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sur 1850 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« J'ai écrit ce qu'il y a de plus grand, cela ne fait aucun doute, mais c'est aussi de cette façon que j'ai tétanisé la littérature allemande pour quelques siècles. » faisait dire le subversif dramaturge et écrivain autrichien Thomas Bernhard à son Johann Wolfgang von Goethe fictif dans « Goethe se mheurt ».

Quel est donc ce best-seller qui assura à Goethe, avant son Faust, la renommée éternelle ? Les jeunes gens de la fin du XVIIIe siècle commencèrent à s'habiller comme Werther et Charlotte, à se faire la cour comme dans le roman et à endurer les mêmes funestes tourments, une vague de suicides faisant la légende pourpre de ce livre.

Dans ce roman épistolaire, cette confession amoureuse, Goethe s'inscrit à l'exact opposé d'un autre grand roman épistolaire, « Les Liaisons Dangereuses » de Choderlos de Laclos, paru à la même époque. L'un est l'archétype du roman libertin quand l'autre est le parangon du romantisme en littérature.

Bien que précurseur, le romantisme aura tout le XIXe siècle pour étendre son emprise sur les arts et les lettres, je ne peux qualifier le roman de Goethe de prototype. L'amour courtois lui précède, et même un siècle avant, les poignantes « Lettres portugaises » de Guilleragues, présente d'importantes similitudes, mais reste succinct comparé à l'extraordinaire densité des transports du jeune Werther.

« Tout, dans cette vie, aboutit à des niaiseries ; et celui qui, pour plaire aux autres, sans besoin et sans goût, se tue à travailler pour de l'argent, pour des honneurs, ou pour tout ce qu'il vous plaira, est à coup sûr un imbécile ». Comme souvent, avec ce qui devient un « classique » on retrouve l'influence de Werther chez beaucoup de personnages du roman d'apprentissage, je pense à Julien Sorel de Stendhal. le héros de « le Rouge et le Noir » partage l'absolutisme des sentiments de Werther, son individualisme exacerbé et son refus méprisant, infamant, du compromis, de la nuance, du « faire avec » auquel la société nous soumet si l'on veut compter et évoluer en son sein.

Tel un mustang farouche qui veut « s'ouvrir la veine pour respirer », Werther dédaigne d'être dompté par la morne vacuité de l'existence, du travail, de la couarde sagesse que l'on tente de substituer à son tempérament de feu et au péremptoire de ses jugements.

« Je me briserais le crâne, quand je vois combien peu nous pouvons les uns pour les autres. » C'est cette exaltation, cette pureté et cette absence de cynisme du personnage, malade d'amour, qui emportent et parfois séduisent les lecteurs. Pureté également de la langue, celle du XVIIIème siècle, parfaite et cependant accessible.

Cela me rappelle les mots du poète Henri Michaux pour qui « la continence », la « maladie de l'excès de force lui est spécialement intolérable », Werther, dans toute sa tension, représente cette continence, sa passion dévorante, abyssale pour Charlotte, sa jalousie d'Albert, qu'il trouve si fade, sa continence vis-à-vis des forces supérieures qui se jouent en société et qui courbent l'orgueil et la pureté de la vertu des hommes l'amène d'une façon ou d'une autre à « être vaincu » dans l'acte d'amour ou dans l'acte de mort, quoiqu'il advienne, il faut par injonction qu'il « décharge ».

« Oh ! pourquoi êtes-vous né avec cette fougue, avec cet emportement indomptable et passionné que vous mettez à tout ce qui vous attache une fois ! »

Ainsi Goethe, pour être sauvé, sacrifie son personnage au démon. Je tiens cela de Stefan Zweig qui, dans « le Combat Avec le Démon » montre comme Goethe garde la maîtrise et la tiédeur dans sa vie, contrairement à Hölderlin ou Kleist qui plongent eux-mêmes dans l'abîme, sans alibi romanesque, sans alter ego à torturer pour s'épargner une vie confortable.

« Je rentre en moi-même, et j'y trouve un monde ». Héros romantique, au fil des pages, Werther laisse éructer sa tragique révolte, « fatal and fated » comme l'eût écrit Lord Byron, dans une mélancolique introspection.

