Roald Dahl est connu pour sa Chocolaterie. Il n'est même connu que pour cela et encore, bien souvent n'en connaît-on que la version cinématographique, sans savoir jusqu'à quel point l'adaptation est fidèle ou non à l'original. On se souvient d'une histoire gentille et doucement barrée, pleine d'une inventivité extravagante sans être non plus renversante. Alors on se penche sur
Kiss Kiss sans trop en demander. Après quelques pages,
Roald Dahl nous renverse. Ses baisers sont ceux de la morts, aussi glaçants que foudroyants.
Les personnages de ses nouvelles ont peut-être joué à
Kiss Kiss il y a fort longtemps, mais au moment où
Roald Dahl nous les donne à connaître, ce comportement de frivole tendresse semble déjà bien enterré. Et ce qui peut suivre nous fait connaître les chemins d'une psychologie si torturée qu'elle en devient inhumaine. Après l'amour, qu'il s'agisse de l'amour conjugal, de l'amour maternel, de l'amour pour la science ou de toute autre forme d'affection,
Roald Dahl imagine des situations pires que des scènes de vases cassés. Ses personnages inventent des scénarios scabreux qu'ils destinent au malheur d'autrui, lorsqu'ils ne sont pas condamnés à en inventer pour eux-mêmes, déformés et brisés par l'influence extérieure qui les aura modelés.
As de la nouvelle,
Roald Dahl saisit son lecteur d'entrée de jeu. Pourquoi cette Logeuse ne s'entiche-t-elle que d'un locataire à la fois ? William et Mary pourront-ils se séparer un jour ou la science les condamnera-t-elle à rester ensemble à perpète ? Mr Foster empêchera-t-il sa femme de prendre son avion pour Paris ? Madame Bixby pourra-t-elle porter le manteau de vison que son amant lui a offert sans provoquer les soupçons de son mari ? La gelée royale pourra-t-elle aider un nourrisson à reprendre goût à la vie ? Comment un chat sauvage peut-il être un virtuose et adorateur des sonates de Liszt ? le neveu de la tante Glosspan parviendra-t-il à conquérir le monde avec ses recettes végétariennes ? Peut-on devenir champion du monde du braconnage en utilisant des somnifères ? Petit joyau adroitement glissé entre les autres nouvelles, Une histoire vraie permettra de prendre conscience de l'énorme pouvoir de ce que certains appelaient la "Volonté" en mettant en scène deux personnages qui ont changé la face du monde en jouant à
Kiss Kiss.
N'en disons pas davantage.
Roald Dahl surprend, et il surprend d'autant mieux que son écriture modeste et directe ne permettait pas de nous attendre à de telles émotions. Il installe ses scènes, campe ses personnages, entoure leur univers d'un halo de banalité et nous mord soudainement, ou commence à nous serrer le cou gentiment jusqu'à nous étrangler complètement. Imprévisible, n'utilisant pas le retournement de situation comme simple moyen mécanique mais comme fin morale ou métaphysique,
Roald Dahl se présente comme le génie de la nouvelle. A la fin de chacune d'entre elles, on a envie de crier "Eurêka". Au génie ! Quelque chose s'est produit.
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