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EAN : 9780543695109
172 pages
Adamant Media Corporation (07/02/2002)
3.82/5   22 notes
Résumé :
Ludwig van Beethoven est né à Bonn, le 16 ou 17 décembre 1770, dans une famille de musiciens. Son père exploita très sévèrement ses talents musicaux voulant en faire un tel prodige tel que Mozart.
Dés l'âge de 11 ans, il entre organiste assistant à la cour de Cologne où il bénéficie de l'enseignement de C.G Neefe qui l'influencera dans son art et lui fera notamment découvrir Bach...
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
"Le monde meurt d'asphyxie dans son égoïsme prudent et vil. le monde étouffe. Rouvrons les fenêtres ! Faisons rentrer l'air libre ! Respirons le souffle des héros."
Ces quelques lignes, extraites de l'introduction apposée en début de l'ouvrage, éclairent l'état d'esprit de Romain Rolland lorsqu'il écrivit cette biographie.
Cette biographie fut le signe de son retour, tout d'abord d'un séjour à Bonn, mais aussi vers la vie dont il éprouvait moins la lourdeur excessive.
Ce cycle des hommes illustres est dédié aux malheureux . Romain Rolland, avec lui, cherche à ressusciter les héros. Mais il n'appelle pas "héros" ceux qui ont triomphé par la pensée ou par la force.
Il nomme "héros" seuls ceux qui furent grands par le coeur.
Et Beethoven, par sa musique, fut de ce peuple des "héros".
Romain Rolland nous prévient, dans la préface. Que l'on ne s'attende pas à une oeuvre puissante d'historien, ni de musicologue, l'on serait trompé.
"Le Beethoven ne fut point écrit pour la la science. Il fut un chant de l'âme blessée, de l'âme étouffée, qui reprend souffle, qui se relève et qui remercie son Sauveur".
L'auteur de l'ouvrage sait qu'il a transfiguré son personnage mais c'est parce qu'il a foi en sa musique.
Plus d'un siècle passé, cette biographie étincelante est un morceau de littérature ciselée de mots et de phrases dont seul un auteur comme Romain Rolland est capable d'en écrire .
Qu'il se présente comme écrivain, comme auteur dramatique, comme passionné d'art et de musique, comme fondateur de la revue Europe et finalement, ici, comme biographe, le plaisir est toujours intact de découvrir un de ses ouvrages.
L'homme engagé et généreux, grand pacifiste est un faiseur de mots sensible et génial. Il a, entre autre, offert au Théâtre du vingtième siècle, avec son théâtre de la révolution, quelques une de ses plus belles pages.
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J'apprécie beaucoup les biographies écrites par Romain Rolland (1866-1944), prix Nobel de Littérature 1915. Elles sont concises, bien écrites, sobres (ne recherchent pas le sensationnalisme) et souvent donnent un autre éclairage sur la personne. En effet, ce qui intéresse Romain Rolland chez la personne dont il fait la biographie n'est pas nécessairement ce qui intéresse les autres biographes. Ainsi, dans cette biographie de Beethoven Romain Rolland va souligner avant tout les qualités morales du grand compositeur.

"Je ne reconnais pas d'autres signes de supériorité que la bonté" écrit Beethoven le 17 juillet 1812.

On y apprend que Beethoven a eu la vie dure, dès son enfance, que la surdité le touche très tôt, avant la trentaine, et qu'il n'a pas connu la sécurité matérielle que sa renommée et son talent aurait mérité, même après le triomphe de la 9è symphonie et l'hymne à la Joie !

La biographie de Romain Rolland rend Beethoven très attachant et pour chaque étape de sa vie, explique en quoi elle se reflète dans sa musique.

Le livre se termine par un choix de lettres et de pensées.
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Vie de Beethoven est une brève biographie du dernier compositeur classique de Vienne (ou premier romantique selon les musicologues, paraît-il)
Assez inculte en ce qui le concernait, j'ai appris la plupart des éléments rapportés par le futur prix Nobel (1915). Bien que féru de musique, Rolland s'attache très peu à la description musicale des oeuvres du compositeur. Les éléments sont bien relatés, la lecture est facile, mais seul l'essentiel de la vie de Beethoven est raconté. Parfait pour moi, mais les fans d'histoire ou de musique resteront sans doute sur leur faim.

