Oscillation entre Tristesse et Beauté
Hésitation entre Amour et Désamour
Ah, j'aurais tant aimé sans équivoque être enthousiaste …
Kawabata signe ici son dernier roman, sans doute inspiré par un épisode de sa propre histoire : feedback ! Ne s'est-il pas lui aussi épris d'une jeune fille de 14 ans, follement aimée, perdue puis cherchée à revoir par la suite ? Amour jamais oublié, amour désolé, idéalisé, spectre juvénile trainé en fond de mémoire et qui ressurgit, ici, en écrit.
C'est en tous cas, la base de ce livre en relation triangulaire : un homme (Oki) troublé entre deux "fleurs", égaré entre passé et présent, tourmenté entre réel et irréel.
Deux "fleurs" : deux femmes, deux univers, deux destinées
- Otoko : lotus blanc de pureté, pivoine rouge de sang et de blessure, peintre de renom, figée dans la passion indélébile de ses 16 ans, Otoko, Otoko la douce, beauté mélancolique et silencieuse. Héroïne malgré elle …. Autant de souvenirs fantômes étalés sur ses toiles tels des spectres affamés, en purification d'elle-même.
- Keiko : gracile orchidée, "diaboliquement belle", séductrice juvénile, vouée corps et âme à Otoko ! Keiko, fleur carnassière ardente, impertinente, vengeresse ambigüe, aux sombres desseins … Fleur d'ange au parfum vénéneux, Keiko, mélange perfide, frissonnante d'amour, larmoyante de jalousie, brillante de destruction, Machiavel en puissance.
Oscillation entre Tristesse et Beauté
Hésitation entre Amour et Désamour …
Bien sur il y a ce léger parfum oriental qui traîne un peu entre les lignes,
ces effluves discrets dans lesquels on aimerait simplement s'envelopper,
Bien sur il y a la Beauté des femmes,
celle que l'on imagine sous les mots de papier, dans la courbe des seins et la cambrure des reins, le poudré du teint, la frange des cils et l'ourlé des yeux, cette grâce incomparable des gestes lents, le raffinement des étoffes de soie et les creux de lumières qui nonchalamment s'y déposent.
Bien sur un brin de volupté, un froissement juste, suggéré mais si peu …
Bien sur quelques escapades, quelques jolis paysages, des couchers de soleil enflammant les collines, des jardins moussus ou savamment fleuris, des reflets d'eau moirés, des quartiers de lune blanchâtre, les monastères du vieux japon, ces espaces empourprés de désir ou embrumés de quiétude ….
Bien sur l'art évoqué, celui de la peinture et de la littérature … qui aurait pu, qui aurait du me séduire et m'enchanter.
Oscillation entre Tristesse et Beauté,
Bégaiement de lecture, je n'ai pourtant pas vraiment réussi à m'enflammer pour ce roman. Automnal, sans Eclat et surtout sans Emotion. Jusqu'aux dialogues, parfois d'une pauvreté affligeante … (pardon pour le Nobel !) .
Un arrière goût de papier presque mâché …
Le Cœur n'a pas frémi, la peau pas frissonné, les doigts n'auront pas eu l'avidité d'user les pages.
Sans doute l'aurais-je souhaité plus cristallin, plus "exotique", plus érotique, plus subtil, plus envoutant, plus touchant.
Plus…
Et pourtant, quelque chose qui reste après lecture, un indéfinissable qui attache à l'écrit.
Surement l'histoire en elle-même, surtout le raffinement et le troublant des personnages.
Ce livre me laisse au fond désORIENTée mais pourtant pas désenchantée.
Il faut être toujours ivre, disait Baudelaire,
de vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous !
Je n'ai pas eu L'ivresse, pas vraiment la tristesse,
juste un peu de Beauté.
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Je découvre de plus en plus la littérature japonaise.
Il y a souvent un côté poétique et une douceur irréelle.
Oui, un sentiment imaginaire, poussé à l'extrême dans toutes les émotions, tels que l'amour et la vengeance.
