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Marius-François Guyard (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070322008
480 pages
Gallimard (03/02/1981)
3.9/5   207 notes
Résumé :
En 1849, à près de soixante ans, alors que sa figure déjà s'efface et que son récent échec à la présidence de la République vient d'écorner sa gloire, Lamartine, dans une préface aux Méditations poétiques, confie sans gloriole inutile: 'je suis le premier qui ai fait descendre la poésie du Parnasse, et qui ai donné à ce qu'on nommait la muse, au lieu d'une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du coeur de l'homme, touchées et émues par les innombrables ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Bac de français 2019, sujet A: Alphonse de Lamartine," le Lac" méditations poétiques.
C'est ça ou Anna de Nouailles, Andrée Chedid, Yves Bonnefoy..

Le poète écrivit des poèmes, car il s'ennuyait, entre 1813 et 1816. ( au chômage, quoi!) Comme ma cousine,"La Martine" qui en plus avait un chagrin d'amour.

Pareil que le poète, qui aima Julie Charles, et qui lui dédia "le Lac", en 1820. La jeune femme venait soigner sa tuberculose, " prendre les eaux", à Aix les bains, et l'autre l'emmène sur le lac du Bourget...

Julie meurt en 1816, et Lamartine la nomme alors Elvire dans ses poèmes...
Pas gêné ! Comment croire, à sa douleur, alors qu'il rencontra aussi Graziella et Henriette Pommier?
C'est par pudeur, alors ? Et parce le prénom Elvire était en usage chez les poètes ?
Ma copine, si je l'appelais Elvire, elle me noierait...
Dans le lac!

Quand Lamartine revient à Aix les bains, il s'adresse au lac, mais de l'eau a coulé sous les ponts! Et lui, il pleure à grandes eaux:
"Ô lac, l'année à peine a fini sa carrière. Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde! Je viens seul, m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir."

C'est un romantique, Lamartine! Ma parole, pour lui, le Temps agit par jalousie, (de temps en temps):
"Ô temps, suspends ton vol!
Le temps m'échappe et fuit".
Il pense que le Passé est dépassé, heu, je veux dire que le Temps a effacé "les pas des amants désunis"(Ah, ce n'est pas du Lamartine?)

Bon, c'est pas du "déclassé", c'est trop classe!
Ah, mais le principal vers du poète fut emprunté à Antoine-Léonard Thomas, poète Clermontois du XVIIIe siècle. Un plagiat d'un bougnat: :
"Ô temps, suspends ton vol, respecte ma jeunesse."

Mais seule, la Nature bienveillante conserve les souvenirs, malgré ce qu'on peut écrire...
Un poème de ouf!
Ces vers mélodieux évoquent une belle nuit d'été et le Temps qui passe...

Beaucoup aimèrent, en France et à l'étranger, surtout en Russie. Victor Hugo écrivit, dans Alton-Shée :
"Voilà enfin des poésies qui sont d'un poète, des poésies qui sont de la poésie".

Que tout ce qu'on voit, l'on entend, l'on respire
Tout dise, "ils ont aimé. "
Le Lac de Lamartine.
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« Ô temps suspend ton vol ». Oui, Lamartine a l'art (et la manière) de la langueur.

Dans ces Méditations Poétiques (et Nouvelles Méditations Poétiques), le lecteur est convié, comme dans toute méditation, à éprouver le temps qui dure. Mais Il y a aussi une dimension spatiale, comme un goût d'immensité.

Le souffle est tantôt épique, les vagues grondent, la houle fouette les visages, tantôt mélancolique, la brise dessine une onde délicate sur l'azur du lac, les feuilles humides dans la brume bruissent vaguement sous le zéphyr.

La lyre du poète convoque les mythes et la nature dans une lyrique osmose.

Puis, sa foi le pousse à s'adresser au Divin et, entre suppliques éperdues et soumission incrédule, Lamartine questionne, au-delà de la mise en scène de son intimité, les sentiments humains.

L'entourage du poète joue un rôle prépondérant dans une oeuvre influencée tant par les mentors qui l'ont inspiré que par les muses (Elvire) qui ont guidé sa plume (à titre d'éclairage sur ce point, la préface de 1849, rédigée par le poète lui-même).

