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sur 2476 notes
Les grands classiques impressionnent toujours, et celui-ci est longtemps resté dans ma liste « pense-bête », puis dans ma pile à lire. Et il aurait pu y rester encore longtemps si je m'étais aperçu avant la fin du livre que ce que j'avais en main était seulement le tome 1, et pas la version intégrale !

Les évènements se déroulent pendant les guerres napoléoniennes : Tolstoï passe à la loupe quelques personnages représentatifs de la société russe de l'époque.

Les Bolkonsky tout d'abord : le prince André, le héros le plus complexe du roman, ambitieux et tenté par la gloire des armes, mais qui cherche désespérément une paix intérieure qui lui glisse toujours entre les doigts ; sa soeur, la princesse Marie, réputée dans le monde pour sa laideur, a décidé de sacrifier tout son bonheur pour s'occuper de son père, qui, loin de lui en être reconnaissant, la tyrannise toujours plus.

La famille Rostov ensuite, dans laquelle se nouent toutes les intrigues amoureuses du roman. Nicolas est un fervent admirateur de l'empereur et s'engage enthousiaste, et un peu désinvolte, dans l'armée. Il sera déchiré entre Sonia, son amour de jeunesse, et un mariage d'intérêt qui permettra à sa famille de rembourser ses dettes.

Pierre Bézoukhof est le dernier personnage principal du roman. Noceur invétéré, et fils illégitime d'un comte richissime, il prend possession du titre et de la fortune de son père grâce à des manoeuvres souterraines de gens qui espèrent obtenir ses faveurs. On lui force la main pour qu'il se marie avec Hélène, femme mondaine mais un peu sotte. Leur union prendra rapidement l'eau. Pierre tente de devenir meilleur et pendant la guerre, sera persuadé d'avoir un rôle crucial à jouer dans l'histoire de son pays.

Tous ces personnages, et beaucoup d'autres plus secondaires, vont s'influencer, évoluer, prendre des directions différentes au cours des évènements. Mais malgré, on a l'impression que Tolstoï prend cette histoire comme prétexte (colossal et extrêmement détaillé, mais prétexte tout de même) pour exposer ses idées sur la guerre et l'histoire.

Il prend à de nombreuses reprises la parole pour contester le point de vue des historiens. Il nie fermement que les «grands personnages de l'histoire» ou les «héros» aient la moindre influence sur les évènements, mais ne font que la subir, entraînés de la même façon que les soldats par des grands courants contre lesquels on ne peut lutter. Sa vision des batailles tranche aussi singulièrement avec le point de vue traditionnel : au lieu de voir des manoeuvres géniales imaginées par les généraux et exécutées minutieusement par les troupes, Tolstoï voit plutôt une grande pagaille, dans laquelle personne n'a la moindre idée de ce qu'il se passe exactement, et où le sort de la bataille se joue principalement sur la motivation et le patriotisme des soldats qui prennent part aux combats. Son point de vue est intéressant, mais il est trop répété sans fournir d'arguments supplémentaires, et dans l'épilogue, il devient même franchement agaçant.

