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sur 931 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Désert ou déserts? JMG a choisi le singulier pour le titre de son livre car c'est bien le désert marocain le premier héros de ce livre éblouissant de lumière, de sable, de soleil mais aussi de détresses diverses.

Alors, en lisant les dernières lignes ("tournés vers le désert...ils s'en allaient... ils disparaissaient") j'ai revu sur les "lèvres saignantes" des hommes bleus, tous ces autres déserts que l'on peut parcourir en suivant cette plume si riche de le Clézio.

D'abord, le vrai désert avec cette caravane avançant péniblement vers une terre hypothétique, vers le nord, avec un jeune héros, Nour, donnant son épaule au guerrier aveugle en l'accompagnant vers une destinée inéluctable. Il est discret, Nour, silencieux, mais agissant, calmant les douleurs et les angoisses des mourants, et Le Clézio montre bien davantage ses actes en faveur des autres que son propre cheminement.

Nour introduit le parallèle immédiat avec Lalla, la véritable héroïne du désert et de tous les autres déserts qu'elle va sillonner. Lalla, c'est la femme-enfant qui devient femme-mère avec là encore un récit magnifique de son accouchement solitaire. Lalla, c'est la volonté, l'abnégation, l'accueil du différent au coeur du désert de l'indifférence dans la cité phocéenne. Elle aussi, comme Nour, accompagne un mourant, silencieusement, par sa seule présence.

Et puis, subitement, on pourrait croire que tout va basculer par quelques photographies qui la propulsent vers une fugitive célébrité qu'elle ne recherchait pas. Mais, elle reste lucide, tout en conservant la volonté d'accomplir sa destinée, laissant à mesure tout ce qui ne peut être que des étapes, avnt celle, ultime, qui la ramène vers le désert, le vrai, celui qu'elle aime et dont elle ressent le besoin viscéral pour être vivante et donner la vie.

Elle est magnifique, Lalla, et Le Clézio prend le temps de la dépeindre et de la peindre, sa peau cuivrée et sa chevelure poétiquement exprimées par l'écrivain qui sait comment transmettre à ses lecteurs toutes les émotions qu'elle ressent.

D'autres déserts apparaissent, plus ou moins fugacement, ceux de la solitude, du profit, de l'exploitation, des hommes et femmes qui marchent, indifférents, dans Marseille ou Paris. Le Clézio les emmêle pour revenir toujours vers ce Sahara marocain, vers ces "gens des nuages", vers la lumière, le sable, le vent, la mer.

C'est un livre long, tellement riche, qu'il est bon d'en relire de nombreux passages, d'en retirer les messages délivrés, suivant nos perceptions, les miennes sont plus que favorables pour un auteur que je prends toujours plaisir à lire, à suivre, sur la mer, sur le sable, à Rodrigues, Raga, partout, à contempler avec lui les étoiles, les aubes, blanches ou rouges, les crépuscules et toute cette lumière qui éclaire son oeuvre en lui donnant une dimension lyrique complètement aboutie.
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"Ils sont apparus, comme dans un rêve, au sommet de la dune, à demi cachés par la brume de sable que leurs pieds soulevaient"
J’ai marché avec Eux,
J'ai marché avec Eux -- péniblement, durant des jours et des nuits, au bord de la sécheresse des pages, dans les lumières aveuglantes d'or et de sel, sur cette mer de dunes mouvantes, où le silence est roi, le ciel vierge, vide, sans nuages, sans oiseaux, sans rien, seulement du bleu, seulement brûlure.
J'ai marché, là où les vagues se taisent. Avec Eux, avec Nour, dans cette mer de sable modelée, ridée par les frasques du vent qui danse et trébuche comme bon lui semble sur l'éternelle poudreuse, là, où toute trace finit toujours par disparaître, engloutie par les fines poussières.
Désert, ocres, rouges, blancs, éblouissants jusqu'à perte de vue, vallées desséchées, crevasses, boue, pays de pierres et de vents où le soleil boit tout : des hommes, jusqu'à la moindre goutte d'eau.
Désert - l'Eau. J'ai marché pour elle. L'eau comme un trésor. L'eau précieuse, convoitise arrachée, sale et lourde, âcre, âpre, juste cette "trace de sueur", ce "don parcimonieux d'un dieu sec, dernier mouvement de la vie" dans une aridité sans horizon.
Désert ! Et Rien d'autre !
On y vit, on y passe, on s'y courbe -- sans paroles – on y meurt !