On a pu faire parfois le reproche aux romantiques d'être hors du corps, hors de la chair. Flaubert écrivait sur Lamartine « la couille lui manque », ici Werther donne le ton de ce que sera le romantisme : « Elle est sacrée pour moi ; tout désir se tait en sa présence », c'est en ce sens que je parlais d'amour courtois.

Alors la continence, le désir se taisent-ils vraiment ? Eh bien pas tout à fait : « lorsque nos pieds se rencontrent sous la table ! Je me retire comme du feu ; mais une force secrète m'attire de nouveau ; il me prend un vertige, le trouble est dans tous mes sens ». Cette ambivalence n'est qu'un des nombreux tiraillements qui exaspèrent et tourmentent la jeune expérience de Werther.

(Les esprits les plus alambiqués – dont je ne suis pas - pourraient même détourner les actes en apparence les plus serviables : « J'étais allé aujourd'hui accorder le clavecin de Charlotte » bien que nous soyons pourtant très loin de la correspondance codée de George Sand et Alfred de Musset…)

D'ailleurs à propos de Charlotte, une question surgit au fur et à mesure de l'ouvrage, face à un tel emportement amoureux, puisque nous n'avons que les lettres de Werther, est : que pense Charlotte, ou plutôt que ressent-elle pour Werther ? le saura-t-on ?

Ainsi l'oeuvre de Goethe n'est ni statique ni contemplative, les symptômes empirent, la raison s'obscurcie, et nous avons l'impression que, malgré quelques tentatives, nous perdons peu à peu le Werther du début, un sentiment paradoxal que décrivait bien le dramaturge Heinrich von Kleist : « nous voyons que, dans le monde organique, plus la réflexion paraît faible et obscure, plus la grâce est souveraine et rayonnante. »

Je ne peux lire le soliloque épistolaire du jeune Werther sans convoquer ici (encore) Roland Barthes qui puisera dans les lettres de Werther la matière de ses « Fragments d'un Discours Amoureux », ce sont les mots de Goethe qui inspirent Barthes, un exemple parmi tant d'autres : « je m'abime, je succombe… » de Werther inspire à Barthes un fragment sur l'anéantissement que représente pour l'amoureux le fait de « s'abîmer ».

