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sur 17473 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Rassurez-vous ! il n'est pas question ici de vous infliger une n ième analyse de l'oeuvre flaubertienne ce qui a été abondamment fait depuis la sortie de l'ouvrage !
Attelons-nous plutôt à titiller le sieur Flaubert et tenter de comprendre pourquoi diable il a si mal loti son héroïne, cette pauvre bécasse d'Emma.
Bien entendu, vivant au dix-neuvième siècle, notre héroïne ne pouvait qu'étudier dans un couvent. Elle n'allait pas passer le bac et suivre des études supérieures, certes non. Un peu de musique, un peu de couture, quelques bribes de culture générale, c'était bien suffisant pour une femme, n'est-ce pas ? En tout cas bien assez pour lui donner des rêves de grandeur et lui faire désirer un avenir beaucoup plus brillant que celui auquel sa condition initiale lui ouvrait droit !
Seul le mariage pouvait lui offrir un statut, travailler n'étant pas envisageable pour elle. Et ici, saluons l'entrée de "Charbovari" le sot mari dont ce pervers de Flaubert l'a affublée. Officier de santé, consternant de médiocrité, bien gentil au demeurant, mais définitivement et parfaitement idiot. Pauvre Emma, condamnée à végéter aux côtés d'un niais dans une bourgade provinciale, mortellement ennuyeuse, où elle va vite s'ennuyer à un point tel qu'elle va s'employer à trouver un amant !

Et maintenant parlons-en des amants. L'infâme Flaubert aurait pu lui offrir des galants d'un niveau relevé ! mais pas du tout. Cet infect Rodolphe, imbu de lui-même et ce petit freluquet de Léon. Mais quelle misère, ma bonne dame !

Et les autres hommes, alors ? Ce misérable Flaubert ne pouvait pas mettre sur sa route quelques mâles valant le détour ? Ah, que nenni ! cette baudruche de Homais, si satisfait de lui-même et ce mielleux salopard de Lheureux.
Voilà tout ce que Flaubert a voulu offrir à son Emma, en dehors de ses piteux amants !

En outre, pourquoi lui avoir fait miroiter la possibilité d'un tourbillon de vie enfiévrée en lui ouvrant les portes de la Vaubyessard, où tout à coup éclatera devant son regard émerveillé le brillant et le clinquant d'une existence de rêve, ou de ce qu'elle jugeait telle.

« Ma pauvre Bovary souffre et pleure dans vingt villages de France ! » disait Flaubert. Il devait ricaner en disant cela, le bougre.
Mais pourquoi cet acharnement contre elle ?
Pourquoi l'avoir méchamment suicidée ?
Pourquoi ne l'avoir même pas laissé aimer sa fille ?
Pourquoi l'avoir voulue séduite et abandonnée ?
Pourquoi lui avoir infligé ce triste époux ?

Mais pourquoi donc ?
Je vous sens pantelant d'interrogation. Oui, pourquoi, pourquoi ?
Je n'y vois quant à moi qu'une seule raison !

Il en était fou amoureux de son Emma, c'était la femme de sa vie, il était jaloux et il la voulait pour lui seul !
Voilà, voilà. N'allons pas chercher midi à quatorze heures !
Gustave Flaubert n'a jamais dit : Emma Bovary, c'est moi.
Non, non, il a dit : Emma Bovary est à moi.

"Ah, Emma, oh Emma ! " - "non, moi, c'est Louise"
"Ah, Emma, oh Emma ! " - "Ouiiiiiiiiiiiiii .......... oh, Gustave !"