L'oeuvre est colossale, mais même si elle fait un peu peur quand on la voit la première fois, elle vaut largement le détour !
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Longtemps j'ai eu envie de lire ce chef-d'oeuvre de la littérature russe, sans jamais oser l'aborder. Je l'ai entrepris dans le contexte du segment « Mission impossible » de l'émission de Radio-Canada: Plus on est de fous plus on lit, où nous sommes invités pour la seconde fois - la première portait sur Ulysse de James Joyce - à une lecture collective en compagnie d'un(e) coach - ici Ludmila Proujanskaïa -, qui prodigue des conseils pour faciliter la lecture, et de trois artistes, qui font part de leur expérience. J'avais plusieurs appréhensions: le nombre de personnages (plus de cinq cents), un sujet historique que je ne connais pas (la campagne napoléonienne), le nombre de pages (un peu plus de deux milles en version Folio) et les noms russes qui me semblaient venir en nombre de trois et impossibles à retenir. Deux conseils ont été particulièrement aidant. D'abord, qu'il y a en fait trois personnages principaux (le prince André Bolkonsky, Pierre Bézoukhov et Natacha Rostov) et que les autres gravitent autour d'eux; ensuite, que le patronyme est le prénom du père que se rappelle la personne qui vous rencontre. Armée de ces repères, (et de l'organigramme fourni par l'émission), j'ai pu faire une expérience de lecture que je ne suis pas près d'oublier. Tolstoï, qui ne s'attarde pas sur la description de ses personnages, les met en action de telle sorte que j'ai souvent eu l'impression d'être à côté des personnages et de les suivre, galopant aux côtés d'un aide de camp allant transmettre des ordres, ou assise dans un salon, m'intéressant aux conversations. Je craignais quelque peu les scènes de guerre, tout aussi intéressantes finalement que les tractations d'une noblesse sur son déclin. On n'entre pas dans un tel univers sans y trouver quelques longueurs, et j'ai moins apprécié les envolées théoriques de Tolstoï, lorsqu'il s'emploie à démontrer sa thèse de la causalité, allant jusqu'à se répéter. Je sentais confusément, en lisant le roman, qu'il y aurait un avant et un après Guerre et Paix. Je le sens encore, tout en n'ayant pas encore le recul nécessaire pour en saisir toute la portée, si ce n'est que la littérature russe est maintenant sans appréhension à ma portée.
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Une fresque éblouissante!
Début du XIXè siècle en Russie, Napoléon est l'ennemi.
Tolstoï nous livre une observation détaillée de l'aristocratie à travers le parcours de nombreux personnages à la psychologie fouillée. Dans le faste de la vie de salon ou sur les champs de bataille, ils accumulent victoires ou défaites, personnelles ou militaires. Tous sont entravés par leur époque et par leur milieu, et cherchent un sens à leur vie. Entre grandeur et mesquinerie, amour et amitié, égoïsme et abnégation… la frénésie de leur recherche fait le tour des passions humaines.
Un chef d'oeuvre tout à la fois romanesque, historique, politique et social, qui engloutit le lecteur dès la première page pour, la dernière page tournée, le laisser abandonné et pantois.
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Aaaah, « Guerre et paix » ! L'un des grands échecs de mon adolescence. J'étais motivée, j'y croyais à mort, j'avais même acheté les deux tomes d'un seul coup… J'avais terminé les neuf dixièmes du roman quand celui-ci m'est tombé des mains. Ce n'était pas chiant, ni mal écrit, au contraire, mais les personnages m'agaçaient monstrueusement ! J'avais envie de tous les baffer ou de les secouer comme des pruniers jusqu'à que leurs dents s'entrechoquent, particulièrement cet arrogant cul serré de Prince André et cet ahuri de Pierre. C'est, je crois, le seul bouquin que j'ai abandonné parce qu'il m'énervait trop.

Mais je n'aime pas rester sur une défaite et, alléchée par des critiques lues récemment, je me suis décidée à tenter de nouveau l'aventure. Quinze ans plus tard et un peu de plomb dans la cervelle en plus, je porte un regard plus indulgent et presque affectueux sur le bon gros Pierre. Certes, le bonhomme, constamment englué dans l'indécision et l'hésitation, peut taper sur les nerfs mais il est si dépourvu de toute vanité ou malveillance, si franc et si ouvert, qu'il force la sympathie. On apprécie Pierre comme on apprécierait un bon gros cousin, affable et toujours à l'écoute malgré ses défauts. Quant à Natacha – charmante, insouciante, fantasque Natacha ! – ce n'est qu'une enfant que les autres ont la sottise de traiter en adulte. Il ne faut pas lui en vouloir si elle n'est pas à la hauteur de leurs attentes, si elle commet des erreurs, des bêtises. Les enfants sont ainsi et on ne peut rien y faire. André, c'est une autre affaire… Je persiste et je signe, ce type est un connard arrogant, toujours à toiser son entourage du haut de sa vertu outragé, donneur de leçon insupportable et qui mérite à mes yeux ses propres malheurs. Agaçants, déraisonnables, têtes à vent, tous trois en sont d'autant plus humains et leur caractérisation est impeccable.

