
Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas de poèmes, mais il n’y a personne qui n’ait pas de souvenirs.
... elles sont très agréables à cirer. Elles répondent à la bonne volonté que je leur témoigne.
- Parce que la bonne volonté ça marche avec les chaussures ?
- Bien sûr, il peut y avoir de la bonne ou de la mauvaise volonté ... C'est une question d'échange entre les choses.
- Tu n'as aucune raison d'avoir peur. Un bébé c'est un bébé. C'est moelleux et fondant, ça serre toujours ses petits poings et ça pleure d'une voix insupportable ...
Nous avions échangé la promesse, Root et moi que, même si le professeur nous posait plusieurs fois la même question, même si nous étions obligés de lui fournir plusieurs fois la même réponse, nous ne lui montrerions jamais notre lassitude.
Le camion de poussins
Mais il ne disait rien à la petite fille de toutes ces considérations. Pas parce qu'il ne pouvait pas obtenir de réponses, mais parce qu'il avait l'impression que la relation était plus équilibrée entre eux s'il ne parlait pas. (p. 100)
Déjà le but n'était plus le nettoyage, insensiblement remplacé par le recueillement puis l'incantation. Parfois les oiseaux voltigeaient au-dessus de sa tête, venaient se percher sur son épaule, et leurs gazouillis de plus en plus intenses lui accordaient leur bénédiction. (p.13)
C'était une sorte de silence dont je faisais l'expérience pour la première fois de ma vie. Il n'était pas du tout distant. Il ne nécessitait pas de se forcer à chercher des mots et, alors qu'il aurait dû être profond, c'était un silence agréable, comme le gazouillis de l'air ruisselant au fond des tympans.
On peut sans doute dire qu'une autre particularité de la maison d'Ashiya concernant la santé se manifestait à travers l'existence de la "salle de bains de lumière". Il s'agissait d'une petite pièce sans fenêtre, au sol carrelé, qui se trouvait dans le coin est du premier étage, décorée du sol au plafond de motifs géométriques musulmans. Au centre de la pièce deux couchettes recouvertes d'un drap, dans un coin une lanterne et au plafond pendaient deux coupoles de forme très étrange comme des bassines en cuivre à l'envers, il n'y avait rien d'autre. Rouge foncé, bleu marine, vert profond, toutes sortes de fils entourés de tissu ignifuge pendaient du plafond qui retenaient les coupoles. Tout autour en bordure, comme des pétales, huit ampoules étaient fixées qui, lorsqu'on les allumait, se mettaient à tourner lentement sur elles-mêmes en diffusant une jolie lumière orangée.
Prendre un bain de ces rayons lumineux était considéré comme bon pour la santé. Il s'agissait semble-t-il d'un appareil à la pointe du progrès que le grand-père de Mina .avait fait venir d'Allemagne avant la guerre. Pour se reposer physiquement et retrouver son énergie après ses crises, Mina passait toujours un moment dans cette pièce.
Pour toute réponse, il sortit l'instrument de son étui, prit son archet. Il eut le même geste que s'il avait serré quelqu'un de très cher dans ses bras. (p. 203)
- Son silence n'était pas une menace ni une manière de se montrer fort. C'était plutôt tout simplement pour s'effacer.
- Cela est en relation avec le fait d'être fort ou faible aux échecs ?
- Bien sûr que oui. Les échecs sont un jeu où chacun doit absolument déplacer une pièce. On ne peut pas passer son tour. Et même si ce n'est qu'un pion sur une seule case, les pièces bougent sur l'échiquier. Néanmoins, il faut pouvoir rester calme, on ne peut y arriver que si on est fort.
- Il était si fort que ça ? Je croyais que c'était simplement un vieux grand-père bavard.
- Mais pas du tout. C'était un joueur d'échecs remarquable, persuadé que l'on devait s'approcher au plus près de la vérité. C'est pourquoi il s'est débarrassé de son moi pour plonge dans l'océan des échecs.
Le murmure d'une fontaine en hiver quand une pièce de monnaie tombe au fond, en provoquant des éclaboussures ; le tremblement de la lymphe dans le limaçon tout au fond de l'oreille interne, au moment où l'on descend de manège ; le bruit de la nuit qui s'écoule à l'intérieur de la paume de la main qui a tenu le récepteur, après le coup de téléphone de l'amant...mais je me demande combien de personnes vont pouvoir comprendre la nature de ce bruit avec ce genre d'exemples.
Les abeilles
Elle ne pleurait pas. Elle souffrait seulement. J'avais l'impression que cela aurait été plus facile pour moi si elle avait bien voulu pleurer. Je pensais que les larmes étaient moins cruelles que les paroles.
- ... Ce problème est constitué de trois phrases...Tu as bien trouvé le rythme...Ce problème ennuyeux a résonné presque comme un poème à mes oreilles [...]
Le professeur ne ménageait pas ses efforts pour complimenter Root Il ne s'impatientait pas si, pendant qu'il le félicitait, le temps passait et le problème n'avançait pas du tout. Même lorsque Root s'enfonçait dans une impasse stupide, il y trouvait une petite qualité, comme on trouve une pépite dans la boue du lit d'une rivière.