Au lendemain de l'élection présidentielle de 2007, trente auteurs de science-fiction ont décidé de prendre la plume pour tenter d'imaginer l'avenir de notre société après la victoire de
Sarkozy. Les textes sont courts (rarement plus de deux pages) et ont été compilés dans une petite anthologie dont l'intérêt est inversement proportionnel à la taille. Si les approches proposées sont évidemment très diverses, un point commun demeure : ce qui nous attend est loin d'être rose ! Bien qu'écrites il y a près de dix ans, la plupart des nouvelles collent malgré tout toujours à l'actualité. Parmi les nombreuses thématiques traitées, ils sont ainsi plusieurs à s'interroger sur la possible instauration d'un état policier où les forces de l'ordre pourraient agir en toute impunité, au dépend de la sécurité des autres citoyens (ça vous rappelle quelque chose... ?). La généralisation de la surveillance de masse se trouve également au coeur d'une partie des textes, que ce soit par le biais de constitution de fichiers (tiens, encore une référence à l'actualité !) ou de puces implantées sur les citoyens, les transformant tous en potentiels coupables (« Le prix à payer pour éviter crime et terrorisme. Ils s'en contentent tous. Heureux d'être protégés »). L'aggravation des conditions de travail des salariés figure également parmi les préoccupations de certains auteurs (décidément !) : et si, pour empêcher le chômage de se répandre, on décidait de castrer les « parasites » ? et si un employé pouvait céder ses capacités mentales, physiques et créatrices pour mieux s'adapter au monde du travail « moderne » ? Et puis il y a aussi l'uniformisation de la pensée (
Sylvie Lainé imagine l'instauration d'une « journée de l'identité nationale »,
Jean-Pierre Fontana un monde où la SF serait censurée), la remise en cause du statut des artistes ou encore la restriction de l'accès à la culture (« La gratuité, c'est le vol ! » nous explique Roland Wagner).
Parmi les textes les plus réussis figure à mon sens celui d'
Ugo Bellagamba (« Le Suicide de la démocratie ») qui choisit de personnifier différents régimes politiques venus se recueillir sur la dépouille de la démocratie, victime du suffrage universel. Car les électeurs ont manifestement une fâcheuse tendance à systématiquement voter contre leurs propres intérêts : le professeur mis en scène par
Simon Sanahujas l'a d'ailleurs bien compris, lui qui révèle à ses étudiants que le secret de l'élection de
Sarkozy réside dans la connerie du peuple (« Comment fut-ce possible ? »).
Charlotte Bousquet déplore elle aussi la progressive disparition des trois valeurs qui constituent la devise de la France et le met en vers sur une variation d'un célèbre poème de
François Villon (« Ballade des idées du temps jadis »).
Johan Héliot opte pour sa part pour une démonstration par l'absurde (« Appel urgent ») : et si les services de police se dotaient, comme les opérateurs téléphoniques, de « standardistes » robotisés ? Vous vous imaginez vous voir demander de presser le 1 en cas d'agression, le 2 en cas de viol ou le 3 en cas de cambriolage ? Hilarant et effrayant à la fois.
Thomas Day met quant à lui en scène les membres d'une brigade de police en mission pour expulser des sans-papiers, le tout avec la violence sans fard qui est un peu sa marque de fabrique. Et
Sarkozy dans tout ça ? Et bien justement,
Jean Pierre Andrevon lui donne la parole dans « Un certain 6 mai 2007 » et imagine ce qu'auraient pu être les cent premiers jours suivants l'élection présidentielle, le tout relaté avec toute la modestie et toute la finesse à laquelle le personnage a pu nous habituer (on croirait presque l'avoir devant nous, le petit Nicolas !). On termine avec une touche d'espoir grâce à
Lucie Chenu qui imagine un logiciel d'Intelligence Artificielle se mêlant de politique... mais pour le meilleur (« Traitement de texte »),
Une anthologie qui n'accuse pas son âge tant les thématiques qui y sont développées restent celles qui nous préoccupent encore aujourd'hui. Et vu la tête des candidats en lisse pour l'élection de 2017 qui s'annonce, ce sont autant de préoccupations qui ne risquent malheureusement pas de passer de mode... M'en vais aller écouter du Pierre Emmanuel Barré pour me remonter le moral tient !