Agaçants et humains, les personnages qui gravitent autour d'eux. Agaçant et humain, le monde qui les entoure, un monde sur le déclin que la tempête napoléonienne menace de ravager. Ce monde-là c'est celui de l'aristocratie russe du début du XIXe siècle dont Tolstoï excelle à raconter les tares, les hésitations et les vanités. Pour ceux que la comédie de moeurs lasserait d'avance, rassurez-vous ! Si la plume de Tolstoï est vive et habile quand il s'agit d'épingler ses compatriotes, elle n'est pas moins brillante pour décrire des scènes de la vie militaire, batailles épiques et affrontements dantesques compris. Pour qui s'intéresse un tant soit peu aux guerres napoléoniennes, la lecture de « Guerre et paix » est incontournable : rarement la démence belliciste aura été peinte avec autant de panache et de sens de la tragédie !

Pourquoi seulement un petit quatre étoiles sur cinq alors ? Eh bien, parce que, avec tout le respect considérable que je lui dois, je n'adhère pas complétement aux thèses historiques de Tolstoï, ni à sa ferveur patriotarde un peu trop poussée à mon goût. Cette ferveur patriotarde pousse Tolstoï à reprendre en partie la propagande de son pays, notamment en attribuant aux français l'incendie de Moscou et en présentant la bataille de Borodino comme une victoire russe. Loin de moi l'envie d'attirer sur ma tête les foudres des fans du roman, mais quand une armée perd davantage d'hommes que son adversaire et lui abandonne le terrain, c'est une défaite – bien que l'on puisse parler plutôt de massacre pour les deux camps dans ce cas précis. Quant à la vision de l'Histoire de Tolstoï, elle est trop entachée de déterminisme chrétien pour convaincre l'athée que je suis et me rappelle celle de Victor Hugo – qui ne m'avait guère convaincue non plus.

