C'est un écrivain engagé qui publie en 1946 “
Les chemins de la faim”. Élu député communiste l'année précédente, à seulement trente trois ans,
Jorge Amado a déjà derrière lui quinze années de militantisme qui l'ont conduit maintes fois en prison et en exil.
Originaire de la région de Bahia, Amado connaît bien le petit peuple rural du Nordeste brésilien.
Défenseur des opprimés, il est interpellé de voir dans les années trente cette région agricole laisser partir bon nombre de ses paysans miséreux vers un hypothétique eldorado.
Comment aurait-il pu rester insensible au sort de ces démunis se dirigeant vers São Paulo en quête de jours meilleurs ?
Des familles entières d'émigrants participent à cet exode rural à grande échelle. Petits métayers ou journaliers, ils viennent de ces immenses fazendas créées il y a bien longtemps par les premiers colons. le fléau de la sécheresse ou les choix arbitraires de propriétaires terriens les obligent, parfois du jour au lendemain, à quitter leurs racines.
La fazenda dans laquelle vivent depuis des décennies Jucundina et son mari Jeronimo vient d'être vendue et les voilà eux aussi contraints, avec leur descendance, à l'exil. Leurs maigres économies suffiront-elles à couvrir les dépenses du voyage ?
C'est une famille de onze personnes qui s'enfonce dans la caatinga inhospitalière au coeur de la vaste région du Sertão, première étape de leur périple vers la capitale.
Malgré l'aide précieuse de l'âne Jérémias, les adultes et les trois enfants en bas âges progressent lentement dans ce désert d'épines infesté de gros lézards et de serpents venimeux. La nourriture et l'eau sont rationnées au maximum. Au-dessus de leurs têtes un ciel sans nuage, seulement des urubus dont le vol concentrique n'annonce rien de bon...
D'abord à pied, puis en bateau et enfin en train, le périple est interminable et s'apparente à un chemin de croix. Combien seront-ils au final à voir les lumières de la grande ville ?
Sans jamais tomber dans le misérabilisme, l'écrivain trentenaire a construit un roman dont le réalisme et la maturité ne laissent pas de surprendre. le jeune auteur a trouvé dans l'écriture un moyen on ne peut plus pacifique pour témoigner d'une société, à ses yeux, profondément injuste.
J'ai découvert
Jorge Amado avec “
Les chemins de la faim” dans les années quatre-vingt.
La relecture de cette épopée m'a tout autant captivé cette semaine. Avec le recul, il me semble que ce roman constitue le ticket d'entrée idéal pour aborder l'oeuvre de ce grand écrivain humaniste.