Et l'amour, jusqu'à la lie. Pour le meilleur, la pureté du sentiment, et pour le pire, une conception de la passion désincarnée, que lui reprocheront ses contemporains, à l'image de Flaubert qui, sarcastique, prédit qu'il « ne restera pas de Lamartine de quoi faire un demi-volume. C'est un esprit eunuque, la couille lui manque, il n'a jamais pissé que dans de l'eau claire ».

Si la lecture De Lamartine peut être de longue haleine c'est que la théâtralité de ses vers invite à la déclamation. Sa poésie se réchauffe, jusqu'à l'embrasement parfois, lorsqu'elle est ostensible. Elle a besoin de cet écho des contreforts du mâconnais où elle naquit, sur une mousse liquoreuse, à l'ombre des charmes.

Maintes fois raillé et caricaturé, la lyre à la main en pleine révolution du Printemps des peuples, cet éphémère adversaire de Napoléon III à la présidence de la Seconde République reste incontestablement une lecture majeure de l'aventure romantique et finalement, de quoi peut-on lui en vouloir ?
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" Méditations poétiques " est le premier recueil poétique De Lamartine, publié en 1820. L' auteur est un poète romantique. Lors de sa publication,un critique
a dit :" On fut surpris et charmés d' entendre un poète osant être à la fois ému et sincère, faisant preuve d' une profonde mélancolie, élégiaque et douce ".
Ce recueil est marqué par par les soupirs de l' âme du poète. Il y évoque les souvenirs et les regrets, les espérances et les désespoirs, l' angoisse face à la mort. Le poète est un ami de la nature à laquelle il confie ses peines et ses joies.
L' évocation des paysages naturels reflètent l' état d' âme du poète lui-même.
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Tout simplement magnifique! Différents sujets, foi, religions philosophie, l'homme, des paysages pousse Lamartine à nous entrainer dans des ers qui nous poussent à la méditation... on se laisse emporter par le flot des mots magnifiquement écrit... et peut être à force de les lire, un peu de changement s'inscrira dans notre façon de nous exprimer et peu à peu, la méditation aidant, nous verront bien des choses autrement... Oui, Lamartine nous emporte... combien d'écoliers ont été saisit par la beauté de sa description du Lac... mais combien hélas se sont arrêtés là et n'en n'ont pas lu d'avantage... et je m'y met, et c'est magnifique... Lamartine nous emporte dans la langue française dans ce qu'elle a de plus admirable, et il serait bon qu'on nus laisse un peu plus de temps pour nous y mettre, car bien peser ses mots, bien s'exprimer et bien comprendre l'autre, finalement, n'est-ce pas essentiel.... et ce temps, il faut l'arracher, que l'on gagne sa vie ou pas.... on nous décourage, et c'est bien dommage... et ne laissons plus dire que le français est une langue pauvre ou difficile... faisons lire Lamartine à tous ses détracteurs... leur faire découvrir cette langue pour notre plus grand bonheur!

Pour les enfants
On pourra les intéresser à la poésie grâce aux fables De La Fontaine, mais pas seulement on eut taper aussi dans les chansons de Brassens, qui n'a pas fait que des chansons aux allusions paillardes, mais a reprit des poèmes en chanson, notamment le petit cheval! Ou bien encore cette autre chanson générique d'un film avec Fernandel : Heureux qui comme Ulysse, du fameux Joaquim du Bellay

Les adultes trouveront leurs bonheurs dans les trophées de José Maria de Hérédia, les Chimères et la traduction en vers du second Faust de Goethe de Gérard de Nerval, Poème de Rimbaud et Méditations poétiquesDe Lamartine.... et la langue française n'en déplaise à ses détracteurs, est belle et riche... et surpasse bien souvent le simple français courant qu'ils ont appris... comme toute langue humaine !
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Lamartine, le poète de l'establishment de la première moitié du XIXème siècle. Dans les arcanes du pouvoir, maire du petit village de Milly dès 22 ans, député de Mâcon, à l'académie française en 1829. Ses méditations poétiques et ses nouvelles méditations poétiques constituent le socle principal de son oeuvre littéraire, recueils dans lesquels on trouve certains de ses textes majeurs. Ce livre de chez Gallimard est complété par les Harmonies poétiques et religieuses (au style souvent ampoulé et abscons), les Odes politiques (la fameuse Ode contre la peine de mort (1830), politiquement très en avance, mais au style vieillot et très difficile à lire aujourd'hui) et des Poésies diverses, remarquables entre autre par l'oeuvre posthume « Les Voiles ».
Les poésiesDe Lamartine fourmillent de pépites intemporelles, perdues au milieu de longs poèmes désuets. On y appréciera leur profonde mélancolie, leur romantisme (avec un « R » majuscule) et les chants à l'automne et au temps qui passe.
Ainsi les fameux « le Lac » (Ô temps ! suspends ton vol), « L'automne », « L'isolement » (Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne, Au coucher du soleil, tristement je m'assieds) « le Vallon ». Mais comme beaucoup d'ouvrages poétiques, en fonction de l'état d'esprit du lecteur l'essentiel se situe ailleurs. Pour ma part, je suis toujours touché par « le Papillon » (en citation), et « Pensée des morts » dont on connait la version expurgée et très efficace mise en musique par l'ami Georges Brassens.
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Citations et extraits (81) Voir plus Ajouter une citation
La lac