Qu'on ne m'accuse pas de cracher dans la soupe : malgré ces quelques bémols très personnels, je ne dénie pas à « Guerre et paix » le titre de chef d'oeuvre. On peut apprécier énormément une oeuvre sans adhérer sur tous les points aux opinions de l'auteur et j'ai sacrément pris mon pied en lisant celle-ci ! Un livre grandiose assurément et dont je ne regrette pas la lecture. Prochaine étape : « Anna Karénine » ! (mais pas tout de suite, car il est très ventripotent également et j'ai besoin de souffler un peu)
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Guerre et Paix... Guerre et Paix ! Guerre et Paix ? Guerre ? et Paix ?
Ce titre hantait mon esprit et ma bibliothèque depuis longtemps ; enfin je me décide à le lire. Tout d'abord, une question se posa avant même d'entamer la lecture de ce que d'aucuns présentent comme un chef d'oeuvre de la littérature : comment venir à bout de deux gros volume d'un roman vraisemblablement pensé pour la lecture en feuilleton ? Je trouvai une réponse assez simple : lire le roman comme on regarde une série ; une portion par jour, pas plus. Neuf jours plus tard voilà la lecture du premier volume achevée.
Que penser de cette lecture ?
J'avais souvent entendu dire que Guerre et Paix est le roman des campagnes napoléoniennes vues du coté russe. Ce n'est pas mon impression car, in fine, dans ce premier tome on ne perçoit la guerre que par des échos assez lointains. Si vous reculez devant cette lecture par crainte de longues et fastidieuses descriptions de batailles, n'ayez pas peur de faire un pas en avant. On est, c'est en tout cas mon sentiment, moins englué dans la bataille d'Austerlitz que l'on ne l'est dans la bataille de Waterloo chez Stendhal.
Allons ! En avant, marche !
Qu'ai-je découvert dans ce roman ?
En avant tout, je retiendrais la qualité de la construction de la narration : on passe d'un personnage à l'autre sans heurts et, petit à petit, les histoires commencent à s'entremêler et le roman gagne à ce moment-là en puissance.
Ensuite, je retiendrais l'épaisseur psychologique des personnages qui nous les rend vrais et touchants, particulièrement les enfants Rostov, Nicola, Natacha et Sonia.
Car, enfin, d'après moi, si Guerre et Paix est un roman qui fait la part belle à l'âme russe et à la politique du début du XIXe siècle, ce premier volume se caractérise principalement par la violence des passions qui se déchainent au fur et à mesure des pages.
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Relecture de Guerre et Paix, c'est toujours aussi bon, la preuve, cela m'a pris 15 jours, alors que j'ai repris le travail.
Le feuilleton télévisé n'est pas à la hauteur, il ressemble trop à amour, gloire et beauté, alors que l'oeuvre de Tolstoi est une fresque de la Russie soumise aux guerres napoléoniennes qui montre que les hommes sont ballotés par les événements de l'histoire et que leur liberté est toute relative.
Tolstoi est le premier structuraliste qui démontre que le libre-arbitre n'existe pas.
Si on peut résister à sa théorie, on ne peut que se laisser emporter par sa force romanesque et on quitte à regret les familles Rostow, Bolkonski et Bezoukow qu'on aime comme la nôtre car on se reconnaît forcément dans l'ung ou l'autre de ses membres.
Chef d'oeuvre intemporel.
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Tous les dix ans, me prend l'envie de relire ce livre merveilleux, sommet de ce que doit être la littérature, profonde et romanesque. Roman philosophique, histoires d'amours et d'aventure, peinture d'une société russe archaïque et profondément travaillée par des fêlures qui mèneront un siècle plus tard à la révolution. Démolisseur de l'histoire "images d'Epinal", Tolstoï fait un sort à l'épopée napoléonienne et aux historiens nous présentant les rois seuls décideurs du sort des peuples. Il oppose la liberté à la nécessité et démontre le peu de pouvoir des généraux dans la bataille. Si quelques livres sont à sauver, assurément, il en fait partie.
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Fresque historique et romanesque, alternant entre descriptions de la vie aristocratique de l'époque et batailles napoléoniennes. À travers cinq familles aristocratiques nous assistons à des bals, des liaisons, des problèmes financiers, des jeunes filles qui fréquentent le monde à la recherche d'un mari, des hommes aux prises avec le jeu, l'alcool, des vies désincarnées ou au contraire, très riches.
J'ai souvent eu hâte que le récit des batailles se termine, pour retrouver certains personnages très attachants, comme Pierre, le plus sensible de tous, bien que naïf .
En résumé, malgré la lecture ardue concernant certains passages de batailles ou de descriptions de quelques personnages moins intéressants, j'ai beaucoup aimé suivre les états d'âme de Pierre Bezoukhov et du Prince Nicolas Andreyevich.
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Romanesque, philosophique, passionnante lecture. Tels sont les mots qui viennent après avoir refermé ce livre, aux pages épaisses, et qui ont fait germer dans l'esprit tant d'émotions que de réflexions.

Plusieurs niveaux de lecture se dégagent :

- le point de vue humain, ontologique.

La description des sentiments des personnages est profonde. Tolstoï dénoue les fils complexes de la personnalité humaine. Les motifs des personnages sont connus, leur passion, leur joie, leur désespoir, sont éclairés par l'auteur tout en mettant en avant les contradictions complexes. Par là, on peut noter une promiscuité avec ces personnages, une identification.

