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sur 4377 notes
je ne résumerai pas l'histoire, on la connaît. je vais donc dire ce que ce roman m'inspire, en insistant sur le fait qu'il est difficile de parler d'un roman d'un "auteur" qu'on aime beaucoup, car on a peur de ne pas être à la" hauteur" ...

Raphaël de Valentin est un personnage particulier dans l'oeuvre De Balzac, « Raphaël le débauché » qui brûle la chandelle par les deux bouts en signant un pacte avec le diable. Il veut réussir sa vie et surtout ne plus être pauvre, car l'argent semble être la seule réponse dans la vie. Est-ce qu'obtenir ce que l'on désire passe uniquement par la nécessité d'être riche ?

Balzac pose différentes questions avec ce roman : le bonheur réside-t-il dans la richesse, dans l'avoir ou ne va-t-il pas plutôt se nicher dans l'être ? Posséder, l'argent mais aussi l'autre, ou exister ? Est-ce que l'amour s'achète ?

On retrouve aussi la différence entre être et paraître, les biens terrestres et les biens spirituels, et l'auteur nous pousse à réfléchir sur la nature et l'origine du bonheur : Raphaël met sur le compte de la peau de chagrin l'exaucement, la satisfaction du moins de ses désirs, comme si tout devait venir de l'extérieur, l'homme n'y étant personnellement pour rien, ce qui va conduire à la société de consommation, avoir toujours plus, posséder encore et toujours, dans une fuite à l'infini.

Balzac nous fait réfléchir aussi sur la place de l'homme dans la nature, la nécessité d'une communion entre les deux, l'homme étant en interdépendance avec la nature.

J'aime l'écriture De Balzac, même si parfois, il nous noie sous les détails. Elle est fluide, aérienne. On a l'impression de voir la scène sur un écran, justement grâce à ces détails. On a le son et l'image. On peut rêver. Je voyais Foedora se déplacer dans l'espace, traitant les autres avec mépris, ignorant l'un, favorisant l'autre pour entretenir les rivalités. Elle n'existe que par sa cour et ses artifices.

le personnage de Pauline est plus simple, elle n'est pas calculatrice, attendant exigeant tout des autres comme le fait Foedora. L'une est naturelle parfois même nunuche par sa sincérité alors que l'autre est dans le virtuel, dans l'apparence, personnifiant ainsi ce que Balzac veut faire passer comme message (l'être et le paraître, la réalité et le virtuel dirait-on de nos jours, le principe de réalité et le principe de plaisir (clin d'oeil aux disciples de Freud !!).

Il décrit de belle manière, la superstition, l'obsession par une idée, une pensée qui l'envahit, l'excès de pouvoir que Raphaël accorde à la peau de chagrin, qui en rétrécissant, raccourcit sa vie, le fait vieillir prématurément, lui vole sa vie, comme s'il y avait un conflit entre le désir et la longévité.

J'aime beaucoup cet auteur, je lis chacun de ses romans, avec lenteur, en dégustant comme une friandise, même s'ils ne sont pas tous égaux, j'ai besoin de prendre mon temps, car j'ai envie très souvent de noter des phrases entières pour m'en souvenir…

Je dois à Balzac une découverte importante : comme je l'ai déjà dit, à treize ans environ, j'ai reçu « Eugénie Grandet » à la distribution des prix (une cérémonie qui me laisse de très bons souvenirs, n'en déplaise à certains ministres…) et cela fut un coup de foudre, c'est le livre qui a changé ma vie comme dirait François Busnel (La Grande Librairie); je découvrais les grands auteurs pour la première fois, c'était l'entrée dans la cour des grands….

Ensuite, Balzac m'a fait rêver avec le beau Lucien Chardon de Rubempré, ou avec « le lys dans la vallée », et cela marche encore, heureusement car j'ai toute « la Comédie Humaine » à dévorer ou à relire selon les cas…..

