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Arlette Pierrot (Traducteur)
EAN : 9782879294407
168 pages
Editions de l'Olivier (04/10/2007)
3.76/5   33 notes
Résumé :
A Badenheim, le printemps est un moment de transition : les ombres de la forêt battent en retraite, la lumière se répand d'une place à l'autre et les rues s'animent en prévision de la saison estivale.
Mais en cette année 1939, tandis que les premiers vacanciers déposent leurs bagages à l'hôtel, que Papenheim et son orchestre arrivent pour le festival de musique, que Sally et Gertie, les prostituées locales, flânent dans l'avenue, deux inspecteurs du service s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Badenheim ville de villegiature (c'est le titre de la v.o.).
Une petite ville (en Autriche?) qui propose chaque printemps et ete un festival de musique. Les vacanciers sont tous ou pratiquement tous des juifs qui se retrouvent la chaque annee, assidument. Ils apprecient la musique et les danses, les mets de l'hotel et les tartes de la patisserie locale, et profitent de la nature environnante par de longues promenades.

En cette annee de 1939 (date accolee au titre dans les traductions, bien qu'elle ne soit jamais indiquee dans le texte) les habitues se retrouvent joyeusement: la fete peut commencer.
Les jours s'ecoulent dans un climat de farniente. Tout baigne dans une aura de reve. Mais arrivent deux inspecteurs du departement d'hygiene qui verifients les installations de la farmacie, de la patisserie. D'autres les rejoignent et forment une commission d'hygiene qui s'immiscue partout et en fait s'empare de la direction de la ville. Vers la mi mai est affiche partout un communique invitant les citoyens juifs a se faire enregistrer. Puis, un peu partout, des pancartes: le travail est notre vie. L'air de la Pologne est plus pur. Les nouvelles zones de developpement te reclament.

Peu a peu (ou tres rapidement) la ville se vide des non-juifs. Elle est bouclee, personne ne peut plus en sortir, mais on y fait entrer de nouveaux juifs en masse, et elle se transforme sous les yeux du lecteur en un centre de rassemblement et d'expatriation vers la Pologne.
Curieusement, la plupart des estivants et des habitants juifs de la ville acceptent cet etat de choses. Sans en comprendre la raison. Que veulent-ils de nous? demande l'un apres s'etre inscrit; difficile de savoir, lui repond un autre. Kafka ne repondrait pas autrement. Quelques recalcitrants essayent de s'opposer a ces mesures, accusant les ostjuden, les nouveaux venus de l'est, de les avoir provoquees, envoyant force missives de proteste qui n'arriveront nulle part, la poste ne fonctionnant plus.

L'ete avance. Les promenades sont interdites. La piscine est fermee. Les vivres commencent a manquer. On pille les reserves de la farmacie. Une certaine apathie s'installe. Les estivants se mettent a rever de la Pologne, fantasmant sur un retour a des sources juives oubliees, essayant de se rememorer des mots et expressions yiddish perdues. Les musiciens jouent du klezmer. Un des chanteurs invites, le “yanouca" (= l'enfant) entonne une berceuse, (c'est "Rozhinken mit mandlen". Dandine): raisins secs et amandes, dors, petit yidele, dors. le vieux rabbin du lieu sort d'on ne sait ou, infirme, sur une chaise roulante.

On se prepare au voyage. Les musiciens volent l'argenterie de l'hotel et tout ce qu'ils peuvent entasser dans une valise. le maitre d'hotel essaye de convaincre son chien de s'unir aux voyageurs. Un hote essaye de sauver les poissons de l'aquarium et les met dans une bouteille. Quand le grand jour arrive, tous marchent vers la gare. Et Pappenheim, l'impresario du festival, s'ecrie en y arrivant: “Si les wagons sont aussi sales, c'est signe que nous n'irons pas loin!”.

En de courtes phrases, quelques dialogues, Appelfeld distille une atmosphere cauchemardesque. le telescopage d'une histoire connue du lecteur mais que ses personnages ne peuvent percevoir. Il joue magnifiquement de l'imprecis, du flou, du trouble, et laisse au lecteur le soin d'y placer ses reperes historiques. Aucun indice reel, mais le lecteur saisit immediatement que les personnages, juifs assimiles, croient dur comme fer a “l'ordre" autrichien et ne doutent pas des bonnes raisons de ses decrets. le doute est une maladie, et bien que tout se degrade, que meme la nature environnante montre des signes de decomposition, ils ne peuvent concevoir que ce sont les envoyes du pouvoir qui en fait enfreignent toutes regles. Un des personnages, desoriente, accuse les juifs yiddishisants de l‘est d' “epidemie juive”. Il ne peut envisager que c'est la commission d'hygiene qui injecte le virus, qui propage l'epidemie. Que c'est elle la maladie.