Les personnages principaux qui dirigent le roman peuvent apparaître aussi comme de possibles identifications. Ils sont vivants, ils évoluent comme nous tous, au fil de leurs expériences.

Le prince Andrei Bolkonski, aux idéaux profonds peut être associé à un héros romanesque. Sa femme, Liza, meurt, après avoir mis au monde Nikolai, le fils d'Andrei. Alors qu'on avait attribué à Andrei une mort imaginaire, il voit pour la dernière fois sa femme, et celle-ci meurt. Une dimension tragique est donnée au personnage d'Andrei. Il est fréquemment à la guerre, a un sens accompli du devoir.
A cet égard, il est mentionné qu'il lit Kant, très connu pour son impératif catégorique ( « Agis de telle manière que la maxime de ton action devienne une loi universelle »). Il est blessé, à plusieurs reprises. Par là, il est amené à s'interroger sur le sens existentiel de la vie. Andrei est tourmenté par le sens. Si tôt, il désespère et tout est malheur, désespoir, absurdité, si tôt il reprend espoir, et tout est joie, plus vif, plus intense.
Lié d'amitié avec Pierre Bézoukhov, il rejoint la loge franc-maçonne, et tente d'accomplir des bienfaits. Andrei connait une romance avec Natacha Rostova, mais il est répudié après une attente d'un an. le prince se rend compte qu'il a été trop idéaliste, croyant qu'elle ne pouvait aimer que lui. Andrei, plutôt que de vouloir les glorieux titres de guerre, les chefs de commandements, il préfère rejoindre les régiments, là où ce sont véritablement les hommes qui orientent le sens de la guerre.

Pierre Bézoukhov est un mystique, qui est rongé par le doute. Au début du roman, il semble athée, enclin à la débauche, au jeu. Il entre dans une quête existentielle, pris dans ses doutes, ses trébuchements. Il reprend certes foi avec la loge franc-maçonne, mais il doute toujours, jusqu'à ce qu'arrive l'épreuve de Dieu : il est fait prisonnier en 1812 par les Français occupant Moscou. Pieds nus, il partage ses biens, ses vêtements avec les autres détenus, et fait tout pour le bien d'autrui, avec compassion et amour du prochain. Cette épreuve n'est pas sans rappeler les écritures des Evangiles, et au-delà le message du Christ : donner à l'autre, faire don de soi, et l'amour du prochain, même dans le dénuement. Pierre cherche le progrès pour les paysans, à abolir le servage. Cette épreuve a été selon lui la plus grande joie de toute sa vie. Elle a été lumière de Dieu.

Natacha Rostova incarne la quête de l'amour, enclin à des tourments. Amoureuse de l'idée d'amour, elle a beaucoup de "prétendants" dans la jeunesse. Car renoncer à un, c'est renoncer à tous les autres. ( Un rappel peut-être de Don Juan, qui aime la femme, en général, Natacha, c'est l'amour, grande idée qu'elle aime. La tradition romantique montre un Don Juan en quête d'un idéal, mais il ne le trouve pas). Peut-être est-ce une quête, un idéal à atteindre. Elle est remise en cause, sur la voie de Dieu : Natacha ne veut pas faire le mal. Quand elle répudie la demande du Prince Andrei, elle s'en remet à Dieu, prie avec ferveur à la messe tous les dimanches. Sa quête prend fin avec Pierre, qui lui ressemble, dans le tréfonds de son âme.

Nikolai Rostov est nourrit par les idéaux, il se rend à la guerre, et rencontre la peur de la mort, l'angoisse. Son premier amour avec Sonia est rempli de promesse. A la fin, Nikolaï avance aussi sur le chemin de Dieu. Il aide la princesse Maria, quand elle a dû quitter la demeure de son père mort, Lyssé Gory menacée par les troupes napoléoniennes. Il aide la princesse, avec attention. Il se marie avec elle à la fin du roman, avec Maria, archétype de la religieuse dévouée. Encore un pas vers Dieu, et qui ouvrira la porte de la lumière de Dieu.

