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EAN : 9782707302700
201 pages
Editions de Minuit (01/01/1947)
3.83/5   48 notes
Résumé :
Murphy doit travailler pour subvenir aux besoins de la femme qui a abandonné la prostitution pour lui. En travaillant comme infirmier dans un asile il y trouve un refuge face au monde, ce 'colossal fiasco'. Samuel Beckett ouvre ici la porte sur le monde clos de la vie intérieure.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Murphy. Un drôle de truc, soyez-en sûrs. Samuel Beckett, dans la droite ligne de James Joyce, mais tout de même un tant soit peu plus lisible nous dresse le portrait d'un magnifique inadapté (ou le portrait magnifique d'un inadapté ou l'inadapté portrait d'un magnifique ou le magnifique inadapté d'un portrait, comme vous voudrez).
Murphy est, comme son nom l'indique, irlandais. Mais, à vrai dire, on s'en fiche un peu car là n'est pas l'essentiel. Qu'est-ce qui est essentiel ? Rien, probablement.
Pas toujours facile de comprendre ce qu'a voulu exprimer l'auteur. Selon moi, mais c'est très sujet à caution, ce roman est une variation sur le thème de l'absurdité de la vie.
Murphy ne trouve pas sa place dans le monde. Alors il végète, en proie à sa propre rêverie, au fond d'un rocking-chair à longueur de journée. Il a beaucoup de traits autistiques.
Les jours s'égrainent pour lui, dans un logement qui en est à peine un, dans un immeuble destiné à la destruction.
Il a des amis qui n'en sont pas.
Il rencontre une femme avec laquelle il a une liaison qui n'en est pas une. La femme en question, Célia, dont on comprend qu'elle est prostituée, le pousse à chercher du travail.
Quête longue et fastidieuse pour qui n'a pas envie d'en chercher ni d'occuper une quelconque fonction.
Jusqu'au jour où, — révélation pour Murphy — un inconnu lui propose de le remplacer dans un asile psychiatrique.
Murphy, sans rien comprendre à sa fonction, se sent transfiguré par le côtoiement de ces êtres dérangés mentaux. Il se sent une communauté d'appartenance avec eux bien plus grande qu'avec quiconque auparavant.
Notamment l'un d'eux, Monsieur Endon, avec lequel il entretient une relation de non amitié autour d'un échiquier qu'ils ne fréquentent jamais tous deux au même moment.
Ils se non opposent l'un et l'autre lors de non parties, en déplaçant des pièces sans jamais en prendre une à l'autre, juste pour le plaisir poétique du mouvement de pièces sur l'échiquier.
Vous pouvez vous faire une idée de l'une de ces non parties, décrite précisément dans le roman en appuyant sur "play" dans le lien suivant :

http://www.redhotpawn.com/gameanalysis/boardhistory.php?gameid=3007756

La symbolique de la partie d'échec semble prépondérante en représentant la vie et son non sens. Les gens naissent, se meuvent, gagnent ou perdent et finalement, tout cela ne rime à rien puisque la fin est déjà connue, l'inéluctable mort.
La symbolique de la folie et de l'inutilité de toute chose vont dans le même sens : la vie est une folie, inutile par essence.
Je ne vous dis rien du dénouement et j'en viens plutôt au chapitre du style.
Très irrégulier. Parfois des flamboyances sensationnelles, parfois des engluements " joycesques ". (Pour ceux qui ont lu du Joyce version Ulysse ou Finnegans wake, cet adjectif évoquera sûrement des souvenirs non anodins, pour les autres, figurez-vous une sorte de mélasse, de la poix plein les mains ou bien un très long écheveau totalement indémêlable, même avec la meilleure volonté.)
J'ai pris grand plaisir à la lecture par moments, me suis totalement ennuyée à d'autres, d'où cette impression finale mitigée qui ne signifie pas grand-chose. À vous de voir si vous vous laisserez davantage séduire par les fulgurances que rebuter par les passages chaotiques.
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Beckett est une brêle –si l'on exclut de la portée de notre considération « En attendant Godot » ainsi que quelques autres petits travaux qui apaisent à peine ceux que tiraille l'absurde. Pourtant, Murphy fut refusé 36 fois avant d'être publié, ce qui aurait dû être le signe d'une qualité supérieure. C'est à ne rien y comprendre. Fut-il un temps où les maisons d'édition avaient encore du goût ?