En aucun moment ne sont mentionnes ni nazis, ni solution finale, ni camps de concentration, ni crematoires, ni la shoa. Tout est dans la tete du lecteur. La contention d'Appelfeld est plus forte que toute charge. Plus horrifiante que tout cri. Il esquisse avec la meme serenite d'ecriture les moments de bonheur et ceux d'abattement, les joies les doutes et les peines. Et c'est le lecteur, averti de l'histoire, qui sent jaillir un cri du plus profond de lui-meme. Qui sent passer l'ombre de l'holocauste.

Appelfeld emeut avec une histoire d'incomprehension, d'aveuglement, de confusion face a la depreciation de toutes les regles, a la corruption de tous les rapports humains. Il esquisse une parabole sur une maladie, une epidemie, qui a tue l'Europe. Ou au moins une partie de l'Europe. Ou au moins une idee de l'Europe.
Je me dis que pour Appelfeld, qui etait croyant, le nom de l'holocauste est comme le nom de Dieu. Il ne peut le prononcer a haute voix. Mais tout lecteur l'entend. Et c'est l'emoi. Dans ce livre aussi. Ce livre, aussi, comme d'autres d'Appelfeld, est bouleversant.
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Un bon roman dans le style de cet auteur, on aime ou pas. Moi j'adore, on y apprend beaucoup sur les traditions juives de l'avant guerre, sur les mentalités. Ici le de décor est une cité de vacances, un petit groupe d'habitués s'y retrouve comme chaque année. Ils y resteront coincés , nous sommes en 1939 et il ne fait pas bon être juif en Autriche. Au delà de l'aspect historique, on y découvre les petits travers de chacun, un texte très poétique comme toujours, très inspiré.
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Aharon Appelfeld s'est appuyé sur son vécu et celui de ses parents , sa mère assassinée et son père et lui-même déportés durant la seconde guerre mondiale.
pour écrire ce roman court.
Ecrit comme une nouvelle, ce récit dépeint la transformation d'une station balnéaire d'Autriche où les habitués se rejoignent chaque année, en camp de transit dans l'attente d'un" voyage" vers la Pologne.

Le temps s'écoule entre la pâtisserie, haut lieu de rencontres et de gourmandise, l'hôtel, le jardin et les concerts dans une ambiance bon enfant; puis viennent les restrictions, les interdits, les fermetures; d'abord le bureau de poste, puis l'eau de la piscine disparait, la pâtisserie baisse son rideau, les artistes ne veulent plus se produirent le tout sous l'oeil réprobateur de la commission sanitaire.
Personnage principal, le Dr Papenheim tente de coordonner les activités des vacanciers et des professionnels avec un optimiste à toute épreuve; même quand une partie de la population en fait un bouc émissaire de tous les maux.
Il finira par perdre son optimisme et ses illusions quand, à la toute fin, lui et ses congénères devront prendre place dansdes wagons de marchandises qui lui fera dire:
- Si les wagons sont aussi sales, c'est signe que nous n'irons pas loin !
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Martin le pharmacien et Trude sa femme malade, Sally et Gertie, prostituées en fin de parcours, le docteur Papenheim, impresario du festival de musique local, le chef d'orchestre et ses musiciens, des jumeaux chanteurs, etc., toute une petite société d'habitués se retrouve en 1939 pour la saison à Badenheim, station thermale petite-bourgeoise autrichienne, dans une ambiance initialement proche de celle de la Montagne magique.

Progressivement, les juifs sont soumis par le service sanitaire à des examens puis à la quarantaine, enfermés dans ce village de Badenheim, avec la perspective, constamment discutée, d'être forcés d'émigrer en Pologne ; ils se rassurent sur le fait qu'ils n'y perdront rien, que l'air est plus pur en Pologne, mais, l'inquiétude grandit comme une ombre quand le soleil décline, le silence et la peur s'épaississent de jour en jour. Naïveté des juifs qui se considèrent comme assimilés, Papenheim est perçu par beaucoup comme le bouc émissaire, la ville aurait été bouclée à cause de la corruption autour de son festival, et les juifs de l'est sont accusés par les autres, ceux qui se sentent autrichiens avant tout, comme les responsables de tous les maux.

