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Gérard Conio (Traducteur)
EAN : 9782940701018
976 pages
Editions des Syrtes (16/09/2021)
3.31/5   13 notes
Résumé :
Paru en 1870, le roman de Nikolaï Leskov À couteaux tirés décrit, sur fond de trame policière, la décomposition d’une société au bord de ce que Leskov a appelé « un cataclysme inéluctable ». Déjà Léon Bakst, lors de la révolution de 1905, illustrait dans son tableau Terror Antiquus la chute imminente de l’Empire. Mais le cataclysme inéluctable prédit par Leskov sera la révolution de 1917 que Dostoïevski annoncera également dans son roman Les Démons.

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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
La sortie chez Syrtes Poche de ce livre est un événement… du genre de ceux qui se noient parmi la foule d'autres événements, née de cette Communication, que notre société se refuse à appeler « mensonge », ou plus simplement « réclame », plus à même d'en situer le niveau…
Réclamons donc un peu d'attention, en remerciant l'éditeur et Bab ‘ pour cet avant-première, avec ce livre qui, à sa sortie brochée en 2017, avait surtout attiré l'attention de médias comme Valeurs Actuelles ou Causeur (coucou Jérôme Leroy), ce qui pourrait perpétuer la vision simplifiée, manichéenne, de l'oeuvre de Leskov comme conservatrice ( destin partagé en miroir par celle du Gorki socialiste ), alors que ce vaste roman politique, voir anthropologique, possède l'admirable défaut d'être interprété au bon vouloir de la complexité, son traducteur Gérard Conio ( aidé par Julie Bouvard ) la détaillant dans son habile préface, centrée sur l'anti-nihilisme ( donc anti-libéralisme de l'époque, 1870 ) supposé du texte, et en sous-main son destin chaotique à travers L Histoire ( « réhabilitation » en 1993 pour la Russie avec son inclusion tardive dans les Oeuvres Complètes de Leskov ), appelant au terme frissonnant de « roman maudit » que le communicant pourrait balancer pour appâter davantage…

Car cette préface — de celles qui se lisent en entrant puis sortant de l'oeuvre — ménage au lecteur sa propre appréciation, laissant de côté par exemple toutes les questions soulevées par les rapports homme/femme, la délicate opposition nature/culture, ne prenant bien-sûr point l'envergure d'une thèse, comme celle, inédite, de Jean-Claude Marcadé, à laquelle il fait maintes fois allusion, faisant bien sentir la tentative de réhabilitation d'un texte qui a probablement fait peur jusqu'à son auteur, effrayé par cette radiographie primitive de n'importe quel mouvement politique ou philosophique, d'isme en schisme, pourri par cette veulerie humaine, insatiable… alors que Leskov nous a mijoté tout cela dans un mélange d' opéra-bouffe / comédie de boulevard / polar-feuilleton / byline paysanne, et qu'on est souvent tenté de convoquer l'excitant graal du chef d'oeuvre oublié…

Moderne assurément, avec la panoplie du roman classique russe en bagage, nous répétant les mots de Gogol « qu'il est impossible de donner du relief à la représentation de la bonté chez un homme russe », tout en se gardant bien de voir la Morale comme solution naturelle, se délectant de la scélératesse d'une grande parie de ses personnages, comme celui « n'ayant pas remarqué dans sa confusion qu'il venait d'exprimer ce qu'il pensait réellement et non ce qu'il voulait dire »…
jusqu'à clore cette volumineuse intrigue par sa propre interrogation d' « à quoi bon ? » face à ce « brouillard plein la tête où il est impossible de distinguer qui ne s'est pas trahi pas plus qu'il n'a sali son prochain », avec comme seule certitude que « tout cela n'est que prologue à un cataclysme qui surviendra inéluctablement ».

Certains pans ou personnages auraient mérité plus amples développements, comme la nihiliste « ancien régime » Vanskok, plébiscitée par Dostoïevski malgré ses réserves sur l'ensemble, dont certaines circonvolutions paraissent clairement inutiles.
Il y aurait énormément de choses à dire en plus, mais qui nécessiteraient de vous détailler nombreux personnages, ou de disserter sur sa remarquable utilisation du merveilleux ( non comme comble de vides narratifs, mais comme béquille nietzschéenne à la Mort de Dieu… ), ou enfin d'y tailler une place de choix dans une bibliothèque russe idéale du 19ème siècle.

Bref, plus que jamais, il faut lire Leskov, « surtout si vous n'êtes pas d‘accord » (sic).
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À Propos de la Sonate à Kreutzer
Nicolai Leskov (1891)

Il faut dire en sous jacence que ce thème fait l'objet avant et après, comme une suite ininterrompue, de conversations intimes et privées entre Nicolai Leskov et Léon Tolstoi et que ce À Propos de la Sonate .. ne fait que confirmer l'intérêt majeur que le premier porte au deuxième qui fait figure de monstre dans le jardin tranquille de la littérature russe avec ô combien d'accès majeurs et nouveaux à ,l'universel et qu'un rien de provocation, si tant est que les gens n'ont pas compris , est une nouvelle démonstration de puissance qui arrive comme disait Benjamin Walter tous les trois ou quatre siècles.

