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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans ce récit, Tolstoï déploie son style franc et incisif plein de beaux adjectifs vigoureux qui vont droit au coeur. Il endosse l'habit d'Olénine, son double littéraire, jeune aristocrate épris d'absolu et aspirant à une vie simple et sauvage qu'il va vivre au contact des Cosaques.

Ces guerriers et leurs familles sont un peuple aux moeurs bourrues : costauds et agiles comme Lucas ; rusés et grandes gueules comme « l'oncle Erochka » ; ils sont riches d'une qualité que tout le monde ne possède pas : ce sont des Cosaques.

C'est aussi pour Olénine la révélation de l'amour lorsqu'il pose les yeux sur Marion, la fille de ses logeurs : sa grâce simple et naturelle, la sauvagerie rétive qui habite ses yeux sombres, son corps svelte et fort l'émeuvent immédiatement comme jamais une femme ne l'a ému.

Les jours passent et se ressemblent, la vie au cordon est rythmée par les tentatives d'incursion des abreks, les chasses d'Olénine et les discussions très arrosées de vodka (doux euphémisme !) ; des liens prudents et farouches se nouent. Malgré cela, les parlers différents rappellent la frontière tacite entre Cosaques et Russes, comme un mur de verre que Tolstoï, grand admirateur de Rousseau, chercha toute sa vie à briser pour se dépouiller enfin des fioritures indignes d'un homme de nature.

Tolstoï peint vivement la beauté rude, impitoyable et noble des Cosaques ; leur tempérament d'ours ; leur attitude austère pleine d'orgueil ; leurs traits communs d'humanité affleurant sous la couche de rudesse. Les belles envolées d'un lyrisme limpide alternent avec un réalisme qui ne manque pas d'espièglerie.

C'est l'histoire déchirante d'une nature fraîchement révélée à elle-même et ambiguë face à une nature indomptable ; de la méconnaissance de soi et de l'incompréhension de l'Autre ; de l'incompatibilité de ce qui semblerait s'accorder.

Quelle belle allégorie que cette histoire ! Marion est de ces beautés féroces qui semblent nées pour entraîner les hommes dans le désespoir. Elle est la femme sauvage, la chimère vénérée de Tolstoï. La vraie richesse, la vraie noblesse sont dans la nature qui porte en elle les secrets inaccessibles et inlassablement convoités de leur pureté.
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J'ai entrepris depuis quelques mois de découvrir les auteurs russes dits "classiques" car je n'en avais jamais lus auparavant.
J'ai commencé par une courte nouvelle de Dostoïevski et j'ai été enchantée. Je continue avec Tolstoï, et la magie continue.

Cette langue ! Même traduite, c'est magnifique, alors je me dis qu'en russe, ça doit être juste fabuleux...
Il est rare que j'aime les descriptions à répétition, et c'est pourtant ce que j'ai préféré dans ce livre ! Incroyable tout de même... A dire vrai, la Mongolie, les steppes, les mongols, ça fait partie d'un mythe (de l'histoire, je sais, mais pour moi c'est de l'histoire mythique) qui m'a toujours fascinée, au même titre que l'Egypte ancienne. Donc ce livre tombait à pic, les cosaques étant, dans mon esprit, les héritiers des mongols, et d'après les descriptions de Tolstoï, je ne suis pas très loin de la réalité.
Il n'est pas trop long (il est difficile de trouver du Tolstoï qui ne soit pas "pavesque", et lire un pavé d'un auteur que je ne connais pas, très peu pour moi !), et j'ai pu donc m'y plonger sans hésitation.

Oups, je me rends compte que j'ai hérité la tendance de Tolstoï à faire des phrases interminables, je dois tout réécrire en coupant ! Mdr !

Ma version contient une notice à la fin, sur la vie de Tolstoï et l'épisode qui a donné lieu à ce roman, ses 3 ans de "cosaquerie". Il est très autobiographique donc, et ça se sent, ses personnages sont tangibles, vivants, Erochka étant mon préféré ! Marion, malgré les descriptions enthousiastes de son côté naturel, solide et travailleur, m'a parue très "fille", bien plus que ce à quoi je m'attendais ! Je me doute bien que ça changeait Tolstoï des femmes poudrées qui ne faisaient rien de leurs dix doigts, ce qui l'a séduit, bien sûr, mais quand même, elle fait un brin caractérielle sur la fin du bouquin lol !

