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Nathalie Bauer (Traducteur)
EAN : 9782020400664
750 pages
Seuil (24/03/2001)
4.2/5   22 notes
Résumé :
Le milieu du XVIe siècle en Europe n'est pas une époque de tout repos : révoltes contre les empires, contre la papauté, rebellions paysannes, tentatives de réformes de la religion... Le vacarme des armes qui s'entrecroisent et l'horreur des massacres en tous genres servent de toile de fond à un affrontementsans pitié, via de multiples complots, entre le mystérieux "Q", un agent secret au service de l'Inquisition, désignée ici sous le nom de Carafa, et un non moins m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Une révolution dans le roman historique : 40 ans de luttes à l'apparition du protestantisme.

Publié en 1999 (et traduit en français en 2001 par Nathalie Bauer), « L'oeil de Carafa » (« Q » en italien d'origine et en anglais) est le premier roman du collectif d'écrivains de Bologne, Wu Ming, paru en fait sous le nom de Luther Blissett, le vaste collectif européen d'action artistique et de canular politique, auto-dissous en 1998, dont ils furent des membres actifs dès l'origine.

Sept cent trente pages et deux voix pour, de fait, contribuer puissamment à révolutionner le roman historique, et fonder l'école informelle (et néanmoins controversée) du « Nouvel Épique Italien », avec la complicité bienveillante de Valerio Evangelisti, de Carlo Lucarelli, de Massimo Carlotto, voire de Giancarlo de Cataldo et de Roberto Saviano.

Le narrateur, anonyme – ou plutôt changeant allègrement de pseudonyme chaque fois que nécessaire -, arpente l'Europe de 1515 à 1555, spectateur et acteur des immenses soubresauts apportés par l'installation de la Réforme protestante, et par la lutte acharnée entre l'Empire de Charles Quint, le royaume français de François 1er, les princes allemands et la Turquie de Soliman le Magnifique, sous le regard acéré de la Curie romaine. Jeune passionné et radical, il prend rapidement acte, avec de nombreux camarades, de la tiédeur complaisante d'un Martin Luther qui, passée la ferveur de l'affichage de ses thèses sur la porte de l'église de Wittemberg, a bien tôt fait de se ranger, avec armes et bagages, au côté des princes allemands et de leur féodalité maintenue, alors même qu'un instant, un immense espoir s'était levé pour les pauvres et les réprouvés. le narrateur sera donc, avec constance, de toutes les batailles radicales perdues du demi-siècle, de toutes les folies expérimentales, de toutes les quêtes généreuses de l'époque : combattant avec Thomas Müntzer, l'instigateur de la grande révolte paysanne (celle qu'analysera Friedrich Engels en 1850), à la bataille de Frankenhausen (1525), participant, rapidement dégoûté et incrédule dès les premières dérives, à l'éphémère royaume théocratique anabaptiste de Münster et aux folies de Jean Matthijs et Jean de Leyde (1535), combattant au sein de la violente colonne de Jan de Batenburg jusqu'à la capture et l'exécution de celui-ci en 1538, sympathisant du phalanstère (avant la lettre) d'Eloy Pruystinck et de ses amis, à Anvers, jusqu'en 1544, avant de faire fortune en participant à une arnaque sophistiquée aux dépens des banquiers Fugger, principaux financeurs des guerres et des oppressions à l'époque, et de s'établir à Venise pour un « final » hallucinant, allié à une riche famille de marchands et activistes Juifs portugais…

C'est qu'entre temps, avec toujours plus de force au fil des pages, la deuxième voix du roman a pris son essor : figurant uniquement sous forme de lettres et de rapports adressés à son commanditaire, l'espion et infiltrateur catholique « Q » (pour Qohélet, pseudonyme renvoyant au livre de l'Ecclésiaste) décrit patiemment au cardinal Carafa, animateur de la frange plus dure de l'église catholique (il sera l'instigateur de la création de l'Inquisition romaine en 1542 avant de devenir le pape Paul IV, l'un des plus féroces de l'histoire, en 1555), les signaux d'alerte sur les activistes protestants et anabaptistes les plus menaçants, oeuvrant surtout, en véritable agent provocateur, à trahir et faire échouer de l'intérieur les mouvements les plus dangereux pour la papauté et pour les puissants de ce monde, jusqu'aux confrontations finales quand le narrateur aura enfin réalisé le rôle de cette ombre secrète qui traqua ses actions et celles de ses compagnons pendant plus de trente ans…

Roman d'une rare puissance et d'une extrême ambition, donc, recourant à la fois à une recherche minutieuse et à un jeu subtil d'anachronismes « étudiés » et de langages virtuoses, pour donner un sens inhabituel à une période historique d'une part, et pour indiquer par analogie de possibles mécanismes de lutte contemporaine, d'autre part.