Le long cortège s'étale : fantomatique, muet, lent, lourd, misérable, miséreux, hommes, guerriers, femmes, enfants, vieillards, troupeaux, sans fin, la faim, la misère, l'épuisement, harassement, la douleur … des ombres. Fuite obligée. Mort infligée.
J'ai croisé les regards brûlés, les lèvres saignantes, les corps penchés, les pieds nus, les morsures du sel, les haillons, la folle idée de terre promise, les prières, les chants, les espérances … J'ai croisé l'injustice !
Nous sommes en 1910 -1912 dans l'Histoire Vraie. Dans une guerre sainte contre l'envahisseur : Hommes bleus, touaregs, chassés du Sud, de LEUR terre, par les soldats français. Incroyable migration indigo, tragique calvaire, où l'argent et les armes auront raison de la plus légitime des rebellions. …
Hommes bleus, traqués, spoliés, brisés, tués …. Au nom de quoi et de quel droit ?
Inconfort. Quelque part en moi, une réelle compassion, un malaise, un écœurement, quelque chose comme un voile sale et noir, un sentiment de honte …. Le "plus jamais" n'existe pas …
Désert, c'est cette tragédie onirique, émouvante, admirablement peinte par Le Clézio.
Peinte, est le mot exact : une toile de maître picaresque. Désert comme un glacis brûlant.
Nour, jeune touareg, en est le fil conducteur, celui de l'exil, de l'errance, des derniers hommes libres raclant la poussière, enroulés de lumière crue dans la sombre nuit nue de leurs singuliers voiles bleus.

Mais Désert, en parallèle, c'est aussi un conte, une histoire dans l'Histoire, une petite merveille, prenante et éclatante, dont l'action se déroule bien des années plus tard.
C'est l'histoire de Lalla.
Celle qui porte en elle la force ancestrale du désert.
La raconter serait réducteur, la lire est fabuleux : des passages sublimes, des paysages somptueux, une sorte de pureté virginale servie par une douceur d'écriture vraiment particulière, presque vibratoire.
Et, partout, ces variations de lumière en bout de plume, égrenées en nuances infinies, accordées avec l'atmosphère ou le lieu à dépeindre : une perfection !
Lumière ! Autre acteur du livre ?
Lumière qui cingle, éclate, aveugle, brule, fascine, joue, danse, ondule, magnifie la beauté, lumière qui tremble, blêmit, s'efface, s'écrase et se dilue dans la misère ou le sordide….
Lumière hypnotique, façonnant telle une seconde peau le personnage de Lalla :

- Lalla éblouissante, parcelle de lumière cuivrée, étreinte dans sa Cité bidonville maghrébine. Bonheur simple du peu, heureuse, aux portes de deux libertés : le désert et la mer. Deux sels, deux silences, deux poumons, deux transparences, deux éclats…Elle s'y vertige. S'y fond. S'y colorise. Lalla sauvageonne aux pieds nus, posée dans les échancrures rassurantes des dunes, brulée sur les vastes plateaux de pierres sèches, ombrée des clartés stellaires des nuits, éblouie des ciels extraordinaires, nus, rosés, cendrés ou incendiaires …
Mélancolie étincelante, elle s'échappe, elle entend, elle attend … son histoire, le chant lointain, le regard de l'homme bleu.

- Lalla feutrée, rasante dans la ville grise de l'exil. Marseille l'oppressante, triste, sale, grouillante, bruyante et meurtrière. Misère de l'immigration … Lalla éteinte, cœur mendiant de lumière, "silhouette à peine visible, grise et noire, pareille à un tas de chiffons". Partout la peur, la pauvreté froide, l'abandon et cette tenaille : "la faim, la faim de douceur, de lumière, de chansons, la faim de tout".