Ce livre nous montre un élan très romantique dans la démarche de Tolstoï/Olenine qui part sur un coup de tête, quittant sa vie facile d'aristocrate russe pour devenir "junker" (élève-officier) dans l'armée russe qui appuie les cosaques livrant batailles aux tchétchènes (appelés ici "montagnards ou abrek").

Et Tolstoï est envouté par ces paysages grandioses (déjà que ça fait un moment que j'ai envie d'y aller voir, il n'a pas arrangé les choses pour moi, là, mdr !), qui l'inspirent, le transportent, lui donnent un désir mystique. Il y a pourtant la dureté et la violence du monde cosaque, même si j'ai trouvé que c'était assez édulcoré par Tolstoï, qui, finalement, semble fuir pas mal ce côté "guerre" pour se consacrer à la chasse et à la nature, et ensuite à l'amour, même s'il rêve de "croix de guerre" et de devenir officier (il se sent obligé de participer aux raids, mais pas du tout de gaieté de coeur, contrairement à Lucas, "vrai" cosaque sanguinaire et voleur), la contradiction ne semble pas le déranger, lol...

C'est très humain comme texte, on reste un peu sur un goût d'inachevé quand il part, à la fin, mais c'est ça, la vraie vie, et Tolstoï est assez lucide sur lui-même et sur tout ce qu'il a vécu chez les cosaques. L'herbe paraît toujours plus verte ailleurs, on aimerait "y être né", dans cet ailleurs, mais si on y était né, on ne serait pas qui on est. On n'obtient pas toujours ce qu'on veut, et l'amour ne suffit pas, contrairement à ce qu'il écrit à un moment. Il part en s'en étant rendu compte, en ayant beaucoup grandi...


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Voici un formidable roman littéraire, historique et humain... Tout comme dans « Enfance, Adolescence, Jeunesse », Lev Nikolaïevitch (dit Léon) tolstoï écrit une autobiographie romancée. C'est sa vie qu'il commente en parallèle à son journal intime qu'il tiendra jusqu'à la fin. Quelle écriture ! Limpide, fluide tout comme la vie captée au plus près des personnages qui évoluent ici. Il s'agit d'un texte court de 255 pages possédant bien des attraits dont celui de pouvoir en faire une relecture plus facilement que le célèbre « Anna Karénine » (1 000 pages en folio) ou « Guerre et paix » (2 tomes et plus de 2 000 pages). Un écrit de jeunesse par un homme qui deviendra un monument incontournable de la littérature russe et mondiale. Un destin hors du commun ! Jugez-en ! En 1847, à dix-neuf ans à peine, il décide d'abandonner ses études de droit pour vivre de ses rentes dans le domaine familial dont il est maintenant le propriétaire – il avait deux ans à la mort de sa mère et neuf ans à celle de son père. A vingt-trois ans, pour fuir une vie d'ennui et rechercher l'authenticité d'une vie nouvelle en pleine nature, il accompagne son frère lieutenant au Caucase, avec un statut de demi-civil avant de devenir junker (élève-officier). Il y séjournera trois ans.

Peu de romans atteignent la force absolue que possède ceux de tolstoï. Peu de personnages littéraires me sont restés à ce point en mémoire : peut-être Sophie dans « le choix de Sophie » de William Styron ou bien Ivitch dans « Les chemins de la liberté » de Jean-Paul Sartre, ou encore Rosario dans « le partage des eaux » de Alejo Carpentier.

Ici la plupart des personnages entrent en résonance avec des mythes, des fantasmes qui les rendent universels. D'Olenine – double de l'auteur –, à Marion – dont il a été amoureux, belle caucasienne évoquant Carmen de Prosper Mérimée –, de Lucas l'intrépide cosaque à Erochka – copié sur « une figure locale » selon le Journal de tolstoï, que d'images et de vie (rehaussées encore par les impressions recueillies en Géorgie où j'ai eu l'occasion de séjourner). Les rapports D'Olenine et son ordonnance Jeannot reproduisent la situation de tolstoï et le serf domestique emmené pour le servir au Caucase, assez lettré pour recopier ses brouillons mais qu'il fit renvoyer (cela rappelle Montaigne et son serviteur à qui il fait écrire la première partie de son « Journal de voyage ».)
L'action se déroule sur le fleuve Terek dans le Caucase, au nord de la chaine du Grand Caucase avec ses sommets impressionnants de plus de 5 000 m, entre la mer Noire et la mer Caspienne. tolstoï s'immerge dans la nature, qu'il décrit merveilleusement.