En revanche l'analyse et le parti-pris de Rolland nous apprend beaucoup sur ce qui compte à ses yeux, dans la vie d'un homme et surtout d'un artiste.

Au final on en apprends autant sur la vision et le sens de l'art de Rolland que de Beethoven.

Lisant en parallèle Jean-Christophe, le roman principal de Rolland, je suis surpris par la ressemblance majeure entre la vie du compositeur et celle du héros de livre. D'autant plus que Rolland porte le même regard sur l'homme et sur le personnage : ce sont des hommes qui surmontent les difficultés de la vie, majeures, pour donner au monde leur génie musical.

Un malheureux, pauvre, infirme, solitaire, la douleur faite homme, à
qui le monde refuse la joie, crée la Joie lui-même pour la donner au
monde. Il la forge avec sa misère, comme il l'a dit en une fière
parole
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Romain Rolland - coach du développement personnel et de la motivation- et cela en 1903, qui l'eût cru? Pour le faire, il se ressource dans la misérable vie de l'immense Beethoven.
Ce livre court, dense, fort, sert d'alibi à Romain Rolland pour prouver la force de la foi, sa foi en l'homme. Il développe son propos à partir des mots mêmes de Beethoven : "O homme, aide-toi toi même!".
C'est toujours déchirant de redécouvrir la vie ingrate (on a du mal à imaginer son calvaire!) de Beethoven, libre penseur intransigeant et humaniste. Parce qu'il a accepté sa vie telle qu'elle est et telle qu'elle se présente à lui, il ne se lamente pas. Il en fait quelque chose de grandiose pour la musique et pour l'Humanité, et quelque chose de bien pour ceux qui l'aime.
La vie de Beethoven que nous restitue Romain Rolland ne sort pas de son imagination mais de la correspondance de ce dernier, ce qui nous rapproche de l'homme réel qu'était Beethoven. On peut d'ailleurs lire en annexe ses écrits.
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Assez particulier mais on apprend beaucoup sur le compositeur !
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Citations et extraits (82) Voir plus Ajouter une citation
Notes
J. Russel (1822). — Charles Czerny, enfant, qui le vit en 1801, avec une barbe de plusieurs jours et une crinière sauvage, vêtu d’un veston et d’un pantalon en poil de chèvre, crut rencontrer Robinson Crusoé.
Note du peintre Kloeber, qui fit son portrait vers 1818.
« Ses beaux yeux parlants, dit le docteur W.-C. Müller, tantôt gracieux et tendres, tantôt égarés, menaçants et terribles » (1820).
Kloeber dit : « d’Ossian ». Tous ces détails sont empruntés aux notes d’amis de Beethoven, ou de voyageurs qui le virent, — tels que Czerny, Moscheles, Kloeber, Daniel Amadeus Atterbohm, W.-C. Muller, J. Russel, Julius Benedict, Rochlitz, etc.
Le grand-père Ludwig, l’homme le plus remarquable de la famille, celui à qui Beethoven ressemblait le plus, était né à Anvers, et ne s’établit que vers sa vingtième année à Bonn, où il devint maître de chapelle du prince-électeur. — Il ne faut pas oublier ce fait, si l’on veut comprendre l’indépendance fougueuse de la nature de Beethoven, et tant de traits de son caractère qui ne sont pas proprement allemands.
Lettre au docteur Schade, à Augsbourg, 15 septembre 1787 (Nohl, Lettres de Beethoven, II).
Il disait plus tard (en 1816) : « C’est un pauvre homme, celui qui ne sait pas mourir ! Quand je n’avais que quinze ans, je le savais déjà. »
Nous citons aux textes quelques-unes de ces lettres.
Beethoven trouva aussi un ami et un guide en l’excellent Christian-Gottlob Neefe, son maître, dont la noblesse morale n’eut pas moins d’influence sur lui que la largeur de son intelligence artistique.
A Wegeler, 29 juin 1801 (Nohl, XIV).
Il y avait déjà fait un court voyage, au printemps de 1787. Il vit alors Mozart, qui semble avoir fait peu attention à lui.
Haydn, dont il avait fait la connaissance à Bonn, en décembre 1790, lui donna quelques leçons. Beethoven prit aussi pour maîtres Albrechtsberger et Salieri. Le premier lui enseigna le contrepoint et la fugue ; le second lui apprit à écrire pour la voix.