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Sur son lit de mort, la mère de Charlotte dans un dernier souffle fait promettre à sa fille de se vouer aux enfants, de s'assumer en tant que mère et même de porter soutien à son père, puis, comme s'il n'y suffisait pas, elle la recommande à ce cher Albert, ami de la famille, ainsi instituée sa promise.
Certes ! Une recommandation qui apaise la mère quittant le monde des vivants en emportant l'image sereine du couple se soumettant. Mais Charlotte endosse ce rôle bien au-delà qu'il eut fallu tant elle se leurre sur la nature des élans de connivence et d'affection qui la relient à Werther, lequel découvre pareillement que l'attachement de réciprocité qui les pousse l'un envers l'autre est pernicieux puisque scellé des flammes de la passion... J'aurais pu trouver cette lecture désuète et pourtant non ! Même ! Je dirai plus, j'aurais été peinée de passer à côté et d'en méconnaître le sens, le déroulement et la beauté du récit. du reste, pour le trouver désuet encore faudrait-il que je dénie le sentiment amoureux. Or, fort heureusement, ou bien fort malheureusement par ailleurs, l'amour existe. Oui ! Je suis bien sûr de moi criera-t-on ! Qu'est-ce qu'elle en sait ? Mais alors pourquoi ces livres ? Et quand bien même, sans eux ! Pourquoi faudrait-t-il vivre sans espoir ? Vivre sans amour ? Non ! Je ne le veux pas. Pour sûr ! Tout le monde et moi donc n'est pas aimé en retour de ce qu'il attend. Si, si ! Non, non ! Comme ce serait simple. J'imaginais parfois avec un soupçon d'ironie que se trouve dans ma boîte aux lettres, quelques certitudes. Oui ! Vous avez non pas gagné le gros lot mais choisi la bonne personne. Vous pouvez aller en chemin jusqu'à votre dernière heure et couler des jours paisibles, quel qu'en soit le menu, la longévité... Rire... Peut-être qu'il suffirait de ne pas mettre trop haut la barre !
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ㄧ Ainsi fait ! Werther aime la nature et jouit en contemplateur de choses offertes et de joies simples :
« Que je suis heureux d'avoir un coeur fait pour sentir la joie innocente et simple de l'homme qui met sur sa table le chou qu'il a lui-même élevé ! Il ne jouit pas seulement du chou, mais il se représente à la fois la belle matinée où il le planta, les délicieuses soirées où il l‘arrosa, et retrouve en ‘un' instant le plaisir qu'il éprouvait chaque jour lorsqu'il en suivait la croissance. » (p. 71)
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ㄧ Werther se redécouvre à travers la reconnaissance de l'autre :
« Elle m'aime ! combien je me deviens cher à moi-même ! combien ㄧ j'ose te le dire à toi, tu m'entendras ㄧ combien je m'adore depuis qu'elle m'aime ! » (p.81)
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ㄧ Désinhibé par le ressentiment amoureux, il s'exalte et babille comme un enfant :
« Comme je me retirais hier, elle me tendit la main, et me dit : « Adieu, cher Werther ! » Cher Werther ! C'est la première fois qu'elle m'ait donné le nom de ‘cher ‘, et la joie que j'en ressentis a pénétré jusqu'à la moelle de mes os. Je me le répétai cent fois ; et le soir, lorsque je voulus me mettre au lit, en babillant avec moi-même de toutes sortes de choses, je me dis tout à coup : « Bonne nuit, cher Werther ! » et je ne pus ensuite m'empêcher de rire de moi-même. » (p.144/145)
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ㄧ Mais la passion le vole en sa tête et il se languit de n'être point cet homme un instant rencontré, qui lui, a perdu la raison :
« Où tu étais heureux ! me suis-je écrié en marchant précipitamment vers la ville, où tu étais content comme un poisson dans l'eau ! ㄧ Dieu du ciel, as-tu donc ordonné la destinée des hommes de telle sorte qu'ils ne soient heureux qu'avant d'arriver à l'âge de la raison, ou après qu'ils l'ont perdue ? » (p.148)
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C'est riche ! Il n'y a pas d'espace fortuit et la lecture pourtant reste d'un bout à l'autre captivante.
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Cette lecture a quelque chose de nostalgique pour moi, et ce pour les raisons suivantes:
D'abord, elle vient après quelques années de mes lectures des œuvres romantiques (Constant, Chateaubriand, Musset, Vigny...), ce romantisme que je n'ai pas revisité depuis.
Ensuite, il me rappelle mes lectures des œuvres du XVIIIe siècle et les romans épistolaires de l'époque (surtout Rousseau...).

L'envie de lire ce roman remonte à ma lecture de "Les dieux ont soif" où Evariste le héros observe sa bien-aimée :
Élodie coupait en tranches un pain de quatre livres encore chaud du four. Gamelin, en la voyant faire, lui dit :

— J'ai lu, il y a quelques jours, un livre écrit par un jeune Allemand dont j'ai oublié le nom, et qui a été très bien mis en français. On y voit une belle jeune fille nommée Charlotte qui, comme vous, Élodie, taillait des tartines et, comme vous, les taillait avec grâce, et si joliment qu'à la voir faire le jeune Werther devint amoureux d'elle.
— Et cela finit par un mariage ? demanda Élodie.
— Non, répondit Évariste ; cela finit par la mort violente de Werther.

Ces tartines reviennent dans un dialogue de "L'Education sentimentale", entre Madame Arnoux et Frédéric :

— Quelquefois, vos paroles me reviennent comme un écho lointain, comme le son d’une cloche apporté par le vent ; et il me semble que vous êtes là, quand je lis des passages d’amour dans les livres.
— Tout ce qu’on y blâme d’exagéré, vous me l’avez fait ressentir, dit Frédéric. Je comprends Werther, que ne dégoûtent pas les tartines de Charlotte.

"Les souffrances du jeune Werther" pourrait paraître pour le lecteur moderne comme une exagération parfois insupportable des sentiments. Or si ce lecteur a bannit le romantisme (peu ou prou) de sa "cité" livresque, il se plaît à le suivre hors de ce "lieu" pour y puisait son amour de la nature idyllique, les sentiments à l'état pur, l'amour platonique et revoir ces âmes exigeantes et douceâtres.

