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Abraham-Nicolas Amelot de La Houssaye (Traducteur)Gilles Tordjman (Auteur de la postface, du colophon, etc.)Chloé Radiguet (Traducteur)Sébastien Cessa (Illustrateur)
EAN : 9782842051105
199 pages
1001 Nuits (30/11/-1)
4.03/5   36 notes
Résumé :
Grand connaisseur de l'âme humaine et des mécanismes de domination, celui qui ne voulait pas seulement vaincre par la force mais aussi par la manière, livre là un édifiant traité de morale et de survie politique.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Je ne peux que conseiller ce court et édifiant recueil de maximes à tous ceux qui désespèrent et se décharnent au contact ou à la vue de milieux où la mauvaise politique fait loi : il y a en effet dans ces pages matière à remettre l'église au milieu du village, le courtisan à sa place et l'homme de bien dans ses bottes.

Et cela est fort réjouissant, car bien que l'on sente entre les lignes l'amertume désabusée d'un Baltasar Gracian qui a fait les fais de cette société dont il décrypte les usages, chaque lecteur épris de bon sens y trouvera aphorisme à son pied. En voici quelques uns pour la bonne bouche :

« Les vraies bêtes sauvages sont où il y a le plus de monde ».
Ou encore :
« Une beauté doit adroitement prévenir son miroir, en le rompant avant qu'il lui ait montré que ses attraits s'en vont. »
« La galanterie et la civilité ont cet avantage que toute la gloire reste à leurs auteurs ».

Une petite dernière, pour prendre toute la distance quant à sa place dans le commerce des hommes :
« Les gens d'esprit sont craints; les médisants sont haïs; les présomptueux sont méprisés; les railleurs sont en horreur; et les singuliers sont abandonnés de tout le monde. Il faut donc estimer pour être estimé. Celui qui veut faire sa fortune fait cas de tout. »

Bienvenue à la cour !
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Il semblerait donc que certains milieux, chargés de la formation des petits soldats de la logique marchande, aient découvert depuis quelque temps l'existence des ouvrages de Baltasar Gracian.
Conscients de l'affligeante médiocrité de leur enseignement et cherchant à donner quelques parures à son âpre stérilité, ils ont introduits, dans leurs cursus d'apprentissage à la servitude marchande, des oeuvres de Sun Tzu, de Machiavel, de Clausewitz et plus récemment donc, de Gracian. C'est qu'il est en effet très important de maintenir dans les esprits de ces futurs larbins du système, l'illusion de l'appartenance à une élite ; le mirage des gros salaires s'avérant désormais de plus en plus incertain.
Il n'y a guère, toutefois, qu'un crétin arriviste et superficiel, pour croire qu'il est possible de réduire L'Homme de cour à un vulgaire manuel pour parvenir. Ce remarquable ouvrage, si subtile dans sa forme et son contenu, ne se laissera pas si facilement déformer. Ne serait-ce que parce qu'il réservera exclusivement ses trésors de "savoir-vivre" à ceux qui, de par leur expérience propre, seront en mesure d'en discerner la portée et le champ d'application, sa dialectique interne. A ceux donc qui de par leur nature, ne peuvent que mépriser les chemins de l'arrivisme.
C'est sans doute en cela que L'Homme de cour se révèle être également un livre très amusant : qui n'apportera que frustrations et déceptions à ces âmes de boue.
On méditera ainsi par exemple avec intérêt sur les applications pratiques de la thèse XXIX :
ÊTRE HOMME DROIT
"Il faut toujours être du coté de la raison, et si constamment que ni la passion vulgaire, ni aucune violence tyrannique ne fasse jamais abandonner son parti. Mais où trouvera-t-on ce phénix ?
Certes, l'équité n'a guère de partisans, beaucoup la louent, mais sans lui donner entrée chez eux. Il y en a d'autres qui la suivent jusqu'au danger, mais quand ils y sont, les uns, comme faux amis, la renient, et les autres, comme politiques, font semblant de ne la pas connaître.
Elle, au contraire, ne se soucie point de rompre avec les amis, avec les puissances, ni même avec son propre intérêt; et c'est là qu'est le danger de la méconnaitre.
Les gens rusés se tiennent neutres, et, par une métaphysique plausible, tâchent d'accorder la raison d'État avec leur conscience. Mais l'homme de bien prend ce ménagement pour une espèce de trahison, se piquant plus d'être constant que d'être habile. Il est toujours où est la vérité, et s'il laisse quelquefois les gens, ce n'est pas qu'il soit changeant, mais parce qu'ils ont été les premiers à abandonner la raison."
Un manuel d'arrivisme l'Oraculo manual ?
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L'Homme de Cour est à la littérature espagnole ce que Les Caractères de la Bruyère sont à la littérature française : tout à la fois un recueil de maximes décrivant les moeurs des courtisans, un guide pratique pour défendre au mieux ses intérêts dans l'univers de la Cour, et un pamphlet contre ce monde qui fait vivre son auteur.

Néanmoins, alors que le lecteur francophone peut s'amuser de l'ironie grinçante et des jeux de mots ingénieux dont fait preuve la Bruyère, il sera sans doute déçu par la traduction de Gracian, qui fait perdre au récit de sa saveur.