Il débutait à peine. Son premier concert à Vienne comme pianiste, eut lieu le 30 mars 1795.
À Wegeler, 29 juin 1801 (Nohl, XIV).
« Aucun de mes amis ne doit manquer de rien, tant que j’ai quelque chose », — écrit-il à Ries, vers 1801 (Nohl, XXIV).
Dans le Testament de 1802, Beethoven dit qu’il y a six ans que le mal a commencé, — soit, par conséquent, en 1796. — Remarquons en passant que, dans le catalogue de ses œuvres, l’op. 1 seul (trois trios) est antérieur à 1796. L’op. 2, les trois premières sonates pour piano, paraissent en mars 1796. On peut donc dire que l’œuvre entier de Beethoven est de Beethoven sourd.
Voir sur la surdité de Beethoven un article du Dr Klotz-Forest, dans la Chronique médicale du 15 mai 1905. — L’auteur de l’article croit que le mal eut sa source dans une affection générale héréditaire (peut-être dans la phtisie de la mère). Il diagnostique un catarrhe des trompes d’Eustache, en 1796, qui se transforma, vers 1799, en une otite moyenne aiguë. Mal soignée, elle passa à l’état d’otite catarrhale chronique, avec toutes ses conséquences. La surdité augmenta, sans jamais devenir complète. Beethoven percevait les bruits profonds, mieux que les sons élevés. Dans ses dernières années, il se servait, dit-on, d’une baguette de bois, dont une extrémité était placée dans la boite de son piano, et l’autre entre ses dents. Il usait de ce moyen pour entendre, quand il composait.
(Voir sur la même question : C. G. Kunn : Wiener medizinische Wochenschrift, février-mars 1892 ; — Wilibald Nagel : Die Musik, mars 1902.)
On a conservé au musée Beethoven de Bonn les instruments acoustiques que fabriqua pour Beethoven, vers 1814, le mécanicien Maelzel.
Nohl, Lettres de Beethoven, XIII.
Nohl, Lettres de Beethoven, XIV. (Voir les textes.)
À Wegeler, 16 novembre 1801 (Nohl, XVIII).
Elle ne craignit pas, dans la suite, d’exploiter l’ancien amour de Beethoven, en faveur de son mari. Beethoven secourut Gallenberg. « Il était mon ennemi : c’était justement la raison pour que je lui fisse tout le bien possible », dit-il à Schindler, dans un de ses cahiers de conversation de 1821. Mais il l’en méprisa davantage. « Arrivée à Vienne, écrit-il en français, elle cherchait moi, pleurant, mais je la méprisais. »
6 octobre 1802 (Nohl, XXVI). Voir aux textes.
« Recommandez à vos enfants la vertu ; elle seule peut rendre heureux, non l’argent. Je parle par expérience. C’est elle qui m’a soutenu dans ma misère ; c’est à elle que je dois, ainsi qu’à mon art, de n’avoir pas terminé ma vie par le suicide. » Et dans une autre lettre, du 2 mai 1810, à Wegeler : « Si je n’avais pas lu quelque part que l’homme ne doit pas se séparer volontairement de la vie, aussi longtemps qu’il peut encore accomplir une bonne action, depuis longtemps je ne serais plus — et sans doute par mon propre fait. »
A Wegeler (Nohl, XVIII).
La miniature de Hornemann, qui est de 1802, montre Beethoven mis à la mode de l’époque, avec des favoris, les cheveux à la Titus, l’air fatal d’un héros byronien, mais cette tension de volonté napoléonienne, qui ne désarme jamais.