Un point, c'est tout.
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Edition présentée, annotée et commentée par Romain Lancrey-Javal, professeur au lycée Fénelon, à Paris

ISBN : 9782035866004

Il fallait bien que cela arrivât . Depuis les profondeurs de ma 3ème - en 1974 - nos chemins ne s'étaient plus croisés sauf l'allusion que fait Faulkner à son sujet en décrivant le Popeye de "Sanctuaire" et puis, ma fille cadette arrivant en Terminale littéraire (bon sang ne saurait mentir ), j'ai revu - et relu - "Madame Bovary." - "Vous n'avez pas pris une ride, ma chère," lui ai-je dit et j'étais sincère. "Si je pouvais m'être aussi bien conservée ... - Mais vous, ma chère, si vous avez changé, je sais que ce changement vous permettra de mieux parler de moi et de me rendre justice. Mais pour l'amour du ciel, dites-moi : M. Flaubert a exagéré, je n'ai pas ses moustaches ? ..."

Emma Rouault, épouse Bovary, l'un des personnages les plus narcissiques de toute notre littérature et aussi l'un des plus attachants. Car le lecteur ne met pas longtemps à comprendre que, bien que n'ayant jamais manqué de rien sur le plan matériel en cet univers, elle est née avec une tendance à la rêverie, un amour de la chimère que toute jeune fille connaît (si, si, même de nos jours ! ) mais sans l'agent qui aurait équilibré tout cela. En général, c'est à la mère que revient cette mission de maintenir l'enfant, puis l'adolescent, dans la réalité : or, Mme Rouault décède alors que sa fille est encore bien jeune et l'on peut dire que, du jour de ce décès, les chiens du déséquilibre sont lâchés.

Autrement dit, le drame peut commencer : tout est en place.

Adorée par son père, un paysan riche mais sympathique, Emma reçoit une éducation "pour demoiselles de bonne famille", dans un couvent où le parfum des cierges, les volutes de l'encens et les chants cristallins des nonnes et de leurs élèves entrouvrent pour elle une porte sur un mysticisme et une foi qui, à une certaine époque, auraient peut-être pu la sauver du suicide. Plutôt bonne élève, elle aime ce qui fait rêver et par-dessus tout les romans (même si, en principe, ce genre d'ouvrages est interdit au couvent à moins qu'il ne s'agisse d'histoires pieuses et édifiantes.) le problème, c'est que cette pénurie, même si elle part d'un sentiment louable, ne fait qu'aggraver les choses parce que les histoires d'amour édifiantes, dans la vie, que ce soit sous le règne de Charles X ou de nos jours ... Vous en avez déjà connu beaucoup, vous ? Seulement, à l'époque, il est strictement interdit de prévenir les jeunes filles qu'on leur ment et que, à l'extérieur du couvent, l'attendent des jeunes gens, rustauds ou gandins, peu importe, mais qui, en les épousant, les traiteront (sauf exceptions rarissimes, mais qui existent) comme des morceaux de viande doublées d'excellentes ménagères mais à qui, surtout, surtout, il ne faut pas parler plaisir. du moment que l'homme, lui, a son plaisir, la femme peut aller se faire... voir. :o)

C'est l'usage. (D'ailleurs, de nos jours, pour certains, l'usage a-t-il tellement changé ? ) Pour Emma, l'"usage" est un peu plus compliqué, d'ailleurs. En effet, elle épouse Charles Bovary, officier de santé, un brave garçon qui n'a pas inventé le scalpel mais qui, à défaut d'une intelligence réelle et d'une beauté qui eût arrondi certains angles, aimera vraiment, réellement Emma. A ceci près que, charnellement, ils ne s'entendront jamais, ce qui est déjà un très mauvais point de départ, surtout pour la femme, le mari ayant, par nature, une tendance très nette à se prendre pour un véritable champion en matière sexuelle . Mais le plus grave, finalement, c'est peut-être que notre Emma, si tête de linotte et si égocentrique qu'elle soit, est tout de même une nature plus fine, plus exigeante que Charles. Elle se résignerait sans doute à tout ce côté détestable du mariage si au moins son mari avait non pas du charisme, mais plus de personnalité. Or, elle le découvre avec horreur d'année en année, c'est un faible, c'est un mou, une nullité, l'humiliation finale étant atteinte avec l'échec de l'"opération" du pied-bot d'Hippolyte.