Les personnages sont parfaitement décrits, le talent de l'auteur arrive à restituer et à nous faire vivre des scènes inoubliables : par exemple la scène du départ d'Olenine en traîneau dans la neige, la scène aussi de Lucas tuant un abrek (rebelle au colonisateur russe), la scène de chasse en forêt avec Erochka et Olenine, les scènes entre Olenine et Marion toutes oniriques rejoignant le « ça y est enfin, c'est elle ! » de son premier livre « Enfance, Adolescence, Jeunesse » dont il constitue une suite passionnante.

A travers les personnages et les dialogues, l'auteur exprime ses idées sur la société de son temps, sur la guerre, la religion. Des idées qui vont participer à bien des évolutions futures en Russie.

Léon Tolstoï est né en 1828 (mort en 1910). A la fois prophète et grand artiste, grand propriétaire, comte et opposé au servage – il a voulu affranchir et donner des terres à ses serfs sur sa vaste propriété cinq ans avant l'abolition du servage en 1861–, « poète de sa vie » comme l'avait nommé Stéphan Zweig. Un personnage multiple, d'une grande modernité. Vivant à une époque où la Russie sortait tout juste d'une période très francophile. Il a été influencé par la civilisation occidentale et est à la fois resté très critique vis-à-vis d'elle.

En marge de l'oeuvre, aujourd'hui : C'est un chef d'oeuvre classique qui nous fait voyager dans des contrées lointaines, dans une nature vierge avec une belle histoire d'amour et de l'action. C'est déjà passionnant mais c'est plus que cela ! tolstoï nous donne accès, indirectement bien sûr, à la géopolitique d'une région du monde toujours autant convoitée et instable. le Caucase du nord, appelé Ciscaucasie, a été conquis par la Russie au XIXe siècle après une guerre interminable de 47 ans, entre 1817 et 1864. Il abrite des populations très diverses qui cohabitent ou pas...

La désintégration de l'empire ottoman à la suite de la première guerre mondiale, puis de l'Union Soviétique après la chute du mur de Berlin laisse une région du Caucase exposée à tous les dangers. Malheur aux petits Etats situés au carrefour de la Turquie, de la Russie et du Moyen Orient, avec en voisin l'inquiétant Erdogan – mais il n'est pas seul dans cette volonté de reconquête –, courtisé en plus par l'Europe pour faire tampon avec les mouvements de migration du Moyen orient. Les récentes guerres de Tchétchénie, trouvent des racines dans les génocides et exodes liés à la guerre du Caucase. Et l'histoire se répète avec la guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan pour la possession du Nagorny Karabakh. Les peuples (en premier arméniens, tchétchènes...) de cette multitude de petits Etats du Caucase font les frais de ces guerres incessantes avec génocide et exil massif, souvent pilotées de l'extérieur, dangereuses car risquant de déboucher sur un conflit de plus grande ampleur encore !
Un livre à lire et relire pour toutes ces raisons, sans avoir peur des termes spécifiques, enrichissant le texte, dont on peut facilement trouver la signification dans les précieuses notes. tolstoï utilise une langue composite incluant des termes caucasiens, des expressions françaises, illustrant ainsi parfaitement ce carrefour de civilisations.

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Avez-vous déjà eu envie de tout plaquer, partir pour une vie rude et simple, retrouver le rythme primitif des origines ? Allez donc vivre comme les cosaques
Sur un coup de tête ! C'est ce que fait Olénine (le Tolstoï de papier), à l'occasion d'une campagne militaire contre d'insaisissables rebelles Tchétchènes.

Et comme tous les paradis, celui-ci ne sera accessible que pour mieux se perdre. En dépit de toute sa volonté de tomber la veste du civilisé pour rejoindre les cosaques, le sang d'Olénine ne peut mentir, il ne deviendra jamais un vrai Djigit. C'est le roman de cette perte. Olénine au lieu d'être révélé à lui-même, sera au contraire amené à prendre conscience de qui il n'est pas.

Reste le souvenir d'une aventure qui s'abîme peu à peu au contact de la guerre; cruelle mangeuse de frères de quel bord que l'on soit.