On sait que la Symphonie héroïque fut écrite pour et sur Bonaparte, et que le premier manuscrit porte encore le titre : Buonaparte. Sur ces entrefaites, Beethoven apprit le couronnement de Napoléon. Il entra en fureur : « Ce n’est donc qu’un homme ordinaire ! » cria-t-il ; et dans son indignation, il déchira la dédicace, et écrivit ce titre vengeur et touchant a la fois : « Symphonie héroïque… pour célébrer le souvenir d’un grand Homme. » (Sinfonia eroica… composta per festeggiare il sovvenire di un grand Uomo.) Schindler raconte que dans la suite, il se départit un peu de son mépris pour Napoléon ; il ne vit plus en lui qu’un malheureux digne de compassion, un Icare précipité du ciel. Quand il apprit la catastrophe de Sainte-Hélène, en 1821, il dit : « Il y a dix sept ans que j’ai écrit la musique qui convient à ce triste événement. » Il se plaisait a reconnaître dans la Marche funèbre de sa symphonie un pressentiment de la fin tragique du conquérant. — Il est donc bien probable que la Symphonie héroïque, et surtout son premier morceau, était, dans la pensée de Beethoven, une sorte de portrait de Bonaparte, très différent du modèle, sans doute, mais tel qu’il l’imaginait, et tel qu’il l’eut voulu : le génie de la Révolution. Beethoven reprend d’ailleurs dans le finale de l’Héroïque une des phrases principales de la partition qu’il avait déjà écrite pour le héros révolutionnaire par excellence, le dieu de la Liberté : Prométhée (1801).
Robert de Keudell, ancien ambassadeur d’Allemagne à Rome : Bismarck et sa famille, 1901, traduction française de E.-B. Lang.
Robert de Keudell joua cette sonate à Bismarck, sur un mauvais piano, le 30 octobre 1870, à Versailles. Bismarck disait de la dernière phrase de l’œuvre : « Ce sont les luttes et les sanglots de toute une vie. » Il préférait Beethoven à tout autre musicien, et, plus d’une fois, affirma : « Beethoven convient le mieux à mes nerfs. »
La maison de Beethoven était sise près des fortifications de Vienne, que Napoléon fit sauter après la prise de la ville. « Quelle vie sauvage, que de ruines autour de moi ! — écrit Beethoven aux éditeurs Breitkopf et Haertel, le 26 juin 1809 ; — rien que tambours, trompettes, misères de toute sorte !
Un portrait de Beethoven, à cette époque, nous a été laissé par un Français qui le vit à Vienne, en 1809 : le baron de Trémon, auditeur au Conseil d’État. Il fait une description pittoresque du désordre qui régnait dans l’appartement de Beethoven. Ils causèrent ensemble de philosophie, de religion, de politique, « et surtout de Shakespeare, son idole ». Beetnoven était assez disposé à suivre Trémont à Paris, où il savait que le Conservatoire exécutait déjà ses symphonies, et où il avait des admirateurs enthousiastes. — (Voir, dans le Mercure musical du 1er mai 1906, Une visite à Beethoven, par le baron de Trémont ; publié par J. Chantavoine.)
Ou plus exactement, Thérèse Brunsvik. Beethoven avait fait la connaissance des Brunsvik à Vienne, entre 1796 et 1799. Giulietta Guicciardi était la cousine de Thérèse. Beethoven semble s’être épris aussi, pendant un temps, d’une sœur de Thérèse, Joséphine, qui épousa le comte Deym, puis en secondes noces le baron Stackelberg. — On trouvera les détails les plus vivants sur la famille Brunsvik dans un article de M. André de Hevesy : Beethoven et l’Immortelle Bien-aimée (Revue de Paris, 1er et 15 mars 1910). M. de Hevesy a utilisé, pour cette étude, les Mémoires manuscrits et les papiers de Thérèse, conservés à Mártonvàsàr en Hongrie. Tout en montrant l’intimité affectueuse de Beethoven avec les Brunsvik, il remet en question son amour pour Thérèse. Mais ses arguments ne semblent pas convaincants ; et je me réserve de les discuter, quelque jour.
Mariam Tenger : Beethoven’s unsterbliche Geliebte, Bonn, 1890.
C’est l’air admirable qui figure dans l’Album de la femme de J.-S. Bach, Anna Magdalena (1725), sous le titre : Aria di Giovannini. On a discuté son attribution à J.-S. Bach.
Nohl, Vie de Beethoven.
Beethoven était myope, en effet. Ignaz von Seyfried dit que sa faiblesse de vue avait été causée par la petite vérole, et qu’elle l’obligeait, tout jeune, à porter des lunettes. La myopie devait contribuer au caractère égaré de ses yeux. Ses lettres de 1823-1824 contiennent des plaintes fréquentes au sujet de ses yeux, qui le font souffrir. — Voir les articles de Christian Kalischer : Beethovens Augens und Augenleiden (Die Musik, 15 mars-1er avril 1902).