Un faible honteusement dominé par sa mère qui, d'ailleurs, lui a fait épouser en premières noces une certaine veuve Dubuc, qui avait du bien et au moins vingt ans de plus que lui. Et Charles a dit : "Oui, Maman", comme il continuera à le dire lorsqu'Emma aura le dos tourné. Autrement, c'est : "Oui, Emma" ou "Oui, chérie". Charles est une bonne pâte et ce n'est certainement pas sa faute si sa première épouse est morte, après avoir appris une ruine qui a mis aux cent coups Mme Bovary Mère. Certes, Charles avait commencé à se rapprocher des Rouault - le père avait été son patient - mais eût-il divorcé après la ruine de sa femme, c'eût été certainement pour obéir à "Maman" et non par méchanceté. Disons-le à sa décharge : il y a gros à parier que ce faible aurait d'ailleurs commencé par refuser et même essayé de lutter contre la volonté maternelle. Mais la Mort a tranché - et c'est peut-être plus heureux pour la défunte.

Jeune, jolie, narcissique, aspirant à une vie qui n'existe que dans les romans ou alors chez les gens titrés et qui ont de l'argent, Emma, elle, n'est pas heureuse. Freud était bien loin de pouvoir établir ses théories sur l'Inconscient mais, plus on avance dans la connaissance d'Emma, et plus le lecteur moderne discerne en elle la faille, probablement due, en tous cas largement renforcée par la mort précoce de la mère.

Pour pallier son éternel ennui et la routine d'une vie qu'elle tient pour miteuse, Emma, qui n'a aucun sens maternel, place sa petite Berthe en nourrice et se distrait comme elle peut. Pour reprendre une expression qui dit bien ce qu'elle veut dire, elle se fait son petit cinéma. A Yonville-L'Abbaye, où Charles a emmené sa petite famille dans l'espoir de voir s'améliorer ce que l'on n'appelle pas encore une dépression mais un mal "nerveux", mal dont souffre sa femme, elle attire l'attention du clerc de notaire, Léon Dupuis, un petit jeunot qui, au départ, est persuadé qu'elle ne prête aucune attention à lui. Ce qui, d'ailleurs, est vrai. Maigrelet, provincial, timide, Léon n'a pour l'instant rien pour plaire à Mme Bovary. Puis, elle commence à se rendre compte de certains regards et elle s'abandonne aux charmes du flirt. Mais Léon l'aime-t-elle ? Ne se fait-elle pas des idées ? Et le voilà qui s'en va poursuivre ses études à Paris ! Ah ! le drame ! Quel drame !

Pour la première fois, le lecteur commence à sentir combien Emma, sans en avoir nettement conscience, est heureuse dans le Drame.

D'ailleurs, elle oublie bientôt Léon et tombe carrément dans les bras de Rodolphe, symbole triomphant du "macho" comme Maupassant en a croqué des milliers. Oh ! ce n'est pas le méchant garçon, que ce Rodolphe et il est indéniable, même si Flaubert ne nous le dit pas carrément, que, au lit, il ne doit pas être égoïste avec ses partenaires. Mais quel choc justement, pour Emma, habituée à la tiédeur sans imagination des étreintes de son époux ... C'est une révélation, un véritable coup de folie et comme Emma est incapable d'agir "normalement", elle se fait collante, possessive, jalouse ... tout le contraire de ce qu'il faut se montrer avec un homme comme Rodolphe. Finalement, elle en vient à ne plus supporter le pauvre Charles et, sans se soucier de lui abandonner leur fille, elle n'arrête pas de tanner Rodolphe avec des projets de fuite au bout du monde. Sans se soucier, comme d'habitude, de l'avis de son partenaire, elle fait mieux : elle prépare tout, malles et sacs de voyage, elle paie avec des billets à ordre : elle a perdu la tête ... et d'ailleurs, elle s'en fout !