Allez-y les yeux fermés c'est un très beau roman
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Les Cosaques

On a dit beaucoup de choses déjà sur les Cosaques, que puis-je rajouter de plus. Ici un beau billet a été fait tout récemment, et j'aurais mauvaise grâce à m'essayer à mon tour. J'ai moi-même déjà voici un an cité la rencontre magnifique d'Olenine avec la cosaque Marion que je trouve sublime : " Avec la curiosité de la jeunesse , il remarqua malgré lui les formes vigoureuses et virginales qui se dessinaient sous la fine toile, ainsi que les beaux yeux noirs fixés sur lui avec un effroi enfantin et une sauvage curiosité", et il est clair que dans cette rencontre le jeune Tolstoï semblant tout intimidé devant l'amour comme une première fois y voit beauté sauvage et altérité et confond même cette beauté sauvage et cette altérité avec le pays qu'il découvre en 1851, le Caucase et son charme des montagnes, étant militaire de son état parti rejoindre son grand frère Nicolas alors officier qui l'a enjoint de le suivre vu la vie dissolue qu'il menait à Moscou.

Je ne puis y aborder que des aspects périphériques. D'abord, ce n'est pas son premier roman, il a déjà commis Enfance, de la trilogie magnifique Enfance, Adolescence, Jeunesse, et ma foi je ne peux qu'en encourager le lecture à celui qui ne sait pas trop par où entamer Tolstoï, puisque je suis moi-même passé par là et je suis encore à ce jour dans la marmite. Et pas plus Enfance est son premier texte puisque Histoire de la veille l'a précédé ..

Tolstoï a éprouvé quelques difficultés à achever ce roman, il lui semblait que la multiple dernière mouture n'était pas la bonne et ce n'est qu'en 1862 que fut publiée cette oeuvre. Un peu plus tard, de ses amitiés américaines qui vont favoriser la percée, trois romans de Tolstoï vont défrayer l'Amérique : Guerre et paix, Anna Karénine et donc Les Cosaques. Pas comme en France où un certain nombre de bégueules prétendument experts dans la société bienpensante et hypocrite vont faire la fine bouche à cette nouvelle littérature venue des frimas. Il faudra attendre vraiment le coup de main de Tourgueniev qui considérait Tolstoï comme le nouveau maître de la littérature russe, celui que toute la Russie attendait comme le Messie pour que non seulement Tolstoï mais le tsunami littéraire russe pénètre sur le sol français.

1862, c'est l'année où Tolstoï fonde son foyer, se marie avec Sophie et qui va lui permettre pendant quinze, vingt années de félicité, de réaliser ses chefs d'oeuvre. Alors cette oeuvre on la retrouve naturellement chez Bienstock au début du siècle, puis chez Gallimard au sortir de la guerre traduite par Pierre Pascal et en poche en 1965 avec la préface de Boris de Shloezer, et la traduction du même nom plus récemment dans l'édition présente qui est la plus aboutie, la plus éclairée. Entre temps, il y a cette traduction, et bien d'autres, chez Albon de Yacha Zwizagora qui comporte une préface de 25 pages fort intéressantes d' Edouart Krakowski.

Alors que trouve-t-on d'intéressant dans ces préfaces qui ont tendance à disparaître aujourd'hui qui étaient précieuses, mais vu les nanars qui paraissent, ça fait un peu prétentieux d'être préfacé, encore faut-il qu'il y ait du contenu. Mais j'en conviens, une préface n'est absolument pas indispensable, en catalogue de beaux-arts c'est absolument dramatique. Quand elle est faite par un pair de renom c'est souvent remarquable et se justifie, quand c'est fait par un tâcheron comme on a tendance à considérer un préfacier aujourd'hui, c'est variable voire faible. Mais j'en prends toujours mon parti. Boris de Schloezer nous apprend ou nous rappelle que Tolstoï avant de partir pour le Caucase était criblé de dettes et avait même joué sa montre. Ca me rappelle que Dostoïevski avait joué l'alliance de sa jeune femme en Suisse. C'est donc en slip qu'il a fait toute la route pour aller s'habiller à bon port en junker. BdeS nous précise que son protégé rejoint ainsi Pouchkine et Lermontov. On peut ajouter que Soljenitsyne est passé par là bien après en quasi-voisin sur les traces de Lermontov. Les Cosaques ont un caractère autobiographie : Olénine, c'est un peu lui, et qu'il a eu réellement une fiancée cosaque : Maremka avec laquelle il a songé s'installer à Starogladovskaïa (Caucase), un nom à coucher dehors, que le fidèle Erochka n'est autre comme deux gouttes d'eau qu'un ami vieux chasseur qui s'appelait Iepichka ..Il transpose tout son vécu au Caucase sur le plan de l'art et n'en perd pas une miette. Sa littérature est abondante et au demeurant cent fois moins connue que ses chefs d'oeuvre universels, alors qu'elle est intéressante au même degré. Mystère de la vie des oeuvres ?.. Tourgueniev et Gide considèrent les Cosaques au même titre qu'un grand roman de la maturité .. A ce stade, je ne peux pas ne pas citer BdeS tellement c'est juste et bien dit : " voir citation à suivre"