- Lalla irradiante, aux yeux "brillants comme des gemmes", vertigineuse lueur sauvage et secrète dans son échappée du malheur

- Lalla, cristalline, toute en lumière douce et ardente dans son retour aux sources

Désert est tout à la fois une tragédie et un merveilleux, lyrique et onirique, intolérable et intensément doux, déchiré et unifié.
Il accueille la révolte mais aussi l'apaisement, la réconciliation.
Il se fait l'apologie de la liberté, celle la plus primaire possible, celle symbiotique avec l'élément vivant, celle sans limite "aussi vaste que l'espace, aussi simple que le sable" .

"Il n'y avait pas de fin à la liberté,
elle était vaste comme l'étendue de la terre,
belle et cruelle comme la lumière,
douce comme les yeux de l'eau"

Eblouie ! (jusqu'à l'avoir lu deux fois)
"Désert" : un embrasement de la première aube.

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Cette histoire se passe dans le désert. On y voit des Bédouins, le peuple des "Hommes Bleus" parcourant le Sahara. Un peuple libre.
le désert est immobile, il reste toujours le même. Les dunes changent sous l'action du vent, pourtant elles restent les mêmes. Dans le désert, on est libre, le désert est libre lui aussi. Celui qui n'a pas traversé le désert ne sait pas vraiment qui il est, le désert le sait. L'âme du désert est libre. le vent sent l'âme du désert, il connaît la douceur du sable, il est libre. le soleil aime le désert, le désert aime le soleil. La vérité du désert rend libre.
Les dunes connaissent le vent, elles connaissent l'âme du désert, elles connaissent la sagesse du sable, elles connaissent la vérité du soleil, elles connaissent l'impassibilité du temps, elles connaissent l'humilité des pierres, elles savent qu'elles sont libres. le sable comprend tout cela. Il est fier et libre!
Le plus difficile, dans le désert, c'est de trouver la sortie.
Un roman d'aventure mené à mille à l'heure !
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Une écriture limpide qui s'étire et flamboie comme une lente litanie, celle de la marche, dans le désert des années 1909-1910, de Nour (arrière petit neveu de l'Homme Bleu appelé de Dieu, faiseur de miracles qui enseignait "la Voie") et des siens. Une marche des tribus dans "la vallée de la Saguet" de puits en puits fermés par les Chrétiens qui leur font la guerre.Une marche vers le nord sous le sceau de l'amertume, l'épuisement,la faim au ventre,la soif sur les lèvres et la rage au coeur. Mais l'espoir malgré l'exil, la certitude que le Cheikh Ma el Aïnine viendra à bout d'enjeux qui les dépassent (ceux des affairistes qui convoitent les émeraudes et les nitrates du Sahara). Une marche vers la mort.
Un récit du passé alternant avec le présent (entre enfance et jeunesse) de Lalla, orpheline recueillie dans un bidonville aux abords du désert, dont la mère appartenait à la tribu de Ma el Aïnine et était "chérifa" (de la lignée de l' Homme Bleu").
Malgré sa "cabane de tôle et de zinc", Lalla est heureuse car elle a la liberté, la vie dans les dunes, la nature, l'amitié de Naman le pêcheur conteur et l'amour du berger noir sourd muet le Hartani. Un amour lumineux, mais une douce folie trop difficile à suivre.
Départ vers Marseille où les rêves décrits par Nanan se teintent de désespoir dans les rues où les gitans mendient et l'hôtel sordide où elle est exploitée.
Le talent de le Clézio (écrivain reconnu couronné par le prix Nobel de littérature en 2008 et dont Désert a reçu le grand prix Paul Morand de l'Académie française en 1980) est de nous conter de manière poétique et pourtant percutante (car sa litanie aux nombreuses répétitions semble une prière et ses tournures imagées sont étincelantes) l'histoire d'un génocide, celui des Nomades chassés de leurs terres, fusillés par les soldats sénégalais, l'histoire de ses conséquences désastreuses, mais également l'histoire (à travers la quête des origines) de la fierté des tribus, de la transmission de leurs croyances qui les illuminent malgré TOUT.
Lalla au "beau visage couleur de cuivre" porte en elle cette lumière qui "l'unit à la beauté du désert", qui l'irradie et qu'elle partage en tant que femme de ménage analphabète, simple femme donnant son pain à un gitan exploité ou cover girl lumineuse peu intéressée par l'argent.
Un livre émouvant qui parle de la folie des hommes corrompus par "la religion de l'argent".
Un chef d'oeuvre de finesse et de sensibilité!
