Allez savoir pourquoi cette envie soudaine d'une relecture sensuelle ! Peut-être le ciel déprimant de janvier où s'impose un gris uniforme, sans nuance...
Lorsqu'il publie “
Roi, dame, valet” en 1928,
Vladimir Nabokov a seulement 29 ans et déjà une plume d'une étonnante maturité. Il se dégage de cette histoire de moeurs, racontée avec un brin de désinvolture, une atmosphère jubilatoire qui avec bonheur déteint sur l'humeur du lecteur.
Alors qu'il sonne à l'huis d'une demeure cossue dont l'adresse figure sur le papier que lui a remis sa mère, Franz est loin d'imaginer que la dame derrière la porte est celle qu'il a pendant des heures, la veille, déshabillée du regard dans un compartiment du train qui filait à pleine vitesse sur Berlin.
Cette trentenaire d'une grande beauté reconnaît immédiatement le jeune homme un peu gauche qui derrière ses lunettes semblait, quelques heures plutôt, fasciné par ses bas de soie transparents. Kurt, son mari cinquantenaire, plongé comme d'habitude dans son journal, l'a par contre à peine remarqué.
Kurt et Marthe accueillent chaleureusement ce neveu provincial qu'ils ne connaissent ni d'Eve ni d'Adam. Dès le lendemain, ce dernier est promu vendeur dans un magasin de prêt-à-porter appartenant à son oncle. Il dispose gratuitement d'une chambre située non loin de là et de surcroît est invité chaque soir à la table avunculaire.
Ainsi commence ce roman qui, avec force préliminaires et un érotisme de bon aloi, décrit les petits pas hésitants d'un adultère dans l'Allemagne des années 20 où le fox-trot et le two-step sont de mode.
Le plaisir des sens n'empêche pas nos deux tourtereaux de tirer des plans sur la comète mais lorsqu'ils supputent l'élimination du mari trompé dans le but de s'approprier sa fortune, l'empathie du lecteur à leur égard s'en va decrescendo.
Pas sûr d'ailleurs que sur ce coup-là les amants comploteurs raflent la mise !
''
Roi, dame, valet'' vous tend les bras : son écriture exquise, sa sensualité troublante, son épilogue surprenant ne s'oublient pas de sitôt.