Goethe nous mène dans les tréfonds de son personnage qui s'exprime sans retenue, il y met un peu de ce qu'il était lors de cette écriture. C'était une bonne lecture où j'ai revécu toute une époque (de mes lectures antérieures) avec ses impressions, ses bonheurs. Un roman tout en douceur où les sentiments remontent dans un crescendo violent qui se termine par le tragique.
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Quelle belle surprise ! Ce roman qui s'inscrit certainement dans le courant romantique allemand, ce que je ne suis pas allée vérifier, m'a fort plu.

Roman aux pans largement autobiographique dans sa première partie, comme l'expliquent les nombreuses notes de bas de page, mais Goethe n'a pas choisi la fin qu'il réserve à Werther, et s'est plutôt inspiré de ce qu'il advint d'un prénommé Jérusalem qui fréquentait la même société que lui à l'époque de son propre amour pour Lotte.

Malgré la traduction, la lecture reste aisée et je me suis laissée prendre dans cet élan de sentiments qui, sous la plume de Goethe, ne pouvait que se transformer en tragédie.

Un classique à (re)découvrir !
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Je ne savais pas que l'on pouvait décrire l'amour désespéré avec une telle force.

Le jeune Werther m'a paru au début très serein, en harmonie même avec la nature qui l'entoure, appréciant chaque détail de la vie, chaque arbre, chaque rencontre. Un jeune homme plein d'avenir. L'explosion d'émotions fortes et d'emportement qu'il manifeste régulièrement après sa rencontre avec Charlotte, dès lors qu'il se retrouve enchaîné à elle corps et âme, constitue une vraie rupture.

Comme son cheminement a résonné en moi. Moi aussi j'ai sombré dans un coup de foudre désespéré. Moi aussi je me suis incrusté dans la famille de ma belle, quitte à y rencontrer son « amoureux » qui me paraissait ne pas se préoccuper d'elle. Moi aussi j'ai souffert et espéré pourtant.
Moi aussi je suis parti, loin. Et cela m'a été bénéfique. Werther m'a paru sauvé lui aussi. Son travail auprès de l'ambassadeur semblait si efficace, au moins pour oublier Charlotte. Même s'il n'appréciait pas ce fat d'ambassadeur, il a fait de belles rencontres. Mais une autre souffrance l'attendait : le mépris de classe.
Mais je me trompais. Charlotte n'a jamais quitté ses pensées. Werther est revenu espérer et souffrir, entretenir son désespoir, et malheureusement gamberger. Cercle vicieux. Pente fatale.

La joie ou dans l'abattement se semble cependant n'avoir aucun effet sur la qualité de son expression écrite. Serein ou énervé, c'est toujours sublime. La traduction de Pierre Leroux date de 1865. Même revue par Christian Helmreich, elle reste profondément « stylée », poétique. On n'écrit plus ainsi aujourd'hui, et c'est dommage. Au-delà de l'histoire, la langue est merveilleuse.
Je me serais juste passé de la reproduction des chants d'Ossian, supposés traduits par Werther, qui prennent beaucoup de place. Il faut admettre cependant qu'ils sont pour beaucoup dans la scène théâtrale entre Charlotte et Werther, peu avant la fin.