Donc encore un coup de coeur… j'espère que ma critique vous aura donné envie de lire ce roman si ce n'est déjà fait…

Challenge « 19e siècle »
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Je l'ai lu il y a quelques années déjà; c'était mon deuxième Balzac (après le Colonel Chabert). J'ai découvert dans ce récit fantastique un nouveau Balzac tout à fait différent du premier. La peau de Chagrin est l'un de ces romans qui vous envahissent, que même en se séparant de lui vous gardez toujours une vapeur étrange qui vous hante. Jusqu'à maintenant je garde toujours en mémoire cette atmosphère sombre et ces scènes inoubliables comme ce début où le héros a envie de se suicider, cette conversation extravagante où Balzac veut imiter son maître Rabelais (dans la conversation à la naissance de Gargantua), ce duel ainsi que cette scène finale (que je ne décrirais pas).
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La misère et la tentation du suicide ont amené le jeune Raphaël de Valentin errant dans Paris à cette rencontre maudite... Drôle d'antiquaire et sa "peau de chagrin" en son pacte faustien... « Si tu me possèdes, tu posséderas tout, mais ta vie m'appartiendra ». Désormais rien à faire, car cette peau de chameau rétrécit à chaque fois qu'un voeu s'accomplit : l'on tombe malade et l'on mourra lorsque le talisman ne sera guère plus gros qu'une tache de café ... Sauf que la richesse, la gloire, la séduction des femmes -- que l'on aura connues avant -- vous laisseront à l'âme un goût de vide... Formidable récit, entre réalisme du pavé parisien (où "l'ancien pauvre" Raphaël cotoiera l'arriviste Eugène de Rastignac) et cette fantasmagorie d'une boutique obscure à l'existence bien incertaine ... Un chef d'oeuvre du fantastique romantique balzacien, publié pour la première fois en 1831. (*)

(*) Cette toute petite "critique" vient d'être intégrée à la liste : "Le romantisme en cent oeuvres : liste OUVERTE, chronologique et universelle" (déc. 2014) sur Babelio.
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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Traitement du thème, qualité de l'intrigue, profondeur de la réflexion philosophique, merveille du style : Je suis littéralement à genoux devant la richesse de ce roman!

Le premier chapitre dans lequel Raphaël, prêt à mourir, acquiert le talisman et commence à en éprouver le pouvoir, est fantastique dans tous les sens du terme : que ce soit sa longue pérégrination introductive dans un Paris nocturne appelant au suicide, la description, magique, de la boutique de l'antiquaire, la rencontre et le pacte avec le diable, puis la luxuriante débauche appelée par son premier voeu, tout m'a ébloui dans cette première partie.
J'ai été tenue en haleine avec la même intensité par la dernière partie qui déroule la lente agonie de Raphaël, comblé de richesses mais lentement assassiné par sa terreur et déjà condamné à l'enfer de la solitude et de la souffrance éternelle. Il est vrai que le mythe de Faust me fascine depuis toujours, et que la transcription que Balzac en a faite est pour moi l'illustration parfaite que javais envie de lire.
Il n'y a guère que la partie centrale dans laquelle Raphaël s'épuise à courtiser la froide Foedora qui m'ait moins entraînée, je l'ai trouvée un peu longue et pas indispensable au propos; il me semble que Balzac a mieux rendu dans d'autres oeuvres les illusions perdues, les tourments du coeur et les affres de la misère confrontée à la richesse.

En attendant j'ai l'impression que l'auteur a jeté toute son âme et toute sa singularité dans ce roman, s'en donnant à coeur joie contre les perversions du pouvoir, la médiocrité bourgeoise, les pisse-froid de l'épargne (lui qui a tant fait de dettes!), la science imbue d'elle-même et inutile à l'homme, tout en livrant avec panache et conviction une pensée charpentée sur l'absurdité de la vie, la sagesse à opposer au vouloir ou encore les impasses de la passion.