Roman dont on ne peut qu'attendre avec impatience la réédition, et pourquoi pas dans une nouvelle traduction française qui, à l'instar de la magnifique traduction anglaise de Shaun Whiteside, serait davantage fidèle aux recherches langagières et à la langue bien particulière du collectif bolognais.
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Si le nom de l'auteur : Luther Blissett fleure bon le canular et sert de faux nez au collectif italien Wu Ming, le roman n'a rien d'une arnaque bien au contraire. On a affaire à ce qui se fait de mieux en matière de roman historique, la comparaison avec « le nom de la rose » n'est pas usurpée en termes de qualité et même de fond puisque les troubles religieux et la résolution d'une énigme sont le socle du roman.
Au XVI ème siècle, l'émergence de la réforme luthérienne va provoquer des troubles en série en Allemagne, aux Pays Bas, en Belgique et en Suisse et puisque le pouvoir catholique est contesté, pourquoi ne pas s'attaquer aussi aux autres privilèges ?
Les paysans se soulèvent contre les seigneurs et cherchent à créer une nouvelle société égalitaire. Des flambées de violence enflamment différentes villes où le peuple prend le pouvoir avant d'être réprimé brutalement par les autorités.
Gert du Puits appartient au camp de la révolte, ce nom n'est pas sien et le lecteur ne sait rien de son passé mais il va de ville en ville accompagnant des prêcheurs, pseudo messies mais vrais agitateurs religieux et politiques. Comme il sait se battre et qu'il a du flair, il arrive à échapper aux châtiments et aux massacres qui frappent les malheureuses villes qui se sont soulevées contre le pouvoir.
Il ne sait pas que dans l'ombre agit un ennemi, qui comme lui est de toutes les insurrections mais dans le camp opposé. Un espion qui se fait appeler Q pour Qohélet renseigne au Vatican le cardinal Carafa chef du clan des catholiques durs. Les informations transmises par Q permettent au camp des puissants de tout savoir sur les moyens et les intentions des insurgés et ainsi de les combattre efficacement.
Des années plus tard du Puits après maintes fuites et déceptions va comprendre qu'un traitre agit dans l'ombre et cause la perte des hérétiques et des réformateurs, dès lors il n'aura de cesse de l'avoir démasqué.
Roman savant décrivant contexte social et religieux du XVI ème siècle, en particulier les mouvements hérétiques, leurs doctrines et les leurs meneurs. L'oeil de Carafa est aussi un roman de cape et d'épée avec ce qu'il faut de batailles, de poursuite, de coups tordus et de femmes troublantes.
Certains voient dans ce livre une image du monde d'aujourd'hui dans lequel les mouvements revendicatifs sont écrasés par les pouvoirs, c'est leur droit mais sans aller si loin c'est surtout un régal de lecture, intelligent, nerveux et addictif digne d'Alexandre Dumas.
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Ayant lu et d'ailleurs chroniqué ici le récent essai de l'auteur sur le complotisme, où il est fait allusion à ce roman, j' ai eu la curiosité de le lire.
Comme pour l'essai en question, mes sentiments sont mitigés.Je suis peut-être d'autant moins enthousiaste que j'ai lu des critiques le mettant au rang du livre d'Eco, le nom de la Rose, et que la comparaison est écrasante pour Blissett -Wu Ming.
Cela dit, Q, l'oeil de Carafa est st l'aboutissement d'un travail de recherches remarquable. Il évite les travers courants des romans, erreurs flagrantes et anachronismes, quoi que sur ce point, il n'en soit pas totalement exempt en ce qui concerne les mentalités, mais ils sont sans doute voulus par l'auteur.
Pourtant, sans trop savoir pourquoi je n'ai pas accroché, et me suis assez vite ennuyé. Et j'ai abandonné aux alentours de la deux centième page.
J'ai cependant lu la fin par curiosité. Je ne suis pas tout à fait sûr d'avoir percé le mystère de l'identité de Q.
Un reproche quand même. La fin se déroule à Constantinople et on a droit au couplet convenu sur la toute puissance et la tolérance de l'Empire Ottoman, qui relèvent largement toutes les deux d'un mythe construit au siècle des Lumières comme un contre-exemple permettant de critiquer les institutions européennes, spécialement françaises, par des gens qui ne connaissaient pas l'Empire Ottoman et ne se souciaient pas de le connaître, car ce n'était pas leur propos, mais qui fut pris au pied de la lettre par la suite.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Il est écrit sur la première page : dans la fresque, je suis l’une des figures à l’arrière-plan.
Une écriture soignée, minuscule, sans la moindre bavure, formant des lieux, des dates, des réflexions. C’est le carnet des derniers jours convulsifs.
Les lettres sont vieillies et jaunies, poussières de décennies passées.
La pièce de monnaie du royaume des fous se balance sur ma poitrine, symbole de l’éternelle oscillation des fortunes humaines.
Le livre, le dernier exemplaire rescapé peut-être, n’a plus été ouvert.
Les noms sont des noms de morts. Les miens, et ceux des hommes qui ont parcouru ces sentiers tortueux.
Les années que nous avons vécues ont enseveli à jamais l’innocence du monde.
Je vous ai promis de ne pas oublier.
Je vous ai mis à l’abri dans ma mémoire.
Je veux tout maîtriser depuis le début, les détails, le hasard, le flux des événements. Avant que le recul ne brouille mon regard, émoussant le vacarme des voix, des armes, des bataillons, atténuant les rires et les cris. Et pourtant, seul le recul autorise à remonter à un début probable.
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