Je conseillerais donc à ceux qui sont intéressés par la littérature classique, au sens strict du terme, de lire Gracian en espagnol car sinon, comme moi, la lecture de L'Homme de Cour risque bien de vous ennuyer.
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J'ai lu ce recueil à une période où je recherchais les maximes et textes fragmentaires. On y trouve des réflexions intéressantes sur la vie en société et les codes qui la régissent.
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Il y a Machiavel pour l'action publique, et Gracian pour la prudence en société. Les sentences sont inépuisables.
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Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Vouloir aller contre le courant, c’est une chose où il est aussi impossible de réussir qu’il est aisé de s’exposer au danger ; il n’y a qu’un Socrate qui le pût entreprendre. La contradiction passe pour une offense, parce que c’est condamner le jugement d’autrui. Les mécontents se multiplient, tantôt à cause de la chose que l’on censure, tantôt à cause des partisans qu’elle avait. La vérité est connue de très peu de gens, les fausses opinions sont reçues de tout le reste du monde. Il ne faut pas juger d’un sage par les choses qu’il dit, attendu qu’alors il ne parle que par emprunt, c’est-à-dire par la voix commune, quoique son sentiment démente cette voix. Le sage évite autant d’être contredit que de contredire. Plus son jugement le porte à la censure, et plus il se garde de la publier. L’opinion est libre, elle ne peut ni ne doit être violentée. Le sage se retire dans le sanctuaire de son silence ; et, s’il se communique quelquefois, ce n’est qu’à peu de gens, et toujours à d’autres sages.
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MAXIME CXCIV

Juger modestement de soi-même et de ses affaires,
surtout quand on ne fait que commencer à vivre.

Toutes sortes de gens ont de hauts sentiments d’eux-mêmes, et particulièrement ceux qui valent le moins. Chacun se figure une belle fortune, et s’imagine être un prodige. L’espérance s’engage témérairement, et puis l’expérience ne la seconde en rien. La vaine imagination a pour bourreau la réalité qui la détrompe. C’est donc à la prudence à corriger de tels égarements ; et bien qu’il soit permis de désirer le meilleur, il faut toujours s’attendre au pire pour prendre en patience tout ce qui arrivera. C’est adresse que de viser un peu plus haut pour mieux adresser son coup ; mais il ne faut pas tirer si haut que l’on vienne à faillir dès le premier coup. Cette réformation de son imagination est nécessaire, car la présomption sans l’expérience ne fait que radoter. Il n’y a point de remède plus universel contre toutes les impertinences que le bon entendement. Que chacun connaisse la sphère de son activité et de son état ; ce sera le moyen de régler l’opinion de soi-même sur la réalité.
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MAXIME CCLXII

Savoir oublier.

C’est un bonheur plutôt qu’un art. Les choses, qu’il vaut mieux oublier, sont celles dont on se souvient le mieux. La mémoire n’a pas seulement l’incivilité de manquer au besoin, mais encore l’impertinence de venir souvent à contretemps. Dans tout ce qui doit faire de la peine, elle est prodigue ; et dans tout ce qui pourrait donner du plaisir, elle est stérile. Quelquefois le remède du mal consiste à l’oublier, et l’on oublie le remède. Il faut donc accoutumer la mémoire à prendre un autre train, puisqu’il dépend d’elle de donner un paradis ou un enfer. J’excepte ceux qui vivent contents, car, en l’état de leur innocence, ils jouissent de la félicité des idiots.
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CXXXVIII

L’art de laisser aller les choses, comme elles peuvent, surtout quand la mer est orageuse.

Il y a des tempêtes et des ouragans dans la vie humaine ; c’est prudence de se retirer au port pour les laisser passer. Très souvent les remèdes font empirer les maux. Quand la mer des humeurs est agitée, laissez faire à la nature ; si c’est la mer des mœurs, laissez faire à la morale. Il faut autant d’habileté au médecin pour ne pas ordonner que pour ordonner ; et quelquefois la finesse de l’art consiste davantage à ne point appliquer de remède. Ce sera donc le moyen de calmer les bourrasques populaires, que de se tenir en repos ; céder alors au temps fera vaincre ensuite. Une fontaine devient trouble pour peu qu’on la remue, et son eau ne redevient claire qu’en cessant d’y toucher. Il n’y a point de meilleur remède à de certains désordres que de les laisser passer, car à la fin ils s’arrêtent eux-mêmes.
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MAXIME XIX
N’être point trop préconisé par les bruits de la Renommée.

C’est le malheur ordinaire de tout ce qui a été bien vanté, de n’arriver jamais au point de perfection que l’on s’était imaginé. La réalité n’a jamais pu égaler l’imagination, d’autant qu’il est aussi difficile d’avoir toutes les perfections qu’il est aisé d’en avoir l’idée. Comme l’Imagination a le désir pour époux, elle conçoit toujours beaucoup au delà de ce que les choses sont en effet. Quelque grandes que soient les perfections, elles ne contentent jamais l’idée. Et, comme chacun se trouve frustré de son attente, l’on se désabuse au lieu d’admirer. L’espérance falsifie toujours la vérité. C’est pourquoi la prudence doit la corriger, en faisant en sorte que la jouissance surpasse le désir. Certains commencements de crédit servent à réveiller la curiosité, mais sans engager l’objet. Quand l’effet surpasse l’idée et l’attente, cela fait plus d’honneur. Cette règle est fausse pour le mal, à qui la même exagération sert à démentir la médisance ou la calomnie avec plus d’applaudissement, en faisant paraître tolérable ce qu’on croyait être l’extrémité même du mal.
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Video de Baltasar Gracian (1) Voir plusAjouter une vidéo

Baltasar Gracian : L'Homme de cour
Dans les jardins du palais impérial de Tokyo, Olivier BARROT présente le livre de l'Espagnol Baltasar GRACIAN, "L'Homme de cour", écrit en 1647, receuil de 300 maximes, véritable "manuel d'arrivisme".
Dans la catégorie : Mélanges littérairesVoir plus
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature espagnole et portugaise>Mélanges littéraires (71)
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