Un grand plaisir de lecture.
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Ma première rencontre avec Werther date seulement de la semaine dernière, lors d'une représentation de l'opéra de Jules Massenet au Théâtre du Capitole de Toulouse.
Le ténor Jean François Borras, qui incarnait Werther et interpréta le célèbre « Pourquoi me réveiller ? Ô souffle du Printemps ! » eut sur moi le même effet que la musique du joueur de pipeau sur un serpent à sornettes.
Durant les entractes, je me souvins, un peu honteux, que le roman de Goethe prenait la poussière dans ma bibliothèque depuis plusieurs années et qu'il avait dû perdre tout espoir de se retrouver un jour ventilé entre mes mimines.
Dès la fin de la représentation, malgré l'heure tardive, je partis à sa recherche et je le débusquai, la couverture collée à son voisin de droite et une araignée fossilisée sur la tranche.
Il ne m'en a pas tenu rigueur.
Peut-être que le charme suranné des décors de l'opéra m'avait mis dans de bonnes dispositions pour me laisser séduire par cette histoire d'amour impossible à l'issue tragique que mon cynisme habituel aurait peut-être dénigré ou qualifié de mièvrerie datée dans d'autres circonstances.
En fait, Goethe est celui qui a le mieux expliqué le succès de son chef d'oeuvre, cité dans la préface de Pierre Bertaux :« Il serait fâcheux qu'au moins une fois dans sa vie chacun n'ait pas une époque où Werther lui semble avoir été écrit spécialement pour lui. »
le sortilège exercé sur le lecteur est ainsi débusqué. Werther nous touche car il rappelle à chacun les épisodes de sa vie où la passion a ignoré la raison. le romantisme allemand, dont Werther est l'incarnation, ce n'est pas seulement, comme je l'ai longtemps cru, des vallées embrumées encerclant des ruines abandonnées aux saules pleureurs, au lierre et aux peintres mélancoliques. C'est une forme d'hommage à la déraison des sentiments qui vient tamiser la philosophie des lumières.
Ecrit en 1774, le roman suit donc le jeune Werther envoyé dans un village pour des affaires de famille. Il y fait la connaissance de Charlotte, jeune femme, orpheline de mère, qui élève avec le plus grand dévouement ses frères et soeurs dans un cadre bourgeois. Il en tombe éperdument amoureux. le drame de Werther est que la belle est déjà fiancée à un autre, à qui sa mère l'a promise sur son lit de mort. Albert, le fiancé, est un homme aussi honnête que lisse qui se prend d'amitié pour Werther tout en étant conscient des sentiments du jeune homme pour sa Charlotte. Les trois personnages sont des êtres loyaux, incapables de transgresser les conventions et les promesses. Cet amour inassouvi est insupportable pour Werther et à travers les lettres écrites à un proche, le lecteur l'accompagne dans sa descente vers les abysses de la détresse psychologique.
Dans un tel triangle amoureux, il est souvent de coutume de faire du fiancé un monstre de jalousie, violent et soiffard. Cela permet de moraliser la passion interdite. Dans le roman, ce personnage est au contraire sympathique et dévoué, ce qui emprisonne d'autant plus les sentiments de Werther. J'ai trouvé que cette subtilité confère une touche de réalisme qui renforce le propos. Charlotte, de son côté, incarne la raison (moins dans l'opéra de Massenet où ses sentiments amoureux sont beaucoup plus affirmés) et elle tente en vain de détourner Werther de sa passion pour elle.
Ce roman comporte nombre d'emprunts à la vie de Goethe : ce dernier a eu une liaison avec une Charlotte, la fiancée d'un proche. Un autre de ses amis s'est suicidé avec un pistolet par amour.
Pour autant, « Les souffrances du jeune Werther » ne constitue pas une apologie du suicide et Goethe a toujours eu un jugement personnel critique envers ce héros qui fit sa gloire dès sa parution dans toute l'Europe.
Un chef d'oeuvre à prescrire à nos coeurs balafrés.
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Cela fait longtemps que je veux lire « les souffrances du jeune Werther » et par la même occasion découvrir Goethe. Mais ce roman me faisait peur, je craignais une lecture difficile. La critique d'Oliv m'a rassurée sur ce point et m'a pleinement convaincue de m'atteler à cette lecture. J'ai bien fait de dépasser ces craintes.

Oliv avait totalement raison, « les souffrances du jeune Werther » s'avère un roman facile à lire et très accessible malgré son statut de classique du 18ème siècle. Je ne vais pas proposer ici un avis objectif sur le fond ni la forme du roman. Oliv le fait très bien dans son excellent billet que je vous invite à aller lire pour vous faire un véritable avis. Je vais me contenter ici de dire pourquoi j'ai été tant émue par ce récit.
Je parle d'émotion mais en réalité, cela va au-delà de l'émotion, j'ai été bouleversée. Et en fait, ce n'est pas tant par le récit de cet amour non partagé que j'ai été touchée mais par le personnage de Werther. J'ai ressenti une telle connivence avec lui… Pas vraiment pour l'histoire d'amour malheureux en elle-même, même si je la comprends et si j'en ai déjà ressenti les affres. C'est vraiment la personnalité de Werther qui m'a remuée le coeur. Je suis très proche de lui. Cette proximité d'âme ne pourra, selon moi, être vraiment ressentie que par les gens non normés. Seuls ceux qui ont en eux cette extrême sensibilité pourront comprendre pleinement ce que ressent Werther. Cette sensibilité qui fait ressentir si intensément les belles choses comme les mauvaises. Cette sensibilité qui mettent les larmes aux yeux lorsqu'on contemple la beauté de la mer, la grâce d'une mésange ou la fragilité d'une fleur sous le vent. Cette sensibilité qui donne envie parfois de crier au monde combien je l'aime. Cette sensibilité qui fait que son coeur se déchire face à ce qui, pour les gens normés, ne seraient qu'une petite contrariété. Cette sensibilité qui fait d'une peine de coeur banale une tragédie digne des romances les plus émouvantes. Si vous êtes le genre de personnes, et je dis cela sans jugement, tant mieux pour vous, qui parvient ne pas prendre à coeur, de façon exacerbée, les soucis quotidiens, vous ne pouvez pas pleinement comprendre Werther. Si vous êtes le genre de personnes qui ne pleure pas en revoyant la mer 15 ans après l'avoir vue la dernière fois, vous ne pouvez pas comprendre Werther. Si vous êtes le genre de personnes qui ne meurt pas chaque fois que l'être aimé semble être distant, vous ne pouvez pas comprendre Werther.
Je comprends pleinement Werther, car je suis comme lui. Comme Werther, chaque sentiment, chaque émotion, je les vis avec une force et une intensité qui me ravissent parfois et me brisent souvent. Ces sentiments emplissent entièrement mon coeur et mon âme et les submergent.