On a chacun "son" Balzac préféré, un ensemble de prédilection fait d'une oeuvre, d'un aspect de l'homme et d'un talent de l'artiste ; pour ma part c'est dans cette veine-là que je l'adore.
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On oublie trop souvent que l'auteur de la Comédie humaine a excellé dans le registre fantastique. La Peau de Chagrin est une de ces excellentes variations romantiques sur le thème du pacte diabolique. Lorsque le texte paraît en 1831 c'est pour Balzac le début de la gloire. le plus romantique des romans De Balzac ? Il est vrai que le héros Raphaël est seul au milieu de la multitude. Seule la nature est en accord avec son être intérieur...
Balzac considérait son roman comme une oeuvre philosophique. En fait la Peau de chagrin est la combinaison de plusieurs genres: conte fantastique, roman philosophique, roman à caractère autobiographique...
On retiendra le fameux passage savoir, vouloir, pouvoir. " Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit, mais Savoir laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme».

Balzac a développé trois thèmes dans ce roman, l'argent, l'amour, et la vie.
L'argent en dénonçant Paris, le vice et la compromission.
L'amour avec d'une part une mondaine " la femme sans coeur", d'autre part une figure angélique Pauline.
La vie, on touche à la dimension réellement philosophique du livre : qui sommes-nous ? Qu'est-ce que le désir ? Que s'agit-t-il : de vivre calmement et dans l'absence de trouble ou bien intensément mais en brûlant la chandelle ? Qu'est-ce qui implique l'économie du désir ? Quelle femme justifie qu'on se damne pour elle ? Qu'imagine-t-on de l'autre qui ne vient que d'une projection de nous-même ? Autant de questions que Balzac traite sans jamais donner l'impression de faire le philosophe. La Peau de Chagrin est le symbole de notre existence car elle se rétrécit comme l'espérance de vie de Raphaël.

À présent Monsieur Balzac, j'arrête les flatteries. Votre style est impressionnant certes, mais n'en avez-vous pas trop fait par moment ? Des centaines de lignes pour votre seul plaisir ? Connaissez-vous la relecture? Je ne peux m'empêcher de penser que ce roman aurait pu être encore plus remarquable.
Pour finir, en quoi aviez-vous besoin de dénigrer les Auvergnates ?
« C'était une Auvergnate, haute en couleur, l'air réjoui, franche, à dents blanches, figure de l'Auvergne, taille d'Auvergne, coiffure, robe de l'Auvergne, seins rebondis de l'Auvergne, et son parler ; une idéalisation complète du pays, moeurs laborieuses, ignorance, économie, cordialité, tout y était. »
Votre héros a aimé se ressourcer dans les Monts d'Or au coeur de l'Auvergne. Votre description des paysages rend honneur à notre région mais en bonne auvergnate je n'apprécie pas du tout votre parodie des paysans auvergnats. Vous avez perdu une étoile !
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Honoré de Balzac est un véritable peintre de l'écriture, c'est aussi un auteur prolifique et comme je le dis souvent, qui aime s'entendre écrire. La peau de chagrin nous raconte l'histoire de Raphaël de Valentin, jeune écrivain (double De Balzac ?) qui désire réussir dans sa vie en gagnant rapidement de l'argent. Pour le jeune Raphaël, la réussite sociale comme le bonheur passe par l'accumulation de richesse à tout prix. Au risque même de pactiser avec le diable au point de dire à qui veut l'entendre : « Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit ».

Balzac aborde dans ce roman une multitude de thème : le temps, l'argent, le bonheur, l'amour, la nature, la mort avec au centre la place de l'homme et son existence. En suivant le jeune Raphaël dans ce tourbillon de sentiments et de sensations, on rencontre aussi une foultitude de personnages aussi différents et complexes les uns des autres. de l'antiquaire au médecin, du créancier au paysan, de la prostituée à la femme du monde, ils nous proposent tous à leur niveau une définition du bonheur qui interroge Raphaël mais qui nous interpelle aussi.

Balzac écrit à la vitesse de la pensée et c'est ce qui nous perd de temps à temps…il faut souvent faire un effort pour rester avec lui et c'est là le problème. Mais une fois accepté cette difficulté, on commence à apprécier cet auteur. Son écriture reste malgré tout fluide et agréable à parcourir même s'il nous noie de temps en temps en temps dans les détails. Ce sont d'abord les lieux qui bénéficient de cette minutie et de cette précision. L'auteur nous offre ainsi une surprenante déambulation dans un commerce parisien d'antiquités où nous finirons par découvrir la fameuse peau de chagrin qui est au centre de ce roman.