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C'est très simple, pour moi Désert est un des grands romans du 20e siècle. Ceux qui me suivent savent que je ne suis pas porté sur les superlatifs mais cette fois-ci c'est différent.
Je vais essayer d'expliquer pourquoi.
Mais d'abord, une précision. Certains ont dit que ce roman est en rupture avec les précédents romans de le Clézio, qu'à l'écriture expérimentale a succédé un roman plus narratif. Il se fait que j'ai lu quelques-uns de ces romans précédents: le livre des fuites, La guerre, Les géants, Voyage de l'autre côté, et les nouvelles de Mondo. C'est vrai qu'il y a là moins de narration que dans Désert, mais la façon de dire les choses et les humains est celle qui se retrouvera dans Désert. Il y a une continuité évidente dans sa façon de s'immerger dans les choses de la nature, dans les objets techniques, et aussi dans le comportement des humains, comme si Le Clézio puisait dans la manière qu'il avait acquise.
L'originalité du style est déjà quelque chose de fondamental. Mais par son point de vue sur le monde ce livre est encore plus essentiel. C'est à la fois le livre d'une disparition et celui d'une survivance. Dans l'histoire de Nour, une civilisation et une résistance disparaissent, elle se perdent dans les sables, dans une sorte de marche de la mort. La brutalité de la colonisation ne laisse plus de place à ceux qui voulaient vivre selon leur voie. Mais que cette résistance ait existé, qu'elle ait été portée par une spiritualité, par un rapport singulier au monde, et que le souvenir de tout cela soit ravivé, témoigne d'une permanence.
Il y a aussi les conséquences de la colonisation et de la modernité. C'est la ville de planches et de papier goudronné où vit Lalla. Heureusement elle s'en échappe pour fréquenter l'homme du désert, le Hartani, ou passer du temps avec Naman, le vieux pécheur, sur la plage. C'est le contraste entre la pauvreté et la promiscuité du bidonville et les immensités de la mer et du désert.
Et puis il y a la violence des rapports sociaux, du mariage, et l'émigration à Marseille. La misère sur les deux rives de la Méditerranée. Encore le contraste entre l'entassement et l'ouverture, l'oppression et la liberté, et la mort qui arrive à ceux qui veulent échapper à la hiérarchie établie.
Mais tout cela n'est pas du tout démonstratif. Cela se déduit des descriptions et des faits, de cette prose si singulière, que l'on pourrait même juger maladroite au premier abord, mais qui est si évocatrice quand on se laisse entrainer par elle. Le Clézio nous plonge dans toutes les réalités du monde, naturel, technique, social. Il nous fait voir les choses de l'intérieur, nous permet de nous identifier à elles.
Ce roman aura bientôt 45 ans et il n'a jamais été aussi actuel. Il est ce dont nous avons besoin aujourd'hui.
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Mondo m'avait subjuguée complètement, éblouie par ce livre, je retrouve cette magie avec Désert, moins puissant et plus dans la sensation, la contemplation de ces grandes étendues, ces lumières, et autres variations spécifiques au désert.
La construction est également intéressante, parcourir deux histoires dans un seul roman, pour point d'attache : le désert. Elles sont différentes et se passent à des époques différentes, mais on ressent l'attachement très fort l'un comme l'autre au désert.
L'écriture est tout aussi sublime, le style Le Clézio m'emporte toujours, c'est en cela que j'apprécie de le lire , même si parfois l'histoire n'est pas toujours dans mes cordes.
Un livre que j'avais toujours mis de côté, entre ceux qui ont été complètement conquis et ceux qui sont restés indifférents, j'hésitais à me lancer dans l'aventure et la grande traversée du désert m'effrayer quelque peu.
Au final, ce fut un très beau voyage, avec des personnages forts, une réelle impression de me plonger au coeur du récit et de pouvoir profiter du paysage.
Deux livres sont venus s'ajouter à ma pal plus je lis cet auteur plus je l'apprécie.
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L'un des plus beaux livres qu'il m'ai été donné de lire... le récit se déroule entre deux époques : celle des hommes bleus et de Nour : jeune bédouin qui dans les années 1910, traverse le Sahara à la suite du Chek Ma El Aïnine et le récit de la vie de Lalla, jeune marocaine qui fuit un mariage forcé.

