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Claude Imbert (II) (Traducteur)Anne Battesti (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080705853
348 pages
Flammarion (02/01/1997)
3.58/5   78 notes
Résumé :
" Dans une de nos villes de la Nouvelle-Angleterre, le long d'une petite rue, se dresse une maison de bois toute délabrée, coiffée de sept pignons pointus tournés vers différents points de l'horizon, disposés tout autour d'une énorme cheminée...
Cette vénérable demeure m'a toujours fait l'effet d'une physionomie humaine, portant non seulement les traces du soleil et du vent du dehors, mais aussi celles des longues années de vie mortelle dont toutes les viciss... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Peinture miniaturiste de personnages humbles, passant toujours "à côté de l'Histoire"... Science des profondeurs appliquée à cette humanité ordinaire... Amour du "petit détail (poétique) vrai" - pour tout ce qui pourra "exprimer" le plus finement chacun des êtres humains ici dépeints... Sens instinctif du lyrisme (lyre discrète mais jouant toujours juste)... Plaisir communicatif du conteur, fier de partager ses humbles découvertes... Maîtrise de la forme romanesque... Nathaniel HAWTHORNE (1804-1864) est décidément tout cela. Et plus encore...

La lecture enthousiaste des vingt-et-un chapitres de son second roman de 1851, "The House of the Seven Gables" nous a fait resonger, à la fois, à la science orale du conteur funambule anatolien Yachar KEMAL (1923- 2015) et à l'Animal liégeois Georges SIMENON (1903-1989) à la prodigalité infinie, prisonnier du même défi éthique (qu'il appliqua, lui, à s'intéresser sans cesse à cette "tragédie de l'Homme nu" tout ce qu'il y a de plus ordinaire)...

Comme si nous passions aussi par "l'Ecole" (très humble) où nous serait enseigné l'art d' "apprendre à regarder" - celle de Julien GRACQ (1910-2007) pour la littérature (Cf. "Les eaux étroites", "Un balcon en forêt", "La forme d'une ville", "Carnets du Grand Chemin") ou de Nuri Bilge CEYLAN (né en 1959) pour son cinématographe captant - patiemment - les mêmes profondeurs humaines (Cf. "Kasaba", "Nuages de mai", "Uzak", "Les Trois Singes", "Les Climats", "Il était une fois en Anatolie", "Winter Sleep", "Le poirier sauvage").

Alors non, décidément non ! il n'est pas d' "écriture désuète" - chez Hawthorne encore moins que chez tout autre artiste bâtisseur d'un monde personnel, inventeur de "sa" propre langue ("désuète" : cela me f...tra toujours en pétard de surprendre ce genre d' "argument" navrant et injuste, tragiquement et abyssalement bébête... ).

Juste le respect et la connaissance intime de chaque personnage.

On part de la sombre "Dynastie" de ce damné Colonel Pyncheon (l'aïeul filou, drapé dans ses bondieuseries puritaines : dans une main le glaive, dans l'autre sa foutue "Bible") - et l'on traverse les siècles pour faire connaissance avec une Galerie de Personnages : telle Hepzibah, cette touchante "vieille fille" (contrainte de travailler, malgré toutes ses "lettres de noblesse" - eh oui, quand la misère finit par vous menacer, que faire d'autre ?) et que le mois de Novembre symbolisera (son contrepoint presque parfait se retrouvera dans "La fenêtre des Rouet" de Simenon).... ou bien sa jeune cousine Phoebé s'invitant dans le récit (rayon de soleil inattendu sur le Jardin délaissé et la "Boutique de cannelle" à réveiller...), être que le mois de mai symbolisera... l'oncle Venner (sympathique marginal "donneur de conseils")... ou bien ce timide et bien poli Monsieur Holgrave (photographe locataire, réalisateur de daguerréotypes)... ou l'hypocrite cousin Jaffrey (foutu Juge, délivreur automatique de jugements dépréciatifs)... et jusqu'à ce "petit bouffeur de Jim Crow en pain d'épices" (véritable cannibale en culottes courtes, assidu visiteur de la Boutique)... le cousin Clifford, de retour après un long voyage (et l'on repense au retour du fantomatique mari de la femme dérangée des "Autres" d'Alejandro AMENABAR, recraché par le Royaume des Morts... ) ... mais aussi ces fantômes - presque réels, eux - du colonel Maudit (par le vieux Maule qu'il avait dépossédé de son terrain et de sa source) et d'Alice Pyncheon (au clavecin fermé qui joue seul la nuit et au Jardin secret sur le toit de chaume aux Sept Pignons).