« le secret et la crainte accompagnant une nouvelle compréhension enveloppaient de plus en plus les gens. Ils marchaient posément, parlaient dans un murmure. Les garçons servirent des fraises à la crème. L'été vint déployer sur la vaste terrasse l'ombre de son délire enivrant. Les jumeaux rougissants prirent place à côté de leur directrice sans dire un mot. Dans les réunions, ils avaient l'air d'enfants. le docteur Papenheim avait préparé un programme chargé et tout le monde vivait dans une étrange expectative. Entre deux enquêtes, les gens âgés mouraient. La ville macérait dans des vapeurs d'alcool corrosives. »

Voici un extrait des mots d'Aharon Appelfeld au sujet de Badenheim 1939, dans "Parlons Travail" de Philip Roth : « Aujourd'hui encore, on s'accorde à prendre les Juifs pour des créatures habiles, retorses et pleines de finesse, qui auraient engrangé toute la sagesse du monde. Vous ne trouvez pas fascinant de voir comme il a été facile de les berner ? Il a suffi de subterfuges simplets, pour ne pas dire enfantins, pour les parquer dans des ghettos, les affamer des mois durant, les leurrer de faux espoirs, et finir par les faire monter dans les trains de la mort. C'est cette ingénuité qui s'imposait à moi lorsque j'écrivais Badenheim. »

"Badenheim 1939" retranscrit, sans jamais donner le moindre élément d'un contexte historique connu de tous, l'aveuglement au bord du gouffre de cette société qui n'est, malgré tout, absolument pas idéalisée dans ce récit.
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Contrairement à la plupart de ses romans qui sont très autobiographiques, celui-là se passe à une période et dans un lieu qu'il n'a pas connu. Badenheim est une station thermale allemande où chaque année se réunissent des habitués de la bourgeoisie juive qui font leur cure et écoutent les concerts du festival. On trouve le directeur du festival, toujours inquiet à cause des désistements de musiciens. le patron de l'hôtel qui règne sur son domaine. Les deux prostitutées locales qui font partie des autochtones maintenant. le pharmacien, dont la femme, dépressive, parle de retourner dans sa Pologne natale. Et des musiciens, des chanteurs, des curistes... Mais cette année-là rien ne se passe comme prévu. Aux préparatifs habituels se rajoutent des inspecteurs du service sanitaire qui demandent aux Juifs de s'enregistrer. "Ils ne veulent que notre bien", "C'est dans notre intérêt", "Il s'agit d'hygiène publique". La naïveté de ces gens serait drôle si nous ne connaissions la suite... La ville va être fermée et il faut se préparer à partir en voyage en Pologne.


Bien sûr l'émotion vient du contraste entre les préoccupations très utilitaires de chacun (vendre ses gâteaux, répéter, avoir une belle chambre) et la catastrophe qui se prépare. L'insouciance de ces gens est une parenthèse de bonheur et ils ne le savent pas. le style, très sobre, baeucoup moins lyrique que dans les romans, renforce cette impression de saynètes qui se jouent devant nous.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
- Montez ordonnèrent des voix.
Les gens avancèrent et furent absorbés à l'intérieur...
Cependant, le docteur Papenheim eut le temps de dire cette phrase :
- Si les wagons sont aussi sales, c'est signe que nous n'iront pas loin !
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"A la porte de la ville, on avait dressé une barrière. Personne n'entrait ni ne sortait. Toutefois, la porte n'était pas totalement fermée. Les laitiers livraient le lait le matin et le camion des maraîchers déchargeait des cageots à l'hôtel ; les deux cafés étaient ouverts, l'orchestre jouait tous les soirs. Cependant on avait l'impression qu'un autre temps, différent du temps régional, pénétrait dans la place et s'installait en silence".
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Le parfum enivrant de Badenheim justifiait encore une fois sa réputation.
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Videos de Aharon Appelfeld (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Aharon Appelfeld
Dans Qui-vive, la narratrice, Mathilde, semble perdre pied dans un monde toujours plus violent et indéchiffrable. Perdant le sommeil, puis le sens du toucher, elle s'arrime à des bribes de lumière des feuillets retrouvés à la mort de son grand-père, une vidéo de Leonard Cohen à Jérusalem, les réflexions douces-amères de sa fille adolescente et décide subitement de partir en Israël pour tenter de rencontrer ce qui la hante. de Tel-Aviv à Capharnaüm puis à Jérusalem, ses rencontres avec des inconnus ne font qu'approfondir le mystère. Trajectoire d'une femme qui cherche à retrouver la foi, ce roman initiatique interroge avec délicatesse le sens d'une vie au sein d'un monde plongé dans le chaos.
À l'occasion de ce grand entretien, l'autrice reviendra sur son oeuvre d'écrivaine où l'enfance et la guerre tiennent une place particulière, ainsi que sur son travail de traductrice.
Valérie Zenatti est l'autrice d'une oeuvre adulte et jeunesse prolifique. Elle reçoit en 2015 le prix du Livre Inter pour son quatrième roman, Jacob, Jacob (L'Olivier, 2014), et le prix France Télévisions pour son essai Dans le faisceau des vivants (L'Olivier, 2019). Son premier roman adulte, En retard pour la guerre (L'Olivier, 2006) est adapté au cinéma par Alain Tasma et réédité en 2021. Elle est également la traductrice en France d'Aharon Appelfeld, décédé en 2018, dont elle a traduit plus d'une dizaine de livres.
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