Mais la sienne, de tête, Rodolphe, lui, l'a toujours sur les épaules et, s'il prend la fuite, c'est sans Emma et pour retrouver la paix. Dommage ! Il l'aimait bien, cette femme mais vraiment ! Quelle furie ! Quelle panthère ! Si peu raisonnable ! Comme tout le monde dans le roman, Charles y compris malgré ses études de médecine, Rodolphe ignore qu'Emma est incapable d'accepter la routine même si on la satisfait au lit. Au-delà la satisfaction charnelle, c'est le Rêve, la Chimère, la Passion tout entière qu'elle veut, qu'elle exige d'une existence qui fait rarement de tels cadeaux - ou alors qui les fait dans l'esprit des Grecs, abandonnant derrière eux leur célèbre Cheval de bourré de guerriers sanguinaires.

Passé le premier choc du départ de Rodolphe, Emma retombe dans sa dépression quasi permanente, dépression que les ennuis d'argent n'arrangent guère. Charles, à nouveau, s'inquiète et, sur les conseils de l'inénarrable pharmacien Homais, l'emmène au théâtre, à Rouen, assister à une représentation de "Lucie de Lammermmoor", d'après Walter Scott, auteur très en vogue à l'époque et l'un des favoris de la jeune femme. (Précisons que Lucie finit plutôt mal : folle et meurtrière. A croire que le seul personnage intelligent de "Madame Bovary" est l'héroïne elle-même. Car expédier une personne triste et déprimée assister à une représentation de "Lucie de Lammermmor", ce n'est vraiment pas très malin ... ) Et sur qui tombent-ils ? Sur "M. Léon" que son étude parisienne a expédié à Rouen pour régler une affaire. Léon, lui, a bien changé, il s'est .... "emparisianné", si j'ose dire. A tel point que, de fil en aiguille, c'est dans un fiacre clos, roulant en plein jour sur les pavés de Rouen, qu'il concrétise sa liaison avec une Emma Bovary toute bouleversée - elle ne pensait pas qu'on pût éprouver un tel plaisir dans un simple fiacre.

Et tout recommence ... Au début, tout est beau, tout est superbe, tout est merveilleux. Et puis arrive la jalousie. Et ensuite les prédictions incantatoires du style : "Tu me quitteras ! Tu te marieras ! Tu en aimeras une autre ! Tu l'aimes déjà, peut-être !"

Le Drame ! Emma est dans son élément mais pas Léon qui commence à envisager la même solution que Rodolphe. Il aide cependant Emma à obtenir une procuration qui lui permettra, à elle aussi, d'avoir un droit de regard sur l'héritage du Père Bovary, manne sonnante et trébuchante qui vient de tomber à point et puis ...

Dois-je conter la fin ? Cette fin que tout le monde connaît ? Ce lit de mort sur lequel Emma, allongée dans sa robe blanche de mariée, lorsque les pleureuses lui soulèvent la tête pour mieux placer le voile, vomit ce liquide noir qui impressionna tellement Faulkner qu'il devait s'en servir plus tard pour définir son Popeye ?

Dois-je aussi rassurer les rares personnes qui s'inquièteraient de la décoration si attendue par M. Homais - et sur l'obtention de laquelle se termine ce chef-d'oeuvre de Flaubert, l'autre étant pour moi, dans un mode en apparence plus mineur, et bien qu'inachevé, l'incontournable "Bouvard & Pécuchet" ?

De nos jours, Emma aurait pu être plus heureuse. Si l'on avait diagnostiqué ce fond dépressif issu de l'enfance et de la mort de la mère. Pour son narcissisme, je ne sais pas par contre si l'on aurait pu faire grand chose. Mais peut-être ... Comme on se dit que; si elle avait eu, pour l'écouter dans le roman, une oreille plus intelligente que celle de l'abbé Bernisien, les choses eussent pu prendre une voie moins sinistre que l'arsenic. Signalons au passage que tant le clérical abbé Bernisien que le voltairien (ou prétendu tel) Homais sont ici renvoyés dos à dos par un Flaubert qui a certainement hésité à se demander auquel il décernerait le Prix de la Sottise. (Moi, je n'ai pas réussi, je l'avoue. )