Mais ce sont surtout les personnages féminins qui bénéficient le mieux de l'art du portrait chez Balzac. de la vaniteuse au sans coeur Foedora, aux irrévérencieuses mais sculpturales Acquelina et Euphrasie, en passant par la virginale et amoureuse Pauline, toutes possèdent une description proche de la réalité. Une vraie peinture physique qui leur donne une existence au sein du récit. Cette maitrise de l'auteur ce fait souvent au dépend de l'action. Mais Il les décrit de si belle manière que l'on peut tout lui pardonner.

Enfin un petit mot sur cette fameuse peau de chagrin que reçoit Valentin du vieil antiquaire. Celle-ci peut satisfaire tous les désirs du jeune homme. Mais sa superficie, liée par un charme mystérieux à la durée de la vie de son possesseur, rétrécit à chaque souhait exaucé. Elle le fait vieillir prématurément, lui vole sa vie en créant un conflit entre le désir et la longévité. le temps devient alors un concurrent redoutable. Un choix est indispensable entre vivre plus intensément moins longtemps, et moins intensément plus longtemps. Et enfin, seul face à sa mort, dont il peut chaque jour en calculer l'échéance, il finit par délaisser la société des hommes en renonçant à la jouissance du monde.

Il faut déguster cet auteur avec lenteur. On ne peut pas se permettre d'être gourmand sous peine d'indigestion. On lui reproche souvent ses descriptions interminables mais il est avant tout un bavard de l'écriture. On sait qu'il manifeste une certaine jouissance personnelle à en faire trop. Mais lorsque l'on voit la stature du personnage, on comprend mieux la monstruosité de son style. le grouillement de ses mots correspond parfaitement à son ossature. Les mots De Balzac débordent souvent du cadre romanesque et nous emportent dans un torrent de bavardage qui risque de noyer le lecteur imprudent. Je suis devenu avec le temps un grand insatiable du style balzacien. Après Eugene de Rastignac dans le Père Goriot et Raphaël de Valentin dans la Peau de Chagrin, il me restera peut-être à découvrir Félix de Vandenesse du Lys dans la vallée pour terminer la liste des personnages les plus autobiographiques De Balzac.
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"Si tu me possedes,tu possederas tout.Mais ta vie m'appartiendra.dieu l'a voulu ainsi.Desir,et tes desirs seront accomplis.Mais regle tes souhaits sur ta vie.Elle est la.A chaque vouloir,je decroiterai comme tes jours.Me veux-tu?"
Voici l'etrange parchemin sur lequel Raphael va tomber chez un antiquaire.Sa vie est desesperee,c'est pourquoi,il veut vse suicider,mais ce parchemin va changer sa vie et,malgre l'etrange et inquietante prophetie va se fourvoyer dans les salons galants,dans les bras de femmes de haut rang.La peau de chagrin nous emmene dans l'incroyable chute de Raphael;
Balzac peut a travers ce livre,s'allier touites les epoques et eveiller encore aujourd'hui cet interet,cette passion.il y a dans ce livre une veine romantique,avec un vrai heros,un jeune homme idealiste,desespere qui voit ses espoirs et ses desirs combles.
Il y a aussi une veine fantastique,la vie du heros est indefectible de la peau et celle-ci retrecit a chaque souhait exauce.
Enfin,Balzac se fait visionnaire et touche a l'humanite en ce qu'elle a d'osciller en permanence entre le desir-le vouloir- et la possibilite de le realiser-le pouvoir-cette oscillation resume et consume notre existence.De plus,il la lie a une histoire d'amour qui voit l'une tenter de se sacrifier pour l'autre,qui acceptera son destin funeste en lui refusant ce sacrifice.C'est en possedant totalement l'etre ailme que le heros realise son ultime desir et rend son dernier souffle.
Ce livre est une lecon de philosophie qui traverse les epoques,a la maniere des grands mythes,pour arriver jusqu'a nous et remue encore nos ames
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La peau de chagrin est l'oeuvre d'un ogre vorace autant que celle d'un peintre aux touches délicates et nuancées. C'est ainsi que j'imagine Balzac, devant sa table de travail, écrivant inlassablement, buvant café sur café pour reculer au plus loin au plus tard le déferlement du sommeil et ses rivages. Ici c'est une oeuvre de jeunesse mais on devine déjà l'appétit insatiable qu'il s'apprête à délivrer de son imagination fertile et gigantesque.