Tout le roman fourmille ainsi de personnages humbles, savoureux dans leurs étrangetés et profondément "vrais"... jusqu'à la découverte de l'incroyable duplicité du très patricien Juge Pyncheon, véritable chef d'oeuvre humanoïde fait de bien ordinaire crapulerie hypocrite puritaine (double pléonasme) et très digne "successeur" du Colonel Pyncheon en matière de bassesses d'âme et de matérialisme criminel.

Le chapitre de la vie secrète des premières heures de rigidification puis lente décomposition du cadavre du Juge "cloué dans son fauteuil de chêne" (chapitre XVIII ironiquement intitulé : "Le Gouverneur Pyncheon") est un modèle du genre... On y relate tout ce que cet homme transformé en statue cadavérique "loupera" du fait de ce petit contretemps créé par ce regrettable passage de l'existence à un décès fort "invalidant" : la perte du poste de Gouverneur du Massachussets est évidemment le plus gros inconvénient de sa nouvelle (et définitive) position dans la société... sans parler de la mouche attirée par l'odeur et venant se poser sur l'aile de son nez puis sa cornée.

L'organisation en chapitres dûment titrés "à l'Ancienne" est charmante (avec ses titres tendrement ou férocement ironiques) :

I. - La dynastie Pyncheon
II. - La petite vitrine
III. - le premier client
IV. - Une journée derrière le comptoir
V. - Mai et novembre
VI. - La source de Maule
VII. - L'hôte
VIII. - L'héritier Pyncheon
IX. - Clifford et Phoebé
X. - le jardin Pyncheon
XI. - La fenêtre en ogive
XII. - le photographe
XIII. - Alice Pyncheon
XIV. - Phobé s'en va
XV. - Sourires et grimaces
XVI. - La chambre de Clifford
XVII. - L'envol des deux hiboux
XVIII. - le gouverneur Pyncheon
XIX. - Les bouquets d'Alice
XX. - La fleur d'Eden
XXI. - le départ

On se souviendra longtemps des accents désolés du clavecin de la belle Alice Pyncheon (autre "sacrifiée" au destin tragique !) jouant seul sous les boiseries vermoulues de la Maison que la mousse envahit...

On regrettera évidemment la fin très conventionnelle (qui était bien faite pour complaire à Sophie Peabody, l'épouse d'un auteur très amoureux) : la jeune Phoebé - à laquelle la future "Mrs Hawthorne" (Sophia Peabody) servit de modèle - enfin séduite, au chapitre XX : "La fleur d'Eden", par les agissements du très anti-conventionnel artiste Holgrave "aux daguerréotypes d'Outre-tombe" (porte-parole de l'auteur ?), tous deux s'avouant ENFIN leur amour réciproque. Etrangement, le couple invitera "Cousine Hepzibah" et son frère Clifford (l'ancien proscrit accusé à tort et rétabli dans son honneur) mais aussi l'Oncle Venner, sympathique quasi-mendiant pousseur de brouettes - pour quitter l'infâme Maison aux Sept Pignons et partir tous vivre "en communauté" (de vies juxtaposées) dans la Maison de campagne de leur ancien "bourreau" et rapace latifundiaire.

Utopie communautaire réjouissante, au final, qui annonce discrètement le thème de "The Blithedale Romance" / "Valjoie" qui sera publié l'année suivante en 1852]

Alors ? Plaisir d'adjoindre ce minuscule avis à ceux (déjà enthousiastes et/ou intrigués) de Fanny, Béatrice, Ladyoga et Icath ...