La musique de scène pour l’Egmont de Gœthe fut commencée en 1809 — Beethoven eût voulu écrire aussi la musique de Guillaume Tell ; mais on lui préféra Gyrowetz.
Conversation avec Schindler.
Mais écrite, à ce qu’il semble, à Korompa, chez les Brunsvik.
Nohl, Lettres de Beethoven, XV.
Ce portrait se trouve encore aujourd’hui dans la maison de Beethoven, à Bonn. Il est reproduit dans la Vie de Beethoven par Frimmel, p. 29, et dans le M
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Dans plusieurs de ces œuvres, on est frappé par l’énergie et l’insistance des rythmes de marche et de combat. Cela est surtout sensible dans l’allegro et le finale de la Seconde Symphonie, et plus encore dans le premier morceau, superbement héroïque, de la Sonate à l’empereur Alexandre. Un caractère guerrier, spécial à cette musique, rappelle l’époque d’où elle est sortie. La Révolution arrivait à Vienne. Beethoven était emporté par elle. « Il se prononçait volontiers, dans l’intimité, dit le chevalier de Seyfried, sur les événements politiques, qu’il jugeait avec une rare intelligence, d’un coup d’œil clair et net. » Toutes ses sympathies l’entraînaient vers les idées révolutionnaires. « Il aimait les principes républicains », dit Schindler, l’ami qui le connut le mieux dans la dernière période de sa vie. « Il était partisan de la liberté illimitée et de l’indépendance nationale… Il voulait que tous concourussent au gouvernement de l’État… Il voulait pour la France le suffrage universel, et il espérait que Bonaparte l’établirait, et jetterait ainsi les bases du bonheur du genre humain. » Romain révolutionnaire, nourri de Plutarque, il rêvait d’une République héroïque, fondée par le dieu de la Victoire : le premier Consul ; et, coup sur coup, il forge la Symphonie héroique : Bonaparte (1804)[22], l’Iliade de l’Empire, et le finale de la Symphonie en ut mineur (1805-1808), l’épopée de la Gloire. Première musique vraiment révolutionnaire : l’âme du temps y revit avec l’intensité et la pureté qu’ont les grands événements dans les grandes Âmes solitaires, dont les impressions ne sont pas amoindries par le contact de la réalité. La figure de Beethoven s’y montre colorée des reflets de ces guerres épiques. Partout elles s’expriment, peut-être à son insu, dans les œuvres de cette période : dans l’Ouverture de Coriolan (1807), où soufflent des tempêtes, dans le Quatrième quatuor, op. 18, dont le premier morceau a tant de parenté avec cette ouverture ; dans la Sonate Appassionata, op. 57 (1804), dont Bismarck disait : « Si je l’entendais souvent, je serais toujours très vaillant[23] » : dans la partition d’Egmont ; et jusque dans ses concertos pour piano, dans ce concerto en mi bémol, op. 73 (1809), où la virtuosité même se fait héroïque, où passent des armées. — Comment s’en étonner ? Si Beethoven ignorait, en écrivant la Marche funèbre sur la mort d’un héros de la sonate op. 26), que le héros le plus digne de ses chants, celui qui plus que Bonaparte s’approcha du modèle de la Symphonie héroïque, Hoche, venait de mourir près du Rhin, que domine encore son monument funèbre, du haut d’une petite colline entre Coblentz et Bonn, — à Vienne même, il avait vu deux fois la Révolution victorieuse. Ce sont les officiers français qui assistent en novembre 1805, à la première de Fidelio. C’est le général Hulin, le vainqueur de la Bastille, qui s’installe chez Lobkowitz, l’ami et le protecteur de Beethoven, celui à qui sont dédiés l’Héroïque et l’Ut mineur. Et le 10 mai 1809, Napoléon couche à Schoenbrunn [24]. Bientôt Beethoven haïra les conquérants français. Mais il n’en a pas moins senti la fièvre de leur épopée ; et qui ne la sent pas comme lui, ne comprendra qu’à demi cette musique d’actions et de triomphes impériaux.
