De notre côté de la Baltique,
la Guerre d'hiver est un épisode peu connu de la deuxième guerre mondiale, au cours duquel l'URSS envahit la Finlande. Quel rapport avec le livre de
Philip Teir, sous-titré « roman conjugal » ? Assez peu, finalement, hormis que le récit se déroule principalement en Finlande, et en hiver, et qu'on y donne quelques références historiques. Avec la combinaison de ces mots « guerre » et « conjugal », je crois que j'espérais vaguement une sorte de remake nordique de « La guerre des Rose ». Las ! Foin d'humour vachard et de férocité ici, tout est amorti par la neige d'Helsinki et le brouillard de Londres. Il n'y a pas vraiment de fil conducteur, ce sont plutôt des tranches de vies dans la Finlande contemporaine, où l'on suit en alternance les différents personnages sur une période de quelques mois, évoluant dans la middle-class intellectuelle d'Helsinki. Les personnages, parlons-en, justement. le principal est Max, la soixantaine, professeur de sociologie qui connut son quart d'heure de gloire 20 ans plus tôt, grâce à son ouvrage sur la vie sexuelle des Finlandais. Autour de lui gravitent sa femme Katriina, DRH dans un hôpital, et leurs deux filles : Helen la conformiste, mariée, deux enfants, et Eva la cadette indépendante qui cherche sa voie et qui, sur un coup de tête, part étudier l'art moderne à Londres. Pour troubler le quotidien, il y a aussi Laura, ancienne étudiante de Max devenue journaliste et qui veut l'interviewer, Malik et Russ, respectivement professeur et condisciple d'Eva à Londres.
Tout ce petit monde est plus ou moins frustré, passif, blasé, paumé. Ca aurait pu être intéressant si j'avais compris ce que voulait me dire l'auteur à travers cette succession d'épisodes des vies, somme toute banales, de chaque protagoniste. Il y avait pourtant matière à étoffer le propos : le prof d'unif sur le déclin tombant sous le charme d'une femme 30 ans plus jeune, l'amour, le sexe, le mariage, le couple qui dure ou pas, les rêves et les illusions perdues, l'histoire de la Finlande, l'art moderne, le journalisme, la sociologie, le système de santé obligé de recruter des infirmières à l'autre bout de la planète, le mouvement Occupy et l'altermondialisme. Mais l'auteur se contente d'amorcer chaque thème, d'en planter le décor, puis semble s'en désintéresser en passant à un autre chapitre et un autre personnage, si bien qu'on se demande pourquoi il nous a raconté tout ça.
Ca aurait aussi pu être intéressant si l'auteur avait rendu ses personnages attachants. Mais question empathie, je suis restée assez proche des températures nordiques régnant à cette époque de l'année. Ou si l'auteur s'était démarqué par un style flamboyant, ou hilarant, ou cynique, ou… que sais-je… Mais là aussi, l'encéphalogramme est presque moribond tellement c'est plat, fade, farci de détails dispensables, en un mot, barbant. Ce n'est que sur les 30 dernières pages que ça s'anime, que ça se « drôlifie », mais trop tard pour rattraper la sauce.
La 4ème de couverture de ce premier roman présente
Philip Teir comme étant « à mi-chemin entre
Richard Yates et
Jonathan Franzen ». Permettez-moi de déplorer que ce chemin soit encore fort long…
Merci à Masse Critique de Babelio et aux éditions Albin Michel pour cette découverte.