Ce livre (Garnier-Flammarion poche, excellemment traduit par Claude Imbert) vous coûtera 7 € : autant dire une petite fortune ! :-)
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On aurait tort d'ouvrir La maison aux sept pignons avec l'intention d'y trouver une histoire génialement précurseure, un récit au rythme soutenu, des scènes terrifiantes, voire même simplement un drame à rebondissement.
Non, chez Nathaniel Hawthorne, la lecture est plutôt paisible, courtoise et élégante, et si ces grands attendus - qu'un lecteur moderne peut légitimement vouloir retrouver dans un roman - pèchent par leur absence, il sont volontairement à mettre de côté ici, au risque de passer à côté d'une lecture plaisante.
Moi-même alors que j'étais venu chercher le Grand Frisson sur les bons conseils de l'ami H.P.Lovecraft (qui dans son article "Épouvante et surnaturel en littérature", inscrit le roman dans sa longue liste des indispensables du fantastique), moi qui d'ordinaire ne jure que par l'épouvante et le fantastique, j'ai fait ce pas de côté. Et j'avoue avoir beaucoup apprécié ma sortie de route...

Mais de quoi parle ce roman au juste ?
La maison aux sept pignons est une vaste demeure fièrement érigé par le fier et puritain colonel Pyncheon au XVIIe siècle, à l'époque où la nation américaine n'en est qu'à ses balbutiements. le terrain de la maison a été spolié à un autre pionnier, le vieux Maule, accusé d'être un sorcier, et qui a le malheur de se trouver moins riche, moins puissant, moins ambitieux que le colonel. Deux cent ans plus tard, la maison conserve dans ses fondations, ses murs et ses lambris les profonds stigmates du péché originel, et les héritiers Pyncheon expliquent leur inexorable dégradation physique, mentale, morale et financière comme la conséquence directe de la malédiction proférée contre eux par Maule le jour de sa condamnation à mort. Ils ne sont plus qu'une poignée, et c'est sur elle que le roman s'attarde.

Dans ce résumé, ressort en creux la philosophie de l'auteur :
- sa culpabilité de vivre sur le territoire volé par sa propre famille ; parabole de l'Histoire même des Etats-Unis,
- sa morale qui condamne le meurtre, surtout quand il est commis pour des raisons égoistes, injustes et immorales. Résonnance toute biographique pour Hawthorne qui choisira de changer de nom pour ne plus porter celui d'un ancêtre qui pris part activement aux grands procès de Salem,
- sa vision du péché qui se transmet pour "crime d'hérédité". le Mal condamne cette famille à jamais, comme Dieu condamna le genre humain au malheur, après la désobéissance d'Adam et Eve.
Le tableau est fixé : le roman est une oeuvre morale (presque un conte ?) baignant dans la philosophie chrétienne toute rédemptrice de Hawthorne.

Cependant, il y aurait encore beaucoup à dire sur cette oeuvre.
Sur le style déjà, courtois, charmant, tout en circonvolutions, s'y accumulent les peintures de personnages et de caractères avec une intelligence ciselée et parfois complexe. C'est simple, chaque nouvelle scène démarre par une description longue d'un décor, et le récit d'un nouveau personnage s'amorce inéluctablement par une analyse érudite de ses traits physiques et spirituels (qui se déterminent l'un l'autre) à grand renfort de métaphores (Hawthorne en est le maitre incontesté !). le tout donne à penser que l'auteur est un fin analyste qui maitrise l'ensemble des caractères du genre humain que son époque a pu engendrer,mais que tout ceci se fait au détriment de l'avancée de l'intrigue. Les actions se font rares, si rares que l'on a parfois l'impression d'observer des natures mortes : c'est figé, agréable et rassurant certes, mais terriblement statique.

Mais quand il se décide enfin à faire avancer l'intrigue (au dernier tiers du roman), Hawthorne ajoute alors le suspens à sa palette d'outils. Ceci a pour effet de venir ajouter une pesanteur en plus à ce style d'écriture qui lui est si propre. Résultat : l'élément de tension est révélé, mais on ne le comprend qu'à moitié. Il nous a été décrit qu'à demi-mot, avec force humour et ironie, voilé sous les lourds habits du sous-entendu et de la métaphore.
Mais il est déjà trop tard pour le lecteur : la douceur des idées, la piquante ironie, les longues tirades allégoriques l'ont préparé depuis deux cents pages à ce rythme, étrange certes, mais terriblement impactant ! On est tendu par cette douceur !