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La Quatrième Symphonie, écrite cette année, est une pure fleur, qui garde le parfum de ces jours les plus calmes de sa vie. On y a justement remarqué « la préoccupation de Beethoven, alors, de concilier autant que possible son génie avec ce qui était généralement connu et aimé dans les formes transmises par ses prédécesseurs[28] ». Le même esprit conciliant, issu de l’amour, agissait sur ses manières et sur sa façon de vivre. Ignaz von Seyfried et Grillparzer disent qu’il est plein d’entrain, vif, joyeux, spirituel, courtois dans le monde, patient avec les importuns, vêtu de façon recherchée ; et il leur fait illusion, au point qu’ils ne s’aperçoivent pas de sa surdité, et disent qu’il est bien portant, sauf sa vue qui est faible[29]. C’est aussi l’idée que donne de lui un portrait d’une élégance romantique et un peu apprêtée, que peignit alors Maehler. Beethoven veut plaire, et il sait qu’il plaît. Le lion est amoureux : il rentre ses griffes. Mais on sent sous ses jeux, sous les fantaisies et la tendresse même de la Symphonie en si bémol, la redoutable force, l’humeur capricieuse, les boutades colériques.

Cette paix profonde ne devait pas durer ; mais l’influence bienfaisante de l’amour se prolongea jusqu’en 1810. Beethoven lui dut sans doute la maîtrise de soi, qui fit alors produire à son génie ses fruits les plus parfaits : cette tragédie classique, la Symphonie en ut mineur, — et ce divin rêve d’un jour d’été : la Symphonie pastorale (1808)[30]. — L’Appassionata, inspirée de la Tempête de Shakespeare[31], et qu’il regardait comme la plus puissante de ses sonates, paraît en 1807, et est dédiée au frère de Thérèse. À Thérèse elle-même il dédie la rêveuse et fantasque sonate, op. 18 (1809). Une lettre, sans date[32], et adressée À l’immortelle Aimée exprime, non moins que l’Appassionata, l’intensité de son amour :

« Mon ange, mon tout, mon moi… j’ai le cœur gonflé du trop que j’ai à te dire… Ah ! où je suis, tu es aussi avec moi… Je pleure, quand je pense que tu ne recevras probablement pas avant dimanche les premières nouvelles de moi. — Je t’aime, comme tu m’aimes, mais bien plus fort… Ah ! Dieu ! — Quelle vie ainsi ! Sans toi ! — Si près, si loin. — … Mes idées se pressent vers toi, mon immortelle aimée (meine unsterbliche Geliebte), parfois joyeuses, puis après tristes, interrogeant le destin, lui demandant s’il nous exaucera. — Je ne puis vivre qu’avec toi, ou je ne vis pas… Jamais une autre n’aura mon cœur. Jamais ! — Jamais ! — Ô Dieu ! pourquoi faut-il s’éloigner quand on s’aime ? Et pourtant ma vie, comme elle est à présent, est une vie de chagrins. Ton amour m’a fait à la fois le plus heureux et le plus malheureux des hommes. — … Sois paisible…, sois paisible — aime-moi ! — Aujourd’hui, — hier, — quelle ardente aspiration, que de larmes vers toi ! — toi — toi — ma vie — mon tout ! — Adieu ! — oh ! continue de m’aimer, — ne méconnais jamais le cœur de ton aimé L. — Éternellement à toi — éternellement à moi — éternellement à nous[33]. »
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Cette tristesse tragique s’exprime dans quelques œuvres de cette époque, dans la Sonate pathétique, op. 13 (1799), surtout dans le largo de la troisième Sonate pour piano, op. 10 (1798). Chose étrange qu’elle ne soit pas partout empreinte, que tant d’œuvres encore : le riant Septuor (1800), la limpide Première Symphonie (en ut majeur, 1800), reflètent une insouciance juvénile. C’est sans doute qu’il faut du temps à l’âme pour s’accoutumer à la douleur. Elle a un tel besoin de la joie que, quand elle ne l’a pas, il faut qu’elle la crée. Quand le présent est trop cruel, elle vit sur le passé. Les jours heureux qui furent ne s’effacent pas d’un coup ; leur rayonnement persiste longtemps encore après qu’ils ne sont plus. Seul et malheureux à Vienne, Beethoven se réfugiait dans ses souvenirs du pays natal ; sa pensée d’alors en est tout imprégnée. Le thème de l’andante à variations du Septuor est un Lied rhénan. La Symphonie en ut majeur est aussi une œuvre du Rhin, un poème d’adolescent qui sourit à ses rêves. Elle est gaie, langoureuse ; on y sent le désir et l’espérance de plaire. Mais dans certains passages, dans l’introduction, dans le clair-obscur de quelques sombres basses, dans le scherzo fantasque, on aperçoit, avec quelle émotion ! dans cette jeune figure le regard du génie à venir. Ce sont les yeux du Bambino de Botticelli dans ses Saintes familles, ces yeux de petit enfant où l’on croit lire déjà la tragédie prochaine.