Mon enthousiasme devant cette oeuvre énorme, non pas par sa taille mais par ses méandres insoupçonnés, a failli cependant se réduire en peau de chagrin...
Au bord du vertige et de l'écoeurement, dans cette ivresse foisonnante des mots et des bavardages des personnages, j'ai failli me perdre et renoncer à aller jusqu'au bout du voyage, tant certaines pages me résistaient.
Et puis je me suis remis en selle par je ne sais quel miracle dont seuls nous autres lecteurs avons parfois le secret, faisant le voeu de trouver la porte étroite par où je pourrais de nouveau entrer dans cette oeuvre, me faufiler à travers les pages, entrer dans son histoire et m'enrouler dans ses sortilèges.
Parfois il est dangereux de faire des voeux inconsidérés comme celui que je viens de vous partager, le personnage principal de ce roman l'a découvert à ses dépens. Mais ici il faut croire que pour moi, ce n'en était pas un, que tout ceci en vérité devait s'accomplir : ma rencontre avec ce roman... Et je vous assure n'avoir traité aucun contrat sordide avec quelque mauvais génie.
Second roman De Balzac, la peau de chagrin est le récit de l'amour impossible et du désir inassouvi. Ah ! Comme j'aime ces thèmes dont est friande notre littérature, qu'elle soit classique ou contemporaine !
Dès les premières pages, nous faisons la connaissance de Raphaël de Valentin, jeune étudiant qui vient de se ruiner au jeu en une seule soirée. À présent c'est la nuit. Nous le suivons dans les rues de Paris, sur les bords de la Seine, jusqu'au quai Voltaire. Est-ce pour cette seule raison qu'il veut se suicider ?
Attiré par les lumières d'une boutique d'antiquité, il y entre et c'est bien autre chose qu'il découvre en franchissant la porte, c'est l'antre d' un cabinet de curiosités, un labyrinthe envoûtant peuplé d'objets rares, d'oeuvres qui s'agitent sous ses yeux, vestiges de civilisations passées, disparues peut-être à jamais, ce n'est peut-être pas encore les entrailles de l'Enfer mais presque...
Il découvre alors un morceau de cuir avec un texte en sanscrit : « Si tu me possèdes, tu possèderas tout. Mais ta vie m'appartiendra, Dieu l'a voulu ainsi. - Désire, et tes désirs seront accomplis. Mais règle tes souhaits sur ta vie. Elle est là. A chaque vouloir je décroîtrai comme tes jours. Me veux-tu? Prends. Dieu t'exaucera. »
La magie, - il n'y a pas d'autres mots, s'invite dans ce lieu insolite et c'est sans doute pour moi l'un des plus beaux passages du roman, celui qui m'a emporté, celui qui hameçonne aussi la rencontre étrange du jeune homme avec ce fameux talisman qui va désormais bousculer et bouleverser son existence, décider de son sort. Celui qui scelle son destin à jamais...
J'ai été emporté par cette atmosphère fantastique digne de la rencontre du Faust de Goethe avec Méphistophélès, là où la lumière joue avec les ténèbres, là où ses pas sont aimantés par cette peau de chagrin dont la singularité l'attire, là où ce vieillard marchand s'apprête à lui proposer un pacte diabolique qui va décider de son destin à l'aide de ce talisman censé le préserver du malheur.
« Votre suicide n'est que retardé ». Après tout, quelques instants plus tôt, Raphaël de Valentin n'était-il pas prêt à vouloir mourir... ? Alors, mourir tout de suite, mourir plus tard... Quel risque, au fond ?
Détachée du mur, remise dans les mains de Raphaël de Valentin, la peau de chagrin est déjà de l'autre côté du versant, dans la vie du jeune homme, ou du moins, ce qu'il en reste à cet instant-là.
Le vieillard lui souhaite alors de tomber amoureux d'une jeune danseuse et aussitôt la peau de chagrin s'amenuise. Son sort à venir est déjà écrit...
Jusqu'au bout, le mystérieux talisman sera le symbole de la passion ardente du pouvoir et du désir qui dévore les chairs ; mes rêves éveillés de lecteur m'ont accompagné dans ce dédale de lumières et de ténèbres.
L'intrigue est avant tout fantastique, le surnaturel déborde la réalité, mais j'ai senti que Balzac s'essayait déjà ici dans ce dessein réaliste de peindre la grande fresque sociale qui le fera boire du café jour et nuit, sans répit.
Ici, c'est déjà aussi une manière pour l'écrivain d'esquisser avec cynisme les ambitions, les illusions, les faux-semblants de la société, cette comédie humaine qui lui est déjà si chère.
Le jeune homme décide alors d'arrêter ses études pour entrer dans une vie de débauche.