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Les Conscrits. Léon Tolstoï

Petite nouvelle vivante dont on se pique de curiosité dès l'ouverture : scènes liées à la conscription dans un village russe sous Alexandre II il me semble où cinq jeunes hommes sont désignés pour être enrôlés dans l'armée pour une durée cyniquement excessive qui est un véritable coup de massue . Ce texte fait écho à mon billet du même jour sur Soloviev qui n'a pas conçu en amont dans ses textes sur la guerre les drames qui se jouaient dans les villages, réservoirs à soldats ..

Ici on assiste à la dernière visite dans chaque foyer des conscrits avant le départ pour le chef lieu de canton. Tout le village est là. Cela se passe en musique qui semble couvrir le déchirement et les pleurs des mères et des soeurs concernées et puis d'un seul coup le temps se fige quand l'attelage se met en branle. Les jeunes hommes refusent de s'enivrer pour affronter l'épreuve qui les attend avec dignité et courage. Les pères aussi sont terrassés, sachant que la fardeau sera encore plus lourd à porter pour assurer la subsistance du foyer .. C'est vraiment dur à supporter !

On sait que cette scène se multiplie dans quantité de villages russes et que beaucoup de conscrits ne reviendront pas, ou quand ils reviendront, ils seront méconnaissables, défigurés par la longue épreuve militaire, éprouvés par la dureté du régime et les guerres. La fatalité s'empare des populations .. J'ai adoré ce passage où l'auteur fait le portrait aguichant d'une jeune et belle femme dont on se demande ce qu'elle fait au milieu de cette galère avec des airs de bourgeoise venant de la ville d'à côté : elle n'est autre que la femme d'un des cinq malheureux enrôlés. Et le plus fort est ce qui n'est pas dit, mais fortement suggéré : elle ne restera pas longtemps seule à attendre un hypothétique retour de son mari 25 ans après, si tant est qu'une mauvaise nouvelle ne vienne abréger le cours des choses. C'est avec empathie bien sûr qu'on ne peut que lui souhaiter de voir ailleurs sans plus attendre. C'est du grand art ! (Voir citation)

Tolstoï agit ici comme un voyeur : il a entendu la veille à propos d'un village voisin où cinq jeunes gens provoquèrent un vacarme qui semblait dépasser les limites .. et accourt sur les lieux pour voir de visu ce qui se passe. le narrateur qui n'est autre que l'auteur selon toute vraisemblance semble hébété par ce à quoi il assiste. Il dit "Instantanément, tout mon être fut saisi d'effroi à la pensée de ce qui venait de se passer au cours de cette matinée brumeuse. Toutes les impressions diffuses, incompréhensibles et étranges, s'unissaient maintenant en un tout, éclairé par l'horrible réalité. Une honte subite me prit d'avoir considéré cela comme un spectacle intéressant. Je m'arrêtai. Et je retournai chez moi avec la conscience d'avoir accompli une mauvaise action".

Vibrant témoignage, simple et péremptoire, écrit avec une sobriété efficace, à la Tolstoï, ai-je envie de dire comme une petite histoire à raconter, si lourde de sens, en faveur de ce pauvre peuple. Je ne vois pas d'autre plume écrire si bien.. ce psychodrame qui se joue dans cette Russie rurale sous Alexandre II et qu'il est impérieux de rapporter.
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"Comme j'étais exigeant pour moi-même, comme je cherchais loin et ne me suis rien procuré que honte et chagrin! Et pourtant, je le vois, je n'ai besoin de rien pour mon bonheur!"

Après Hadji Mourat, je reprends enfin le cours des lectures de Tolstoï avec Les Cosaques.

On y suit ici Olénine, qui n'est autre que Tolstoï lui même, engagé (volontaire) avec l'armée Russe au Caucase, zone longtemps aux prises avec les Tchétchènes.