À ses souffrances physiques venaient se joindre des troubles d’un autre ordre. Wegeler dit qu’il ne connut jamais Beethoven sans une passion portée au paroxysme. Ces amours semblent avoir toujours été d’une grande pureté. Il n’y a aucun rapport entre la passion et le plaisir. La confusion qu’on établit de notre temps entre l’une et l’autre ne prouve que l’ignorance où la plupart des hommes sont de la passion, et son extrême rareté. Beethoven avait quelque chose de puritain dans l’âme ; les conversations et les pensées licencieuses lui faisaient horreur ; il avait sur la sainteté de l’amour des idées intransigeantes. On dit qu’il ne pardonnait pas à Mozart d’avoir profané son génie à écrire un Don Juan. Schindler, qui fut son ami intime, assure qu’ « il traversa la vie avec une pudeur virginale, sans avoir jamais eu à se reprocher une faiblesse ». Un tel homme était fait pour être dupe et victime de l’amour. Il le fut. Sans cesse il s’éprenait furieusement, sans cesse il rêvait de bonheurs, aussitôt déçus, et suivis de souffrances amères. C’est dans ces alternatives d’amour et de révolte orgueilleuse, qu’il faut chercher la source la plus féconde des inspirations de Beethoven, jusqu’à l’âge où la fougue de sa nature s’apaise dans une résignation mélancolique.
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En novembre 1792, Beethoven vint se fixer à Vienne, métropole musicale de l’Allemagne[10]. La Révolution avait éclaté ; elle commençait à submerger l’Europe. Beethoven quitta Bonn juste au moment où la guerre y entrait. Sur la route de Vienne, il traversa les armées hessoises marchant contre la France. En 1796 et 1797, il mit en musique les poésies belliqueuses de Friedberg : un Chant du Départ et un chœur patriotique : Nous sommes un grand peuple allemand (Ein grosses deutsches Volk sind wir). Mais en vain il veut chanter les ennemis de la Révolution : la Révolution conquiert le monde, et Beethoven. Dès 1798, malgré la tension des rapports entre l’Autriche et la France, Beethoven entre en rapports intimes avec les Français, avec l’ambassade, avec le général Bernadotte qui venait d’arriver à Vienne. Dans ces entretiens commencent à se former en lui les sentiments républicains, dont on voit le puissant développement dans la suite de sa vie.

Un dessin que Stainhauser fit de lui à cette époque, donne assez bien l’image de ce qu’il était alors. C’est, aux portraits suivants de Beethoven, ce que le portrait de Buonaparte par Guérin, cette âpre figure rongée de fièvre ambitieuse, est aux autres effigies de Napoléon. Beethoven semble plus jeune que son âge, maigre, droit, raidi dans sa haute cravate, le regard défiant et tendu. Il sait ce qu’il vaut ; il croit en sa force. En 1796, il note sur son carnet : « Courage ! Malgré toutes les défaillances du corps, mon génie triomphera… Vingt-cinq ans ! les voici venus ! je les ai… Il faut que cette année même, l’homme se révèle tout entier[11]. » Mme de Bernhard et Gelinck disent qu’il est très fier, de manières rudes et maussades, et qu’il parle avec un très fort accent provincial. Mais ses intimes, seuls, connaissent l’exquise bonté qu’il cache sous cette gaucherie orgueilleuse. Écrivant à Wegeler tous ses succès, la première pensée qui lui vient à l’esprit est celle-ci : « Par exemple, je vois un ami dans le besoin : si ma bourse ne me permet pas de lui venir aussitôt en aide, je n’ai qu’à me mettre à ma table de travail ; et, en peu de temps, je l’ai tiré d’affaire…. Tu vois comme c’est charmant[12]. » Et un peu plus loin, il dit : « Mon art doit se consacrer au bien des pauvres. » (Dann soll meine Kunst sich nur zum Besten der Armen zeigen.)
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