Le roi Louis-Philippe vient d'arriver au pouvoir. Dans cette société en pleine mutation, c'est un roman historique, forcément, un basculement entre l'ancien et le nouveau monde.
C'est un monde qui s'effondre et de ses gravats surgit une tentative de renaissance. Balzac fait la satire d'un univers qui paradoxalement le fascine en même temps. La débauche décrite tient lieu de la dénonciation de ce monde.
Et les femmes de ce roman, me demanderez-vous ? Hé bien je vais vous répondre....
Les personnages féminins de ce roman sont tantôt des femmes sans coeur, tantôt des femmes légères aux destins tragiques, tantôt des femmes innocentes et un peu sottes. Est-ce là le regard porté par un Balzac encore jeune sur le genre féminin ?
Ainsi la comtesse Foedora incarne à la fois le désir inassouvi de la femme toujours fuyante mais aussi cette société que dénonce Balzac, dominée par l'ambition et l'argent.
Et l'amour ? me demanderez-vous. L'amour ? Vous en avez de ces questions... Il ressemble ici à l'expression d'un souhait irréaliste. C'est peut-être le personnage de Pauline qui sauve ici le sentiment amoureux, malgré sa personnalité un peu simplette à mon goût. Mais sa sincérité est touchante.
C'est peut-être le passage du roman que j'ai trouvé le plus émouvant, lorsque Raphaël émet le voeu d'être aimé d'elle, jetant alors un regard anxieux vers la peau de chagrin, il s'aperçoit que celle-ci ne rétrécit pas : l'amour de Pauline était bien réel...
Jusqu'à quel point cette peau de chagrin exauce-t-elle des voeux qui pourraient par ailleurs pu se réaliser sans y avoir recours ?
Plus tard, la scène qui convie des médecins pour tenter par tous les moyens de freiner le rétrécissement inexorable de la peau de chagrin est digne d'une comédie de Molière.
Balzac apparaît dans ce roman en très fin portraitiste d'une société, de ces personnages et forcément de lui-même aussi se reflétant dans ce miroir vertigineux qui lui renvoie l'image d'un certain Raphaël de Valentin. J'aime Balzac dans ces instants-là, bien plus inspirant selon moi que dans ses bavardages et digressions philosophiques interminables...
Pourtant la portée philosophique de ce texte n'est pas dénuée d'intérêt. La peau de chagrin représenterait le dilemme de la vie humaine, le choix impossible entre la vie et la durée. Ici la dimension fantastique sert doublement le texte, un propos philosophique sur le thème du déterminisme et une satire féroce de la société de l'époque.
Et puis j'ai fini par laisser traîner à mon tour mes pas du côté du quai Voltaire, tenter de redonner souffle à mes dernières illusions perdues. La nuit s'était posée sur la Seine et ses quartiers périphériques. Je suis entré dans la boutique de l'antiquaire. Depuis le fond de la boutique surgit un vieillard éclairé d'une lampe.
« Que cherchez-vous, mon bon monsieur? » fit-il d'un air faussement affable.
- L'imagination.
- L'imagination ? Voyez-vous cela... répondit-il d'un rire un peu moqueur.
- Oui je viens de lire un roman De Balzac, La peau de chagrin et je n'arrive pas écrire un billet sur ce livre pour exprimer parfaitement mon ressenti. Je fais le voeu de trouver l'imagination, les mots qui consentiront à me laisser en paix avec ce roman.
- Un voeu ? Tiens-donc... Vous cherchez quelque chose qui pourrait faciliter votre inspiration, une sorte de talisman en quelque sorte, n'est-ce pas ? Suivez-moi, j'ai peut-être ce qu'il vous faut. »
Il m'invita à le suivre au premier étage...
« J'ai bien connu Balzac. Il fréquentait cette boutique lorsqu'il était jeune. Il n'avait pas besoin de talisman, lui, pour trouver l'imagination, il n'avait pas besoin de pactiser avec le diable... Il était le diable lui-même. »
Il se mit à rire d'un rire démoniaque. J'étais aux portes de l'Enfer. Je m'apprêtais à y entrer en le suivant dans l'escalier et je savais que si j'accédais à l'étage, mon coeur serait happé dans une nasse sans retour. J'ai eu ce vertige insoutenable, celui des pages d'un livre qui imitent brusquement le battement des ailes d'une nuée de corbeaux dans un ciel livide.
Alors je suis revenu sur mes pas, tandis que ceux du vieil antiquaire continuaient inlassablement à gravir les marches vers l'autre côté de la nuit.
Dans la rue éprise par l'effervescence du soir, je me suis souvenu de cette phrase du livre :
« Tout ce qui n'était n'est plu, tout ce qui sera n'est pas encore. »