"Madame Bovary" : un grand roman et un personnage qui mérite mieux que sa réputation. Ecoutez-la s'exprimer, qui balbutie, hésite, pleure vraiment, s'interroge, ne sait plus ... , mais entre les lignes. C'est là qu'elle nous parle le mieux, c'est là qu'elle est enfin elle-même, la véritable Emma, la petite fille perdue qui ne sait pas quel chemin prendre et qu'un Destin implacable, jouant de son égocentrisme il est vrai exaspérant, guide toujours vers l'abîme - mais aussi, compensation d'importance tout de même, vers la célébrité littéraire mondiale. :o)
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Lu dans le cadre du challenge ABC 2013/2014 pour la lettre F comme Flaubert

C'est l'histoire de Mme Bovary, qui sans cesse bercée par ces lectures romantiques dans sa jeunesse, va vite s'ennuyée auprès de son mari M. Bovary, médecin. Lui étant extrêmement amoureux et très naïf ne s'aperçoit pas de la tristesse de sa femme.

Et l'ennui on le partage avec elle pendant toute la première partie du livre. Elle se rappelle son enfance, se plaint de tout…. Il faut s'accrocher pour passer cette partie et ensuite, l'histoire est beaucoup plus intéressante. Elle l'est par la survenue de pas mal de personnages, forts en caractère.

Madame Bovary est égoïste, méchante et naïve quelquefois. Je l'ai détesté, parfois je l'ai comprise, … Lui est naïf, il ne voit rien. D'ailleurs, il y a quelques scènes drôles sur son côté naïf… Dignes d'une pièce de théâtre comique…

Mise à part la première partie, je ne me suis pas ennuyée. L'écriture de Flaubert est très fine. L'organisation de l'histoire est parfaite. J'ai adoré ce livre que je n'aurai sûrement pas lu sans ce challenge.