Tous les personnages convergent vers Dieu ( en tout cas, ces personnages-ci).

Guerre et paix attache particulièrement une place à Dieu. Pierre, en proie à une douloureuse interrogation existentielle, rejoint la loge franc-maçonne, oeuvrant pour le progrès de l'Humanité. Dès lors, c'est une révélation, il voit le christianisme pur, débroussaillé de l'ombre de l'Eglise, qui cachait sa véritable essence.

La place du bien est omniprésente. Pour ne citer quelques exemples : quand, Natacha, aide volontairement des blessés, pendant l'occupation de Moscou. Elles les installent dans sa demeure. Pierre, qui veut à tout pris abolir le servage. La princesse Maria, soeur d'Andrei Bolkonski, est l'archétype même de la religieuse, dévouée, sacrifiée. Elle consacre sa vie à son père jusqu'à ce qu'il meurt. Et même quand il est sévère avec elle, elle pardonne, et elle l'aime toujours. Elle remet tout sous la volonté de Dieu.

- le point de vue sociétal : critiques et réflexions sur la société russe du XIXe siècle.

Tolstoï n'hésite pas à critiquer et à montrer l'hypocrisie qui règne dans les conventions aristocratiques. La noblesse tsariste est préoccupée par les salons, les fêtes, les bals, les successions, les mariages, et enfin, les dettes. le Salon d'Anna Pavlovna, archétype de l'aristocrate mondaine, pointue sur les conventions est un bel exemple. La vie aristocratique, d'apparence est le règne de l'extériorité, en outre la superficialité. Elle reste immuable, même en temps de guerre, et même des années plu tard. Bien sur, elle est aussi le siège d'arguments politiques.

Les réflexions sur la société sont aussi politiques. On rencontre les questions clés sur la monarchie parlementaire, la division en plusieurs groupes : les libéraux et les « monarchistes » de l'époque de Catherine II, autrement dit entre les nouveaux et les anciens. La figure de l'empereur Alexandre Ier, est mise en lumière.

Enfin guerre et paix de Tolstoï, c'est une réflexion sur la guerre et la paix. La dimension humaine de la guerre est évoquée : ce passage de la ligne qui mène dans un autre monde, celui de l'angoisse, de la souffrance et de la mort. Les soldats éprouvent cette crainte face à la guerre.
Le rôle individuel des foules, des soldats dans l'histoire, dans un événement historique est mis en avant. Tolstoi prend l'exemple du mécanisme de l'horloge, chacun est une partie dans un tout, et ce n'est pas une seule personne qui décide du sort de la guerre.

Tolstoï porte un regard sur les hommes de guerre, dans les régiments, les chefs d'état major. Ils sont en proie à de recherche de grades, à des récompenses. de même, il montre le désordre qui règne à la guerre, les problèmes de coordinations, la peur qui prend le dessus sur le soldat, et qui peut mettre en échec une campagne. Pour Tolstoï, par le prince Andrei, la guerre est un jeu : à qui se fera peur en premier. Tolstoï s'interroge aussi sur l'absurdité de la guerre, tous les hommes qu'ils soient Français, restent des êtres humains.

Enfin, Tolstoi, pointe l'héroïsme et le patriotisme. Napoléon déçoit, il est démystifié. Quand les soldats le voient, ils se rendent compte qu'il n'est qu'un homme comme les autres. Il n'est pas un grand homme hors du commun, faisant exception à la règle de l'Humanité. de même, le tsar Alexandre, fait preuve de fragilités. Nikolai Rostov finit par se défaire de cette idéalisation. Pierre, fervent admirateur de Napoléon au début du roman, devient indifférent à ce grand homme. Pétia, le frère de Nikolai, est le jeune, qui adule le tsar, prêt à tout pour se battre pour la patrie et pour le tsar. Tolstoï montre la passion débordante de ces gens là. Quand le tsar jette des biscuits, la foule s'empresse, folle et sauvage. Tolstoi n'approuve pas totalement ce patriotisme, et l'héroïsation.