J'ai donc été conquise par l'écrit, mais pas par l'histoire. Tous m'ont semblé exagérés, stupides et insensés… Mais l'amour n'est-il pas maladroit et irrationnel, voir idiot ?
C'est le premier livre que je lis de cet auteur et ce ne sera pas le dernier… Je continue ma découverte de l'art japonais.
Bonne lecture !
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- "Quel remède pourrais-je prendre pour moins souffrir de la chaleur ? Je vois bien toutes sortes de réclames dans les
journaux, mais y a-t-il un médicament en particulier que tu aies essayé ? demanda-t-elle un jour à sa mère.
Tous ces remèdes sont plus ou moins efficaces", répondit évasivement celle-ci. Elle se tut un instant, puis reprit sur un ton différent: " Otoko, le meilleur remède pour une femme, c'est le mariage. " Otoko ne répondit pas. " L'homme est le remède qui donne vie aux femmes. Toutes les femmes devraient prendre ce remède-là !"
- Même si c'est un poison... ?
- Même dans ce cas. Il t'est arrivé, Otoko, de prendre du poison sans le savoir et, aujourd'hui encore, tu n'en es pas consciente. Cependant, il existe un antidote. Parfois, un second poison est nécessaire pour venir à bout du premier. Même si le remède est amer, ferme les yeux et avale-le d'un coup. Il se peut aussi qu'il te donne la nausée ou encore qu'il refuse de descendre dans ta gorge... "
« J'ai lu quelque part que le modèle de Rodin pour Le Baiser est toujours en vie et doit avoir près de quatre-vingts ans. C'est quelque chose de difficilement inimaginable si l'on repense à la sculpture, n'est-ce pas?
- Tu crois? Tu dis cela parce que tu es jeune! Penses-tu qu'il te faille mourir en pleine jeunesse simplement parce que tu as servi de modèle, jeune fille, à un chef-d'oeuvre? Nous aurions tort de trop demander à nos modèles! »
Un jour qu'elle écrivait une lettre, Otoko ouvrit le dictionnaire et son regard tomba sur le caractère chinois signifiant « penser ». Tandis qu'elle lisait des yeux les autres sens de ce caractère, qui peut vouloir dire également « penser beaucoup à quelqu'un », « ne pouvoir oublier » ou encore « être triste », son cœur se serra. Il ne lui était même plus possible de consulter un dictionnaire ; là encore, elle retrouvait Oki. D'innombrables mots la faisaient penser à lui. Pour Otoko, rattacher tout ce qu'elle voyait et tout ce qu'elle entendait à Oki n'était rien de moins que vivre. Si elle avait encore quelque conscience de son corps, c'était bien parce que Oki l'avait étreint et l'avait aimé
- En lisant cela, l'idée m'est venue de vous demander de faire mon portrait, pendant que je suis encore jeune.
- Volontiers, si j'en suis capable. Mais, pourquoi ne ferais-tu pas ton autoportrait ?
- Moi...? Cela ne serait pas très ressemblant. Le portrait risquerait de dévoiler toutes les laideurs de mon âme et je finirais probablement par le prendre en horreur. Ou bien, si je me peins de façon réaliste, les gens trouveront certainement que j'ai une trop haute opinion de moi-même.
Le temps avait passé. Cependant, ne s'écoulait-il pas différemment pour chacun, en empruntant des voies diverses? Pareil à un fleuve, le temps pour l'homme parfois s'écoulait rapidement, parfois selon un rythme plus lent. Il lui arrivait aussi de ne plus s'écouler du tout et de rester là à stagner. Si le temps cosmique s'écoule à la même vitesse pour tous les hommes, le temps humain, lui, varie selon chacun. Le temps s'écoule pareillement pour tous les êtres humains, mais chaque homme se meut en lui selon un rythme qui lui est propre.
Extrait du livre audio "Les Belles Endormies" de Yasunari Kawabata lu par Dominique Sanda. Parution CD et numérique le 10 août 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/les-belles-endormies-9791035404031/