Lien : https://letempsdelalecture.w..
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Pour un montréalais ou un mexicain, la littérature française c'est Flaubert et Baudelaire. Pas Balzac ou Proust, ni Racine ou Stendhal. Pourquoi? Un commentaire récent sur Houellebecq et son Extension reprochait particulièrement l'ennui qui suinte, l'ennui de lire et l'ennui inhérent à l'oeuvre comme thématique. Mais c'est précisément ce qui fait l'attrait de la littérature française, le spleen de Baudelaire et l'ennui de Flaubert, de la province, son inertie et sa vacuité. Non plus seulement le Bordeaux, comme disait Renaud ("Ils exportent le sang de la terre\Un peu partout à l'étranger\Leur pinard et leur camembert\C'est leur seule gloire à ces tarés"), mais l'ennui comme produit d'exportation et d'attrait consensuel envers cette France, parce qu'être né sous l'signe de l'hexagone\On peut pas dire qu'ça soit bandant...
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A-t-on encore besoin d'expliquer en quoi ce roman est excellent? Comment ne pas compatir au sort de son héroïne maudite?
Qui a souffert de la constriction de la vie au fin fond de la campagne, de ses hypocrites conventions en autant d'anneaux étouffants, de son ennui oppressant, garde pour toujours en soi une faille similaire à celle qui sera fatale à Emma Bovary.
Est-ce à dire que le citadin serait moins concerné? Non, bien sûr! Il n'est pas nécessaire de passer un diplôme d'astronomie pour admirer le ciel nocturne.
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Flaubert, dans le monde des écrivains est une espèce de trublion : certains auteurs s'effacent devant leur sujet, d'autres « sont » leur sujet. Gustave, lui, il fait les deux à la fois. Oui, je sais, il a dit « Madame Bovary, c'est moi », mais ce qu'il a voulu dire c'est qu'il s'est beaucoup investi pour écrire ce personnage (connaissant l'auteur, il n'y a pas de doute là-dessus), mais pas forcément que ce personnage s'est investi en lui : sa personnalité et celle d'Emma sont très différentes, et s'il dit « Madame Bovary, c'est moi », il aurait autant de raisons de dire « Charles Bovary, c'est moi » ou « n'importe quel autre des personnages du roman, c'est moi ». D'une façon générale, nos créations peuvent nous ressembler, car nous y avons mis un peu (ou beaucoup) de nous, mais elles ne sont pas nous, pas plus que nous sommes elles, d'autant plus que dès qu'elles sont dans l'imaginaire d'autrui (le lecteur, par exemple) elles peuvent être remodelées et vues différemment. le coup du « c'est moi », s'il a vraiment existé, est à mon avis, en grande partie médiatique, et l'on peut penser que la publicité du procès a fait plus pour le roman que s'il était paru en librairie de façon plus conventionnelle (ce n'est que mon impression, Baudelaire, lui, jugeait que « le livre, non tourmenté, aurait obtenu la même curiosité, il aurait créé le même étonnement, la même agitation).
L'histoire d'Emma est pathétique, et en même temps, de la façon dont l'auteur nous la présente, on ne sait pas s'il faut la plaindre ou la blâmer. Les deux sans doute. C'est qu'elle n'a pas de veine, Emma, c'est une femme mal mariée : avec un type qui ne la bat pas, non, mais qui ne la rend pas heureuse, tant il est prosaïque, casanier, alors qu'elle elle ne rêve que d'aventures. C'est ça son problème, c'est Don Quichotte en jupons, elle a des fumées plein la cervelle et ajuste la réalité à l'idée qu'elle s'en fait. Elle est mariée au mauvais bonhomme, mais il ne pourrait pas en être autrement, même s'il se rapprochait de l'être idéal qu'elle a dans la tête. Double problème, car personne ne peut l'aider : d'abord aucun de ses amants ne la satisfait, et puis, autour d'elle il n'y a que des minables, petits bourgeois étriqués, sans envergure, avec une ambition de boutiquier (façon de parler, je n'ai aucune intention désobligeante à l'égard des petits commerçants) et puis, il y a dans cette ville de Rouen un ennui, mais un ennui ! On comprend qu'Emma veuille sortir de ce milieu désespérant, mais elle n'en a pas les moyens, et trouve toujours les pires solutions : son mari ne vaut pas cher mais ses amants de substitution, sont d'une telle fadeur, que toutes les épices du monde ne sauraient la relever. Ah ! Etre une femme libérée, c'est pas si facile…
Le roman a fait scandale en 1857. La société de cette époque ne pouvait accepter un tel étalage de débauche et de turpitude. Pourtant Flaubert fut acquitté. La même chambre correctionnelle, la même année, s'en prit à Baudelaire pour « Les Fleurs du mal », et le poète fut condamné. O tempora ! ô mores !
Reste que Flaubert a écrit un chef-d'oeuvre. Sur le fond, comme dit Baudelaire dans sa remarquable critique du roman « Une véritable oeuvre d'art n'a pas besoin de réquisitoire. La logique de l'oeuvre suffit à toutes les postulations de la morale, et c'est au lecteur à tirer les conclusions de la conclusion » (Critique littéraire – 1857). Sur la forme, Madame Bovary est un bijou ciselé à la perfection, au mot juste, au balancement des phrases bien agencé, aux descriptions précises sans être fastidieuses.
Le roman a été souvent adapté au cinéma, mais aucune réalisation n'émerge vraiment au-dessus du lot. Citons celle, classique, soignée, mais un peu lisse, de Claude Chabrol en 1991, avec Isabelle Huppert et Jean-François Balmer

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Je connaissais ce classique que de nom, et afin de me décider si je me le procurais ou non, j'ai fait quelques recherches et j'ai été étonné de lire bons nombres d'avis négatifs sur cette oeuvre. C'est finalement ce qui m'a convaincu, au delà du résumé, de me jeter corps et âme au coeur de ce voyage et finalement, je suis agréablement surpris.