Par conséquent, Tolstoi, porte un regard sur les épopées napoléoniennes qui ont tant inspiré les héros romantiques. Il souligne le décalage entre le mythe et la réalité.

Conclure sur une telle lecture, est-ce possible ?

Il y a un je ne sais quoi d'ineffable dans la littérature slave, une ambiance particulière, une façon autre de vivre, et d'écrire. Guerre et paix, comme Anna Karénine, sont des échos, qui résident dans le coeur de chacun. Ils ont une spécificité qui en font des chefs d'oeuvre, par la profondeur de la psychologie humaine, par la justesse des mots, c'est l'âme que vient chercher Tolstoi. Au delà, c'est l'âme russe qui vibre, dans ces envolées de sentiments.

Ouvrir Guerre et paix vaut la peine, tourner ces mille pages pour se laisser emporter dans la valse russe du XIXe siècle.

NB : l'édition points est la plus romanesque des éditions : les réflexions philosophiques trop longues ont été supprimées. Pour ceux qui souhaitent avoir un récit plus " épuré", je vous suggère cette édition.

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La Guerre et la Paix est un titre qui en dit long. le Mal et le Bien, l'Activité et le Repos, la Haine et l'Amour… Les contraires se dressent l'un contre l'autre. Ils sont tout, sauf le Pire et le Meilleur, car ils se côtoient sans jamais que l'un ne soit plus respectable que l'autre.

L'histoire se déroule de 1805, lors de la guerre de la Troisième Coalition, à 1812, lors de la Campagne de Russie. Entre les batailles de Schoengraben, d'Austerlitz et de Borodino, Tolstoï nous décrit minutieusement la Russie tsariste de l'époque à travers une galerie de personnages qui comporte, parmi ceux que je trouve essentiels, Pierre Bézoukhov, André Bolkonsky et Marie Bolkonsky. Les autres personnages, dont la psychologie est moins fouillée (mais tout de même longuement abordée), gravitent autour de ceux-ci pour leur donner des occasions régulières de s'illustrer dans leur rapport avec les choses, avec les autres, avec leurs croyances et leurs valeurs. D'ailleurs, je pense aussi que ces trois personnages et toutes les histoires qu'ils nouent à leur suite servent seulement de prétexte à Tolstoï pour ce qui m'apparaît être l'objectif principal de son ouvrage : faire la démonstration de sa théorie fataliste de l'histoire.



Je pensais que Guerre et Paix serait un roman. Après lecture, je m'aperçois que ce n'est pas le cas. La question de savoir quelle nature attribuer à ce livre a été posée à de maintes reprises. Tolstoï en parle lui-même dans l'appendice :

« Qu'est-ce que « La Guerre et la Paix » ? Ce n'est pas un roman, moins encore un poème, moins encore une chronique historique. « La Guerre et la Paix » est ce qu'a voulu et a pu exprimer l'auteur dans la forme où cela s'est exprimé. »

Pour ma part, je considère ce livre comme un essai masqué s'appuyant sur la fiction (un exemple développé sur plusieurs centaines de pages ?) pour démontrer sa thèse. le génie de Tolstoï tient au fait qu'il cherche à dissimuler son intention jusqu'à ce que les conclusions de ses démonstrations apparaissent de manière évidente.
Dans le premier livre, il est encore possible de croire que Guerre et Paix n'est qu'un roman. A partir du deuxième livre, Tolstoï se fait plus virulent. Des passages purement théoriques s'intercalent entre la fiction et viennent l'éclairer sous un autre angle. du singulier on passe au pluriel, on prend de plus en plus de recul. Napoléon était un grand Empereur dans le premier livre. Placé au centre des conversations, on parlait de lui avec terreur ou admiration, au choix. Dans le deuxième livre, il n'a pas plus d'importance qu'une fourmi et d'ailleurs, il est une fourmi : manipulé par lui-même et par les autres, par ce qu'il veut et ce qu'il croit vouloir, par l'idée du pouvoir et de la puissance, Tolstoï, au fil de sa démonstration, le réassigne à sa juste place. Il n'est rien de plus que les autres hommes car il ne peut pas échapper à l'Histoire.