Beckett était du genre taiseux –la parole qui ne coule pas quand elle veut. On imagine Vladimir et Estragon s'échangeant quelques maigres propos en attendant Godot. Qu'est-ce que Samuel cherche donc à expier lorsqu'il décide d'écrire un roman ? Voilà le mec qui se presse le pis d'une vache morte sur des dizaines de pages. Il en sort quelques pensées plates, apparaissant parfois dotées d'un peu de génie fou, poésie à débusquer au hasard d'une page ouverte aux waters. Mais à lire ça dans la continuité des pages, l'exposition semble plagiée sur cet horrible roman qui a fait le succès de Virginia Woolf – « Mrs Dalloways ». Peu importe la tête de l'écrivain, qu'on mise gros dessus (pour Samuel Beckett) ou qu'on n'en donne pas cher à parier (Virginia Woolf), il est toujours horrible de retrouver le rythme insignifiant et futile de la pensée humaine. Si la forme ne fait pas le fond, en revanche, le fond sans forme morfond.
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Murphy est un drôle d'oiseau chichement entretenu par un oncle hollandais à qui il adresse des notes de loyer maquillées.
Il n'aime rien tant que fainéanter dans son fauteuil à bascule ou sur la pelouse de Hyde Park sous des prétextes métaphysiques fumeux ; c'est du moins ce que pense sa compagne Célia qui aimerait bien lui voir prendre un travail rémunéré.
Il est raisonneur, resquilleur, imprévisible, adepte des horoscopes de rue et de toutes les balivernes qu'il rencontre sur son chemin. Cultivé au demeurant, beau parleur quand il y a intérêt.
Ses vêtements sont élimés mais conservent l'élégance de la décontraction. Il arbore, point d'orgue de sa tenue lustrée par le temps, un noeud papillon jaune citron, sa couleur fétiche.
Il faut lui supposer du charme puisque quatre femmes l'ont un jour aimé et s'en sont repenties, et qu'un certain nombre d'hommes ont été ses amis et le recherchent opiniâtrement pour des raisons diverses dont la fascination n'est pas absente.
Les unes et les autres semblent ligués dans le projet de lui faire endosser la responsabilité du simple fait d'exister. Or rien ne saurait être plus odieux à Murphy : tout contact soutenu avec la réalité risquerait d'asséner à son esprit un trop brutal "coup de pied au cul" et de troubler l'équilibre exquis de sa vie intérieure.
Ainsi débute "Murphy", le premier roman de Samuel Beckett écrit en anglais en 1938, traduit en français par l'auteur lui-même et Alfred Péron.
On y trouve déjà en germe les thèmes chers à Beckett, notamment la dissolution du moi dans un univers absurde et l'urgence de se retirer du monde réel afin de sauver des parcelles d'intériorité. Car, comme il l'énonce dans un entretien : "Ce qui complique tout c'est le besoin de faire."
Cette oeuvre, encore ancrée dans le roman traditionnel ( les personnages ont une individualité marquée, ils poursuivent leur fin propre, il leur arrive des mésaventures ), est marquée par l'influence de Joyce qu'il rencontra en 1928 et dont il fut le secrétaire : on assiste ainsi assez longuement aux déambulations méditatives de Murphy à travers Londres, clin d'oeil probablement volontaire à Léopold Bloom.
Peu à peu le monde de Beckett évoluera vers l'abstraction : impossibilité d'une représentation fiable du réel et du moi, puis impossibilité à dire l'illusion elle-même. Rien ne pourra plus être sauvé.
Ce premier roman est tour à tour drôle, ennuyeux, pédant ou incompréhensible mais porte déjà en lui l'esthétique et la métaphysique de Beckett, celle d'un 20 ème siècle désenchanté.
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Chez Beckett, la bizarrerie semble normale. Murphy végète dans sa berceuse, il se lie avec des femmes pour le plaisir de la rupture, se fait engager dans un asile de fous pour y jouer aux échecs et disparaît aux yeux de ses amis qui, presque aussi bizarres que lui, le cherchent sans succès, tout en se cherchant parmi. Tout cela se passe au milieu de réflexions aussi profondes qu'impensables sur la nature de l'esprit. La folie se laisse bercer par la raison ou peut-être est-ce le contraire. le monde de Beckett oublie les corps mais ceux-ci reviennent à l'improviste, avec leur cortège d'incongru. le lecteur assiste, perplexe et subtilisé, à un jeu d'ombres. Il parvient parfois à y prendre un peu de plaisir.
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Citations et extraits (76) Voir plus Ajouter une citation
Le Rien, cet éclat incolore dont une fois sorti du ventre de sa mère on jouit si rarement.
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Le déjeuner de Murphy était un rite que nulle vile pensée de nutrition ne venait vicier. Il avança précautionneusement le long de la grille jusqu'à ce qu'il arrivât devant un des mille tentacules de l'établissement où chaque jour il avait l'habitude de s'intoxiquer. La sensation d'un siège enfin qui faisait contact avec son cul accablé était si délicieuse qu'il se leva aussitôt et répéta le mouvement. Pour ne pas se laisser émouvoir par de telles tendresses, il aurait fallu qu'il les connût mieux. Cependant la seconde jonction fut une grosse déception.
La serveuse était là devant lui, dans une telle abstraction, apparemment, que Murphy n'osait se considérer comme un élément de sa situation. Enfin, voyant qu'elle ne bougeait pas, il dit :
- Apportez-moi..., sur le ton d'un maître d'école résolu à commander la spécialité de la maison pour toute la caravane. Il pausa après ce signal préparatoire, afin que pût se développer librement et sans encombre l'avant-période réflexive, première, selon l'école de Külpe, des trois phases dont est faite toute réaction et celle où les tourments du répondant se font le plus sentir. Puis il déclencha le stimulus proprement dit :
- ... Une tasse de thé et un paquet de biscuits assortis.
Un franc de thé, un franc de biscuits, un repas parfaitement équilibré.