C'est alors que l'on comprend que c'est dans ce principe narratif et stylistique si marqué, si pesant, si lent, que se situe le fantastique de Hawthorne : un "fantastique de pudeur" qui fait la part belle à la contextualisation de l'action pour préparer le lecteur, au détriment de l'action elle-même.
Bien sûr, on pourrait interroger cette pudeur. Peut-être sert-elle au lecteur à mieux comprendre ce que ressentent ses personnages, si désemparés par ce qu'ils vivent ? Peut-être est-elle là pour faire de l'action une chose si mystérieuse, que l'on est obligé de voir dans ses causes la main de la "Providence" (Dieu lui-même ?), Providence que l'Homme ne pourra jamais appréhender pleinement ?

Toujours est-il que le résultat est là : on a l'impression d'évoluer dans un songe où la réalité s'estompe. Chez Hawthorne, pas de peur, pas d'épouvante ni d'effroi (on est aux antipodes des récits de son contemporain E.A.Poe), juste un léger frisson teinté de mélancolie (qui m'a rappelé la série "The haunting of Bly Manor" de Mike Flanagan).
Si en dépit de toutes nos attentes la malédiction des Pyncheon semble même trouver une explication logique à la fin du récit, tuant de ce fait le fantastique et les derniers mystères de l'oeuvre, gageons que l'intrusion du rationnel est forcément ironique : nul ne peut plus ignorer que la colère divine et la morale inébranlable du Destin (forces fantastiques par excellence chez Hawthorne), ne sont jamais bien loin dans cette maison maudite où résonne encore les notes solitaires du clavecin de la défunte Alice...

J'ai beaucoup apprécié La Maison aux sept pignons. Ce n'est pas une lecture habituelle pour moi, elle n'est pas non plus évidente et son style et son fond moraliste (très proche en ce sens des romans gothiques du XVIIIe siècle) y sont pour beaucoup (Poe qualifiait Hawthorne du "plus invétéré maniériste de son époque", Lovecraft qualifiant son style quant à lui "d'aridité allégorique").