Le Clézio explore les thèmes qui lui sont chers : le déracinement, le voyage, le destin des hommes de peu.

Le rythme du récit est comme une lente litanie qui hypnotise son lecteur. On fit par ressentir, en tournant les pages le vent sec du désert. Le Clézio imagine des personnages au destin hors du commun et pourtant si humains. Ma El Aïnine est resté à jamais gravé dans ma mémoire comme son désert est gravé dans mon coeur.
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Objets inanimés avez vous donc une âme?
C'est ce que l'on pourrait dire de nos livres qui attendent pour vivre que nous voulions bien les lire.
Et justement voilà un livre, parmi d'autres ( À l'ombre des jeunes files en fleur, Anna Karénine, La montagne magique, l'homme sans qualités..) qui m'attendait depuis de nombreuses années, dans une pile de livres à lire.
Je l'avais parcouru rapidement et il m'était apparu, de prime abord, comme un livre ardu.
Et puis, il faut dire que la quatrième de couverture, comme souvent, ne rend pas du tout compte du contenu et de la complexité de ce roman.

Après en avoir fini la lecture, j'ai complètement changé mon impression première. C'est, sans nul doute, le meilleur roman de le Clézio qu'il m'ait été donné de lire. C'est un récit merveilleux, plein de poésie, de souffrance et de bonheur, à lire lentement pour bien en apprécier toute la beauté.

Il est en réalité composé de deux récits parallèles:

- d'une part, le récit du malheur de nombreuses tribus du désert, chassées dans les années 1910 par les colonisateurs français et leurs alliés africains, un de ces faits troubles de notre passé national, et qui fait écho à ce qui est évoqué en ce moment, sur la nécessité de faire la lumière sur certains pans de notre histoire. C'est le récit d'un exil, d'une errance sans fin sur un rythme très lent, parfois quasi mystique. Il y a une atmosphère de souffrance et de mort, mais aussi de résignation et de paix intérieure, dans l'histoire de ces exilés, parmi lesquels le jeune Nour, et révoltés contre les "Chrétiens", conduit par un cheik plein de bonté et de compassion. Elle se finira par le massacre d'une grande partie d'entre eux par les troupes du général Mangin.

- d'autre part, le récit d'une partie de la vie de Lalla, jeune fille descendante de ces femmes et hommes du désert, dont la mère Hawa est morte, et qui a été confiée à sa tante Aamma. Elle vit heureuse dans un bidonville. le récit décrit avec beaucoup de poésie la vie de Lalla, ses promenades au bord de la mer, ses échanges avec Naman, vieux pêcheur et merveilleux conteur, avec les animaux, cet albatros qu'elle nomme le Prince, les jours autour du feu, les jours de vent, surtout le vent mauvais, les jours où elle va aux bains des femmes avec sa tante, et surtout ses promenades sur les plateaux et dans le désert avec le Hartani, beau berger muet et farouche, et aussi ses dialogues imaginaires avec Er Ser le Secret, un homme bleu du désert. le titre de ce chapitre: le Bonheur, est significatif de cette atmosphère heureuse malgré la pauvreté voire la misère. On pense aux paroles de la chanson d'Aznavour .." Il se dit que la misère serait moins pénible au soleil", un soleil aussi omniprésent, et dont les rapports avec la nature et notamment le désert sont admirablement décrits. Mais une menace pèse sur ce bonheur, car la famille voudrait la marier à un homme bien plus vieux qu'elle mais riche. Lalla décide alors de s'enfuir dans le désert avec le Hartani et se donne à lui.
L'autre chapitre de la vie de Lalla nous la montre arrivée à Marseille pour retrouver sa tante qui a émigré dans cette ville. On apprendra qu'elle a été retrouvée quasi morte dans le désert, on ne saura pourquoi sa tante Aamma a émigré en France. le titre de ce chapitre "La vie chez les esclaves" donne le ton. C'est le récit d'une vie misérable pour tous les immigrés, de leurs conditions de vie sordides et de la saleté s'étalant partout dans la ville. Il y a évidemment un propos délibéré de l'auteur de nous montrer le malheur de tous ces gens déracinés, en opposition à leur relatif bonheur là d'où ils sont venus. Parmi eux, Lalla garde sa volonté d'indépendance et sa fierté, elle qui est enceinte du Hartani. Son seul ami est un jeune gitan, Radicz, qui vit de mendicité puis de petits vols. Un photographe subjugué par la beauté de Lalla va lui proposer de poser pour lui. Ses photos auront un grand succès. Mais Lalla n'est intéressée ni par la notoriété ni par l'argent et elle repart vers sa Cité du Maroc, où elle accouche seule de son enfant.