Chapitre V.
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La nature de la réalité extérieure restait obscure. Les hommes, femmes et petits enfants de la science savent s'agenouiller devant les données aussi diversement que n'importe quel autre corps d'illuminés. Par conséquent, la définition de la réalité extérieure, ou de la réalité tout court, variait selon la sensibilité de celui qui s'y hasardait. Mais tous semblaient d'accord que le contact avec elle, même le contact cotonneux du laïque, constituait un rare privilège.
Conformément à cette façon de comprendre, on décrivait les malades comme " sevrés " de la réalité, des bienfaits rudimentaires de la réalité laïque, sinon entièrement, comme dans les cas les plus graves, au moins sous certains rapports fondamentaux. Tout traitement devait viser à jeter un pont sur cet abîme, à transférer le patient de son propre petit fumier pernicieux au monde glorieux des quantités discrètes, où il recouvrerait l'inestimable prérogative de s'émerveiller, d'aimer, de haïr, de désirer, de se réjouir et de chialer, d'une façon raisonnable et bien équilibrée, et de s'en consoler dans la société d'autres qui ne valaient pas plus cher.

Chapitre IX.
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À son arrivée le matin, Murphy arrangeait les pièces de l'échiquier dans un coin tranquille d'une des salles de récréation, marquait son coup (car il prenait toujours les blancs), s'en allait, revenait trouver la réponse (la réponse !) de Monsieur Endon, s'en allait, et ainsi de suite tout le long de la journée. Ils ne se retrouvaient que rarement devant l'échiquier. Monsieur Endon n'aimait pas s'arrêter plus de quelques minutes dans sa flânerie, et c'était là aussi le maximum que Murphy osait dérober à ses devoirs et à la vigilance de Bom. Chacun marquait donc son coup en l'absence de l'autre, employait les moments qu'il lui restait à inspecter la position, et s'en allait. Ainsi lentement la partie se faisait, et la nuit venait sans qu'une victoire fût proche. Cela venait moins de ce qu'ils étaient de force égale, et moins aussi des conditions si peu favorables à la rencontre, que des méthodes très fabiennes qu'ils adoptaient tous les deux. On peut juger de combien l'action était peu engagée par le fait que, après huit ou neuf heures de cette guérilla, ni l'un ni l'autre n'avait perdu une pièce ni même été échec. Murphy, qui y voyait l'expression de sa parenté avec Monsieur Endon, en était content, et jouait avec même plus de retenue que cela ne lui était naturel.

Chapitre IX.
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Cette vue de la situation n'étonnera guère ceux qui ont quelque familiarité avec le genre de pentamère que Ticklepenny se faisait un devoir vis-à-vis de sa patrie de composer, c'est-à-dire aussi libre qu'un canari au dernier pied (pour Ticklepenny une cruelle discipline, car il hoquetait en bouts-rimés) et à la césure aussi constipé que le divin flatus lui-même, et crevant par ailleurs de toutes les menues beautés de la prosodie druidique qui sont à sucer dans un pot de porter Beamish. Comment ne se serait-il pas senti mieux en lavant la vaisselle et en vidant les ordures des aliénés bourgeois ?
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Rim Battal propose une lecture performée de x et excès avec un grand musicien jazz et pop dont le nom sera révélé lors de la soirée. En ouverture Rim Battal invite cinq poétesses, Alix Baume, Camille Pimenta, Charlene Fontana, Esther Haberland, Virginie Sebeoun, qu'elle a accompagnées lors d'un programme de mentorat intitulé « Devenir poète.sse ». Cinq brèves lectures avant de plonger dans x et excès. Rim Battal y explore les zones d'ombre de l'ère numérique où l'industrie du sexe a une place prépondérante. Comment sculpte-t-elle nos corps et notre rapport à l'autre ? Dans une langue inventive, Rim Battal s'attaque au discours dominant sur la sexualité, le couple et l'amour pour mieux en révéler les failles.
Ce faisant, elle ouvre un espace de réflexion sur l'art. de Cabanel à Mia Khalifa, de Samuel Beckett à Grisélidis Réal, elle tisse des liens entre poésie, pornographie et oeuvres plastiques. Et dévoile ce que notre époque a de singulier et d'universel.
À lire – Rim Battal, x et excès, Castor Astral, 2024 – L'eau du bain, coll. « Poche poésie », Castor Astral, 2024.
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