L'un des multiples plaisirs de cette lecture ne fut-il pas aussi de lire ce roman en compagnie d'amis de Babelio et de croiser avec jubilation nos ressentis parfois disparates mais si complémentaires... ? Un grand merci à eux !
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Enfin, je me suis attaquée à La Peau de chagrin, qui a croisé maintes fois ma route en m'envoyant des signaux - et je ne regrette pas.
J'y ai retrouvé le Balzac romantique des premiers romans, pas romantique dans le sens sentimental, mais bien dans le sens littéraire, tant l'auteur sait manier le contraste, la force des passions, aussi bien qu'il évoque la tentation de l'absolu. Mais déjà point le grand auteur, maître de l'analyse psychologique, presque inégalé, sinon par les auteurs russes, comme Tolstoï ou Dostoïevski.

Le personnage dont le roman adopte le point de vue est un jeune marquis, Raphaël de Valentin, prématurément ruiné par la maladresse de son père. le jeune homme connaît la misère, car il a dû commencer sa vie en remboursant les dettes parentales. de quoi vous dégoûter de la vie, d'autant plus que son père était un homme sec, austère et autoritaire. Raphaël fera contre mauvaise fortune bon coeur, et vivra quelques belles années dans un galetas sordide, embelli par ses études philosophiques, et par la présence de deux belles âmes, la jeune Pauline et sa mère, ses logeuses, aux petits soins pour lui.
Pourquoi faut-il alors qu'il rencontre, par l'entremise du tentateur Rastignac (intéressant personnage que j'ai hâte de retrouver), la troublante Foedora, surnommée "la femme sans coeur", dans la partie centrale du roman ? Foedora qui le mène à sa perte, car pour lui plaire il a besoin d'argent, et pour ce faire, il est prêt à perdre son âme...

Autrefois, j'avais cette vision De Balzac répandue : passons les 40 premières pages avant d'entrer dans l'action, après ça ira mieux... - eh bien non, pas du tout en fait, je me suis sentie vite prise par la main, emmenée dans cette promenade, à travers des tableaux de la société parisienne du début du XIXe siècle, mon siècle préféré. Je me suis passionnée pour cette rencontre ésotérique avec le vieil antiquaire, pour la peau de chagrin, ou d'onagre, âne sauvage quasi mythique en Orient, laquelle peau rétrécit en fonction des voeux émis par son possesseur, processus devenu si connu qu'il a donné une expression courante : "se réduire comme une peau de chagrin". C'est dire la puissance, l'ampleur de ce roman, dont la portée, le symbolisme, débordent sur notre vie, longtemps après sa publication.

