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EAN : 9782021021981
276 pages
Seuil (07/03/2013)
3.71/5   7 notes
Résumé :
Dans la « grande aventure des pages », l’auteur trouve des parentés plus significatives que dans la vie. Il nous entraîne dans les œuvres de Kafka (d’où le titre : La Cinquième Impossibilité, allusion aux quatre impossibilités d'écrire énoncées par Kafka), Sabato, ou bien Paul Celan et Benjamin Fondane, dans un dialogue imaginaire en contrepoint du Dialogue dans la montagne ; il évoque son amitié avec Philip Roth et Saul Bellow, Claudio Magris et Antonio Tabucchi, à... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
«Ce volume rassemble quelques-unes de mes notes anciennes ou récentes, provenant de ma terre natale de mon nouveau domicile transatlantique, sur l'aventure de la lecture et de l'écriture». (p. 12, fin du premier texte intitulé “La maison de l'escargot”, Bard College, New York, 3 février 2012). Je retiens de ce premier texte, le passage suivant : «La dictature m'a finalement forcé à reconnaître que je ne vis pas seulement dans une langue, comme je le croyais naïvement, mais dans un pays, et lorsque j'ai été sur le point de suffoquer j'ai quitté, sans la quitter la malheureuse histoire de ce lieu. le seul bien que je possédais, la langue dans laquelle je vivais, aimais et rêvais, je l'ai emporté avec moi, comme un escargot emporte avec lui sa maison dans ses pérégrinations. Elle constitue aujourd'hui encore le refuge intime des incertitudes, le code de l'intériorité et de la créativité qui cherche sa voix» (p.11).

La deuxième partie du livre s'intitule « D'un rivage à l'autre » et comprend 11 textes :

Dans «Un ami à Berlin» (Berlin, 1987) l'auteur évoque son départ de Roumanie pour Berlin, début de son exil, marqué par l'importance de la correspondance écrite. L'ami étant son nouveau facteur à qui il propose d'offrir les timbres des lettres qu'il peut enfin recevoir librement des quatre coins du monde.

«À Ernesto Sabato» (New York, 2004) est une lettre ouverte d'hommage vibrant : «Loin du tumulte de tant de confrères couverts de lauriers, Sabato le solitaire demeure le mandataire de haute spiritualité créatrice de la vérité «spécifique et douloureusement humaine», connue sous le nom d'âme, la zone «abrupte et sombre» d'où s'est élevé le granit délié et acéré de son oeuvre de romancier» (p. 42).

Dans «La langue exilée» (New York, décembre 2002) Norman Manea revient sur la langue roumaine et son importance dans sa vie d'écrivain exilé, ainsi que sur cette image de la maison de l'escargot : «J'avais tout de même emporté avec moi la langue, ma maison, comme un escargot. Elle continuerait de m'être premier et ultime refuge, domicile enfantin et immuable, lieu de survie»(p. 53). «Ma première apparition publique eut lieu à New York, à l'automne 1989, alors que l'explosion de l'Est préoccupait tout le monde, lors d'un débat du Pen Club américain consacré à la littérature roumaine est intitulé «Le mot en tant qu'arme». Bravant la combativité conjoncturelle de la thématique, je parlai du «mot en tant que miracle». J'évoquai, bien sûr, cet après-midi de juillet 1945 où j'avais découvert les magnifiques contes populaires de l'écrivain roumain Ion Creanga»(p. 55). «À New York, j'ai continué d'habiter la langue roumaine, comme Paul Celan habitait la langue allemande à Paris» (p. 64).

Dans «Des parallèles qui se rencontrent»(Washington, 1989) l'auteur établit plusieurs comparaisons. « Dans «l'Écrivain fantôme», qui ouvre la trilogie Zuckerman («Zuckerman enchaîné»), Philip Roth imagine l'alternative d'une Anne Frank survivant à l'Holocauste, parvenue en Amérique, passionnée de littérature et connaissant une crise d'identité, au moment où elle découvre, par hasard, que l'auteur du “Journal” est devenue, entre-temps, une célébrité (personne ne savait, de fait, qu'elle avait survécu)»(p 75). Prenant ce point de départ, Norman Manea analyse l'oeuvre de Selma Meerbaum-Eisinger qu'il appelle la Anne Frank de l'Est, ainsi que les poèmes sur Anne Frank de la poétesse roumaine Mariana Marin.

Comme son titre l'indique, le texte «Au delà de la montagne (Ascension préliminaire dans la postérité Celan-Fondane)» (Bard College, 2009) invoque, dans un certain hermétisme, deux poètes Paul Celan et Benjamin Fondane qui dialoguent dans la postérité à travers «Le Dialogue dans la montagne» notamment : «Celan et Fondane sont, chacun, le destinataire de l'autre»(p. 112).

Dans «Bérenger à Bard»(Bard College, 1999), Norman Manea parle, à partir de sa pièce Rhinocéros d'Eugène Ionesco qu'il avait rencontré.

Dans «Je demande à mes amis de vieillir»(Bard College, 2009) il est question d'Emil Cioran et d'Édouard Roditi, «un fabuleux pèlerin des lettres»(p. 154). En effet, l'auteur effectue un voyage à Paris, au printemps 1990, au Salon du livre, à l'occasion de la publication par Albin Michel de son premier recueil en français, «Le Thé de Proust». Je retiens sur Cioran ces lignes : «Il fut un brillant rebelle et un misanthrope provocateur qui tenta, encore et encore, de nous éveiller au néant de l'existence humaine» (p. 160).

