J'ai abordé le titre « La Bretagne - comme il l'ont aimée » avec un mélange de curiosité bienveillante pour le sujet de coeur et de grande attention au risque « d'orientalisme », ici tout à l'occident.
‘L'Orientalisme', ce chef d'oeuvre d'
Edward SAID a fixé pour longtemps la critique de ce regard compatissant des métropoles pour les régions 'périphériques' dont les habitants sont souvent réduits à l'état d'objet et jamais de sujets de leur propre histoire.
Aucune crainte ici sur ce registre. Un grand merci, donc, à Valérie DE SAHB, qui a sélectionné ces textes accompagnés de grands tableaux d'époque.
La Bretagne, tant aimée dans ces textes et images, se conjugue au passé dans le titre et on a parfois l'impression de traverser une belle exposition du Musée d'Orsay, ornée de récits brefs et poignants d'auteurs souvent du 19è siècle. C'est un peu le voyage de Pont-Aven particulièrement bien documenté avec de grands noms de la littérature française comme
Maupassant,
Balzac,
Proust et
Zola. Les « régionaux de l'étape », de ce futur grand pays du cyclisme, ne sont pas oubliés.
Hersart de la Villemarqué a publié dès 1839 son
Barzaz Breiz ou recueil de chants bretons dans une langue déjà menacée par les prémisses des hussards noirs de la République, et il a toute sa place ici avec des auteurs interprètes de la culture du pays celte et des marches de la Bretagne. Quel plaisir d'y retrouver, par la suite,
Anatole le Braz, présenté comme ‘homme de lettres et folkloriste breton',
Charles le Goffic, (‘L'Ame bretonne'), le bigouden universel
Pierre Jakez Hélias et l'immense historienne contemporaine
Mona Ozouf, dont on pourra dire qu'elle est véritablement passée d'objet à auteure de l'Histoire.
Certes, le mot folkloriste est lâché et on a craint le pire avec l'introduction d'une nouvelle
De Maupassant, où il est question de « l'image de la Bretagne qu'avait le Paris intellectuel du IIIè République : celle d'une terre exotique, sorte de tiers monde à la fois proche et lointain qui restait à civiliser ». Mais fausse alerte, car le piège est évité. Comme la nouvelle
De Maupassant, les textes du normand
Flaubert, du (très) parisien
Proust et d'autres hors venus parlent de la nature et laissent au second plan les locaux. En effet, comment ne pas remarquer la nature dans le pays, par définition, d'entre terre et mer.
Ce recueil s'ouvre sur un chapitre consacré à la Nature ensorcelée et se clôt sur la Terre des légendes. Entre ces deux thèmes, des textes d'une lecture fluide sur la mer et le littoral (An Arvor), la nostalgie et la foi vibrante. Les textes, poèmes et chansons sont ici des reflets de ce que
Daniel Cario, qui les introduit en préface, appelle « la quête de l'âme bretonne ». Y trouve-t-on vraiment cette âme dans un pays, la Bretagne basse et haute, d'une si grande diversité ? Peu importe, le voyage qui commence à, à peine, une heure trente de Montparnasse, plus vite que vers beaucoup de banlieues, en vaut l'effort désormais à la portée de tous. Mais le vrai voyage est aussi, pour les bretons de tout bord, dans le temps et le rêve d'un monde qui s'ouvre à l'ouest vers le grand large. Comme on dit, ‘au Finistère où tout commence'. Pas ‘kenavo' donc, plutôt ‘ar'vechal' !