J'ai bien conscience que ce billet ne contient aucune idée, n'est en rien pertinent ni enrichissant. J'étais incapable de proposer une chronique argumentée ou réfléchie, je ne pouvais que laisser mes sentiments s'exprimer. Werther a rejoint Mme Bovary et Merricat (de « Nous avons toujours vécu au château » de Jackson) dans mon petit sanctuaire personnel qui réunit les personnages en qui je me reconnais, mes frères et soeurs d'âme.
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Quel chef d'oeuvre... le texte-père du romantisme, de tout ce que j'aime. Histoire d'amour tragique, best-seller de son époque qui aurait, dit-on, entraîné ses lecteurs à suivre la destinée de Werther. Je n'attendais rien de plus qu'une romance terrible, mais c'est beaucoup plus que cela. Les Souffrances du jeune Werther ont eu un tel impact qu'on y lit les prémisses de ce qu'on retrouve encore deux siècles plus tard en littérature. C'est un roman quasi-entièrement épistolaire, mais c'est surtout un monologue de la folie, de l'incompréhension et du rejet, du romantique éperdu d'enthousiasme, de passions, de mouvements du coeur et d'amour sans cesse en décalage, incompatible avec une société qui cherche à le tempérer, à dévorer son identité. On pense alors au poète maudit, dans le genre de Chatterton, qui sera mis en scène par Vigny. Mais aussi, et surtout, ces lettres de la pensée errante de l'individu victime de ses tourments, ostracisé par ses contemporains où qu'il aille, font instantanément penser à du pré-Dostoïevski à la première personne! L'aigreur de Werther envers la "société", terme sur lequel insiste le texte ou du moins la magnifique traduction de Christian Helmreich, son surplomb sur une humanité frustrante et absurde, peuvent dans une moindre mesure évoquer du pré-Céline. Le constat du passage du temps, de la dégradation des lieux chéris du passé, a certainement dû bercer Proust pour sa fameuse saga. Dans l'autre sens, on lit l'influence du Maître Shakespeare sur Goethe. Comme avec Roméo et Juliette, mais de manière moins subtile, le suicide de Werther est très tôt introduit. Idée martelée ensuite (la scène où il s'empare brutalement du pistolet d'Albert est géniale), elle a même pu lasser certains lecteurs comme Gide. Il est vrai que malgré sa brièveté, le roman peut souffrir d'un caractère un peu répétitif ou de périodes moins intéressantes au livre second. Qu'importe! La grande majorité des lettres nous émerveille par leur sagacité et leur beauté absolue. On note aussi un clin d'oeil final à Hamlet. La découverte des poèmes ossianiques de MacPherson grâce au roman fut également un plaisir.

Les descriptions de la nature par Werther/Goethe sont absolument démentes, et font passer notre cher Hugo pour un homme des plus rationnels et posés! J'ai déjà dit, je crois, lors de ma lecture de Faust, à quel point je réalisais pourquoi un de mes mentors universitaires était si épris de romantisme allemand. Non seulement c'est le premier, mais il est encore plus déchaîné que tout ce que nous connaissons chez nos propres génies. Les extases et transes diverses de Werther face à la vallée, sa béatitude et ses rêves de retour à la vie patriarcale n'ont nul pareil.