Dans «La fiction souterraine»(New York, 2004), dont le titre est une référence à la formule «la littérature est souterraine, non terrestre»(p. 176) de Cynthia Ozick l'auteur revient sur les traces de Saul Bellow qu'il a également connu personnellement. Il écrit fort à propos (p. 175) : «L'action de «L'Hiver du doyen» se passe en partie en Roumanie ; dans “Ravelstein”, un personnage secondaire, Radu Grielescu, ressemble quelque peu à Mircea Eliade et le roman fait allusion à Cioran, sans compter d'autres références roumaines».

« Claudio von Trieste » (New York, 2003, 2011) traite de Claudio Magris, tandis qu'« Il faut déclarer l'amitié » (New York, 2003, 2012) est consacré à Antonio Tabucchi.

Le dernier texte de la deuxième partie, «Capitale dada»(New York, 2005) est une flânerie culturelle entre la Roumanie et New York.

De la troisième partie ou « La cinquième impossibilité » (New York, 2010) il y aurait beaucoup à dire. Je vais cependant me contenter de citer Linda Lê qui écrit dans «Chercheurs d'ombres» : «Norman Manea, rappelant le mot de Kafka selon lequel écrire des lettres, «c'est se mettre nu devant les fantômes ; ils attendent ce moment avidement», est peut-être l'écrivain exilé qui s'est le plus interrogé sur les impasses auxquelles se heurtent tous les chercheurs d'ombres enivrés par l'espoir du Grand Retour et affolés devant la perspective de renouer avec le connu, eux qui ont toujours vécu entre plusieurs impossibilités kafkaïennes : impossibilité de ne pas écrire, impossibilité d'écrire dans un idiome d'emprunt, impossibilité d'écrire dans une autre langue, à quoi il faudrait ajouter l'impossibilité d'écrire, tout simplement et cette «cinquième impossibilité», qu'évoque Norman Manea : l'exil intérieur, incarné de façon absolue par Kafka qui nous conseillait, dans notre combat contre le monde de seconder le monde, Kafka qui se plaçait délibérément en marge et revenait sans cesse sur son impuissance à faire partie du jeu» (p. 105).
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Un beau recueil de proses critiques, dans la tradition de l'essai, où la vie de l'essayiste, sa pensée, ses rencontres, et sa réflexion se mêlent en un tout indissociable.
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(Lecture partagée de 2013)

Littérature roumaine

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critiques presse (2)
Telerama
27 mars 2013
Ces douze textes [...] composent l'itinéraire intellectuel de Norman Manea (né en 1936), un écrivain roumain parvenu à surmonter l'exil et la dépossession de sa langue. [...] Ses textes déploient une réflexion sur les chemins intimes de la littérature, sa capacité à surmonter le quotidien et la trace qu'elle laisse des auteurs disparus.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeMonde
25 mars 2013
Existe-t-il un moyen de surmonter ces impossibilités ? Passionné, lucide, auto-ironique, ce livre est une tentative de réponse à cette question qui, depuis un siècle au moins, constitue le trou noir autour duquel tourne la littérature.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Au commencement était le verbe nous disent les anciens. Pour moi, celui du commencement fut roumain. Le médecin et ceux qui avaient veillé sur ma difficile naissance parlaient le roumain. Chez moi, on parlait roumain, je passais la majeure partie de mon temps avec Maria, la jolie fille de paysans qui s’occupait de moi et m’adorait en roumain. Ce n’était, certes, pas la seule phonétique de mon environnement. Dans la Bucovine d’avant la dernière guerre mondiale, on parlait l’allemand, le yiddish, l’ukrainien, le polonais et un étrange mélange de slave, caractéristique des Ruthènes. La grande guerre fratricide entre le yiddish, la langue de l’exil, plébéienne, laïque, et l’hébreu sacré, élitiste, connut, ne l’oublions pas, son heure dramatique à la Conférence de Czernowitz en 1908, quand la victoire solennelle du yiddish (« les Juifs sont un seul peuple, leurs langues est le yiddish ») ne pouvait laisser augurer la suprématie spectaculaire et définitive que la création de l’État d’Israël allait assurer quatre décennies plus tard à la langue hébraïque. Lorsque mon grand-père demanda si j’avais des ongles, afin d’évaluer les chances du nouveau-né, je suppose qu’il le fit en yiddish, bien qu’il sût l’hébreu, parlât couramment le roumain, et que dans sa librairie on vendît essentiellement des livres roumains.
À 5 ans, déporté en Transnistrie avec toute la population juive de Bucovine, je ne connaissais que le roumain. Lors de mon premier exode au-delà du Dniestr, la langue roumaine subit l’exil en même temps que moi.

(p. 45, première page du texte « La langue exilée », 2002)
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Je me rappelle encore avec quelle émotion le vieillard que j'étais à l'âge de neuf ans, de retour du camp, reçut au jour solennel de son anniversaire un recueil de contes roumains. En cet après-midi d'été 1945, dans le silence de la pièce, seul dans l'univers, je découvrais la langue fascinante, magnétique, miraculeuse, d'un conteur de génie.
(p. 9)
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L'amour, ils n'ont pu l'offrir ni le recevoir comme ils l'auraient voulu. Jetés sous la même ombre errante, au soir du départ, de l'exil ultime, lorsque le soleil et pas seulement le soleil décline, [Paul] Celan et [Benjamin] Fondane se sont rencontrés et ont, enfin, fraternisé avec les non-aimés de toujours, maintenant, à l’heure de cendre, dans l'ascension vers eux-mêmes.
(p. 132)
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Hermann Hesse a raison de dire que les textes de Kafka ne sont ni religieux, ni métaphysiques, ni moraux , mais simplement poétiques.
(p. 250)
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[…] le roman « L'Enveloppe noire » (1986) proposait une allégorie du quotidien socialiste avec de forts accents politiques, à une époque où la dictature encourageait l'écrivain « esthète » détaché de la réalité du moment.
(p. 49)
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