À Propos de la Sonate à Kreutzer est une variation libre sur le thème de l'adultère mais pas de jalousie comme cause ici ..

Le narrateur exerce une empathie presque féroce envers cette dame qui vient le déranger dans son cabinet pour un prétexte apparemment futile et sûrement d'importance ; cette dame, tout un programme, que l'on va nommer la dame comme celui qui raconte répugne à le faire : il faut dire en entrant qu'elle n'a pas décliné son identité …et pour cause !..

Sorte de huit clos de la veine de Gogol, voire de Poe. Je m'arrête là car sinon je vais en dire plus que le nombre de pages que contient cet opus !..

Il me semble qu'on làche ce livre sans discontinuité, au point final, entre la poire et le fromage ou quand on veut.. aux toilettes comme Henry Miller … cela dit en tout bien tout honneur, merci monsieur infiniment monsieur Leskov de relever pareil défi et de nous prodiguer un tel plaisir de lecture. Mon dieu que ça fait du bien ..

Pour illustrer le propos de notre cher Leskov, rien n'est mieux qu' un fragment : «  La dame confie au narrateur à l'endroit de son mari : ..ses élans sont toujours déterminés, précis et sans diversité. »
Il faut lui offrir le kamasutra !
Plus loin, la dame hausse les épaules quand il lui est demandé si elle aime son mari. Ah c'est compliqué avec les russes !
« Je l'aime. Pour aimer, les paysannes disent « bien goûter » » 

Si vous ne prodiguez pas des preuves d'amour avant de dire je t'aime en russe, vous avez toutes les chances de vous faire envoyer dans les roses. Rien à voir avec le je t'aime français qui a une durée de vie très éphémère, le temps d'un vol de papillon !..

À lire naturellement !..
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A l'instar de Vermeer, certains artistes, sans qu'on en perde complètement la trace, sont injustement écartés de l'histoire. S'il a fallu deux siècles pour que le Sphinx de Delft renaisse et devienne le maître baroque que l'on connaît, il en faudra un peu moins pour que Nicolaï Leskov retrouve sa place dans le panthéon des écrivains majeurs de l'Age d'or de la littérature russe. le problème est le suivant : 20 ans après la mort de l'écrivain, la Russie basculait dans le bolchévisme qui supprima méthodiquement quelques trésors littéraires considérés comme conservateurs de l'ordre ancien. Et ainsi, l'oeuvre de l'écrivain, empreinte de traditions slaves et de critiques du modernisme disparaissait dans les méandres d'un siècle de rupture. En 2017, aux éditions des Syrtes, à Couteaux Tirés est traduit pour la première fois en français.
à Couteaux Tirés est une anthropologie de la société russe de l'époque.
le nihilisme a échoué, ses prophètes se sont reniés et ont parodié les « nouvelles idées ». Ils se sont parjurés par le mariage. Cyniquement, Leskov traite les vrais nihilistes de vieux-croyants (soit les plus intégristes de l'orthodoxie). Ils sont une poignée insignifiante. le reste de la bande s'est reconvertie, s'est replacée dans la société, souvent à des postes confortables. Place au « néguilisme », Ou comment gangréner la société en tirant profit des institutions traditionnelles. Ici, pas d'idéalisme, pas de sentimentalisme. Nicolaï Leskov ne se place pas dans la dénonciation ou dans la réflexion à la Tourgueniev. Pour lui, les néo-nihilistes ne sont autre que des truands sans foi ni loi, appâtés par le gain, calculateurs et machiavéliques. Ils sont attirés par la richesse et la beauté physique. Ils se trahissent, ils sont lâches et ne sont fidèles qu'à leurs pulsions les plus viles. Ils souillent l'âme et corrompent l'esprit de leurs proches. Comme les Démons de Dostoïevski, leurs infects desseins les poussent inéluctablement vers une issue macabre.

A couteaux tirés est un roman long et dense. A sa lecture, le talent de celui que l'on appelle le plus russe des écrivains russe prend toute son ampleur. Il dresse un portrait d'époque à travers une galerie de personnages hauts en couleurs : le propriétaire dépossédé pathétique et influençable, le nihiliste reconverti en anarchiste manipulateur, la révolutionnaire idéaliste et jusqu'au-boutiste, l'usurier juif véreux et rusé qui profite des excès de l'âme russe, le pope de village bienveillant, garant des bons conseils et du bon sens, le géant moujik semi-starets semi-fou aux effrayants pouvoirs prophétiques, l'épouse de général machiavélique, vénale et cruelle, entourée de son escorte de ridicules admirateurs. Ce tourbillon de personnages liés par les affaires et les mesquineries sont propulsés dans de multiples épisodes regroupés dans quelques milles pages.