C'était déjà le cas avec Faust, mais Goethe vient incontestablement se ranger parmi le Panthéon de mes idoles, avec ce roman déchirant et dont effectivement, les humeurs du héros sont pour le moins contagieuses! Bien heureux d'être tombé sur la traduction de Christian Helmreich, absolument grandiose! Peu à peu, je comble mes lacunes du monde germanique... Un jour, j'espère, aurai-je le temps de lire Thomas Mann.

"O cher ange, c'est pour toi qu'il faut que je vive!"
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Un livre très touchant, porté par le désespéré mais passionné Werther, écrivant des lettres à son grand ami Wilhem dans lesquelles il lui fait part de ses douleurs amoureuses pour Charlotte, rencontrée en se rendant à un bal mais promise à un autre...

Werther n'accepte pas l'amour que porte Albert à Charlotte, et espère toujours pouvoir lui appartenir.

Mais cela ne se produira pas et petit à petit, Werther pensera à la mort, car son amour partagé par Charlotte ne pourra jamais les réunir.

J'ai été bouleversée à la fin de ce roman par la situation désastreuse de Werther adressant ses derniers voeux à tous ses amis et à sa famille puis passant à l'acte...

Très touchant, magnifique, un roman à lire, tout simplement.
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● Ah, "Les souffrances du jeune Werther" ! C'est beau, c'est mélancolique, c'est exalté ( mais pas toujours exaltant ), sans être larmoyant, il est si difficile d'en parler, surtout en ce XXIème siècle, où il semble tellement difficile, de pouvoir vraiment apprécié cette oeuvre archétypale, d'un romantisme, qui semble aux antipodes, des préoccupations et des goûts esthétiques, de l'époque.
Car "Les souffrance du jeune Werther", plus que le plus grand chef-d'oeuvre, du genre romantique, en est, à mon avis, l'archétype. Tout est romantique, dans "Les souffrances du jeune Werther" : le style, le personnage, les paysages, les sentiments, et j'en passe !
J'ai globalement plutôt bien apprécié "Les souffrances du jeune Werther", mais j'estime que l'oeuvre a un peu mal vieillie, et que son potentiel émotionnel, en souffre grandement.
J'admire beaucoup les derniers passages, qui sont comme une gradation émotionnelle, vers un événement inévitable. Cette gradation, est admirablement bien construite, et ces passages, sont, pour moi, les plus intenses émotionnellement.
Globalement, j'aime plutôt "Les souffrances du jeune Werther". Il y a des défauts, c'est vrai ; l'intrigue piétine parfois un peu, le style n'est pas toujours parfait ( mais peut-être est-ce lié, à un défaut de traduction ? ), l'oeuvre peut parfois apparaître comme vieillie, et elle n'émeut pas toujours autant, que cela serait désirable.
Toutefois, "Les souffrances du jeune Werther", est une oeuvre majeure de la littérature mondiale, et, malgré certains défauts, une oeuvre fort intéressante esthétiquement. Il y a, dans ce roman, une ambiance unique de douce mélancolie, que je ne suis pas prêt, d'oublier.
Un texte qui n'a pas volé, son statut de classique !

● Passable, sans plus.
Voilà ce que j'ai pensé des Souffrances du Jeune Werther jusqu'aux trente dernières pages. Je ne pensais pas qu'il y aurait soudain de grandes réussites. Je m'attendais à reposer ce livre sur ma table de nuit en me disant : "Passable, sans plus." Mais la surprise a été au rendez-vous. La fin justifie la réputation de Goethe. Construite sans fioriture, cette succession de moments forts, construite autour d'un point d'orgue, qui sera bientôt imité dans toute l'Europe, est tout simplement d'une force, d'une poésie exceptionnelle.
Les Souffrances du Jeune Werther ne sont pas une pièce de théâtre ; mais il n'est pas scandaleux de dire que cette fin est construite à la façon d'une pièce de théâtre. C'est que, comme je l'ai dit auparavant, c'est une succession de moments forts, de scènes essentielles. A une différence, près, toutefois, avec une pièce de théâtre : les sentiments et les pensées intimes des personnages nous sont accessibles, vraiment, totalement.
En somme, Werther est un livre passable avec une fin exceptionnelle.
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