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence,
On entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
Laissa tomber ces mots :
"Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
"Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
"Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore
Va dissiper la nuit.
"Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons !"
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,
Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,
S’envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !
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L'isolement

Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente, et s’enfonce en un lointain obscur ;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.

Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l’horizon.

Cependant, s’élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs ;
Le voyageur s’arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.

Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N’éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu’une ombre errante :
Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts.

De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l’immense étendue,
Et je dis : Nulle part le bonheur ne m’attend.

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !

Que le tour du soleil ou commence ou s’achève,
D’un œil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève,
Qu’importe le soleil ? je n’attends rien des jours.

Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire ;
Je ne demande rien à l’immense univers.

Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d’autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j’ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux.

Là, je m’enivrerais à la source où j’aspire ;
Là, je retrouverais et l’espoir et l’amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour.

Que ne puis-je, porté sur le char de l’Aurore,
Vague objet de mes vœux, m’élancer jusqu’à toi !
Sur la terre d’exil pourquoi resté-je encore ?
Il n’est rien de commun entre la terre et moi.

Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s’élève et l’arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
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Le golfe de Baya

Vois-tu comme le flot paisible
Sur le rivage vient mourir !
Vois-tu le volage zéphyr
Rider, d'une haleine insensible,
L'onde qu'il aime à parcourir !
Montons sur la barque légère
Que ma main guide sans efforts,
Et de ce golfe solitaire
Rasons timidement les bords.

Loin de nous déjà fuit la rive.
Tandis que d'une main craintive
Tu tiens le docile aviron,
Courbé sur la rame bruyante
Au sein de l'onde frémissante
Je trace un rapide sillon.

Dieu ! quelle fraîcheur on respire !
Plongé dans le sein de Thétis,
Le soleil a cédé l'empire
A la pâle reine des nuits.
Le sein des fleurs demi-fermées
S'ouvre, et de vapeurs embaumées
En ce moment remplit les airs ;

Et du soir la brise légère
Des plus doux parfums de la terre
A son tour embaume les mers.

Quels chants sur ces flots retentissent ?
Quels chants éclatent sur ces bords ?
De ces deux concerts qui s'unissent
L'écho prolonge les accords.
N'osant se fier aux étoiles,
Le pêcheur, repliant ses voiles,
Salue, en chantant, son séjour.
Tandis qu'une folle jeunesse
Pousse au ciel des cris d'allégresse,
Et fête son heureux retour.

Mais déjà l'ombre plus épaisse
Tombe, et brunit les vastes mers ;
Le bord s'efface, le bruit cesse,
Le silence occupe les airs.
C'est l'heure où la mélancolie
S'assoit pensive et recueillie
Aux bords silencieux des mers,
Et, méditant sur les ruines,
Contemple au penchant des collines
Ce palais, ces temples déserts.