J'ai été complètement émerveillé par la qualité d'écriture de ce roman, qui reprend des thèmes chers à Le Clezio: l'exil, l'enfance, les déclassés, entre autres.
L'auteur sait nous rendre palpable la beauté de la nature, la mer, le désert, le soleil, le vent, dans la vie de Lalla au Maroc, et de la même façon la laideur et la malfaisance terrifiante de la ville de Marseille.
C'est, pour moi, un livre à lire et relire.
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Quel plaisir de lire une écriture aussi aboutie, riche et poétique. On a presque honte d'avoir lu ce roman en deux jours seulement, quand on mesure le temps qu'a du passé l'auteur à son élaboration ! Il ne fait aucun doute que l'écriture de cet ouvrage, contrairement à beaucoup d'autres écrits au km a requis un certain temps, vraie littérature oblige. Ces deux histoires parallèles racontent l'attachement à la terre, fût-elle désertique, des gens qui la peuple, dans des conditions pourtant difficiles. La colonisation impitoyable achève brutalement la quête d'un avenir meilleur d'une longue colonne d'hommes et d'animaux qui déambulent dans le désert. Les conditions de vie découvertes par Lalla en France en seulement quelques mois sont très révélatrices des difficultés d'intégration des travailleurs immigrés. JMG le Clézio excelle dans les descriptions de nature et des personnages forts et exceptionnels (Nour et Lalla). L'impression dominante de cette lecture est la richesse de la vie intérieure, de la poésie et de la part de rêve qui animent des personnages pourtant en marge de la normalité.
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Désert, un livre illuminé par le soleil de l'Afrique, le sable du désert et le vent dans les dunes. C'est la course de Lalla échevelée et solitaire à travers les dunes qui va rejoindre les bords de la mer. En toile fond et en alternance, on suit la course effrénée des touaregs remontant vers le nord, soixante-dix ans plus tôt, poursuivis par l'avancée des soldats français à la conquête de leur territoire. Dans l'écriture même de J.M le Clézio transpire le soleil omniprésent, le sable qui envahit tout et le vent qui joue dans les cheveux de Lalla, donnant à l'ouvrage une allure poétique.
Les hommes du désert venaient de plus en plus nombreux dans la vallée de la Saguiet el Hamra à Smara, chassés par les soldats français qui apportaient la guerre dans les oasis du sud. Puis ils sont repartis toujours vers le nord, vers Marrakech. « Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit. Ils étaient apparus, comme dans un rêve, en haut d'une dune, comme s'ils étaient nés du ciel sans nuages, et qu'ils avaient dans leurs membres la dureté de l'espace. Ils portaient avec eux la faim, la soif qui fait saigner les lèvres, le silence dur où luit le soleil, les nuits froides, la lueur de la voie lactée, la lune ; ils avaient avec eux leur ombre géante au coucher du soleil, les vagues de sable vierge que leurs orteils écartés, touchaient, l'horizon inaccessible. Ils avaient surtout la lumière de leur regard, qui brillait si clairement dans la sclérotique de leurs yeux. »
Lalla, descendante d'al Azraq, un guerrier du désert devenu un saint homme, vit dans la « cité », un amoncellement de cabanes de planches et de zinc. Elle y vit avec Aamma sa tante et retrouve souvent ses amis le vieux pêcheur Naman et le jeune berger, le Hartani. Elle retrouve dans la solitude des dunes, une présence immatérielle, celle qu'elle appelle El Ser, le grand secret. Menacée d'un mariage forcé, elle décide de s'enfuir dans le désert avec le Hartani.
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