Pourtant ce roman a une aura toute autre que celle de la guerre, ses crimes et ses inquiétudes.
Ce roman semble plus introspectif, et quelquepart plus optimiste.

Tolstoï sort des cercles de l'aristocratie et découvre la culture cosaque, en presque autarcie, vivant de sa chasse, de sa pêche et de sa culture, bataillant avec les tchétchènes non pas pour leurs territoires mais pour assurer leur survie.

Durant cette année, Tolstoï se mèlera aux cosaques et sera charmé par leur culture, et par les aspects d'une vie plus simple, dont la Russie aurait besoin selon lui.

Il voudra trouver pour épouse une cosaque pour s'implanter durablement dans ce village, mais il apprendra qu'être russe ne rend pas la tâche si simple.

Si la culture Cosaque ne l'a pas adopté, elle semble en revanche lui avoir donné un idéal de la vie, sans contraintes ni attaches.
Une liberté absolue, d'hommes conscients et reconnaissants de ce que leur donne Dieu pour vivre, et conscients des sacrifices que cela demande.

Un aspect que j'ai également perçu dans Hadji Mourat.

Une belle oeuvre qui m'ote la crainte de me lancer dans des romans plus longs de l'auteur, comme Résurrection ou La Guerre et la paix.
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Les Cosaques est le premier roman de Léon Tolstoï, publié juste avant Guerre et Paix. On en retrouve un des thèmes: la guerre. Comme son nom l'indique c'est l'histoire d'une jeune cosaque, c'est à dire un cavalier de l'armée russe.
Olénine est un jeune moscovite oisif. Il n'a pas achevé d'études, ne travaille pas, contracte des dettes au jeu, vit au dessus de ses maigres moyens en tentant de suivre le train de vie de la jeunesse huppée de la capitale de l'empire.
Un petit pécule lui tombe en quelque sorte dessus en même temps que de bonnes résolutions: romantique, il décide de se confronter à l'armée pour s'affirmer et devenir un homme bien. Il va en effet avoir l'occasion de prouver la force de ses engagements à la frontière, entouré de tchétchènes, de villageois(es) et d'autres militaires.
Les Cosaques est donc un roman de guerre, mais aussi (et surtout) d'initiation, où un jeune homme un peu désemparé et mal installé dans sa vie va avoir l'occasion de prouver à tous et surtout à lui même ce qu'il vaut vraiment, ce qu'il a dans le ventre ; mais aussi un livre où la nature est bien présente, où les paysages ont un rôle à part entière et où l'amour bien sûr, surgit au détour d'une hutte caucasienne.
Un cruel dilemme amour/amitié en sera le corolaire malheureux dans une peinture psychologique comme sait si bien en faire l'auteur russe.

Un premier roman parfaitement maîtrisé donc, où la stature de Tolstoï comme grand écrivain de son temps s'affirme tout de suite. le roman se lit d'un souffle, d'une cavalcade dans la steppe et à travers le fleuve.
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Court roman de Tolstoï, les Cosaques est souvent présenté comme autobiographique : tel Olénine, le jeune Tolstoï fut lui aussi affecté en Sibérie, au sein des Cosaques.
Avec une plume subtile et délicate, Tolstoï nous fait découvrir les splendides paysages sauvages de Russie, et les peuples qui l'habitent; Olénine, un jeune russe, est affecté dans un village Cosaque, peuple fier et connaisseur des montagnes.
La vie que l'on nous présente semble tellement loin des affres et des complications de la nôtre propre qu'il est difficile de résister à ces territoires lointains, le roman nous emporte sans possible retour.
Un texte que j'ai trouvé magnifique, et une histoire à la hauteur d'un écrivain que l'on ne présente plus; ce livre m'a profondément marquée.
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L'exposition est certes un peu longue, mais cela permet à l'auteur de décrire les moeurs cosaques avec précision, et une fin prompte, énigmatique et inattendue vient rehausser l'intérêt du roman. L'intrigue centrale se noue autour d'un triangle amoureux entre Olenine, un riche officier russe en garnison dans le Caucase, Lucas, un cavalier cosaque courageux et très apprécié des siens, et Marion, la fille de la logeuse d'Olenine. L'oncle Erochka, très attachant, ne manque pas de pittoresque. L'écriture de Tolstoï est efficace tout en restant raffinée.
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