Il a eu pour moi une telle importance que, malgré mon expérience dans la vie, j'ai eu l'impression d'en apprendre beaucoup sur l'homme, sur la société des hommes ensemble, sur les choix de vie qui s'offrent à nous, ascétisme ou intempérance, dissipation, concentration ou dispersion, solitude ou sociabilité, et ces sujets cruciaux que constituent la mort, sa place dans la vie, ou plutôt la valeur que sa présence donne à la vie. Balzac nous parle encore de l'amour, de ce que nous sommes prêts à lui sacrifier, sous l'emprise d'une personne aimée à sens unique, alors que lorsqu'il est partagé, il nous enrichit encore, il rayonne sur notre vie.

C'est encore un roman-monde, un roman-système : Balzac y a de nombreux porte-paroles, qui exposent des théories aussi diverses qu'érudites (mais jamais ennuyeuses) sur la médecine, les sciences, l'histoire, l'économie politique... Il se fait aussi, à l'occasion, mais sans lourdeur, avec une profonde originalité, moraliste, nous laissant un précieux bagage pour continuer notre route. Balzac est sensible, atypique, magistral, et j'ai pris toute la mesure de ce qu'est un grand classique : à tout âge on peut le lire, le relire, en faire son miel, y trouver des leçons, des plaisirs divers, à commencer par cette langue magnifique, d'autant plus adorable qu'elle a ses défauts, mais ses défauts bien à elle, qui nous la font aimer encore davantage.

Dois-je préciser que c'est un coup de coeur ? Je ne suis pas prête de faire disparaître les romans de Balzac de mes étagères.
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L'incursion De Balzac dans la littérature fantastique est pour moi une réussite sensationnelle. L'objet magique est ici une peau de chagrin, c'est à dire une cuir d'onagre destinée à décorer un coffret, et dont le pouvoir consiste à exaucer tous les souhaits de son possesseur, mais en contrepartie, cette peau se rétracte ainsi que l'espérance de vie de son utilisateur.
Ce roman est divisé en trois parties, la première, intitulée “Le Talisman” raconte comment Raphael en vient à découvrir cet objet magique, et ne s'étend que sur quelques heures, la seconde, “La femme sans coeur”, revient sur le déroulement de sa vie avant, et la troisième, “L'agonie”, prolonge sur sa vie après.
On reste dans le fantastique romantique, à la manière du Faust de Goethe. L'artefact magique n'est ici qu'un support qui permet à Balzac de déployer toute l'étendue de son talent : l'écriture est riche et belle, un aspect constant chez lui, et les pensées sur la nature humaine, l'orgueil, l'envie, le désir... agrémentent ce roman et le rendent profond et lumineux, ainsi que quelques références éparses dans le récit, parfois subtile, parfois lyrique et même parfois drôle, comme les références à Rabelais et Molière dans la consultation avec les médecins. le texte est écrit à la première personne, ce qui permet de nous faire savourer, entre autres, un superbe monologue d'anthologie sur la débauche. Balzac ratisse large, il nous fait découvrir quelques réflexions sur les sciences, et bien sûr, il y a toujours de grands moments sur l'amour, parfois un peu emphatiques, avec des dialogues d'amoureux d'un lyrisme parfois trop classique. Je trouve parfois les moments où Balzac décrit la passion amoureuse trop longs, trop ronflants, et c'est sans doute pour ça que j'ai moins aimé “Le lys dans la vallée”, mais ici, à part quelques longueurs dans le seconde partie, tout est bien proportionné, bien mené, avec une intrigue tragique, passionnante, romantique, qui nous interpelle sur des sujet généraux de la “comédie humaine”. C'est à ce jour mon roman De Balzac préféré (du moins si l'on considère que “Le chef d'oeuvre inconnu” n'est qu'une nouvelle), c'est un auteur que je continue à redécouvrir avec délectation et émerveillement quarante ans après mes années d'études où il m'avait fait tant souffrir, et je compte bien ne pas en rester là.
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Connaissez-vous La Peau de Chagrin de Balzac ?

Comment se comme le personnage principal du roman ?

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Thème : La Peau de chagrin de Honoré de BalzacCréer un quiz sur ce livre

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