L'oeuvre, derrière son aspect pamphlétaire et sans concession, regorge de passages brillants, de caractères salvateurs qui redonnent foi en l'humanité par leur pragmatisme et leur droiture : le Major Forov, révolutionnaire d'apparence, dur et froid avec sa femme mais finalement bienveillant et infiniment aimant. le père Evangile symbole de la simplicité et de l'amour du prochain, icone dont le nom est plus que significatif et dont chacune des paroles renferme une richesse infinie, comme une parabole. Enfin, à travers le personnage de Sacha Sintianina, Nicolaï Leskov nous offre le lumineux portrait d'une femme, délicate et secrète, dotée d'une magistrale force intérieure. Ce personnage, modèle de vertu et d'abnégation, d'une étonnante modernité, constitue incontestablement un des piliers de l'oeuvre.

Lors du chapitre du duel, apparemment à la mode à l'époque, affrontement symbolique du bien contre le mal, Leskov nous livre un des moments les plus touchants : le dialogue d'athées de Podozerov et Forov face au néant autour de la question pascalienne : « Et si ? ».
A couteaux tirés fait partie de ces Oeuvres géniales et brouillonnes, alimentées par une constante inspiration puisée dans le petit peuple russe. L'auteur règle ses comptes avec les déviances majeures de son époque comme les ravages de l'intrusion du spiritisme à chaque niveau de l'échelle sociale, du moujik à la bourgeoise. Dans cette Russie superstitieuse et excessive, sainte et décadente, Leskov s'adresse à chacun, le jeune et l'ancien, la femme et l'homme, le pauvre dépossédé et le riche arriviste, le calculateur et le vertueux. le récit est universel, chacun y trouve son portrait, ses défauts, ses excès mais aussi son chemin rédemption. Les idéologies bourgeoises de surface volent en éclat et il ne reste que le fond : le peuple et la simplicité de sa foi éternelle.
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Pas facile à lire cette brique de Nikolaï Leskov.

En effet, 1000 pages d'une écriture en petits caractères sur l'histoire russe, en plus, ce n'est pas facile.
La multiplication des personnages mais, également, des surnoms (pratique habituelle en Russie), ne rendent pas la lecture de ce roman facile.

Par contre, le vocabulaire employé et la façon dont l'auteur raconte donnent à ce roman tout son intérêt.

Comme d'autres lecteurs, je trouve dommage que Nikolaï Leskov ne soit pas plus connu et je trouve que c'est une excellente idée de rééditer son roman même si celui ci n'est pas accessible à tout public.
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À couteaux tirés de Nikolaï Leskov : À couteaux tirés est le deuxième roman de Nikolaï Leskov et, comme dans son premier livre, Sans issue, il fait la critique acerbe du nihilisme. Leskov connaît bien cette nouvelle pensée révolutionnaire devenue l'apanage de la jeune génération puisqu'il l'a lui-même pratiquée pendant sa jeunesse avant de s'en détourner. Il envisage le nihilisme comme une doctrine vide, sans fondement qui devient, sous sa plume, un calembour. En effet, il transforme le terme « nihilisme » en « néguilisme ». Ce néologisme est construit sur négua, qui signifie le désir, la volupté et sur guil qui désigne la nullité de toute chose en général et des valeurs sociales et politiques en particulier. de ce fait, cette nouvelle forme de pensée devient la négation des conceptions autrefois défendues par les nihilistes puisqu'il s'apparente davantage à l'hédonisme. Il en ressort les maximes : « Avale les autres pour ne pas être avalé » et « Chacun pour soi ». Leskov discrédite donc totalement le nihilisme et montre toutes ses contradictions. Dans son histoire, il dresse les caricatures des anciens et des nouveaux nihilistes qui courent après l'argent et la gloire. Cette oeuvre a souvent été comparée aux Démons de Dostoievski puisqu'elle fut éditée dans le même journal, la même année et traite des mêmes faits divers. Néanmoins, le traitement et la dénonciation du nihilisme sont très différents car, chez Dostoievski, cette pensée est un vice spirituel, une déformation morale alors que chez Leskov, comme nous l'avons vu, c'est une bouffonnerie et un charlatanisme.
A couteaux tirés est in fine un roman insolite, foisonnant et baroque qui mérite de sortir de l'oubli. Plus je découvre l'oeuvre de Leskov et plus je suis admirative du travail qu'il accomplit dans ses critiques sociales qui se veulent d'un grand réalisme ou, dans ce roman, d'un brillant détournement. Ainsi, même si j'ai été davantage fascinée par les Démons de Dostoievski, À couteaux tirés est également un grand roman qui mérite d'être lu!
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Les femmes, nous sentons les choses qui échappent aux critiqués patentés.
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-Non, tu es coupable, un homme qui ne sait pas garder un secret que lui a confié une femme est toujours coupable et n’a pas de justification...
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La vraie manière d’être riche réside dans la modération de nos désirs.
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