L'intérêt que l'on accordera ou non à Guerre et Paix dépend peut-être de l'adhésion à cette théorie fataliste de Tolstoï. Je ne sais pas si elle m'a entièrement convaincue mais elle m'a plu, car ses conclusions bouleversent la conception que l'on se fait de l'homme et viennent relancer le grand débat sur l'idée du libre-arbitre. Impossible de contempler le monde de la même façon après avoir lu Guerre et Paix. Les observations de Tolstoï trouvent encore un vaste champ d'application aujourd'hui et peuvent être mises en pratique au quotidien.
Le deuxième livre me semble, pour cette raison, être le plus important. Si le premier m'a parfois intéressé pour les considérations sociologiques et psychologiques de Tolstoï sur les personnages, il n'a toutefois pas su me mettre l'esprit en ébullition comme le deuxième. Reste que ces considérations sociologiques et psychologiques sont d'une acuité qui méritent à elles seules le détour. Tolstoï montre que, s'il n'est pas schizophrène, son existence lui aura permis de nourrir de nombreuses réflexions sur les questions du rapport de chacun avec autrui, tentant peut-être de se glisser dans la peau de chaque personne qui aura eu de l'importance pour lui afin de la comprendre dans ses rouages les plus intimes -à moins qu'il ne se soit inspiré que de lui-même et de ses contradictions…

L'écriture de Tolstoï n'est pas des plus agréables, mais après coup je me dis que c'est celle qui convient le mieux à la démonstration menée dans Guerre et Paix. Cette écriture est froide, même lorsqu'elle parle des évènements les plus pathétiques, peut-être parce qu'elle est aussi monotone et impersonnelle. Si j'ai pu être rebutée par ce style au début de ma lecture, je me rends compte à présent qu'elle sert tout à fait à la compréhension car elle permet à Tolstoï de ne soutenir ni de ne condamner aucun de ses personnages. Il reste distant et se contente de décrire des faits qu'il ne cherche pas à juger. Cette absence d'engagement moralisateur donne au lecteur la possibilité de s'accrocher à l'un ou à l'autre des personnages, changeant d'attache et modifiant ses préférences au gré de l'évolution et de la maturation de chacun. Guerre et Paix se présente ici comme un vaste champ d'expérimentation qui permettrait de se glisser dans la peau d'un personnage pour un temps, pensant avoir trouvé en lui le représentant idéal de ses propres valeurs et aspirations, avant de se glisser dans la peau d'un autre, que le temps nous aura rendu plus proche. Suivre les personnages dans leurs réflexions et leurs contradictions est l'occasion d'une profonde remise en question personnelle et invite à considérer les erreurs de chacun avec plus de tolérance, voire à éprouver de la sympathie pour des individualités en proie aux tourments existentiels.

Ce livre est d'autant plus beau qu'il ne cherche pas particulièrement à l'être. Il mêle l'intelligence de Tolstoï à une pensée originale, et son caractère profondément humaniste vient apaiser la lucidité cruelle de ses propos. On alterne sans cesse entre réconfort et désespoir. J'aimerais pouvoir m'approprier ce texte et le porter en moi toute ma vie pour retrouver, à chaque fois que j'en aurais besoin, le passage de Guerre et Paix qui saurait me réconforter, me confirmer ou m'instruire de la situation –car je crois qu'il n'y a rien, dans la vie, dont ce livre ait oublié de parler.


Lien : http://colimasson.over-blog...
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