En effet, j'ai adoré découvrir la France et ses régions d'antan. Moi qui apprécie le côté historique de chaque classique que je découvre, j'ai apprécié découvrir comment vivait notre peuple dans les années passées. Ce qui m'a surtout surpris, c'est la facilité avec laquelle je suis parvenu à m'imaginer les rues et autres lieus présentés par l'auteur et ses méticuleuses descriptions. J'ai eu l'impression de fouler le pavé au bras d'Emma tout au long de ma lecture et j'en suis plus que ravi. de plus, Gustave Flaubert dépeint en toute sincérité comment fonctionnait la société de l'époque. Cette réalité peut paraître à certains grossière mais personnellement j'ai adoré ce côté acerbe de sa plume. Il assume entièrement son écrit et le met en oeuvre d'une manière totalement authentique. Ainsi, découvrir les supercheries et autres mondanités de l'époque m'a été totalement rafraichissant et ne semble guerre loin de notre monde actuel.

En ce qui concerne les personnages présentés dans ce roman, ces derniers m'ont paru assez stéréotypés et poussés à leur paroxysme. En effet, Emma, notre héroïne, est vraiment l'un des personnages les plus mauvais que j'ai pu lire. Vénale et totalement déloyale, elle n'a cessé de me paraître antipathique. Pourtant, lorsque je suis arrivé au point final de ce roman, ma position a fortement changé et j'ai fini par avoir pitié de celle-ci. Derrière ses excès se cache finalement une femme qui ne parvient pas à trouver sa place au sein de la société et qui tente par tous les moyens possibles de se recréer afin de trouver son bonheur. Bien entendu, ses choix bien souvent immoraux pousseront le lecteur à la détester mais en y regardant par delà, c'est un véritable martyr qui nous est offert. A l'inverse, son mari Charles m'a paru assez plat du fait de son trop bon caractère et sa complaisance. Je ne l'ai pas détesté pour autant mais il m'a manqué cruellement de substance pour qu'il puisse pleinement m'émouvoir. Fort heureusement, bon nombres de personnages gravitent autour de la famille Bovary et Gustave Flaubert leur confère d'incroyables personnalités offrant une vraie palette de diversité. J'ai vraiment apprécié faire leur connaissance et qu'ils soient bons ou mauvais, chacun m'aura interpellé à sa manière.

Pour faire court, Madame Bovary est un très bon classique français. J'ai été agréablement surpris par le ton et le style de Gustave Flaubert. D'une sincérité pure, il offre une vision claire et réelle de la société de l'époque. Sans tabous, Emma est la parfaite victime de cette dernière et derrière ses nombreux défauts, se cache un véritable martyr.
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Ce qui est génial avec "Madame Bovary", c'est qu'il est de ces romans dont chaque relecture s'accompagne de son lot de découvertes, de questions, de sensations... A l'instar des "Indiana" et "Lélia" de George Sand ou de "Belle du Seigneur" chez Albert Cohen, "Madame Bovary" ne se lit pas de la même manière à quinze, vingt, trente ans... et je gage que quand je prendrai idée de le relire dans cinq ou dix ans, j'en tirerai encore une nouvelle essence...
C'est peut-être ça qui fait un classique finalement, ça et le fait qu'un roman soit toujours aussi lu, aimé, détesté, commenté cent soixante et un an après sa première publication...
L'histoire d'Emma est celle d'une jolie jeune femme élevée au couvent grâce au labeur de son père, riche fermier, pétrie de romans de chevalerie et de romans d'amour qui épouse le pâle, le fade Charles Bovary, officier de santé. Mariage de convenance, mariage pour échapper à la monotonie d'une vie bien trop rangée de jeune fille... Il est bien brave Charles, il est gentil... et il l'aime son Emma, maladroitement, simplement.
Elle, elle voudrait des amours interdites et shakespeariennes, de la passion. Elle voudrait qu'on se batte pour elle, qu'on l'enlève... Et qu'on l'emmène loin, par delà les mers, les océans... Comme Mathilde Loisel dans "La Parure", elle voudrait des bals, de riches tapisseries, des boiseries dorées, des toilettes à faire pâlir d'envie les impératrices, des soupers fins... et comme Mathilde, elle doit se contenter du pot au feu et des nappes de trois jours...
Emma s'ennuie et son roman est celui de cet ennui qui saisit, qui engourdit. La jeune femme alors se jette dans des passions dans lesquelles elle-seule croit. Elle aime, elle joue, elle dépense dans une soif inextinguible de changements, de vie mais sans jamais trouver la satisfaction ou l'apaisement. C'est à sa perte que tout cela la mènera...
Oui, il y aura la maternité mais le petit prince tant désiré est une décevante petite fille que sa mère ne regarde pas vraiment.
Oui, il y a Charles qui essaie de la comprendre, sans succès.
Alors oui, Emma s'enfonce... Et cette chute qu'elle voudrait sublime n'est que le reflet pathétique de sa vie grise et étriquée qu'elle a tenté d'enjoliver sans vraiment y parvenir. Paradoxalement, il est là, le sublime d'Emma Bovary, dans sa médiocrité vécue avec absolu.
A la complexité de cette intrigue que les profanes trouvent trop simple et fastidieuse à pleurer, il faut ajouter, comme toujours avec Flaubert, la perfection de la langue. Chaque mot, chaque syllabe, chaque son est à sa place pour interpréter la partition d'une pureté limpide, lumineuse avec autant de finesse que de précision.
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Mme Bovary est mon premier roman "classique".