Toujours est-il que sa douceur et sa conclusion (entendue et digne des plus beaux "Happy End" d'Hollywood) m'ont fait du bien. Bref, c'est un beau roman à avoir à son chevet, les après-midis d'automne quand la mélancolie s'empare de nous...
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Une maison maudite, une vieille fille étrange, un homme sorti de prison, un juge avide, une jeune cousine arrivant de sa campagne, .... Quelle drôle de famille.... Un livre étrange, presque angoissant, que je n'ai pas lâché pendant quelques jours, grâce à un style que j'ai beaucoup apprécié. Un pur produit du XIX ème siècle ! Première lecture de cet auteur américain , belle découverte !
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Le roman débute pendant la deuxième partie du XIXe siècle à Salem. Phoebé Pyncheon est une vieille femme solitaire qui vit dans la célèbre maison aux sept pignons et semble désespérément attendre le retour d'un proche. Ruinée, elle s'apprête à ouvrir une boutique dans sa maison malgré sa haute naissance et son épouvantable réputation en ville. Une sombre histoire, racontée depuis des générations au coin du feu et par toute la ville, entoure la maison et la famille de mystère. La dynastie Pyncheon et la maison aux sept pignons se sont construits sur un crime. Pendant la chasse aux sorcières, célèbre évènement historique de Salem, l'ancêtre de Phoebé a dénoncé Matthew Maule pour lui voler, après sa pendaison, la terre sur laquelle la maison aux sept pignons a été construite. Maule a maudit Pyncheon et ses descendants avant de rendre son dernier souffle. de nombreuses morts mystérieuses ont eu lieu dans la maison et Phoebé et l'inconnu qu'elle attend semblent souffrir et subir la malédiction de Maule.
La maison aux sept pignons est un roman gothique et fantastique dont la trame romanesque est lente. Si je n'avais pas vu l'adaptation cinématographique datant du début des années 40, j'aurais eu plus de difficulté à l'achever. Malgré la lenteur du roman ( alors que le sujet et l'histoire sont plutôt fascinants) j'ai aimé l'ambiance gothique de cette vieille maison pleine de secrets et la magnifique plume de Nathaniel Hawthorne.
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Tout d'abord rappeler que Nathaniel Hawthorne a crée le premier dictionnaire Américain. Il est l'un des premiers écrivains Américains. Rappeler que Hawthorne, né à Salem, est le petit-fils de John Hathorne, l'un des juges assesseurs au procès des sorcières de Salem. Lorsque Nathaniel Hathorne (oui, vous avez bien lu!) l'apprend, il était alors étudiant à la fac, il décide de changer de nom et se fait appeler : Hawthorne. Toute sa vie, il sera hanté par cet aïeul. "La maison aux 7 pignons" est un prétexte. Un pur prétexte pour parler du péché originel commis par les Américains : celui du vol. Car, Hawthorne, a bien conscience qu'ils ont volé, entre autre, aux Indiens. Hanté par le "péché" commis par son grand-père, il sait combien d'autres encore ont été commis. Des péchés qui ont bâti une nation, il s'agit, pour l'auteur, de rafraîchir la mémoire de cette nation toute entière. Car les intellectuels tout comme les faux-monnayeurs de cette nation en ont commis pas mal . Ce livre c'est la conscience retrouvée, la quête de la vraie justice, de l'absolution, c'est se regarder dans la glace aussi. Bouleversant d'esthétisme, brillant, entre autre, par la richesse de son vocabulaire (je l'ai lu en anglais), ce livre confine à l'enquête/ à l'autopsie de crimes. Hawthorne parlait peu, il est dur de parler quand son grand-père a dit le mot de trop, pas vrai?! Mais il pensait juste et de manière profonde et sincère. Un magnifique ouvrage d'un homme singulier au sein d'un pays pluriel et aussi au sein d'une littérature américaine qui faisait ses premiers pas.
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Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
Depuis l'arrivée de Phoebe, la seconde épouse de Chantecler était dans un abattement profond dû, comme on s'en aperçut plus tard, à son incapacité à pondre. Un jour, cependant, sa démarche importante, ses inclinaisons de tête, ses clignements d'yeux, tandis qu'elle fouillait les coins du jardin avec un inexprimable contentement, firent comprendre que cette poule méjugée portait un fardeau dont la valeur inestimable ne pouvait s'apprécier ni en or ni en diamants. Peu après il y eut un concert de gloussements et de félicitations dans toute la famille, y compris le jeune poulet tout rabougri qui semblait au courant de l'affaire autant que son seigneur et père, sa mère et sa tante. Cet après-midi-là, Phoebe trouva un œuf lilliputien adroitement caché non pas dans le nid habituel, il était bien trop précieux pour cela, mais sous les groseilliers, posé sur les herbes sèches de la saison précédente. Hepzibah en l'apprenant s'empara de l’œuf et le servit au petit-déjeuner de Clifford, pour lui faire apprécier la délicatesse de goût qui avait toujours fait, disait-elle, leur réputation. Ainsi la vieille demoiselle sacrifia-t-elle sans scrupules l'avenir d'une antique race ailée, pour procurer à son frère une gourmandise qui tenait dans une cuillère à thé.