O de la liberté vieille et sainte patrie !
Terre autrefois féconde en sublimes vertus !
Sous d'indignes Césars maintenant asservie,
Ton empire est tombé ! tes héros ne sont plus !
Mais dans ton sein l'âme agrandie
Croit sur leurs monuments respirer leur génie,
Comme on respire encor dans un temple aboli
La majesté du dieu dont il était rempli.
Mais n'interrogeons pas vos cendres généreuses,
Vieux Romains ! fiers Catons ! mânes des deux Brutus !
Allons redemander à ces murs abattus
Des souvenirs plus doux, des ombres plus heureuses,

Horace, dans ce frais séjour,
Dans une retraite embellie
Par le plaisir et le génie,
Fuyait les pompes de la cour ;
Properce y visitait Cinthie,
Et sous les regards de Délie
Tibulle y modulait les soupirs de l'amour.
Plus loin, voici l'asile où vint chanter le Tasse,
Quand, victime à la fois du génie et du sort,
Errant dans l'univers, sans refuge et sans port,
La pitié recueillit son illustre disgrâce.
Non loin des mêmes bords, plus tard il vint mourir ;
La gloire l'appelait, il arrive, il succombe :
La palme qui l'attend devant lui semble fuir,
Et son laurier tardif n'ombrage que sa tombe.

Colline de Baya ! poétique séjour !
Voluptueux vallon qu'habita tour à tour
Tout ce qui fut grand dans le monde,
Tu ne retentis plus de gloire ni d'amour.
Pas une voix qui me réponde,
Que le bruit plaintif de cette onde,
Ou l'écho réveillé des débris d'alentour !

Ainsi tout change, ainsi tout passe ;
Ainsi nous-mêmes nous passons,
Hélas ! sans laisser plus de trace
Que cette barque où nous glissons
Sur cette mer où tout s'efface.
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Adieu

Oui, j'ai quitté ce port tranquille,
Ce port si longtemps appelé,
Où loin des ennuis de la ville,
Dans un loisir doux et facile,
Sans bruit mes jours auraient coulé.
J'ai quitté l'obscure vallée,
Le toit champêtre d'un ami ;
Loin des bocages de Bissy,
Ma muse, à regret exilée,
S'éloigne triste et désolée
Du séjour qu'elle avait choisi.
Nous n'irons plus dans les prairies,
Au premier rayon du matin,
Egarer, d'un pas incertain,
Nos poétiques rêveries.
Nous ne verrons plus le soleil,
Du haut des cimes d'Italie
Précipitant son char vermeil,
Semblable au père de la vie,
Rendre à la nature assoupie
Le premier éclat du réveil.
Nous ne goûterons plus votre ombre,
Vieux pins, l'honneur de ces forêts,
Vous n'entendrez plus nos secrets ;
Sous cette grotte humide et sombre
Nous ne chercherons plus le frais,
Et le soir, au temple rustique,
Quand la cloche mélancolique
Appellera tout le hameau,
Nous n'irons plus, à la prière,
Nous courber sur la simple pierre
Qui couvre un rustique tombeau.
Adieu, vallons; adieu, bocages ;
Lac azuré, rochers sauvages,
Bois touffus, tranquille séjour,
Séjour des heureux et des sages,
Je vous ai quittés sans retour.

Déjà ma barque fugitive
Au souffle des zéphyrs trompeurs,
S'éloigne à regret de la rive
Que n'offraient des dieux protecteurs.
J'affronte de nouveaux orages ;
Sans doute à de nouveaux naufrages
Mon frêle esquif est dévoué ,
Et pourtant à la fleur de l'âge,
Sur quels écueils, sur quels rivages
N'ai-je déjà pas échoué ?
Mais d'une plainte téméraire
Pourquoi fatiguer le destin ?
A peine au milieu du chemin,
Faut-il regarder en arrière ?
Mes lèvres à peine ont. goûté
Le calice amer de la vie,
Loin de moi je l'ai rejeté ;
Mais l'arrêt cruel est porté,
Il faut boire jusqu'à la lie !
Lorsque mes pas auront franchi
Les deux tiers de notre carrière,
Sous le poids d'une vie entière
Quand mes cheveux auront blanchi,
Je reviendrai du vieux Bissy
Visiter le toit solitaire
Où le ciel me garde un ami.
Dans quelque retraite profonde,
Sous les arbres par lui plantés,
Nous verrons couler comme l'onde
La fin de nos jours agités.
Là, sans crainte et sans espérance,
Sur notre orageuse existence,
Ramenés par le souvenir,
Jetant nos regards en arrière,
Nous mesurerons la carrière,
Qu'il aura fallu parcourir.

Tel un pilote octogénaire,
Du haut d'un rocher solitaire,
Le soir, tranquillement assis,
Laisse au loin égarer sa vue
Et contemple encor l'étendue
Des mers qu'il sillonna jadis.
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Le Lac -

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

(extrait de "Méditations poétiques", 1820).
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