Pour avoir pris connaissance de certaines critiques et de la polémique générée par ce livre à l'époque de sa parution, je m'attendais à quelque chose de sulfureux, voire osé, or il n'en fut rien : la plume de Flaubert est magnifique, délicate et pudique lorsqu'il nous dépeint ses personnages et plus particulièrement Emma, ses extravagances, ses rêveries, ses fulgurances sentimentales et adultères... Bien que j'ai par moments eu un peu de mal tant il y avait de descriptions et de détails, notamment au début du livre où certains passages m'ont semblé longs et sans grande action, j'ai rapidement été transportée dans l'univers des Bovary et agréablement surprise de la tournure que prenait l'histoire.

Je ne sais trop que penser d'Emma, exaspérante par son côté égoïste, exigeante et parfois méprisante, rêveuse utopiste et aigrie, son incapacité à apprécier ce qu'elle a, à s'ancrer dans la réalité, à s'aimer, aimer les siens... Et en même temps, elle m'a touchée ; c'est un peu comme si elle était enfermée dans sa tête, dans ses rêves, malheureuse et désabusée de la vie platonique qu'elle s'est choisie, attendant qu'on la sauve, meurtrie dans l'âme et vulnérable derrière ses airs hautains.
Au fil des chapitres, l'histoire devient rebondissante, je me suis demandée jusqu'où aller la mener sa frénésie.
J'ai également été touchée pour son mari, brave, amoureux et complètement à côté de plaque, qui ne saura jamais la comprendre ni au fond la connaître, et cette petite fille, qui n'apparaît que brièvement, à l'image de la considération que lui portait sa mère.

En bref... cette oeuvre est un petit bijou de littérature, et c'est la première fois que je pleure en terminant un livre !
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S'agissant d'une relecture, j'espérais y découvrir, ayant acquis avec l'âge une certaine sagesse, le côté sympathique d'Emma. Malheureusement, il n'en fut rien, je n'arrive toujours pas à m'attacher à cette femme qui, ne sachant quoi faire de la Vie, s'en invente une. Bien-sûr qu'il n'était pas facile pour une fille de la campagne d'accéder au grand monde et à ses tentations et c'est là, qu'elle est pathétique. Bien-sûr qu'il est facile de louper sa vie si on n'y prend garde, si on n'a pas de chance aussi. Sans doute, aprés tout, ne suis-je qu'une sale mécréante incompréhensive !!!
Cela n'ôte rien, bien-entendu, au grand talent de Flaubert que j'adore.
Encore une fois, le plaisir de la lecture était là, intact.
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