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Un homme aussi solide que le Juge n'a pas plus peur de minuit que de midi. Le parallèle, si juste soit-il, que nous avons tracé plus haut entre son ancêtre puritain et lui s'arrête ici. Le Pyncheon d'il y a deux siècles, ainsi que la plupart de ses contemporains, croyait fermement au ministère des esprits, qu'il tenait dans l'ensemble pour maléfiques. Mais le Juge Pyncheon de cette nuit, assis dans son fauteuil, ne croit pas à de telles sottises, tout au moins n'y croyait pas il y a quelques heures. Ses cheveux ne se dresseront pas sur sa tête en entendant les histoires que l'on se racontait justement dans cette pièce de la demeure ancestrale, du temps que les cheminées abritaient des bancs où s'asseyaient les vieilles gens pour remuer les cendres du passé et faire rougeoyer les traditions comme des charbons ardents. Ces contes sont d'ailleurs trop absurdes pour effrayer ne fût-ce qu'un enfant. Quel sens, quelle morale - car les histoires de fantômes n'en sont pas toujours dépourvues - peut-on attribuer à cette légende ridicule qui voudrait que tous les Pyncheon trépassés se rassemblent dans ce salon chaque soir à minuit ? Et pour quoi faire, je vous prie ? Pour voir si le portrait de l'ancêtre est encore accroché au mur comme le voulait son testament ! Est-ce bien la peine, pour si peu, de sortir du tombeau ?
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Derrière la maison on devinait un jardin, qui avait dû jadis être plus étendu, mais qui avait été morcelé au profit d'habitations et de dépendances construites dans une rue voisine. Ce serait une erreur insignifiante peut-être, mais néanmoins impardonnable, si nous omettions de mentionner la mousse verte accumulée au fil des ans sur le dessus des mansardes et sur les pentes du toit, et un parterre de fleurs - et non pas d'herbes folles - qui poussait là-haut, non loin de la cheminée, dans un renfoncement entre deux pignons. On l'appelait "le bouquet d'Alice". La tradition prétendait qu'une certaine Alice Pyncheon avait, par jeu, lancé là des graines et que la poussière de la rue et les débris du toit avaient fourni le sol dans lequel elles avaient poussé, à une époque où Alice était déjà depuis longtemps dans la tombe. Quoi qu'il en soit, on éprouvait un sentiment triste et doux en observant la façon dont la nature avait adopté cette vieille maison sinistre, délabrée et battue par les vents, et la peine que prenait pour l'égayer d'une tendre beauté chaque nouvel été - qui en devenait lui-même tout mélancolique.
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En un mot, le vieux Maule fut exécuté pour sorcellerie. Ce fut l'un des martyrs de cette terrible illusion qui devrait nous montrer, entre autres leçons, que les classes influentes et ceux qui prennent la tête du peuple sont capables des mêmes erreurs et des mêmes passions que les foules les plus frénétiques. Prêtres, juges, hommes d’État - les plus sages, les plus calmes, les plus saints personnages du temps - aux meilleures places devant les potences, furent les premiers à applaudir à cette œuvre sanguinaire, et les derniers à reconnaître leur misérable erreur. S'il est un aspect de leurs agissements qui mérite moins la critique que les autres, c'est la singulière absence de discrimination avec laquelle ils persécutèrent non seulement les pauvres et les vieillards comme lors des précédents massacres sanctionnés par la loi, mais aussi des gens de tous les rangs - leurs égaux, leurs frères, jusqu'à leurs propres épouses.
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Après le départ du client, Hepzibah parla longuement et en termes assez vagues d’une certaine Alice Pyncheon qui avait été très belle et très accomplie en son temps, quelque cent ans auparavant. Sa riche et charmante personnalité avait laissé son parfum dans les lieux où elle avait vécu comme un bouton de rose séché embaume le tiroir où il s’est fané. Un grand et mystérieux malheur avait frappé la délicieuse Alice qui, devenue pâle et diaphane, s’était tout doucement flétrie avant de quitter ce monde. Mais maintenant encore, on croyait qu’elle hantait la Maison aux Sept Pignons ; mainte et mainte fois, tout particulièrement quand un Pyncheon était sur le point de mourir, on l’avait entendu jouer des airs tristes et beaux sur son clavecin. Un amateur de musique avait transcrit l’un de ces morceaux comme il jaillissait de son toucher tout spirituel ; il exprimait une douleur si exquise que nul jusqu’à présent n’avait pu supporter de l’entendre, à moins qu’un très grand chagrin ne lui ait fait pénétrer la profonde douceur qui s’y cachait.

(p. 110)
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Amélie a toujours été une survivante. Elle a survécu à la disparition de ses parents alors qu'elle était encore une enfant, à Paris. Elle a survécu à Londres, seule et sans moyens. Et elle a réussi. Elle s'est fait des amies, elle s'est trouvé un job glamour dans les médias, et a accepté la demande en mariage d'un homme qui a tout du prince charmant, le milliardaire Ned Hawthorne.
Alors quand elle se fait brutalement kidnapper et qu'elle se retrouve seule, dans la chambre close d'une maison inconnue, elle compte bien se battre et survivre à cette nouvelle épreuve. Pour cela, il va lui falloir comprendre ce qui lui arrive. Comprendre qui sont ses ravisseurs, malgré leur mutisme et leurs cagoules. Comprendre les raisons de son enlèvement.
Et comprendre, surtout, pourquoi elle se sent plus en sécurité emprisonnée dans cette pièce lugubre que dans son mariage de rêve avec le mystérieux Ned.
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